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04/05/2022

"L’agression russe contre l’Ukraine fait ressurgir l’axe populiste de 2018 entre le M5S et la Ligue."

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Italie. Revue de presse. 

Le discours du Président du Conseil Mario Draghi devant le Parlement Européen à Strasbourg sur l'avenir de l'Europe et la guerre en Ukraine fait les gros titres des quotidiens italiens. L’échange téléphonique entre le Président E. Macron et son homologue V. Poutine est aussi largement cité. Les commentaires soulignent que le moment serait venu d’une « relance de l'Europe », grâce à une entente entre Paris, Berlin et Rome pour revoir le Pacte de Stabilité, et jugent que la position du Kremlin « n’a pas bougé » sur un cessez-le-feu en Ukraine, malgré l’appel du Président français. « Draghi et Macron appellent à la trêve » - Au Parlement Européen, le Président du Conseil demande un cessez-le-feu immédiat en Ukraine. Le leader français s'entretient téléphoniquement avec Poutine pendant deux heures (Corriere della Sera), « Voici l'Europe qu'il faut rebâtir » - Au Parlement Européen, Draghi plaide pour un fédéralisme pragmatique, allant de l'économie à l'énergie en passant par la sécurité. Un appel téléphonique entre Poutine et Macron a eu lieu hier (La Repubblica), « La doctrine de Draghi pour l'Europe » - L'Italie demande à modifier les traités et de mettre fin au principe de l'unanimité. Poutine demande à Macron de cesser d'armer Kiev (Stampa), « Draghi à l'UE : il faut mettre fin à l'unanimité » (Sole 24 Ore), « L'embargo sur le pétrole russe commencera dès janvier » - Le sixième paquet de sanctions prévoit une réduction graduelle ; la Hongrie et la Slovaquie auraient des dérogations (Il Messaggero).

PREMIER PLAN, La Repubblica, T. Ciriaco : « Draghi secoue l’Europe : ‘’Il faut plus de fédéralisme et revoir les traités’’ » : « L’Union Européenne que le Premier ministre tente d’esquisser est ambitieuse, courageuse, peut-être même trop fédérale pour être vraie. Comme Macron, l’ex-banquier propose une révolution : pour construire, il faut d’abord démolir, sans être timide. « Les institutions européennes dans les dernières décennies ont bien servi les citoyens, mais elles sont inadéquates pour la réalité d’aujourd’hui ». Le premier pilier de la stratégie proposée par Draghi est celui de la défense commune : il faut immédiatement mettre en œuvre la « boussole stratégique » et « convoquer une conférence pour rationaliser et optimiser les investissements militaires » qui, parce qu’ils sont fragmentés, sont inefficaces. Les autres pré-conditions sont « une politique étrangère unitaire et des mécanismes décisionnels efficaces ». Sur l’énergie, Draghi insiste avant tout sur le plafonnement européen du prix du gaz « pour réduire les coûts exorbitants et diminuer les sommes que nous envoyons chaque jour à Poutine ». De manière plus générale, il faut adopter une approche européenne, pour ne pas laisser « l’Europe sombrer dans la récession ». Les mesures d’urgence ne suffisent pas : « le problème est systémique et doit être résolu par des mesures structurelles, qui dénouent le lien entre le prix du gaz et celui de l’électricité ». Sur la dette, Draghi demande à Bruxelles de recourir aux mesures de protection déjà mise en œuvre durant la pandémie et de relancer la dette et les prêts communs. Draghi trace également l’’hypothèse d’un plan de grande ampleur inspiré du Next Generation EU. Sur le modèle du Pnrr, il servirait à financer les secteurs de la défense, de l’énergie, de la sécurité alimentaire et industrielle. En somme, Draghi évoque une Europe capable de gérer les grandes crises – et cela vaut également pour la réforme sur les migrations, pour laquelle « la logique du Traité de Dublin » devrait être dépassée. Changer les Traités est une possibilité qui doit être explorée. L’autre nécessité est celle de « dépasser le principe de l’unanimité » et de « s’acheminer vers un système de prise de décisions à la majorité qualifiée ». C’est uniquement de cette façon que pourra naître une Union largement fédéraliste. » 

PREMIER PLAN, La Repubblica, d’A. Ginori et T. Mastrobuoni, « Macron appelle Poutine et demande ‘’une trêve immédiate’’ ; un possible voyage à Moscou » : « Emmanuel Macron a tenté hier de renouer le dialogue mais le Kremlin s’est montré totalement fermé aux demandes de trêve et de cessez-le-feu. Les contacts entre les deux leaders avaient été interrompus suite à la découverte des massacres à Boucha, mais Macron reste convaincu que toute solution au conflit passera par la reprise des efforts diplomatiques, en étroite coordination avec les partenaires européens. Il semble toutefois que Poutine n’ait pas revu sa position d’un millimètre, tout en se disant ouvert au dialogue et en accusant à l’inverse l’Ukraine de ne pas être disposée à négocier. Il dénonce également l’Occident et son soutien à Kiev, en particulier la livraison d’armes. Or Paris est désormais alignée [avec ses alliés] sur l’envoi d’armes lourdes à l’Ukraine. Les diplomates français travaillent actuellement à une visite conjointe à Moscou avec le chancelier Olaf Scholz. Ce dernier abandonne pour le moment l’idée d’une visite à Kiev après l’affront fait par Volodymyr Zelensky au président allemand Steinmeier. La ministre allemande des Affaires étrangères pourrait bientôt se rendre à Kiev mais l’Allemagne semble être tombée dans la tourmente depuis que le chef de l’opposition a été accueilli hier à Kiev, où il a notamment été reçu par Zelensky. Aux yeux du monde il s’agit d’un nouvel affront fait à Scholz, et pas seulement de la part de son opposant politique. »

