08/02/2023
"La vérité sur les années 20 et 30, passée sous silence par la Présidente du Conseil."
Italie. Revue de presse.
La presse italienne titre encore largement sur le séisme en Turquie et en Syrie et notamment sur la polémique autour des retards pour les secours : « Des voix sous les décombres » - Des dizaines de milliers de secouristes s’activent dans le froid. Un technicien italien est porté disparu. Le bilan s’alourdit avec environ 7 000 victimes (Corriere della Sera), « Le temps de la colère » - Les retards sur les secours d’Ankara et les maisons bâties avec des matériaux de mauvaise qualité provoquent la colère des sinistrés. Alep isolée du monde par volonté d’Assad qui bloque les secours internationaux (La Repubblica), « La vie sous les décombres » (La Stampa). L’ouverture du festival de la chanson italienne à Sanremo est aussi citée avec large couverture photographique, les quotidiens rapportant notamment la présence du Chef de l’Etat et le discours d’ouverture de l’acteur Roberto Benigni « Sanremo célèbre la Constitution avec Mattarella » (Corriere), « Benigni récite la Constitution antifasciste à Mattarella » (La Repubblica), « L’hymne à la liberté [de Benigni]» (La Stampa), « Sanremo, ovation pour Mattarella » (Il Messaggero), « Le chaos de Sanremo » - La présence de Mattarella devient une affaire, les conseillers de la Rai n’étaient pas informés. Encore un impair après l’affaire Zelensky (Il Giornale).
COMMENTAIRE, Corriere della Sera, M. Franco « Une majorité rassurée par des adversaires qui avancent en ordre dispersé » : « La majorité est en proie à des tensions sourdes qui s’intensifient à l’approche des élections régionales de dimanche et lundi. Dans le même temps, la défaite de la gauche, en Lombardie et dans le Latium, est vue comme inévitable, puisque les partis de l’opposition se présentent en ordre dispersé. Les tentatives de dernière minute par le PD et le M5S de proposer une « trêve » entre eux ont échoué après le « non » du dirigeant 5 Etoiles Giuseppe Conte, qui a posé comme condition que les électeurs du PD votent pour sa candidate, soit exactement le contraire de ce qu’on lui proposait. Conte a pu compter sur le soutien de Beppe Grillo, qui a déclaré que ‘’le vote utile est utile pour l’idiot utile’’. On assiste ainsi à la confirmation d’un Mouvement 5 Etoiles qui préfère la défaite du bloc progressiste à l’idée d’une alliance. Il est assez logique que Conte préfère attendre sur toute négociation sur les alliances au niveau national. Il veut attendre non seulement de voir le résultat des élections régionales mais aussi suivre les résultats du congrès du PD qui donnera un successeur à Enrico Letta, car les manœuvres de scission vont de l’avant. Conte ne parie pas sur une stabilisation du parti démocrate de l’après-Letta et mise au contraire sur une intensification des querelles internes pour en tirer profit et récupérer une partie de ses électeurs. Il veut aussi radicaliser son opposition au gouvernement de Meloni. Et sa querelle à distance avec Calenda et Renzi d’Azione-Italia Viva lui est utile pour gagner en popularité auprès des membres du PD qui rêvent d’un retour de l’alliance avec le M5S. »
COMMENTAIRE, La Repubblica, de S. Cappellini, « La vérité sur les années 20 et 30, passée sous silence par la Présidente du Conseil » : « Il aura fallu l’intervention du Président de la République Sergio Mattarella au festival de musique de Sanremmo et celle de l’acteur Roberto Benigni sur les valeurs de la Constitution italienne, pour entendre les mots que Giorgia Meloni n’a pas prononcés lors de son investiture en tant que Présidente du Conseil sur la double-décennie fasciste. Des mots qui, du reste, ne risquaient pas de venir de la part de celui qui occupe la deuxième plus haute fonction de l’Etat italien, le président du Sénat Ignazio La Russa. Il n’y a pas si longtemps, lors d’un événement public alors que quelqu’un lui avait lancé un ‘’fasciste !’’, ce dernier avait eu la bonne idée de répondre ‘’doucement avec les compliments’’. Roberto Benigni est parti de l’article 21 sur la liberté d’expression et de pensée au regard de l’histoire nationale, pour montrer comment une liberté que nous donnons trop souvent pour acquise a en réalité été arrachée et conquise après des années sombres, de violence perpétrée par l’Etat, de répression et de meurtre. Le fascisme raconté tel qu’il était, en première partie de soirée, en ouverture du festival regardé par des millions d’Italiens. Un discours qui visait directement Meloni, son gouvernement et sa majorité qui s’agacent lorsqu’on évoque ces origines. Ils