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23/03/2022

"Zelensky a changé le cours de l’histoire ; l’absence de certains députés hier à la Chambre est grave ; il y a trop de pro-Poutine en Italie."

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Italie. Revue de presse.

L’intervention du président ukrainien V. Zelensky devant le Parlement italien fait les gros titres de la presse italienne. Les quotidiens rapportent les propos du dirigeant ukrainien, sous l’angle de l’émotion, ainsi que la réponse du Président du Conseil M. Draghi, insistant sur le soutien humanitaire et militaire italien. La polémique autour de l’absence à ce discours de 300 parlementaires, notamment dans les rangs du M5S et de la Ligue, est mise en exergue : La plupart des observateurs soulignent le fait que l'intervention du Président ukrainien a fini par pousser les élus pro-russes ou anti-militaristes à apparaitre au grand jour. La venue du Président américain J. Biden en Europe est aussi citée dans les pages intérieures : « Zelensky s'adresse à l'Italie : aidez-nous » - C'est comme si Marioupol était Gênes, c'est un massacre ; Draghi lui assure un soutien militaire (Corriere della Sera), « L'Ukraine est l’Europe » -  Environ 300 parlementaires désertent la conférence avec Zelensky. Biden demandera aux alliés de renoncer au pétrole russe ; Poutine agite la menace nucléaire (La Repubblica), « C'est comme si Marioupol était Gênes » - Le Parlement applaudit le président ukrainien; Draghi assure :  nous voulons que l'Ukraine entre en Europe et nous sommes prêts à vous fournir des armes. Renzi invite à la prudence : on ne plaisante pas avec la question nucléaire (La Stampa), « Draghi à Zelensky : nous vous voulons en Europe » (Sole 24 Ore), « La main tendue à l'Ukraine » - Draghi fait l’éloge de la résistance héroïque de l'Ukraine et assure que l’Italie enverra des armes  (Il Messaggero), « Le revers de Draghi à Poutine » - La défection de certains parlementaires devient un sujet  (Il Giornale), « Zelensky joue les colombes et Draghi les faucons » -  Le dirigeant ukrainien ne cite ni la zone d’exclusion aérienne, ni les armes ni la résistance; mais Draghi assure envoyer d'autres armes alors que le Pape François propose sa médiation (Fatto Quotidiano).

ARTICLE, Il Corriere della Sera, F. Sarzanini : « Dépenses pour la mission de Moscou : trois millions d’euros en deux mois » : « La mission des militaires russes en Italie du 27 mars au 7 mai 2020, au cœur de l’urgence de l’épidémie de Covid-19, a coûté à l’Italie plus de 3 millions d’euros tandis que les aides venues de Moscou n’ont pas suffi à couvrir les besoins ne serait-ce que sur une journée. Le bilan de cette opération décidée par Conte et Poutine soulève des doutes sur les motifs véritables de la collaboration moscovite. Quand les 104 membres de la délégation russe arrivent en Italie, le 22 mars 2020, le pays a besoin de 90 millions de masques chirurgicaux par mois et d’au moins 300 000 tests par jour pour affronter l’urgence de la situation. Selon la version officielle, les Russes viennent porter main forte, mais les actes officiels le démentent. Le 1 avril 2020, Riccardo Magi (+Europa) présente une requête pour savoir « s’il existe un accord pour cette opération, ce qu’elle prévoit ou si elle est simplement issue d’un accord verbal » entre Conte et Poutine ainsi que pour obtenir des informations concrètes sur l’aide apportée (équipements matériels, qualifications du personnel etc.). La réponse de la ministre de la Défense de l’époque, Emanuela del Re, arrive cinq mois plus tard et révèle que les Russes ont apporté « 521 800 masques chirurgicaux, 30 ventilateurs, 1 000 blouses de protection, 2 machines d’analyses pour les tests, 10 000 tests rapides et 100 000 tests moléculaires » : soit de quoi tenir moins d’une demi-journée. Autre question surprenante : celle des avions. Lors d’une réunion entre le chef de la délégation russe, Sergey Kikot, le général Luciano Portolano, commandant du Commando opératif inter-forces et les chefs du Comité technico-scientifique, les Russes ont affirmé vouloir « désinfecter tous les édifices publics » et ont demandé que leurs dépenses en carburant soient prises en charge par l’Italie. La requête a été acceptée : l’Italie a, pour cela, déboursé 1.5 million d’euros. Pourquoi l’Italie a-t-elle accepté cette délégation ? Le matériel sanitaire apporté était insuffisant, parmi les 104 membres de la délégation, seuls 32 étaient médecins ou infirmiers, les autres militaires. La question est d’autant plus pressante si l’on considère que les Russes ont été logés, aux frais du gouvernement, dans un hôtel de Bergame : l’addition de 400 000 euros a été réglée par la Lombardie qui attend d’être remboursée par le palais Chigi. A cela s’ajoute un autre million versé pour couvrir les dépenses des Italiens qui ont accompagné la délégation. De quoi alimenter l’hypothèse d’une activité d’espionnage sanitaire. »

