18/06/2024
"Ursula-bis, le coup de frein de Meloni."
Italie. Revue de presse.
Le dîner informel d’hier à Bruxelles en vue des premières discussions pour les nominations à la tête des institutions européennes - et notamment le départ anticipé de Giorgia Meloni avant la fin de la séance, fait les gros titres de la presse : « L’Europe ne trouve toujours pas d’accord » (Corriere della Sera), « UE, le retrait de Meloni » (Repubblica), «Ursula-bis, le défi de Meloni» (La Stampa), « Nominations dans l’UE, Meloni provoque un coup de froid avec Ursula » (Il Messaggero), « Ursula-bis, le coup de frein de Meloni » (Giornale), « Un Ursula-bis sans Meloni » (Avvenire). Le naufrage de migrants au large des côtes calabraises avec environ soixante personnes portées disparues dont 26 enfants, fait la une de certains quotidiens : « Dix cadavres et 66 disparus, une marée de morts sans secours » (Avvenire), « Le drame sans fin des enfants migrants » (Stampa), « Un autre massacre d’Etat » (l’Unità), « Naufrage en Calabre : « c’est un autre Cutro » » (Domani). Les rumeurs d’un feu vert de la part de la Commission Européenne pour la fusion ITA-Lufthansa sont aussi citées.
Les JT couvrent notamment le naufrage d’un bateau de migrants au large de la Calabre, avec 60 disparus dont 26 enfants, le dîner informel entre les chefs d’Etat et de gouvernement à Bruxelles, mais aussi le début des épreuves du bac en Italie et les résultats de l’Euro de football avec la victoire de la France contre l’Autriche.
ARTICLE, Repubblica, G.V. « Le jour de la manifestation qui réunit les partis d’opposition contre la réforme du Premierato » : « Ce ne sera sans doute pas l’absence des centristes (Italia Viva de Renzi et Azione de Calenda) qui empêchera les partis de l’opposition de se réunir aujourd’hui à Rome à 17h sur la Piazza Santissimi Apostoli, lieu symbolique des victoires de l’ « Olivier » (alliance autour du PD, ndlr), en présence des forces civiles et sociales, des syndicats, du réseau des étudiants, de l’Association nationale des partisans italiens, et d’autres encore. A l’issue de la manifestation, l’actrice Monica Guerritore lira l’appel signé par 180 intellectuels parmi lesquels figurent aussi des juristes et des présidents émérites de la Cour Constitutionnelle, mobilisés, avec la sénatrice Liliana Segre, contre le décret « Meloni-Casellati ». Il s’agit des débuts de la fameuse « coalition large » PD, M5S, AVS et +Europa, caractérisée par des dirigeants ayant des sensibilités et des positions parfois bien différentes. Parmi ces derniers figure Elly Schlein, renforcée par son score de 24% lors des européennes. Giuseppe Conte, lui, est confronté à des frictions au sein des 5 Etoiles après le score décevant de 9,9%, mais il insiste pour une relation « entre pairs » avec le PD. Il y a ensuite le duo Bonelli-Fratoianni qui a dépassé la barre des 6% pour AVS, et Riccardo Magi, qui n’a pas pu faire franchir à +Europa la barre des 3% pour pouvoir être représenté au Parlement Européen. La manifestation se tiendra au moment où les travaux au Sénat devraient adopter en première lecture le texte du Premierato, et ceux de la Chambre accélérer sur l’autonomie régionale. Cette même Chambre qui a été le théâtre de l’agression du parlementaire 5 Etoiles Donno par des collègues de la Ligue et de Fratelli d’Italia. D’où l’appel de Conte aux manifestants à se présenter avec le drapeau italien afin de répondre ‘’à la violence de la majorité’’. »
ARTICLE, Corriere della Sera, M. Galluzzo: « L’irritation de la présidente du conseil : sa tactique pour faire monter le nombre de députés d’ECR à 84 » : « Giorgia Meloni, beaucoup moins pressée que les partenaires européens, le dit clairement : pour elle, « on se trompe de méthode, je refuse d’accepter une liste de noms préconçue, et surtout en parler n’a aucun sens si on ne fait pas en amont une analyse en profondeur du vote ». L’irritation de la présidente du conseil pourrait bien être tactique : en effet le gouvernement italien n’est pas pressé, et il jouera tous ses atouts dans un second temps, quand il faudra former la Commission. L’agacement de Meloni se tourne aussi vers Emmanuel Macron et Olaf Scholz, qui veulent clore les discussions le plus vite possible, ce qui minimise le rôle de l’Italie. Au début du dîner, la situation semble s’embrouiller. L’Italie n’aime pas certaines propositions, comme l’idée de donner les Affaires étrangères à une