soufflent, protestent, ironisent, comme si un culte nostalgique du fascisme ou sa vision partielle et distordue était moins grave que de vouloir le rétablir (ce dont personne n’accuse la Présidente du Conseil, rappelle-t-on pour les “durs à la comprenette“). Même lorsque Meloni a fondu en larmes lors des commémorations pour les lois raciales adoptées par le régime fasciste, il manquait un pan de l’histoire, car elle réagissait comme s’il s’agissait d’un accident de parcours ou d’un écart imprévisible. Comme si ces lois ne dérivaient pas de l’essence profondément raciste et violente et va-t-en guerre et charognarde du fascisme. Le discours du célèbre acteur ne va pas régler les problèmes des Italiens – du reste c’est au gouvernement de le faire – mais que c’est bon de savoir que dans l’Italie de Meloni, on peut encore parler du fascisme comme il a réellement été. »
ARTICLE, La Repubblica, T. Ciriaco et A. Ginori « Macron ne soutient pas Meloni sur l’idée d’une nouvelle dette européenne » - Le Président s’aligne sur Scholz et bloque l’hypothèse de notre gouvernement : « Ce ne sera pas le soutien de Paris qui sauvera la mission de G. Meloni au Conseil Européen de Bruxelles. Ce ne sera pas E. Macron qui donnera un coup de main aux demandes italiennes, après l’échec de la rencontre à Berlin de Meloni avec le Chancelier Scholz. Lors de l’entretien téléphonique de lundi soir, le président français a rejeté la proposition d’une nouvelle dette commune. En fait, il la considère non réalisable, du moins en ce moment. C’est une nouvelle douche froide pouvant éloigner l’idée d’un fonds européen que l’Italie demande pour amortir l’effet de distorsion de l’assouplissement des règles sur les aides d’Etat qui favorise notamment l’Allemagne. Si on ne peut pas parler d’isolement, on n’en est pas loin. Quand les intérêts nationaux peu convaincants déterminent les dynamiques européennes, ce sont surtout les pays les plus exposés aux marchés et les plus endettés qui sont pénalisés. Ce que Meloni a obtenu de son entretien de Macron est la promesse d’un soutien (par ailleurs assez vague) à la flexibilité réclamée par Rome sur le recours aux fonds non employés du PNRR et des fonds de cohésion. Mais la lourde contrepartie est justement le feu vert aux aides d’Etat. Sur les migrants non plus, le projet du gouvernement de Rome ne rencontre pas les faveurs de Paris. Le président français ne voit pas favorablement un mécanisme pénalisant sur les accords commerciaux pour les pays ne collaborant pas à la gestion des flux, que Meloni aurait proposé. Quant à Berlin, Meloni a pu constater de la froideur sous les airs de courtoisie diplomatique : Scholz lui a expliqué que le fonds souverain ne sera pas mis en place, et qu’on n’a pas besoin d’un fonds ressemblant au PNRR qui par ailleurs existe déjà. L’entretien téléphonique avec Macron représentait donc la dernière carte de la Présidente du Conseil. Il est clair que la France a fait son choix, et que ce choix n’est pas l’Italie. La mission à Washington des deux ministres franco-allemands montre la volonté des deux économies les plus fortes de vouloir faire seules. La relation privilégiée entre Draghi et Macron n’est qu’un souvenir fané. »
ARTICLE, Messaggero, G. Rosana, « Voitures, l’UE fait pression sur Biden. Entente entre Urso et Breton sur les aides » : « A la veille du sommet des dirigeants européens, l’Italie reçoit des signaux favorables sur la politique industrielle de la part de la Commission et du Conseil. Après un nombre impressionnant d’entretiens avec ses homologues de toute l’Europe, le ministre des Entreprises et du Made en Italie, Adolfo Urso, a rencontré hier le commissaire européen à l’Industrie et au Marché intérieur, Thierry Breton, principal rédacteur d’un plan européen pour les entreprises vertes, qui s’appuie sur un assouplissement des contraintes encadrant les aides d’État, mais aussi sur de nouveaux financements communs. Selon le ministre italien, il y a "une entente totale sur la stratégie. La rencontre avec Breton et celle avec la présidence suédoise du conseil nous ont confirmé dans notre voie pour apporter une réponse non seulement à l’IRA américain, mais avant tout au défi global posé par la Chine, et plus généralement l’Asie." L’entente porte sur le fait que la révision des aides d’État ne doive pas être un "ouvrez les vannes", sur la nécessité de souplesse dans l’utilisation des ressources de l’UE, et plus généralement, et sur l’idée d’une "architecture financière" comprenant un fonds souverain européen. Ce qui correspond à la proposition du plan exposée il y a une semaine