04/12/2023
"Migrants en Albanie, le hotspot imaginé par Meloni vaut plusieurs millions d’euros pour seulement 700 places."
Italie. Revue de presse.
Les Unes se concentrent sur le meeting à Florence des partis souverainistes européens organisé par la Ligue : « Salvini attaque l’Union Européenne » (Corriere della Sera), « Salvini lance le défi brun à l’Europe » (Repubblica), « Salvini attaque l’UE et ses alliés » (Stampa), « Salvini défie « cette » Europe » (Giornale). La nomination au poste de chef d’Etat-major des forces terrestres du général Vannacci, qui s’était fait connaitre pour ses positions xénophobes et misogynes est aussi citée : « Armée, la polémique autour de Vannacci » (Stampa, Fatto Quotidiano). Enfin, Repubblica titre en Une sur le financement de l’accord signé entre Rome et Tirana pour la création de centres pour le rapatriement de migrants en Albanie : « Albanie, un bluff hors de prix : 300 millions d’euros seront versés à Tirana ».
COULISSES, Corriere della Sera, M. Guerzoni « L’embarras de Meloni » : « La tour Beogradanka – le gratte-ciel symbole de la capitale serbe – était illuminée et affichait comme message « bienvenue de tout cœur à la Présidente Meloni ». La fondatrice de Fratelli d’Italia est arrivée à Belgrade directement de Dubaï pour sa première réunion bilatérale avec le président serbe. Quand Aleksandar Vucic prend la parole devant la presse, il n’est pas avare de louanges pour son invitée, qualifiée de ‘’ leader mondial’’ ‘’au talent vraiment énorme’’. Au même moment où le président serbe exprimait ses remerciements pour le soutien de Meloni à l’entrée de Belgrade dans l’Union Européenne, Salvini et ses amis souverainistes lançaient depuis Florence des piques à l’encontre de Bruxelles. Pour eux, ‘’l’Europe est en danger’’ et ‘’l’Ukraine doit être arrêtée’’. C’est un discours qui met dans l’embarras la locataire du Palais Chigi, car cela la place en porte-à-faux avec les autres leaders européens et Ursula von der Leyen. [A Florence] certains estiment que la dirigeante italienne est en mission à Belgrade au nom de la Commission et Salvini lance donc une phrase qui ne semble pas laissée au hasard : ‘’quelqu’un occupe Bruxelles de manière abusive’’. C’est un coup bas, qui sape la stabilité du gouvernement. Salvini essaiera ensuite de rassurer ses alliés Meloni et Tajani en leur adressant des textos reprenant le contenu des dépêches d’agence : ‘’personnellement, je travaille très bien avec Giorgia et Antonio’’. A Rome, les partis d’opposition s’insurgent. Calenda (Azione) demande à Meloni de choisir son camp, ‘’avec ces clowns ou avec l’UE’’. Il n’y aura pas de réponse de la part de la Présidente du Conseil. A Belgrade, les journalistes font pression pour obtenir un point de presse, mais dans l’agenda de Meloni il n’y a pas de créneaux libres. Cela confirme la gêne à l’encontre de Salvini qui fait tout son possible pour la doubler dans cette compétition à droite. Cette gêne, au sein de Forza Italia, se transforme en satisfaction : un ténor qui veut rester anonyme, juge ‘’Salvini connaitra à nouveau une défaite et les voix des électeurs nous arriveront en cascade’’. »
ENTRETIEN, Corriere della Sera, de Francesco Lollobrigida (Frères d’Italie), ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire, « Ceux qui sont contre l’Ukraine et Israël ne peuvent pas être nos alliés ; quant à moi, je resterai à mon poste actuel » : « Je ne quitterai pas mes fonctions actuelles pour une campagne européenne, je vais continuer à faire mon travail, apprécié de tous, au point que face aux résultats obtenus mon ministère a été récompensé par la Commission européenne avec un doublement des ressources allouées. Sur l’affaire du train, si c’était à refaire, j’arrêterais à nouveau le TGV sur lequel je voyageais. Ce n’est pas un privilège, j’aurais pu prendre un avion de l’Etat et au lieu de cela, j’ai pris le train, je remplissais mon devoir institutionnel en témoignant de la présence de l’Etat, y compris à Caivano [près de Naples] pour restituer un parc public à nos concitoyens après un drame. Les polémiques absurdes se multiplient autour de moi. Concernant la loi sur la viande cultivée en laboratoire, 79% des Italiens sont d’accord avec moi et même le Parti démocrate s’est