21/12/2023
"Le jour des compromis. L’accord sur le pacte de Stabilité en échange de concessions sur la migration."
Italie. Revue de presse.
L’accord sur le Pacte de Stabilité annoncé hier à l’issue de l’Ecofin domine la Une des quotidiens : « Pacte de stabilité, il y a un accord » (Corriere della Sera, Messaggero), « Pacte de stabilité, Meloni doit céder » (Repubblica), « Nouveau Pacte et accord sur les migrants, le tournant de l’Europe » (Stampa), « Pacte de Stabilité, pour Giorgetti « l’Italie a obtenu beaucoup » » (Sole 24 Ore), « Les faux souverainistes cèdent face aux faucons de l’austérité » (Fatto Quotidiano), « Le jour des compromis. L’accord sur le pacte de Stabilité en échange de concessions sur la migration » (Giornale).
ARTICLE, Il Sole 24 Ore, G. Trovati « Moins de risque d’une rallonge budgétaire, mais l'inconnue de la dette demeure » : « L'accord conclu hier sur les nouvelles règles fiscales européennes a été inspiré par "l'esprit de compromis, inévitable dans une Europe qui requiert le consensus de 27 pays". Il en résulte "des aspects positifs et d'autres moins", dans un ensemble de règles qui "devront être soumises à l'épreuve des faits dans les années à venir, et qui nous montreront si le système fonctionne réellement comme nous l'attendons". Le commentaire du ministre de l'Économie Giancarlo Giorgetti (Ligue) immédiatement après l'annonce de l'accord sur le pacte de stabilité n'est pas très enthousiaste. C'est justement le tourbillon de rencontres entre Paris et Berlin qui a changé le scénario dans lequel Giorgetti lui-même, il y a quelques jours, jugeait "limitées" les chances d'un accord. Au terme d'une négociation qui, à force de tiraillements, a évité le risque d'un report, Rome peut néanmoins se féliciter de quelques succès, dont l'ampleur sera toutefois révélée par l'analyse des textes finaux. "Nous considérons de manière positive l’intégration de nos demandes initiales pour l'extension automatique du plan lié aux investissements du PNRR", énumère le ministre, "le fait que la défense ait été considérée comme un élément pertinent et le fait que les dépenses pour les intérêts ne seront pas prises en compte dans le déficit structurel jusqu'en 2027". "L’Italie a fait beaucoup, et ce que nous signons est un accord durable pour notre pays". Les paramètres issus des négociations ainsi que leur déclinaison temporelle évitent, aussi, le risque que les règles de l'UE imposent une rallonge budgétaire dès l'année prochaine, à la veille du vote du 9 juin. Reste le problème d'une dette qui, plombée aussi par l’héritage des dépenses du Superbonus pour la rénovation des bâtiments, semble destinée à rester longtemps autour des 140 % du PIB. Dans ce cas, accélérer sur sa réduction est davantage la conséquence de ce que la réalité impose, bien plus que de la réforme de la gouvernance économique, dans laquelle la réduction du rapport entre la dette et le PIB de 1% par an sera mesurée dans la moyenne de la durée du plan d'ajustement. Un délai suffisamment long pour ne pas susciter aujourd'hui de nouvelles inquiétudes qui viendraient s’ajouter à la crainte d’une réaction des marchés qui n'apprécieraient pas une nouvelle hausse de notre dette. »
COULISSES, Corriere della Sera, F. Fubini « Le ministre Giorgetti (Ligue) décide de se prononcer en dernier » : « Lors de la rencontre des ministres des finances européens d’hier en visioconférence, un fait révélateur peut être remarqué : l’ordre des prises de parole a été modifié. Le ministre Giorgetti aurait dû s’exprimer juste après ses homologues Le Maire et Lindner. Or, il a demandé à reporter sa prise de parole pour s’exprimer en dernier. Un peu comme si Giorgetti avait voulu vérifier si un autre pays était prêt à s’opposer, et pouvoir éventuellement lui emboiter le pas, pour ne pas être le seul pays à mettre son véto, comme cela s’est déjà passé avec le MES. Une chose est sûre, cette décision de parler en dernier a été vue par les autres pays comme l’évidence que Giorgetti devait