09/02/2021
"L’AfD dément souhaiter rompre avec la Ligue."
Italie (et Allemagne). Revue de presse.
La fin du second tour de consultations des partis par Mario Draghi, prévue ce mardi, en vue de former un nouvel exécutif, et les premiers éléments de programme de gouvernement afin d’obtenir la confiance au Parlement, font les gros titres des médias italiens : « Draghi, 5 sujets pour la relance » - Les lignes du programme pour le second tour des consultations sont dévoilées (Corriere della Sera), « Draghi , 3 réformes immédiates pour répondre à l’Europe » - Fiscalité, administration et justice. Les 5 Etoiles, divisés, consultent leur membres (La Repubblica), « Education et fiscalité, l’agenda de Draghi » - Dernier jour de consultations. Le tournant européen de Salvini (La Stampa), «Draghi : objectif, réformes » - Justice, fiscalité, administration et un nouveau Plan de Relance (Sole 24 Ore), « L’année scolaire prolongée » - Trop de jours perdus, Draghi fait de l’éducation la première priorité du gouvernement (Il Messaggero), « Le plan de Draghi » - voici les priorités : vaccinations plus rapides, aides aux entreprises, réforme de l’administration, justice et chantiers (Il Giornale), « Le retour de la prescription » - Azione, Forza Italia, Italia Viva, la Ligue et peut-être le PD sont favorables à un abandon de la réforme voulue par les 5 Etoiles (Fatto Quotidiano).
ARTICLE, La Repubblica, C. Vecchio, « Dans le programme du gouvernement, un calendrier scolaire prolongé jusqu’à la fin du mois de juin et une accélération sur les vaccins » - « Draghi mise sur des réformes radicales pour le fisc, l’administration et la justice. Au cours des entretiens avec les différents partis, un schéma prend forme, fondé sur l’européisme, l’atlantisme et l’écologie » : « L'agenda Draghi est prêt. Un gouvernement "résolument pro-européen" qui se concentre sur la croissance, les écoles, les vaccins. Et trois grandes réformes : administration publique, fiscalité, justice. Hier après-midi, alors qu’il a rencontré les petits partis du Parlement dans le cadre de la deuxième série de consultations, le président du Conseil en charge de former le prochain gouvernement a commencé à dévoiler son programme. La campagne de vaccination est la première urgence. Logistique et production, en investissant davantage dans la médecine locale, seront mises en avant. Ensuite, l’emploi. Dans ses discours, Draghi a souvent utilisé le mot de « protection ». Protéger les travailleurs par des mesures de soutien, car il y aura une reprise, mais elle sera lente. Et l'interdiction de licencier expire à la fin du mois de mars. La protection de la classe moyenne comme antidote au populisme, pour ne pas tomber dans les erreurs du passé. Le travail, a-t-il ajouté, est créé par les entreprises, réitérant un principe libéral, mais à l'heure actuelle, le tissu productif est encore trop fragile et doit être soutenu. Le même raisonnement s'applique aux banques. L'État devra également relancer les investissements publics. Les grands chantiers doivent être débloqués. "Créer du travail avec de grandes infrastructures", a dit le sénateur de l'ISP Riccardo Nencini, exprimant la pensée de Draghi. Demain, ce dernier rencontrera les partenaires sociaux à Montecitorio, rencontrant les dirigeants des syndicats CGIL, CISL et UIL. Sur l'école, il s’est adressé aux familles : le calendrier scolaire doit être révisé, avec les salles de classe ouvertes jusqu'à fin juin. Il a souligné que nous sommes le pays qui les a le plus fermées en Europe. L'autre idée consiste à renforcer les effectifs de professeurs dans le but d'arriver à la rentrée de septembre sans avoir à affronter le problème récurrent des postes vacants. La défense des jeunes et l'importance de l'éducation ont été des thèmes récurrents ces dernières années dans les discours publics de l'ancien président de la BCE. Draghi s'est présenté devant les délégations des partis sans avoir d’assistant à ses côtés. Il a été sobre et factuel, faisant clairement comprendre le cadre de sa démarche et sans cacher le moins du monde son identité culturelle. Ses valeurs peuvent se résumer en trois mots clés : européisme, atlantisme, écologie. Trois pierres angulaires qui caractérisent le mandat de Sergio Mattarella. ‘’Draghi est arrivé à mettre sur la table la question d'un budget européen commun’’, a déclaré Nencini. Draghi pourrait utiliser son capital politique dans les discussions européennes pour arriver à des euro-obligations permanentes et à une capacité fiscale