Article, La Stampa, F. Sforza « Macron tente à nouveau de convaincre Poutine mais ce dernier demande à ce qu’on cesse d’armer Kiev » : « E. Macron est le dirigeant européen à avoir passé le plus de temps à parler avec Poutine, et il le revendique ‘’Si nous ne parlons pas à la Russie, est-ce que nous augmenterions notre capacité à permettre la paix ? Non. Alors ne laissons pas ce travail à d’autres’’. Hier, pour la première fois depuis sa réélection, le président a repris le dialogue en cherchant de mettre de l’ordre dans une situation d’enlisement diplomatique total. Macron a mis la Russie face ses responsabilités en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU. Au-delà des contenus, la ligne de Macron se pose en Europe comme celle qui reste la plus déterminée à ne pas abandonner le dialogue, aussi afin de ne pas laisser cette fonction aux Turcs. Bien qu’atlantiste convaincu, Macron estime que Washington est trop loin de nous pour saisir l’enjeu de cette crise et les retombées politiques et économiques pour l’Europe. Le Président français, malgré les critiques venant des pays de l’Est, ne veut pas descendre du train de la négociation. Par ailleurs, après le discours animé de Johnson, le leader français veut éviter que la Russie ne se sente trop isolée et que sa dangerosité ne devienne encore plus imprévisible. Macron ne cache pas à son entourage que parler à Poutine est un exercice « ingrat » mais aussi nécessaire pour que l’UE soit maître de son destin, notamment dans la gestion de sa sécurité. »

ARTICLE, La Repubblica, « Blocus sur le pétrole, l’Europe se divise. Vers une dérogation pour les pays opposés à l’embargo » : « La Hongrie et la Slovaquie menacent d’opposer leur véto. Ce sont les pays les plus dépendants (jusqu’à 100% des approvisionnements en pétrole), et n’ayant pas de ports, ils ont des difficultés à se résoudre au GNL ; la commission propose alors un programme par étapes, une période de transition, en proposant que l’interdiction ne démarre qu’en 2023 avec une exception pour Budapest et Bratislava, avec un an supplémentaire pour ces pays. Mais ce choix pourrait conduire d’autres pays à réclamer aussi des dérogations, au risque de faire échouer l’efficacité de cette sanction.  Il y aura bien une entente, mais jusqu’à hier le mot véto était sûrement le plus employé. L’embargo sur le pétrole divise l’Union à un point inédit depuis ces trois derniers mois. Le moment de vérité pourrait avoir lieu aujourd’hui, déjà à l’occasion du Coreper, où l’on saura s’il faut encore quelques jours de réflexion avant le lancement du 6ème paquet de sanctions. La décision de Moscou de couper le  robinet à la Pologne et la Bulgarie a inquiété. Tous les pays doivent préparer un plan d’urgence si le  Kremlin leur réservait le même sort ».

ENTRETIEN, La Repubblica, de Pjotr Tolstoj, vice-président de la Douma, « L’armée russe ne s’arrêtera qu’une fois arrivée à la frontière polonaise » : « Pour Pjotr Tolstoj, « l’opération militaire spéciale » continuera de se poursuivre graduellement tant que la Russie l’estimera nécessaire. “L’opération s’arrêtera quand l’Ukraine sera totalement dénazifiée et démilitarisée, c’est-à-dire quand elle ne représentera plus une menace militaire pour la Russie et qu’il ne sera plus possible de la transformer en pays anti-russe comme l’Occident cherche à le faire depuis 30 ans. Le nazisme ukrainien est une idéologie fondée sur la haine de la Russie. La Russie a déployé son armée dans un temps de paix, nous n’avons pas lancé une mobilisation générale comme l’a fait l’Ukraine. Malgré les aides de l’Europe et l’hystérie de Boris Johnson ou de Mario Draghi, nous arrêterons cette opération quand nous jugerons que le moment est venu. Je pense que nous nous arrêterons à la frontière polonaise. La Pologne a une autre mission, celle de désintégrer l’UE de l’intérieur à notre demande (il rit). Blague à part, l’Allemagne, l’Italie et la plupart des pays de l’Est de l’Europe sont dans une situation de vulnérabilité après avoir lancé une guerre économique contre la Russie. L’augmentation des prix du gaz peut diviser la classe moyenne, qui est la base électorale des gouvernements occidentaux. L’UE pourrait connaitre le même sort que l’URSS. Nous avons eu trop confiance en nos partenaires occidentaux qui ont gelé nos réserves, mais l’Occident ne comprend pas que le consumérisme n’est pas la caractéristique principale des Russes, si le pays est agressé, l’augmentation des prix de quelques roubles n’est pas une tragédie. Les Russes font bloc, ils ne descendent pas dans la rue. La Russie est prête à payer un prix même dix fois plus élevé car cette tentative d’éliminer la Russie va échouer, car elle reste le plus grand pays au monde. Cette crise va conduire à la fin de l’hégémonie de l’idéologie occidentale. Imposez-nous même de nouvelles sanctions, à la fin c’est vous qui paierez. Les armes fournies par l’Occident, nous les bombardons avant même qu’elles ne soient remises aux Ukrainiens. Si la Finlande et la Suède adhèrent à l’Otan, elles auront nos missiles nucléaires à leurs frontières et ce ne sera pas notre problème. “» 

