12/09/2023
Giorgia Meloni : "Sans une vision politique, l’Europe est aux [mains des] bureaucrates ; il est temps d’initier une nouvelle phase."
Italie. Revue de presse.
Les prévisions de croissance de la Commission européenne font les gros titres : « Croissance, l'Italie ralentit » (Corriere della Sera),« le PIB plombe la loi de finances » (La Repubblica), « Hôpitaux, médecins et contrats, il manque 4 milliards » (La Stampa), « L'UE revoit à la baisse les prévisions de croissance de l'Italie » (Sole 24 Ore, Il Messaggero).
COMMENTAIRE, Sole 24 Ore, L. Palmerini « La lune de miel [des Italiens] avec Meloni et l’hiver le plus froid du PIB » : « Les analystes, tout comme les parlementaires à la buvette, se demandent si la lune de miel est terminée pour Meloni. Le premier coup de froid est arrivé par les sondages marquant une baisse de popularité. Maintenant, ce sont les prévisions économiques qui laissent planer des nuages bien gris. La Commission Européenne a revu à la baisse les prévisions de croissance pour les pays membres, dont l’Italie. Sans aller dans les détails techniques, cela remet en danger le programme du gouvernement, à commencer par les promesses fiscales. Il ne s’agit pas uniquement de la baisse des charges salariales mais également de la réforme des taux d’imposition lancée il y a quelque temps dans le but d’en faire un symbole pour la campagne électorale. Si la lune de miel entre Meloni et ses électeurs n’est pas encore terminée, l’incertitude économique pèse sur cet automne bien difficile. Après les beaux jours, l’automne difficile s’annonce avec la fin de la suspension du Pacte de stabilité, le sujet de la BCE, des taux, etc. Aller chercher un ennemi et le montrer du doigt, comme cela s’est passé avec le Commissaire Paolo Gentiloni, est un réflexe automatique qui se déclenche au lieu d’expliquer la réalité. C’est une façon de simplifier les problèmes en faisant la distinction entre les bons et les méchants. Est-ce que cela marchera ? Le prix de l’essence continue sa flambée malgré le décret prévoyant des aides, l’inflation pèse de plus en plus dans le budget des Italiens malgré la baisse des impôts, la réforme des taux d’imposition est reportée, les arrivées de migrants ont doublé : un seul ennemi ne suffira pas, qu’il soit en Europe ou à Rome. Il serait préférable alors d’expliquer l’ensemble de facteurs italiens et européens qui rendront difficile la réalisation des promesses non seulement pour cette année mais également pour 2024. L’année prochaine Gentiloni sera à la fin de son mandat à la Commission et la gauche de Schlein et de Conte n’ont pas encore donné l’impression d’être des adversaires redoutables. Bref, il serait bon de bien choisir ses ennemis. »
EXTRAIT, Corriere della Sera, de l’ouvrage d’Alessandro Sallusti (ancien directeur de Libero et nouveau directeur du Giornale) intitulé La versione di Giorgia dans lequel il interviewe la Présidente du Conseil Giorgia Meloni, « Sans une vision politique, l’Europe est aux [mains des] bureaucrates ; il est temps d’initier une nouvelle phase » : « Ursula [von der Leyen] travaille beaucoup et sait écouter, il n’est pas difficile de collaborer avec elle. Du reste, ça ne doit pas être facile de tout concilier, le gouvernement européen est une constante médiation entre chacun des gouvernements et les équilibres politiques du Parlement européen. L’actuelle alliance entre populaires, socialistes et libéraux de centre-gauche peut rappeler l’expérience – pas très heureuse – des gouvernements de large entente en Italie sauf qu’en Europe la timidité de l’aile modérée a laissé le champ libre aux rouges et aux verts, au moins jusqu’à ces derniers mois. C’est pourquoi nous avons le devoir d’essayer de changer. Comme en Italie, des gouvernements de nature si hétérogène finissent par produire des politiques peu courageuses, dépourvues de vision. Jusqu’à présent les Conservateurs ont été tenus à l’écart, mais le fait que le troisième pays le plus important d’Europe soit désormais dirigé par des Conservateurs est un fait significatif pour l’ensemble de l’UE. En déconstruisant par les faits le narratif du ‘’danger’’ alimenté ces dernières années, il est possible d’initier une nouvelle voie. L’Italie, la Pologne et la République Tchèque, appartenant également à la famille politique des CRE (Conservateurs et Réformistes Européens), représentent 24% de la population européenne, soit une part non négligeable : 1 européen sur 4 vit dans un pays dirigé par les conservateurs. Si nous démontrons, comme nous sommes en train de le faire, qu’il peut y avoir une droite de gouvernement dans une grande démocratie européenne, sérieuse et fiable, mais aussi cohérente, si nous démontrons que nos méthodes -diabolisées pendant des années – fonctionnent alors ce qui a eu lieu en Italie peut se produire ailleurs. Et les élections européennes de 2024 peuvent marquer le début d’une nouvelle phase. Il est encore trop tôt pour dire si une alliance entre Populaires et Conservateurs pourra se substituer à l’axe entre Populaires et Socialistes au Parlement européen, mais je crois qu’à la place des majorités trop hétérogènes, il serait bon d’avoir en Europe un sain bipolarisme politique qui permette à une nouvelle majorité d’indiquer une voie claire pour l’Europe dans une phase décisive. Je connais Manfred Weber et je vois bien qu’après des années à ne pas communiquer il montre des signes d’ouvertures à l’égard des Conservateurs sur des thèmes communs comme sur l’implication de tous les pays pour contenir et réguler l’immigration et sur la lutte contre une certaine dérive idéologique dans les mesures européennes pour la transition écologique. L’Europe a besoin de faire des choix courageux et cela n’est possible que si la politique retrouve un rôle central, portée par une majorité à la vision et aux idées homogènes. »
