15/12/2023
"Les promesses de Meloni à son ami hongrois sur un déblocage des fonds [européens]."
Italie. Revue de presse.
L’ouverture des négociations d'adhésion avec l'Ukraine fait la Une de la plupart des quotidiens : « Kiev dans l'UE, un premier accord » (Corriere della Sera) « L'Europe s’ouvre à Kiev » (Repubblica), « Oui pour l'Ukraine dans l'UE mais c'est le bras-de-fer sur le budget » (Stampa), « L'Ukraine et la Moldavie dans l'UE, feu vert aux négociations » (Il Messaggero). Les annonces de la BCE (« La BCE décide de ne pas hausser ses taux », Sole 24 Ore) et la conférence de Poutine (« Conférence de presse de fin d'année de V. Poutine : la victoire viendra avant la paix » (Corriere, Avvenire) font aussi la Une.
ARTICLE, Corriere della Sera, F. Fubini « Le bond en avant de Bruxelles » : « Malgré les grandes innovations politiques et institutionnelles récentes, c’est maintenant que la phase la plus difficile commence et elle ne le fait pas forcément sous de bons auspices. Les dirigeants de l’Union Européenne doivent commencer à affronter certaines contradictions du système. Celles concernant l’Ukraine sont sans doute les plus évidentes. Nous avons annoncé au monde entier que nous dialoguons désormais avec le gouvernement de Kiev pour son entrée dans l’Union Européenne dans un futur qui n’est pas immédiat mais sans en évaluer toutes les conséquences. Par exemple, malgré notre engagement en mars dernier de fournir à l’Ukraine un million de pièces d’artillerie, les pays européens en ont envoyé jusque-là moins de la moitié. Nous n’avons pas augmenté notre capacité de production d’artillerie qui pourtant est essentielle dans cette guerre. Sans une quantité suffisante de munitions, aucune négociation d’adhésion de Kiev ne sera crédible. Il est peut-être temps que les dirigeants européens expliquent aux opinions publiques qu’il faut défendre l’Ukraine non pas seulement au nom des valeurs mais surtout de nos intérêts. Si cette guerre devait être perdue, une ombre planerait directement sur le futur de l’UE. Poutine n'a jamais caché qu’il veut la briser au nom de son idée d’empire tsariste. Si l’agressivité du Kremlin n’est pas repoussée, la sécurité européenne sera toujours une illusion. Les dirigeants européens trouveront sans doute le moyen de débloquer les 50 milliards d’euros déjà engagés pour le gouvernement de Kiev. Mais après ? Il n’est pas trop tard pour se préparer à un scénario prévoyant le retour de Trump à la Maison Blanche avec le possible retrait par les Etats-Unis de leur soutien à Kiev, ou encore pire une sortie de l’Otan. Il n’est pas encore trop tard pour se préparer à voir l’anti-européen Wilders à la tête d’un pays fondateur comme les Pays-Bas et assister à un succès des partis souverainistes aux élections européennes de juin. L’Europe ne peut pas prendre le risque de subir les événements encore une fois. Il faut abandonner toute ambiguïté et adopter une stratégie plus efficace afin d’isoler ou de désamorcer les saboteurs internes, qu’ils s’appellent Orbàn ou Wilders. Aujourd’hui, nous avons encore le temps de le faire, demain pourrait être trop tard.»