composer avec des collègues en interne beaucoup moins alignés sur les thématiques européennes. Cependant, quand Giorgetti a pris la parole, il l’a fait de manière engagée, comme toujours dans ce genre de négociations. Ce qui n’était pas donné pour acquis. La rencontre (surprise) de la veille entre Lindner et Le Maire, qui a tenu l’Italie à l’écart de cette entente dans la dernière ligne droite, a suscité pas mal de tension à Rome, même si Giorgetti a négocié au téléphone jusqu’à la dernière minute. C’est surtout la méthode qui n’a pas été appréciée. De fait, l’Italie, la France et l’Espagne obtiennent de pouvoir défalquer plusieurs lignes de dépense de la loi de finances rectificative de 2025 (qu’il faudra indiquer dans les prochains mois), puis en 2026 et 2027, on ne tiendra pas compte de l’augmentation des paiements des intérêts de la dette, tandis que certaines augmentations de la dépense pour les investissements verts et dans la défense ne seront pas prises en compte dans le calcul du déficit. Cela sera évalué de manière « structurelle », en tenant compte d’un cycle économique qui est aujourd’hui faible. Giorgetti a démontré hier à quel point il avait conscience que la barre était haute pour l’Italie, en se battant pour que le calendrier glisse sur les prochaines mois. En février prochain, chaque pays devra négocier sa trajectoire avec la Commission, puis on fixera en avril les objectifs de « moyen terme ». Le ministre a fait comprendre qu’on ne pouvait pas prendre des engagements aussi forts en pleine campagne électorale pour les européennes, et demandé un renvoi à juillet de ces échéances. Il n’est pas impossible qu’il l’obtienne, pas tant car il y aurait un accord politique mais car la réalité l’imposera : il faudra du temps pour trouver un accord entre les gouvernements et avec les propositions du parlement sur le pacte de stabilité. Certes l’Italie, comme l’Allemagne, avait eu la tentation de reporter en janvier l’entente d’hier. Si Giorgetti a cédé, c’est parce qu’il savait que le temps ne jouait pas en sa faveur : mois après mois, Lindner durcissait ses demandes sur le budget pour plus de rigueur et était en train d’obtenir pratiquement tout. Si bien que la France, l’Espagne et l’Italie ont été sèchement renvoyée dans leurs cordes hier lorsqu’elles ont tenté d’insérer dans les règles de faibles références à ce que l’austérité actuelle du gouvernement allemand dans son pays ne tire pas l’ensemble de l’économie européenne vers le bas. »
COMMENTAIRE, La Stampa, M. Sorgi « La demi-victoire du ministre Giorgetti (Ligue) » : « Beaucoup de personnes disent que le vrai gagnant du nouveau Pacte de Stabilité serait le ministre allemand, le faucon de la rigueur Lindner. Ce qui est en partie vrai. Il y a toutefois un autre vainqueur que l’on a du mal à identifier face à une affirmation évidente du duo franco-allemand. C’est le ministre Giorgetti qui – pris en étau entre Meloni et Salvini qui menaçaient de mettre leur véto pour faire capoter l’entente afin d’obtenir un report des règles budgétaires après les élections de juin – a su néanmoins garder l’Italie bien ancrée à l’Europe. L’Italie a obtenu le principe de gradualité, étalée sur 7 ans, pour réduire sa dette. Giorgetti n’est pas sorti souriant de la réunion, car il sait qu’il n’a pas été facile de faire accepter l’accord à la Présidente du Conseil (Meloni fera semblant d’être satisfaite) et surtout à Salvini (qui demeure silencieux et qui est capable de tout pendant les prochains mois de campagne électorale). En réalité, Meloni était l’une des premières à avoir su qu’il était impossible d’obtenir davantage. C’est Macron qui le lui avait dit la semaine dernière, lors de la longue rencontre au bar de l’hôtel Amigo à Bruxelles, à laquelle s’était ajouté aussi Scholz. »