abstenu. La loi en question est soutenue par de nombreux experts et scientifiques. Nous sommes prêts à suivre les directives européennes, mais nous demandons à ce que soit prouvée l’innocuité de ces produits. Je conteste également que cette loi serait un frein pour la recherche, de même qu’il est faux que la viande de synthèse serait meilleure pour l’environnement. Nous ne renoncerons pas à une filière de qualité essentielle pour nous. Nous ne voulons pas de perte d’emplois et potentiellement de santé alors qu’il existe un immense espace en Afrique pour de grandes productions pour tous. Nous y travaillons. Au cours des dernières années, on a largement pu constater les limites de l’actuelle Union européenne en matière de politique étrangère, de défense, d’immigration, d’économie commune plus solidaire. Il y a quelques signaux positifs quant à la construction d’une aire populaire et conservatrice comme alternative à la gauche progressiste et de plus en plus conditionnée par l’extrême-gauche. A l’issue des élections, nous réfléchirons aux alliances qu’il sera possible de nouer. Naturellement, avec la Ligue nous sommes en accord sur la plupart des sujets, même s’il y a des divergences, comme nos appartenances à des familles européennes différentes. Il y a pour nous des limites très claires en Italie et en Europe, comme le soutien à l’Ukraine et la défense de la liberté d’Israël, empêchant toute alliance avec certaines forces politiques. Concernant l’affaire autour du ministre Crosetto (Frères d’Italie) et de la magistrature, nous avons confiance en la magistrature, mais nous prenons acte du fait que certains juges ont des préjugés idéologiques et ne sont pas neutres dans leurs analyses. Cela relève de faits historiques déjà observés. Pour moi les propos de Guido Crosetto sont une sorte de vœux formulés pour que certains abus ne se reproduisent plus. Quant à Delmastro (Frères d’Italie), nous attendrons l’issue du procès. »
ARTICLE, Repubblica, A. Fraschilla, « Meloni en Serbie : "Sans les Balkans, l'Europe ne sera jamais unie’’ » - « Le Premier ministre Vucic appelle à accélérer les processus d'adhésion à l'UE et à l'OTAN afin d'affaiblir l'influence de la Russie » : « La visite qu’a rendue Giorgia Meloni au président Aleksandar Vucic, hier en Serbie, a été préparée de longue date par ses conseillers diplomatiques, en collaboration avec les chancelleries française et allemande et le président du Conseil européen Charles Michel : c’est un élément fondamental dans une sorte de réponse diplomatique de l'UE aux manœuvres peu subtiles de la Russie de Poutine, qui vise à mettre le feu aux Balkans pour empêcher des pays comme la Serbie d'adhérer à l'UE et, plus encore, à l'OTAN. D'où le caractère délicat de la rencontre Meloni-Vucic. G. Meloni est considérée comme une ‘’ambassadrice’’ de l'UE en raison des bonnes relations historiques de notre pays avec la Serbie : l'Italie est le troisième investisseur à Belgrade, avec une balance commerciale qui a atteint 2 milliards d'euros au cours des six derniers mois. De nombreuses entreprises appartenant à l'État italien investissent ici, de Cassa Depositi e Prestiti à Sace, en passant par Unicredit. En 2024, la production de Stellantis devrait reprendre dans l'ancienne usine Fiat, fermée il y a longtemps. Vucic a annoncé que la nouvelle Panda électrique serait produite en Serbie : une annonce qui n'a pas été démentie par Stellantis (filiale du groupe Exor, qui contrôle également Repubblica par l'intermédiaire de Gedi) et a provoqué la réaction des syndicats italiens. La présidente du Conseil a réitéré le soutien de l'Italie à l'entrée de la Serbie dans l'UE, mais a demandé en contrepartie la pleine reconnaissance du Kosovo, y compris dans la région où réside la minorité serbe. M. Vucic a lui demandé que l'entrée de la Serbie dans l'Europe soit accélérée, compte tenu du nationalisme d'extrême droite que même lui, nationaliste de surcroît, a de plus en plus de mal à contrôler : l'assassinat d'un policier au Kosovo même a suffi à faire monter la tension avec des affrontements frontaliers auxquels le contingent de paix italien a également été mêlé. Dans de brèves déclarations à la fin de leur réunion (sans questions des journalistes), Meloni a réitéré la ligne