ARTICLE, Il Foglio « Les (presque) repentis de la Ligue » : « Plus qu’un repentir, on assiste à une sorte d’amnésie. ‘’Dire que nous étions pro-russes est une simplification des journalistes’’, explique en souriant Lorenzo Fontana, vice-dirigeant de la Ligue. Il serait utile de lui rappeler tous les slogans, les initiatives, les manifestations et les faux pas de son parti. Pourtant, le conseiller diplomatique de Salvini veut mettre les choses au clair ‘’la vérité, c’est que c’est la phase historique qui a changé. Ce qui était impensable il y a quelque temps, maintenant ne l’est plus. Si nous ne regardons pas cela, nous ne pourrions pas comprendre ce qui s’est passé. Il faut dire tout d’abord qu’en politique étrangère les lignes de positionnement des grands pays changent avec beaucoup de difficulté. Les gouvernements se suivent mais le périmètre des alliances demeure’’. Il est bon toutefois de lui rappeler que le gouvernement de Conte I, avec l’alliance Ligue-M5S, avait pourtant bel et bien tenté de changer les choses. ‘’J’ai toujours pensé que l’intérêt des Américains était de rapprocher Washington du Kremlin, pour éviter une alliance entre la Russie et la Chine. Cette tendance était évidente avec Trump. Ce dernier visait également à diviser le bloc européen afin d'augmenter le nombre d'alliés directs des Etats-Unis dans une visée anti-chinoise. C'est dans ce contexte qu'il faut lire notre pari sur la Russie’’. Un pari visiblement perdu. ‘’Cette guerre a tout changé. Elle fait oublier l’idée d’un globalisme sans frontières et rétablit une opposition entre deux blocs.  Les relations diplomatiques avec Moscou seront très compliquées pendant des années, je crois, même s'il ne sera pas facile d'éviter les contacts avec ce qui reste notre voisin le plus encombrant. Il suffit de dire que depuis le début de la guerre, les importations européennes de gaz, d'après ce que nous avons lu, ont même augmenté". Ce qu'il faut, c'est une Europe capable de devenir autonome sur le plan énergétique et compacte sur le plan militaire, lui fait-on remarquer. "Mais alors, elle deviendrait une puissance géopolitique comme elle ne l'a jamais été. Et je doute qu'il puisse le faire. En partie parce que l'Amérique ne renoncera pas à son influence sur les pays du vieux continent’’. »

COMMENTAIRE, La Repubblica, S. Folli « En Italie, plus rien ne sera comme avant » : « Ces parlementaires qui étaient absents de la Chambre pendant le discours de Zelensky n'ont pas seulement offensé la dignité du mandat que leur ont confié leurs électeurs. Ils ont également dévoilé la pauvreté de leur position. En effet, le président ukrainien s'est tenu à l'écart des sujets qui auraient pu créer des divisions dans la politique italienne : la résistance de 1944 et 1945, le 25 avril et Bella Ciao. Rien de tout ça. Ni aucune demande explicite d'aide militaire, dont il a pourtant tant besoin. Zelensky a fait référence à l'esprit humaniste des Italiens, à leur empathie face à la souffrance de son pays.  Zelensky semblait être conscient que l'Italie est le pays de l'OTAN où le sentiment pro-russes est le plus profondément ancré : minoritaire, mais diffus en termes politiques et médiatiques, que ce soit de bonne ou de mauvaise foi. Il a donc expliqué que l'Ukraine se défendait et défendait aussi l'Europe : se rendre reviendrait à donner à Poutine la possibilité de démanteler l'Union. Draghi a repris ces suggestions et les a transformées en un discours très politique qui augmente la crédibilité italienne dans le cadre atlantique. Son idée d'Europe - dans laquelle il veut inclure l'Ukraine - est en fait étroitement liée à la relation d'alliance avec les Etats-Unis. Du coup, les nouveaux objectifs de défense européenne (2% des dépenses militaires) ont un sens s'ils sont intégrés dans le cadre de l'OTAN. C'est sur cette base que l'Italie veut se confirmer dans la crise internationale comme l'un des principaux partenaires européens des Etats-Unis. Entretemps, Salvini joue les pacifistes quand il s'agit d'envoyer des armes aux Ukrainiens. Berlusconi demeure silencieux. Conte est de plus en plus en difficulté quand on lui demande de clarifier les contacts avec les Russes qui sont venus en Italie en 2020 dans le cadre d'une apparente mission anti-Covid. Si toutes les positions sont légitimes, toutefois, les bombes russes et le martyre de Marioupol ont marqué un vrai tournant. Et Draghi a fait comprendre qu'en Italie aussi, rien ne sera plus jamais comme avant. »