représentante des pays Baltes, ce qui concentrerait l’attention sur le front oriental au détriment de la Méditerranée et d’autres dossiers. Le « non » de Meloni n’est toutefois pas le rejet d’un deuxième mandat d’Ursula von der Leyen. Ni le seul, car la présidente du conseil a aussi refusé à Viktor Orban de rejoindre le groupe ECR, lui qui est considéré comme un imprésentable et dont l’entrée ferait imploser le groupe. Le plan que souhaite appliquer Giorgia Meloni consiste plutôt à élargir ses rangs pour devenir le troisième groupe au parlement et donc une force politique impossible à ignorer dans la seconde phase des négociations. Pour ce faire, elle pourrait compter sur les députés de Reconquête, mais aussi sur quelques députés roumains et irlandais, ainsi que sur l’éventuelle exclusion pour alliance avec Geert Wilders de Mark Rutte, l’ancien premier ministre néerlandais, de Renew. De nombreux mouvements sont donc à prévoir, et d’après les collaborateurs européens de Giorgia Meloni, ECR serait mieux placé que les libéraux et que Marine Le Pen pour négocier lors du Conseil européen. »
Giorgia Meloni et Emmanuel Macron lors du G7
ENTRETIEN, Sole 24 Ore, de Guido Crosetto, Ministre de la Défense, par Maria Latella : « Le problème de l’UE ce ne sont pas les noms mais le programme » : « Q : Notre conversation ne peut pas ne pas commencer avec le dîner qui se tiendra à Bruxelles d’ici peu, avec les 27 chefs de gouvernement. Trois noms circulent : Ursula von der Leyen à la présidence, Kaja Kallas pour les affaires étrangères, et Antonio Costa pour la présidence du Conseil. Ce seront les noms définitifs ? La Commission et les futures directions données aux institutions, en ce moment, n’ont pas besoin de précipitations, elles ont besoin de cohésion, de raison, et de perspective. La question n’est pas, et ne devrait jamais être, celle des noms. Il ne s’agit pas de dire « faisons vite, faisons vite », mais de comprendre quel chemin nous souhaitons faire prendre à l’Europe pour ces cinq prochaines années. Il faut remettre sur la table des sujets majeurs oubliés depuis trop longtemps : notre économie, notre industrie, notre défense. Je citerai un exemple : la dépendance de l’Europe à la Chine, sur les terres rares, le magnésium, le lithium… Ces matières sur lesquelles repose le futur de l’industrie et de la recherche, c’est la Chine qui nous les livre, et ce doit être un thème majeur pour l’agenda de la future Commission. Beaucoup pensent que la nouvelle Commission rediscutera du ‘Green Deal’. Qu’en pensez-vous ? Voulons-nous, oui ou non, réfléchir sur le choix qui a été fait de tuer l’industrie automobile européenne ? Le choix de l’électrique a détruit notre industrie et nous livre aux Chinois, alors qu’il est scientifiquement prouvé que les biocarburants, s’ils sont utilisés avec des moteurs nouvelle génération, polluent moins qu’une voiture électrique. L’Europe s’est concentrée sur des normes toujours plus subtiles plutôt que d’inciter à la recherche, au développement technologique, nous transformant en une grande agence normative attachée seulement à réguler. Ce qui a fait fuir les entreprises et offert le leadership en ce domaine aux Etats-Unis et à la Chine. C’est donc un choix qui doit être complètement remis en question. Ursula von der Leyen commence à aller dans ce sens. Giorgia Meloni et le gouvernement soutiendront-ils sa candidature ? Je ne veux pas m’exprimer sur les noms, c’est le projet européen qui compte. Ces dernières années, nous avons transformé l’Europe en un endroit où il ne faut pas produire, pas polluer, mais seulement débattre des droits, et jamais des devoirs. Nous avons considéré notre système de protection sociale comme une évidence, en pensant que les services et la finance suffiraient pour le maintenir à flot. Mais c’est sur l’industrie de pointe que nous avons construit cette protection, sur l’industrie métallurgique, chimique, sur l’agriculture. Cette richesse, nous voulons aujourd’hui la détruire tout en augmentant la protection. Combien de temps cela peut-il durer ? Nous avons aussi détruit la volonté de faire des enfants, et notre système de protection est aussi menacé par la démographie européenne. À propos de démographie, l’Afrique, un thème cher à Giorgia Meloni, a été au cœur des discussions du G7. L’Afrique est un continent plein de diversité et de richesses : 50% des terres cultivables, 60% des réserves d’eau potable, et