européenne. ’’Doter le budget des ressources nécessaires à la mutualisation de la bonne dette’’, explique Bruno Tabacci, qui le connaît depuis 40 ans. Les trois réformes de l'État sont également issues d'une demande de Bruxelles. La réforme des réformes est celle de l'administration publique. Parallèlement à la réforme de la fiscalité et de la justice civile. Trois faiblesses italiennes notoires. ‘’Avec Draghi, l'Italie est candidate pour être un pays leader en Europe. Jusqu'à présent, à chaque sommet, on se demandait : que va dire Merkel ? Que dira Macron ? Vous verrez que maintenant les gens se demanderont ce que dira Draghi. Tout est en train de changer’’, selon Tabacci. Aujourd'hui, la deuxième série de consultations s'achèvera avec les principaux partis, Pd, M5S, Leu, Italia viva, Forza Italia, Lega. La méthode sera la même. On peut imaginer qu’entre mercredi après-midi et jeudi, Draghi pourrait se rendre au Quirinal pour dire au chef de l'État qu'il accepte sa nomination. Il travaillerait alors à la nomination des ministres - une question qui n'est pas abordée dans les discussions avec les délégations et passe par des canaux plus confidentiels. La prestation de serment des ministres au Quirinal pourrait avoir lieu vendredi, suivie de la passation de pouvoir au Palais Chigi, avec Giuseppe Conte, et de la première réunion du Conseil des ministres avec la nomination du secrétaire d’Etat à la présidence du Conseil. La confiance des Chambres serait votée entre lundi et mardi. Le gouvernement Draghi naîtrait d'abord au Sénat, puis à la Chambre ».
ARTICLE, Corriere della Sera, « Draghi présente ses priorités aux partis et rouvre le dossier des écoles » : « On commence à avoir une idée du programme de Mario Draghi après la reprise des consultations avec les partis. Le premier ministre aurait défini 5 urgences : l’environnement, la santé -avec la campagne vaccinale notamment-, le travail (et la question du soutien aux chômeurs), les entreprises (dont le soutien aux banques) et l’école. Sur ce dernier point, le premier ministre désigné a insisté sur l’objectif de travailler tout de suite pour changer le calendrier scolaire, en le prolongeant jusqu’au mois de juin au-delà des dates de fin de cours habituelles et en proposant une reprise dès les premiers jours de septembre. Il s’agit là des éléments que les petits partis, entendus lors des consultations d’hier, ont rapportés à la sortie de leur rencontre avec Draghi. Dans son programme, trois grandes réformes seraient prévues : l’administration, la justice et la fiscalité. Des réformes qui, tout en étant conformes aux demandes de Bruxelles sur le plan de relance, donnent l’impression aux forces politiques que le nouveau gouvernement Draghi se projette sur le long terme. »
ARTICLE, Corriere della Sera, « Trois noms pour deux postes (incertains) : au jeu du gouvernement, le PD se divise » : « Nous ne devons pas être timides, mais des acteurs de premier plan dans cette phase et la traverser avec courage ». Lorenzo Guerini essaie de mobiliser ses troupes lors de l’assemblée de « Base riformista », le courant qu’il dirige avec Luca Lotti au sein du PD. Les anciens renziens sont une cinquantaine et il faut comprendre qu’ils voudront être représentés au gouvernement. Si la demande est légitime, le point bloquant pourrait être la présence éventuelle de la Ligue et le nombre de ministres démocrates autorisés à entrer au gouvernement. L’aile gauche du parti, qui restait attachée à l’alliance avec les 5 étoiles pendant des mois, a dû encaisser le départ brutal de Conte et à se repositionner, après avoir demandé d’aller aux urnes. La conversion impromptue de Matteo Salvini à l’Europe a aussi joué. Personne ne sait ce que Draghi décidera de faire. Mais parmi les hypothèses considérées comme les plus crédibles, il y a celle consistant à confier aux principaux partis deux portefeuilles ministériels. Mais le PD en aurait trois à proposer au moins, de même calibre : deux anciens ministres, Guerini et Dario Franceschini, sans compter Nicola Zingaretti (chef du PD), voire son adjoint, Orlando. Deux portefeuilles pour trois différents centres du pouvoir du PD : les groupes parlementaires, le secrétariat du parti et la présidence de celui-ci. Une solution pourrait être d’oublier ces noms pour confier un portefeuille à Roberto Fico, qui ne présiderait plus la chambre des députés et pourrait être remplacé par Franceschini. Mais certains sont plus pessimistes, et même chez Zingaretti on en arrive à souhaiter des ministres techniques ».