clairement, après avoir demandé en privé à Vucic un effort sur le sujet du Kosovo, grande préoccupation de l'UE : "Nous avons été et nous continuerons à être parmi les principaux partisans du processus d'élargissement : la "réunification de l'Europe"". Meloni va même jusqu'à dire que la région est essentielle pour l'Europe, qui "ne sera vraiment unie que lorsque les Balkans occidentaux auront rejoint la famille européenne en tant qu'institution". Elle a souligné que : "L'intégration européenne des Balkans occidentaux est une voie que nous devons continuer à suivre, notamment parce qu'elle est fondamentale pour garantir à cette région, et par conséquent à l'ensemble de l'Europe, une plus grande sécurité et une plus grande croissance économique. La Serbie apporte déjà sa contribution et je suis sûr qu'elle continuera à avoir une approche constructive dans le dialogue facilité par l'UE avec le Kosovo. Bien sûr, nous avons parlé avec M. Vucic des crises en cours, de la guerre d'agression russe contre l'Ukraine. Vous connaissez la position italienne, nous continuons à soutenir l'Ukraine à 360 degrés pour garantir sa liberté, sa souveraineté". »
PREMIER PLAN, La Repubblica, d’A. Ziniti, « Migrants en Albanie, le hotspot imaginé par Meloni vaut plusieurs millions d’euros pour seulement 700 places » : « La dernière trouvaille en matière d’immigration du gouvernement Meloni pourrait bien coûter 11 000 euros par migrant. Et ce alors que, un an après avoir alloué 42 millions d’euros pour le renforcement du réseau des centres de permanence pour les rapatriements sur le territoire italien, il n’y a pas l’ombre d’un projet pour un nouveau centre. Le centre de rétention pour les demandeurs d’asile en provenance de pays sûrs qui doit être réalisé en Albanie coûterait près de 100 millions rien qu’en 2024 et 50 millions chacune des quatre années suivantes. Soit 300 millions d’euros en 5 ans pour la réalisation des locaux, le coût et le transfert des forces de police italiennes, la logistique, les procédures d’asile... Le tout pour environ 10 000 personnes par an, soit moins d’un tiers des 36 000 annoncées, car dans un premier temps les places disponibles ne seront que 720 et non 3 000, et que le roulement ne sera pas mensuel mais pourrait se faire après 18 mois dans certains cas. Les services techniques des ministères des Affaires étrangères et de l’Intérieur sont au travail pour remplir de normes la coquille vide qu’est l’accord présenté par le ministre Antonio Tajani devant la Chambre. Il devra être ratifié à travers un projet de loi qui sera examiné aujourd’hui en pré-Conseil des ministres. Un coût à mettre en perspective avec celui des 10 centres existants sur le territoire italien : 52 millions au total. De plus, même dans le cas peu probable où les migrants détenus dans le centre albanais recevaient une réponse à leur demande d’asile sous 28 jours, il ne serait pas possible d’y accueillir plus de 9 000 personnes par an. Le gouvernement italien ne prévoit d’ailleurs plus seulement d’envoyer en Albanie les demandeurs d’asile en provenance de pays sûrs mais aussi les personnes déjà expulsées et en attente de rapatriement et qui peuvent être détenues jusqu’à 18 mois, occupant eux aussi des places. Ainsi, pour tenir éloignés de l’Italie quelques milliers de migrants, le gouvernement s’apprête à mettre sur pied un gouffre financier, sans compter le transfert de certains migrants qui devront tout de même être amenés vers l’Italie (mineurs, femmes enceintes, personnes fragiles, personnes dont la demande d’asile a été acceptée…), ou la gestion du centre que le gouvernement veut confier à la Croix-Rouge comme à Lampedusa. Le point le plus délicat reste la législation qui devra réglementer les deux zones mises à disposition de l’Italie par l’Albanie et cette forme d’extraterritorialité. Il y aura une discussion technique ce matin afin d’éviter la prévisible avalanche de recours que pourraient présenter les migrants retenus en Albanie. Le gouvernement craint en effet que, comme cela s’est produit avec le décret dit ‘’Cutro’’, les juges puissent démonter pièce par pièce le protocole conçu pour l’Albanie. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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