c’est le seul continent qui rajeunit. Et depuis quelques années, la Russie et la Chine s’y sont implantés, militairement pour l’une, économiquement pour l’autre. La Chine détient la dette africaine, la Russie fomente des coups d’Etat à travers Wagner, et tout cela mène à un sentiment anti-occidental, un sentiment qui, il faut le reconnaître, se fonde sur une réalité historique. Depuis l’arrivée de Giorgia Meloni à la tête du gouvernement, elle n’a cessé d’expliquer que l’Europe et l’Occident doivent dialoguer avec les pays du Sud, BRICS compris, et grâce à elle le plan Mattei est entré dans le document final du G7. Et j’espère qu’il sera appliqué, car nous ne pouvons plus nous permettre de regarder avec mépris, comme les nobles français à la veille de la Révolution, ces pays, ou alors nous finirons nous aussi à la guillotine. Giorgia Meloni a déclaré que l’Italie mérite plus. En quel sens ? Nous méritons plus, bien sûr, car pendant des années les gouvernements italiens se sont contentés de suivre les autres pays. Mais nous devons aussi faire mieux, nous avons des problèmes à régler, par exemple sur la productivité. Les chiffres sont incompréhensibles, nous ne pouvons pas nous permettre un système productif deux fois moins efficace que nos voisins. Ce n’est pas comme ça qu’on crée de la richesse, un avenir meilleur, une protection sociale efficace. Nous devons donc demander de l’aide à l’Europe, mais aussi démontrer que nous sommes prêts à changer les lois qui bloquent le développement. Nous ne pouvons pas faire mine d’ignorer que le principe d’accepter le Mécanisme Européen de Stabilité continuera à peser sur le ministre de l’économie Giorgetti (Ligue). Personnellement, je considère le MES comme inadapté. Il faudrait le reconstruire de zéro, et je conteste aussi le fait qu’il soit une entité autonome indépendante des législations nationales. Ceci dit, un instrument qui aide lors des crises liées à la dette, ça me va, tout comme un instrument qui soutienne les émissions de dette dans certains secteurs me convient. Mais ce n’est pas ce MES. Vous pensez à la Défense ? Oui, aussi. Exclure les dépenses de Défense du pacte de stabilité serait une mesure cruciale. Nous voudrions d’un instrument qui s’occupe des émissions de dettes pour la Défense. Il faut innover et ne pas rester attaché à des règles écrites il y a vingt ans. On a beaucoup écrit ces derniers jours sur le G7 et les tensions entre Emmanuel Macron et Giorgia Meloni. Pourtant, il y a tant de thèmes sur lesquels une alliance serait bénéfique, à commencer par la dette publique. C’est vrai. Mais au-delà de la dette, il y a bien d’autres thèmes. L’Italie s’est montrée très ouverte lors du G7. Macron, selon moi, a manqué de style avec cette sortie, sûrement à cause de la situation française. Il a voulu faire campagne dans les Pouilles, car le 30 juin il joue gros : il risque d’être celui qui a donné les clefs du pouvoir à Marine Le Pen. Je ne sais pas si ça arrivera, mais entre chefs d’Etat et lors de sommets de ce genre, il faut du respect et des bonnes manières. C’est ce qui a manqué dans les Pouilles. »
Guido Croseto
ARTICLE, Domani, B. Senatore « Naufrage à Roccella, une autre tragédie après Cutro : l'indifférence du gouvernement et de l'UE » : « C'est un va-et-vient de personnes au Port delle Grazie de Roccella Jonica. Depuis le matin du lundi 17 juin, les portes sont grandes ouvertes pour laisser passer les huit ambulances qui ont tenté de secourir les survivants du dernier naufrage entre les côtes italiennes et grecques. Les opérateurs n'ont cessé de travailler un instant pour gérer la situation. Un voilier a coulé au large de la Turquie. Il y avait probablement plus de 70 personnes à bord, et la surcharge a compromis la stabilité du bateau jusqu'à ce qu'il coule ; les garde-côtes ont réussi à ramener à terre 12 personnes. Le naufrage s'est produit à environ 120 miles des côtes, et il a fallu cinq heures pour atteindre les côtes italiennes. Il s'agissait d'une course contre la montre, d'autant plus que parmi les naufragés, se trouvait une femme enceinte. Le bateau était parti il y a huit jours de la côte d'Izmir et s'il n'avait pas coulé, il serait probablement arrivé à Roccella Jonica, comme c'est le cas depuis 2021. Parfois, ce sont les garde-côtes qui ont conduit les bateaux au port, d'autres fois les débarquements ont été autonomes, toujours le long de la côte ionienne, entre