ARTICLE, Repubblica, A. D’Argenio « Agriculture, budget, vote à l’unanimité, il est temps de rénover l’Union Européenne » : « Un scénario catastrophique pourrait avoir lieu dans une Union européenne à 35 pays membres en 2030 : elle aura dépensé environ 200 milliards d’euros pour l’Ukraine, sans pouvoir prendre une seule décision car l’unanimité aura rendu la procédure impossible, tandis qu’un mécontentement large montera dans l’opinion car Kiev et les nouveaux membres auront épuisé toutes les ressources européennes pour l’agriculture et le développement. L’élargissement à Kiev et aux autres pays orientaux impose à Bruxelles de réécrire ses règles internes, à commencer par la politique étrangère et de défense. L’entrée de l’Ukraine en Europe peut être comparée à la chute du Mur de Berlin, qui a permis Schengen et la naissance de l’Union telle qu’on la connait avec l’arrivée de l’euro et l’élargissement à l’Est de 2004. Aujourd’hui, l’Europe se doit d’entrer dans la dimension géopolitique globale, autrement elle disparaitra. Il y a aussi un autre scénario possible : l’Ukraine pourrait suivre le destin de la Turquie, celui d’un candidat éternel et déçu. Il y a aussi la dimension institutionnelle de l’Union, car, comme l’a signalé Macron le premier : avec 35 pays membres, l’unanimité sera impossible. Puis il y a les autres aspects : la défense, la fiscalité, la santé, l’environnement et les autres secteurs importants de la politique commune. Bref, l’Union devra choisir quel modèle suivre : une Europe de plus en plus fédérale où c’est la majorité qui décide ou bien une Europe à plusieurs vitesses, chaque pays décidant dans quel secteur approfondir l’intégration et ceux où rester en dehors (un peu comme pour l’euro). Qualifier la journée d’hier d’historique risquerait de ne pas rendre l’idée du défi existentiel que les Européens doivent résoudre. L’Europe doit devenir adulte. »
ARTICLE, Repubblica, T. Ciriaco: « Le pacte avec le diable pour éviter la paralysie : « Parfois, un pacte avec le diable est nécessaire, car l’alternative est encore pire. Celui scellé avec Orbàn mercredi soir suit une discussion privée autour d’une table de l’hôtel Amigo. C’est Emmanuel Macron qui résume l’inquiétude des convives et explique à Meloni et Scholz que le dirigeant hongrois doit être ramené à la raison, car il n’y a pas de plan B qui ne favorise pas Vladimir Poutine et les ennemis de l'Europe. Avec son pouvoir de veto, Orban peut bloquer le budget communautaire, anéantir les ambitions et la résistance de Kiev, boycotter tout dossier sensible dans les mois et les années à venir. Les trois décident qu'il faut ouvrir la voie à de nouvelles concessions économiques, malgré les dix milliards récemment débloqués par la Commission après avoir été longtemps gelés en raison des violations de l'État de droit par le gouvernement hongrois. À la fin, cela devrait représenter environ dix milliards de plus. Ils sont également d'accord sur un autre point : après les élections européennes, une entrée d'Orbàn dans le groupe des Conservateurs européens pourrait aider la cause commune. Meloni avait prévu une rencontre avec Orbàn en tête-à-tête. Ce sont d’anciens alliés, et maintenant que Meloni est au pouvoir, elle essaie de le contenir par pragmatisme et pour favoriser la cohésion de la coalition pro-européenne qui vise un second mandat de Von der Leyen. Depuis un an, il négocie avec elle l'entrée possible de son parti, le Fidesz, dans Ecr. Orbàn est surtout intéressé par le chapitre des ressources. Il menace de le bloquer jusqu'au soir, du moins tant que ses "propres" 21 milliards gelés ne lui seront pas accordés.»