ARTICLE, Il Corriere della Sera, A. Polito : « l’Ukraine et nous : retournement et engagement » : « Il s’agit d’un véritable tournant historique. Pendant vingt ans, une grande partie du monde politique italien a espéré, de diverses manières, se lier d’amitié avec Poutine et recevoir de sa part un traitement de faveur. Pourtant, cela n’a pas empêché notre Parlement d’inviter Zelensky, de l’écouter, de l’applaudir et de prendre, par l’entremise du gouvernement, l’engagement d’aider l’Ukraine à se défendre (y compris avec l’envoi d’armes) et à entrer dans l’Union Européenne. Nous verrons combien de temps durera cette solidarité unanime et, surtout, si elle résistera à des épreuves plus rudes (inutile de rappeler combien nous sommes exposés au chantage russe sur le flanc énergétique). Pour l’heure, l’agression est trop brutale, trop injustifiée, trop inhumaine pour laisser place aux dissensions. Naturellement, en bons paresseux, plus de 350 parlementaires ont déserté la séance – qu’ils aient été distraits, indifférents, occupés, apeurés ou « neutres », comme le sénateur M5S, Vito Petrocelli, qui voudrait ne pas voter la confiance au gouvernement et dont on ne comprend pas comment il peut encore siéger, au nom du parti, à la Commission des Affaires extérieures, ou comme la sénatrice Granato (ex-M5S) ouvertement pro-Poutine. Mais, du point de vue politique, il y a peu de doutes sur la position de notre pays : l’Italie (Fratelli d’Italia compris) veut une Ukraine libre et une Ukraine membre de l’Union Européenne. De son côté, Zelensky, à la tribune, n’a pas recherché d’effets rhétoriques : aucune comparaison avec l’histoire italienne, aucune parole contre la Russie ou contre Poutine. Il a simplement demandé de l’aide pour mettre fin à la guerre et à la destruction de son peuple. Il a demandé de l’aide pour empêcher que Marioupol, une ville aussi grande que Gênes, ou encore Kiev, berceau de la civilisation slave autant que Rome l’a été pour la civilisation latine, ne soient détruites. En somme, Zelensky n’a rien dit qui puisse soulever l’ire des critiques de salons qui, à la télévision, l’accusent chaque soir de bellicisme : aucune de requête de no-fly zone ou d’autres types d’armements. Avant de parler à Montecitorio, il s’était, au contraire, explicitement déclaré prêt à discuter de tous les sujets, de la Crimée au Donbass, pour peu que Poutine accepte de négocier avec lui et que la guerre et le sacrifice de milliers de civils, de femmes et d’enfants, prennent fin. A ceux d’entre nous qui soutiennent que l’Ukraine doit négocier mais se gardent bien d’aller faire la même remarque à la Russie, Zelensky a apporté la preuve de sa modération et de son amour pour son peuple martyrisé. Il ne se berce pas de l’illusion de sortir vainqueur du conflit mais il est sûr cependant que son peuple ne peut et ne doit pas être vaincu. Et nous avec lui. » 

ARTICLE, Corriere della Sera « Le plan du ministre Cingolani : trois ans pour abandonner totalement le gaz russe. »  

ANALYSE, Il Sole 24 Ore, de Lina Palmerini, « L’unité nationale marque le pas sur le front intérieur » : « Hier, c’était la journée de Zelensky et son intervention a été accueillie favorablement au Parlement, exception faite de quelques désaccords transversaux, notamment celui du 5 Etoiles Petrocelli. Zelensky sait bien qu’en Italie une part de l’opinion a par le passé soutenu Poutine, il a toutefois eu face à lui un paysage recomposé et plus uni qu’à l’époque des fractures profondes et des crises de gouvernement. Le schéma de l’unité nationale de la politique italienne permet aujourd’hui d’afficher l’image d’un pays uni lors des discussions à l’échelle internationale. Le Conseil européen de demain ne sera probablement pas décisif dans le contexte des élections françaises qui approchent, mais la cohésion des partis italiens, y compris les deux en tête des sondages et opposés, Fratelli d’Italia et le Parti démocrate, renforce la position de l’Italie. Mais sur le plan intérieur, la situation est bien différente, Draghi n’est pas appuyé par sa majorité, certaines des forces politiques témoignent même de vouloir se désolidariser. Personne ne voudrait aller vers une crise politique ni des élections anticipées dans le contexte géopolitique actuel mais l’unité nationale s’effrite. Chaque réforme en lien avec le Plan de Relance pose problème, de la concurrence à la réforme fiscale ou encore du cadastre. Il est évident par ailleurs que la crise énergétique pèse sur la transition écologique de même que le coût des matières premières sur les grands travaux d’infrastructures. L’adaptation des accords de mise en œuvre des Plans de relance ne semble plus si absurde. La majorité est donc focalisée sur les prochaines élections, notamment dans la perspective d’une renégociation du PNRR. »

(Traduction : ambassade de France à Rome)

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