ARTICLE, Corriere della Sera, R. Frignani « Une distribution équilibrée et des procédures plus rapides : voici ce qui change pour l’Italie »: « Un pacte qui est le “fruit de longues négociations dans lesquelles l’Italie a toujours joué un rôle de premier plan pour obtenir une solution équilibrée qui ne fasse plus se sentir seuls les pays qui ont une frontière extérieure de l’UE, particulièrement exposés à la pression migratoire” se réjouit le ministre de l’intérieur, Matteo Piantedosi (Indépendant), après l’accord européen pour la réforme du système d’accueil et d’asile. Il se réjouit notamment car, selon lui, “la négociation était enlisée depuis des années”. Le sujet est particulièrement important pour l’Italie : depuis janvier, 153.647 migrants sont arrivés quasi tous par la mer. En 2022 ils étaient un peu plus de 100.000. L’accord apporte des changements significatifs pour l’Italie, avec un mécanisme de solidarité entre les Etats membres pour mieux répartir les responsabilités en matière d’asile. Cela implique un soutien obligatoire pour la répartition des demandeurs d’asile et des contributions au budget de l’UE pour prévenir les flux illégaux. Un autre point clé est le nouveau système de compensation en cas de relocalisation insuffisante des migrants. La responsabilité du pays de premier accueil a été réduite à 20 mois, tandis que pour les arrivées liées aux secours en mer, la limite est d’un an. L’accord apporte aussi un autre résultat, l’introduction de la notion de “pays tiers sûr”, comme par exemple, l’Albanie où peuvent être transférés les migrants sauvés en mer. Pour la première fois, la base de données sur les migrants inclura des informations sur qui a été secouru en mer, comme en Italie. En outre, en cas de crise ou de forte pression migratoire, une accélération automatique des procédures à la frontière et des compensations plus importantes pour les transferts vers le pays de premier accueil seront mis en place. »
ARTICLE, Avvenire, P. Lambruschi « Sur les migrants, l’UE adopte un mécanisme défensif : c’est un pas en avant mais le droit d’asile est mis en danger » : « Il y a eu quelques pas en avant, mais les propos triomphaux entendus hier sont franchement déplacés. De cet accord on peut apprécier la méthode, car nous avons une entente et cela vaudra pour les vingt-sept pays membres, mais sur les contenus, il faudra encore travailler et faire attention. Une chose est sûre, la situation de paralysie sur la thématique a enfin été débloquée mais demeurent les murs aux frontières externes et externalisées. Par ailleurs, sur la question du respect des droits humains des réfugiés arrivés en Europe, les zones d’ombre sont évidentes. C’est une confirmation de cette tendance à la dégradation dans la reconnaissance du droit d’asile, comme signalé par différents juristes et dans le dernier rapport de la Fondation Migrantes. »
ARTICLE Foglio, D. Carretta « La solidarité européenne sur les migrants prend un contour plus volontaire » - L’Europe-forteresse a désormais son Pacte sur les migrants (sans Orban) : « Si l’accord de Dublin est peut-être surmonté, le nouveau pacte sur la migration et l’asile risque toutefois de se transformer en piège pour les pays de première entrée comme l’Italie. L’entente permet de sauver l’un des principaux paquets législatifs de la Commission dirigée par U. von der Leyen afin de pouvoir dire aux élections de juin que l’Europe est en mesure de répondre aux préoccupations de ses citoyens. Un des principaux problèmes sur lesquels il est probable que cet accord se heurte est l’absence d’accords de rapatriement avec les pays d’origine des migrants. D’après les données de l’IStat, l’Italie adopte chaque trimestre entre 6000 et 8000 décrets d’expulsion mais ne parvient à rapatrier qu’une fourchette allant de 600 et 900 migrants irréguliers. Quant à la solidarité, elle est plus concrète. En cas de forte pression, un Etat membre pourra demander à la Commission d’activer la solidarité : ceux qui s’opposeront verseront une contribution de 20 000€ par migrant non accueilli ou bien de fournir d’autres mesures de soutien. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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