PREMIER PLAN, Corriere della Sera, de M. Galluzzo, « Les promesses de Meloni à son ami hongrois sur un déblocage des fonds [européens] » : « Giorgia Meloni, au dernier Conseil européen de l’année, travaille sur deux fronts. L’un est institutionnel, et il s’agit de faciliter d’un accord avec Orbàn. C’est en partie grâce à elle que le leader hongrois finalement fait marche arrière après sa position hostile de la veille, permettant d’engager les négociations sur l’adhésion de l’Ukraine à l’UE. L’autre est plus national et concerne les intérêts financiers de l’Italie et la révision du budget européen qui a tenu éveillés les chefs d’Etats et de gouvernements jusque tard dans la nuit. Giorgia Meloni est contrainte de revoir ses objectifs à la baisse au fur et à mesure que les heures passent, face aux refus opposés par les pays frugaux. Plusieurs d’entre eux jouent à réduire les postes de dépenses qui intéressent directement Rome. Le chapitre du programme Step dédiés aux investissements stratégiques dans l’industrie se réduit à peau de chagrin, de même que les financements européens du chapitre immigration, et en particulier les projets ‘’extérieurs’’, hors des frontières de l’UE. Le premier front permet à la Présidente italienne du Conseil de briller, le dîner tardif d’il y a deux jours, la longue conversation avec Macron et Scholz qui a fini par les rejoindre lui confèrent un rôle de médiatrice avec Orban. Meloni tente d’obtenir en retour des garanties sur le déblocage des fonds gelés destinés à la Hongrie. Le leader hongrois a obtenu les 10 premiers milliards en sortant de la salle du Conseil européen, une façon de feindre une forme de cohérence auprès de ces électeurs, ne participant techniquement pas au vote mais débloquant de fait cette étape pour l’adhésion de l’Ukraine à l’UE. Un pas historique, suivi d’une avancée également pour la Bosnie, pays sur lequel l’Italie investit tous ses efforts diplomatiques. Reste la très délicate question du budget et de sa révision. Meloni a participé à une réunion au format restreint avec la présidente de la Commission, le président du Conseil européen, le premier ministre hollandais, le chancelier allemand et le président français. Son équipe souligne le fait qu’elle est en mesure de discuter avec tout le monde, aussi bien avec les deux piliers moteurs de l’Europe, France et Allemagne, qu’avec le trouble-fête philo-russe qui pourra exercer son droit de véto encore 5 ans. Meloni dirige la famille européenne dont Orbàn voudrait faire partie, ce qui lui confère un pouvoir de négociation que personne d’autre n’a. Reste le nouveau Pacte de Stabilité pour lequel il est presque certain qu’un accord sera trouvé d’ici la fin de l’année. Concernant le budget, Meloni demande entre autres de pouvoir utiliser les Fonds de Cohésion (que l’Italie peine à dépenser) sans la part de cofinancement national. Ce ne sera pas facile mais elle lutte, de même que pour exclure les intérêts des calculs sur le déficit. »
SONDAGES, La Repubblica, d’I. Diamanti, “Le [régime conférant davantage de pouvoir au Président du Conseil] plait à un Italien sur deux, la confiance vis-à-vis du chef de l’Etat reste élevée » : « Dans cette période politique étrange, on parle beaucoup du nouveau régime qui étendrait les pouvoirs du Président du Conseil et sous-entendrait une élection directe du chef du gouvernement. Ce procédé est également associé à davantage de légitimité. Un sondage de LaPolis-Université d’Urbino en collaboration avec Demos montre qu’une majorité absolue de citoyens approuve l’élection directe du chef du gouvernement, à savoir 55%. Cette donnée est stable au cours des derniers mois mais toutefois pas assez élevée pour garantir l’issue d’un éventuel référendum sur la question. On se souvient du cas du référendum lancé par Matteo Renzi en 2016 sur le bicaméralisme partitaire, dont l’issue apparaissait certaine en début d’année au vu du large consensus qui émergeait des sondages (plus de 60%). Pourtant, plus de deux tiers des électeurs avaient ensuite voté non. Les plus favorables à cette réforme de la loi électorale sont les électeurs du centre-droit : 79% des électeurs de Fratelli d’Italia, 76% pour la Ligue et 62% pour Forza Italia. Mais la base du M5S est également largement favorable à une élection directe. A l’inverse, moins d’un tiers des électeurs du PD soutient ce type de régime. Un précédent Sondage Demos montrait que 57% des personnes interrogées étaient favorables à l’élection directe du président de la République. Ces données renforcent le constat d’une personnalisation croissante de la politique depuis de nombreuses années. Un phénomène qui s’accélère avec les différentes crises qui se succèdent en lien avec une recherche de ‘’protection » » et ‘’d’identification’’ à laquelle répondent mieux les personnalités que les institutions. Que l’on privilégie le Président de la République ou le Président du Conseil, notre société tend de plus en plus vers une ‘’démocratie du chef’’ au risque de s’éloigner, justement, de la démocratie. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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