par la Commission. Mais aujourd’hui un nouvel endettement commun suscite peu d’enthousiasme chez la majeure partie des gouvernements, frugaux en tête. Il y aura un duel sur ce point au sommet des chefs d’État et de gouvernement, qui commence demain. Hier en mission aux Etats-Unis, le tandem franco-allemand des ministres de l’Economie Bruno Le Maire et Robert Habeck a rencontré ses homologues américains. "On ne peut pas construire une industrie américaine forte aux frais des pays européens", a dit Le Maire. Les Européens savent que l’IRA ne peut pas être changée, mais elle peut être amortie avec de nouvelles interprétations, comme celle qui étend aux entreprises européennes les crédits d’impôt pour les voitures électriques d’entreprise en crédit-bail. Mais il semble que les Etats-Unis jouent double jeu : d’une part Washington semble faire des concessions à l’Europe, mais de l’autre elle étend les catégories de véhicules qui peuvent bénéficier des avantages fiscaux. »
ANALYSE, Stampa, A. De Nicola, « L’incertitude de Meloni éloigne la France et l’Allemagne » : « Le 26 novembre 2021, l’Italie et la France ont signé le traité du Quirinal, qui a été examiné avec beaucoup d’intérêt, en tant que signe précurseur d’une Europe plus équilibrée, dont le moteur a jusqu’ici toujours été l’entente franco-allemande, depuis le Traité de l’Élysée de 1963. Or, la France et l’Italie sont deux pays cousins, qui partagent de solides liens historiques, culturels, et aussi économiques. Et les intérêts stratégiques se sont encore rapprochés suite à l’invasion russe de l’Ukraine, et ce malgré les récentes oppositions sur la Libye ou les escarmouches sur l’immigration. Le traité vise à instaurer un partenariat étroit entre les deux nations dans divers secteurs : défense, éducation, culture, environnement, universités, sécurité, affaires étrangères. Rome et Paris devront se montrer toujours plus coordonnées, et s’intégrer dans de nombreux secteurs. L’ambassade de France à Rome a publié le 26 novembre 2022 un rapport enthousiaste sur les avancées réalisées à un an de la signature de l’accord, qui, bien qu’il ait été approuvé par le parlement, n’a toujours pas été publié au Journal officiel. Bien, et alors ? Le 19 janvier, la France et l’Espagne ont signé à Barcelone un traité d’amitié et de coopération qui reprend en bonne part celui du Quirinal, mais ajoute quelques petites choses en plus. Par exemple, que les deux pays s’engagent à faire de leurs langues nationales les deuxièmes plus étudiées après l’anglais. En vérité, cela tombe sous le sens, au vu de la diffusion de l’espagnol et du français dans le monde, mais cela relègue la culture et la langue italienne – qui doit compter aussi sur la concurrence de l’allemand – bien bas. En outre, l’amitié relancée entre Paris et Madrid se concentre dès à présent sur deux sujets concrets : un gazoduc pour l’hydrogène entre Barcelone et Marseille, et une réponse commune à l’Inflation Reduction Act américain. Pendant ce temps, et malgré l’optimisme transalpin, le traité du Quirinal semble un peu à l’arrêt. Avec une de ses phrases regrettables qui ponctuent encore sa politique étrangère, Giorgia Meloni a ainsi déclaré lors de la conférence de presse de fin d’année que les contours du traité n’étaient pas encore très clairs à ses yeux, et qu’elle évaluait encore si le traité est effectivement en vigueur ou non, pour décider ensuite "comment aller de l’avant". Treize mois après la signature… Quelles sont les leçons à tirer ? Il y en a trois. D’abord, la France de Macron veut se mettre au cœur de l’Europe, mais inévitablement elle ne pourra pas être la meilleure amie de tout le monde. Quand il faudra développer un projet sur la défense, à qui donnera-t-elle sa priorité ? Et si les idées sur la réponse aux subsides américains divergent entre Allemagne et Espagne, quelle amitié aura plus de valeur ? Ensuite, l’attitude italienne est perdante. Non seulement elle snobe ce qui existe déjà avec la France, mais elle assiste immobile aux mouvements des autres. Alors que faire ? Une option est de renforcer les liens bilatéraux avec d’autres pays. Une autre, meilleure, est de s’insérer dans le jeu en demandant qu’il devienne trilatéral ou quadrilatéral, mettant ainsi en œuvre la coopération renforcée déjà prévue dans les traités européens, et qui pourrait emprunter le raccourci inventé par de Gaulle et Adenauer. En attendant, il est certain que l’unique attitude à ne pas conseiller est l’indécision. Mais nous verrons. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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