COMMENTAIRE, La Repubblica, S. Folli « Ces pièges cachés dans de trop multiples demandes » : « Salvini a changé de position sur la gestion des migrants et demande à l'Italie de se conformer aux choix de ses principaux partenaires européens, la France et l'Allemagne. Avec l'argument, typique des non-souverainistes, que l'Italie ne peut pas gérer seule en matière d'immigration et a besoin de l'aide de l'Union. Le chef de la Ligue a peut-être raison : si la Ligue doit changer de ligne, autant le faire jusqu'au bout, sans ambiguïté. Cela lui permettra de respecter les nouvelles règles de Draghi, qu'il exposera progressivement aux partis qui le rejoindront pour le deuxième cycle de consultations. Ces règles sont celles des principes programmatiques sur lesquels l'exécutif prend forme. Des lignes générales, mais claires. Des enjeux qui ne peuvent être surmontés par ceux qui veulent rester dans le périmètre d'une grande majorité, voire d'une très grande majorité, mais censée ne pas être équivoque. Le président en charge demande essentiellement une adhésion totale à l'idée de l'Europe : celui qui soutient l'exécutif doit soutenir l'effort d'intégration de l'Union à tous les niveaux. De plus, il doit partager l'atlantisme, c'est-à-dire défendre le principe d'une communauté occidentale fondée sur le partenariat entre les États-Unis et l'Europe. Un message à Biden. Le reste suit. À commencer par le plan de relance qui doit être réécrit avec les réformes qui vont avec (justice, administration publique, fiscalité). Ensuite, il y a la campagne de vaccination qu’il faut accélérer et l'école à remettre en route, en essayant de rattraper le temps perdu. Une Ligue maladroite pourrait trébucher sur l'un de ces points. Mais Salvini est assez peu scrupuleux pour ne pas hésiter : il abandonne l'AfD - il aurait dû le faire il y a longtemps - et rejoint le parti atlantiste sans regretter Poutine. L'objectif n'est que trop clair : se tailler une place privilégiée sous l'égide du gouvernement de salut public ; suggérer à l'opinion publique que c'est le centre-droit qui est le mieux à même d'interpréter la nouvelle phase d'urgence par rapport à un centre-gauche en détresse et aux 5S en pleine crise existentielle ; ce qui n'est pas le cas, bien sûr. Mais il est vrai que l'équilibre entre les partis qui soutiennent les grandes orientations est un problème que le Président du Conseil ne pourra pas sous-estimer, une fois que l'enthousiasme initial sera retombé. Un autre terrain glissant concerne le faux débat sur la durée de l'exécutif : quelques mois, un an, jusqu'à la fin de la législature ? Personne ne peut fixer une limite de temps, mais il est clair que Draghi et ses ministres - qu'ils soient techniques ou politiques - devront travailler chaque jour comme s'ils avaient un horizon de plusieurs années devant eux ».