Siderno et Caulonia. Une fois en Turquie, les migrants peuvent en effet choisir de franchir la frontière bulgare et de remonter la route des Balkans, ou bien de payer pour une traversée en mer, ce qui est long et cher, mais plus facile que la remontée des Balkans. C'est pourquoi, ce sont souvent des familles, des femmes avec enfants, les plus fragiles, qui choisissent cette voie. Croyant que c'est plus sûr, alors que ce n'est souvent pas le cas, comme cette fois-ci. Les voiliers sont fournis par les trafiquants qui vendent la route à un prix qui dépend du type de bateau. Les goélettes coûtent moins cher, tandis que les bateaux en fibre de verre sont considérés comme luxueux et donc les places sont vendues à un prix beaucoup plus élevé. Dans un bateau prévu pour 13 personnes, 60 à 70 personnes soient entassées pendant au moins une semaine. Sur le bateau qui a coulé, il y avait probablement aussi beaucoup de monde, mais les corps n'ont pas encore été retrouvés. Les garde-côtes italiens sont à leur recherche, mais ils ne peuvent pas aller au-delà de 100 milles de la côte italienne, car ils pénétreraient alors dans la zone grecque de Sar. Ce sont donc les garde-côtes d'Athènes qui pourraient récupérer les corps de cette nouvelle tragédie en mer. »
PREMIER PLAN, La Stampa, de S. Sciandivasci, « Le dernier affront de Macron à Meloni, Antonio Scurati nommé ‘’Chevalier’’ [de l’Ordre des Arts et des Lettres] » : « Pris pour cible en Italie, décoré en France, Antonio Scurati a été nommé Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres, l’un des titres les plus prestigieux décernés par l’Elysée. Difficile de ne pas y voir un nouvel épisode de la saga Meloni-Macron, tourmentée, pleine d’incidents, de piques, de provocations. Antonio Scurati est un écrivain qui déplait au gouvernement italien mais aussi, et c’est encore pire, à certains dirigeants de la RAI qui avaient estimé en avril dernier que l’un de ses textes, dénonçant notamment le ‘’nazi-fascisme’’ et soulignant la difficulté de Giorgia Meloni à ‘’répudier dans son ensemble l’expérience fasciste’’, aurait pu gêner le gouvernement. Le monologue, et le débat embarrassant qu’il avait suscité, avait fait parler au-delà de l’Italie et Le Monde avait publié le texte dans son intégralité avec cette façon de faire française comme pour dire ‘’comme c’est misérable, chez nous ça n’arriverait pas, ça n’arrivera jamais’’. Finalement, ce qui est arrivé en France est bien pire, l’extrême-droite a remporté les élections européennes et qui exprime les mêmes idées que le général Vannacci en Italie. A côté de la France et de l’Allemagne, l’Italie semble presque un avant-poste du progressisme. Une honte qui repose sur les épaules de Macron, de même que l’hostilité de la gauche pour avoir convoquer les élections anticipées (seule chose que Giorgia Meloni lui envie et que la réforme dite du ‘’premierato’’ devra lui permettre de faire). Au G7 elle arrive en triomphe, en maîtresse de maison et Macron en arrogant puni, leader en déclin, passablement toléré, ne pouvant que murmurer son regret pour la mention disparue de l’IVG alors qu’elle rayonnait, dansait la pizzica, plaisantait avec le Royaume-Uni, grondait amicalement Biden. Giorgia Meloni se trouvait pour la première fois du ‘’bon’’ côté, celui de la popularité, de l’acclamation, qui pouvait enfin ne pas être laissée dans un coin, comme lorsque Macron avait invité O. Scholz à l’Elysée pour parler de l’Ukraine mais pas elle ou qu’il l’avait accusée de mal gérer les flux migratoires sans se rendre compte qu’il s’agissait de la gestion dont tout le monde voulait, y compris en Europe. Désormais les choses sont inversées, Emmanuel Macron est fragilisé et la seule chose qu’il semble pouvoir faire est jouer sur le terrain de la culture : la République est à la débandade mais nous pensons tout de même à la littérature, à la Résistance, nous offrons des médailles, des honneurs, du soutien aux écrivains. Mais c’est précisément là que la France fait comme l’Italie, que Macron fait comme Berlusconi, roi du selfie doublé à droite par Bardella, homme politique réduit au rôle d’influenceur. C’est une pure exécution du slogan lepéniste ‘’la France revient’’, selon lequel quoiqu’elle fasse la France le fait, y compris décoré un intellectuel dans le but d’attaquer un adversaire. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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