COMMENTAIRE, Corriere della Sera, de M. Franco, « Le conflit qui fait renaître l’ancien axe entre populistes » : « L’agression russe contre l’Ukraine fait ressurgir l’axe populiste de 2018 entre le Mouvement 5 Etoiles et la Ligue, en opposition à Mario Draghi au nom du refus de nouvelles aides militaires. Il est significatif que leurs positions ne semblent pas coordonnées mais mènent aux mêmes conclusions. On ne sait pas si elles sont seulement le reflet la veine anti-américaine, anti-européenne et philo-russe ou également d’une hostilité vis-à-vis du Palais Chigi. Derrière le soudain attachement à la paix de Salvini et celui de Conte au Parlement – qui oublie au passage la résolution approuvée en mars par la Chambre autorisant l’exécutif à fournir de l’aide militaire à l’Ukraine jusqu’en décembre - il se pourrait que la guerre de Poutine ne soit qu’un des leviers sur lesquels misent certaines forces de la majorité pour mettre Draghi en difficulté. Le risque est de faire remonter jusqu’à l’UE le manque de fiabilité de certaines forces de la coalition et de risquer une crise de gouvernement que seule la guerre semble encore contenir. » 

Article, La Stampa, A. Cuzzocrea « Draghi ne fait plus de remise aux 5 Etoiles et la possibilité d’élections anticipées en automne se concrétise de plus en plus » : « Ce n'est pas seulement l'irritation face à ce qu'il considère comme un faux problème qui a poussé l'ancien président de la BCE à faire - depuis Strasbourg - une autre déclaration qui a frappé au cœur de la communication du M5S. L'attaque contre le bonus pour renouveler les bâtiments n'est pas nouvelle. Ce qui a pesé sur les relations déjà tendues ces dernières heures, ce sont les déclarations du président du M5S sur l'envoi d'armes en Ukraine. Le Palais Chigi et le gouvernement expliquent que personne ne peut s'attendre à ce que Draghi fasse une nouvelle déclaration au Parlement. Cependant, la résolution adoptée en mars permet au gouvernement d'envoyer de l'aide à l'Ukraine, y compris de l'aide militaire, par le biais de décrets interministériels jusqu'au 31 décembre. Les 5 étoiles le savent, tout comme Matteo Salvini. Tant Conte que le secrétaire de la Ligue savent donc qu'ils tirent à blanc avec des déclarations qui tentent de capter un sentiment présent dans le pays, sans vouloir provoquer une véritable crise gouvernementale. Tous les sondages montrent que la majorité des Italiens sont très inquiets, mais qu'ils ne comprendraient pas une crise gouvernementale. Les Italiens sont effrayés, mais ils n'ont aucune envie de courir de risques. Pourtant, une idée très claire est en train de se frayer un chemin, au sein du Parlement : il est impossible d'arriver au printemps 2023 de cette manière. Un autre ministre a expliqué qu' "en octobre, il y aura un recensement, et immédiatement après, toutes les circonscriptions électorales devront être redessinées, donc il y a un risque de voter en mai". Draghi n’a aucune intention de se laisser user. Il doit défendre sa réputation, également au niveau européen, et pour cette raison, il ne peut pas céder aux batailles identitaires qu'il considère comme nuisibles : le drapeau anti-Bolkenstein pour défendre les bénéficiaires des concessions balnéaires du centre-droit et celui d'un Mouvement que mêmes les alliés du PD considèrent comme trop ambigu par rapport à l'invasion russe en Ukraine. Ainsi, la rumeur qui se fait de plus en plus insistante parmi les représentants du gouvernement est que le Président du Conseil a demandé au ministre de l'Economie Daniele Franco d'anticiper la loi de finances afin qu'elle soit prête cet été. Ce serait là la condition qui permettrait à Sergio Mattarella de décider des élections au milieu de l'automne. »

(Traduction : ambassade de France à Rome)

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