EDITORIAL, Corriere della Sera, Massimo Franco, « La nouvelle phase qui déstabilise le souverainisme en Europe” : “La ligue défend à Bruxelles Mario Draghi contre les attaques de l’extrême-droite allemande, son alliée. C’est peut-être un épisode sans importance. Mais cela pourrait aussi constituer le premier symptôme d’une transformation du groupe souverainiste au parlement européen, dont Matteo Salvini pourrait devenir le maillon faible. Des différences entre les souverainistes de ce groupe existent depuis plus longtemps. Certains parmi eux figurent parmi les plus hostiles aux aides que l’Italie doit recevoir dans le cadre du plan de relance. Mais jusque-là, on ne voulait pas voir le problème, tandis que le groupe des souverainistes, qui s’était abstenu le 11 janvier dernier sur le plan européen, est à présent sous tension. Si les députés proches de Salvini votent oui aujourd’hui au parlement européen, cela facilitera la tâche de Salvini dans sa rencontre prévue pour ce jour avec Draghi. Mais dans le cas inverse, ils pourraient compliquer la donne. L’AfD dément souhaiter rompre avec la Ligue, mais des sources léghistes à Bruxelles font savoir qu’ils ne prendront leur décision qu’après la rencontre entre Draghi et Salvini. Les élus de la Ligue attendent de voir si le tournant européen de Salvini est simplement une tactique, pour se rapprocher du PPE, ou s’il s’agit d’autre chose. Hier, Marco Zanni a défendu Draghi face aux attaques de l’AfD, qui voyait en ce dernier l’acteur de la « dépense hors de contrôle » à la BCE « dont l’Allemagne paiera la facture », en lui rétorquant que si Draghi a défendu une économie « soutenant le travail et la paix sociale », on doit « lui en reconnaitre le mérite ». La tournant que la ligue est en train d’opérer n’est pas si incongru, Il s’agit peut-être d’une évolution attendue, un peu similaire à celle qu’a fait le mouvement cinq étoiles à l’occasion de l’élection de la présidente de la commission, Ursula von der Leyen. Mais il faut souligner le glissement de ces deux forces politiques qui étaient, il y a quelques années à peine, opposées à l’euro. Les prochains épisodes nous feront comprendre s’il s’agit là d’une attitude opportuniste et si les dirigeants de la Ligue sauront s’approprier un européisme qui ne soit pas simplement de façade ».
ENTRETIEN, Corriere della Sera, de S. Berlusconi, ancien président du Conseil (Forza Italia), « Tous avec Draghi, sans aucun calcul de la part de la Ligue ? C’est peut-être le grand changement. Le M5S est en déclin et se comporte de façon puérile » : « Draghi, partout à l’étranger, est vu comme une personne mesurée, polie, affable, respectueuse des fonctions de chacun, ayant une grande culture et une grande capacité à gérer les situations complexes. Ce gouvernement n’est pas un gouvernement technique mais un gouvernement d’unité nationale pour faire face à la situation d’urgence. J’espère qu’il y aura un juste équilibre entre les compétences techniques et la représentation politique. Je ne crois pas qu’il soit utile que les leaders soient impliqués, il ne me semble pas que cela garantirait plus de stabilité : nous avons besoin de ministres qui gèrent leurs ministères, les chefs de partis ont d’autres responsabilités. J’avais exprimé le souhait que le centre droit soit uni, je suis heureux que la Ligue ait choisi cette voie. C’est une preuve de sagesse qui sera apprécié en Europe. Madame Meloni, je le regrette, a pris une autre décision. J’espère qu’elle soutiendra les choix parlementaires du centre droit. Je n’ai pas pu venir à Rome pour des raisons de santé, mais j’ai longuement parlé au téléphone avec Mario Draghi ».
ENTRETIEN, Corriere della Sera, de M. Weber, chef de groupe du PPE, « Dans le Plan de Relance italien, il faut de véritables réformes. L’Italie ne peut se permettre de perdre du temps » : « ‘’Dans un moment aussi difficile que celui-ci, Mario Draghi est la personnalité qu’il faut pour gouverner et œuvrer pour l’intérêt public. La perspective de l’avoir à la tête du pays nous montre que la stabilité à Rome est possible. Les réformes sont indispensables : quand on voit que l’Italie a une très faible capacité à utiliser les fonds européens, il apparaît évident que l’administration et la justice doivent être réformées’’. Sur Salvini : ‘’nous le jugerons sur les faits. En attendant, je trouve positif que des politiques qui aspirent à un rôle plus important en Italie ait une attitude pro-européenne. C’est le signal que le populisme ne paie pas’’. ‘’En Italie, le parti auquel le PPE est associé est Forza Italiano et pas un autre. Et l’attitude de Salvini montre que notre approche est juste : elle permet aux eurosceptiques de changer de regard et représente la clef du succès pour une majorité de centre droit ».
(Traduction : ambassade de France à Rome)
17:14 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.