COULISSES, Corriere della Sera, M. Guerzoni « Le duel a été évité mais le coup de froid avec le Commissaire Gentiloni demeure » : « Il n’y a aucun duel entre la Présidente du Conseil Meloni et le commissaire européen Gentiloni mais juste ‘’une confrontation de basse intensité’’. L’entourage de la cheffe du gouvernement s’attend à ce que l’on continue ainsi, avec des petits avertissements, sans que la tension qui a fait surface n’explose en véritable conflit. Nous assistons donc à une trêve, mais le coup de froid demeure. Au sein de Fdi, tout comme dans la Ligue et à Forza Italia, on pense que Gentiloni ne cherche pas à se porter candidat en Europe ni à prendre la place de Schlein au sein du PD, mais qu’il souhaite en réalité se présenter comme candidat à la présidence du Conseil d’une future coalition de centre gauche. Un proche de Meloni explique ‘’pour Giorgia la meilleure défense est d’attaquer en premier’’. Si Meloni a attaqué l’Italien le plus influent en Europe, c’est justement car elle estime que ce dernier n’ait pas fait suffisamment pour aider Rome sur des dossiers cruciaux tels le PNRR et le Pacte de Stabilité. Le commissaire, face à la presse, a reconnu que le gouvernement italien avait ‘’beaucoup travaillé’’ pour arriver à une solution sur le dossier Lufthansa-ITA et il s’engage à donner un coup de main, même si ce dossier ne relève pas de ses compétences. C’est ce que le ministre de l’économie Giorgetti voulait entendre après lui avoir demandé lors du G20 de Dehli ‘’un coup de main pour l’Italie’’. L’autre partie de l’intervention de Gentiloni qui a été appréciée par le Palais Chigi est celle concernant le fonds pour la rénovation des bâtiments, que le commissaire a qualifié de ‘’décision juste’’. L’autre partie, celle sur le Pacte de Stabilité, est lue et relue avec attention par le Palais Chigi et le Trésor. Gentiloni juge ‘’équilibré’’ le projet proposé par la Commission et il se dit prêt à l’améliorer et à ‘’ accompagner’’ le gouvernement Meloni vers une entente sur les nouvelles règles budgétaires. Quand Gentiloni invite les pays membres à suivre des politiques fiscales prudentes, il croise la ligne de Giorgetti et de la Présidente du Conseil sur la loi de finances. Les « meloniens » n’ont cependant pas apprécié le ton et la manière avec laquelle le Commissaire a répondu aux critiques ‘’je tiens à mon pays et je ne veux pas alimenter des polémiques pouvant nuire à l’Italie’’, car cela a été vu comme une accusation voilée d’auto-flagellation. »
PREMIER PLAN, Il Messaggero, de G. Rosanna, « Oui au candidat italien [au comité exécutif] de la BCE, ‘’mais maintenant il faut approuver le MES’’ » : « L’UE a donné son premier feu vert à la candidature de Piero Cipollone au sein du Comité exécutif de la BCE. Pour les gouvernements des autres pays membres, ce sera l’occasion de renouveler les pressions sur l’Italie pour qu’elle se décide à ratifier la réforme du MES. Lors de la réunion informelle ministérielle sur les affaires économiques et financières de l'UE à Saint-Jacques de Compostelle, l’Italie sera doublement sous le feu des projecteurs. D’une part le ‘’oui’’ à Cipollone, unique candidat pour prendre la place au sein du board de la BCE de Fabio Panetta (qui prendra quant à lui la direction de la Banque d’Italie). D’autre part, la ‘’demande d’éclaircissement sur l’état d’avancement de la procédure de ratification de la réforme du Mécanisme européen de Stabilité par l’Italie’’ sera réitérée au ministre Giancarlo Giorgetti (Ligue). Les partenaires européens semblent à bout de patience depuis un moment déjà mais, officiellement, personne ne met en doute qu’il ‘’s’agit d’un dossier délicat’’ pour l’Italie. Une source proche de l’UE souligne toutefois les attentes vis-à-vis de Giorgetti. L’Italie est le dernier des 20 pays de la zone euro à ne pas avoir ratifié le texte devenu le symbole des incompréhensions entre Rome et Bruxelles. Il n’y a pas d’alternative au texte sur le MES et il n’est pas question de poursuivre sans l’Italie. Pourtant, le doute plane sur l’entrée en vigueur du dispositif devant servir de filet de sécurité financier pour prévenir et limiter les risques de contamination en cas de crise d’une banque européenne. Bruxelles prévoit que la candidature de Cipollone à Francfort ne posera aucune difficulté. S’il est d’usage que l’Italie soit représentée par un expert au sein du board, il ne s’agit pas pour autant d’un droit acquis. Le comité exécutif reproduit en miniature les dynamiques entre ‘’faucons’’ et ‘’colombes’’ que l’on observe habituellement au niveau du conseil de direction composé des 20 gouverneurs des Banques centrales devant décider des taux. L’équilibre entre colombes et faucons est donc important parmi les six membres. Un poste de poids qui a donc été laissé à l’Italie suite au départ annoncé de Panetta et malgré le mécontentement de certains pays de l’Est qui n’ont jamais pris part au board. Une décision importante au sein d’une Europe querelleuse et qui se prépare à la grande valse des nominations après les élections de juin. »
COMMENTAIRE, Corriere della Sera, F. Giavazzi, « En Europe, il faut des alliances » : « Hier, la Commission européenne a donné son feu vert à la troisième tranche du PNRR : nous recevrons 18,5 milliards. En même temps, le gouvernement essaye de trouver près de 25 milliards pour équilibrer les comptes de 2024. Deux chiffres pas si différents, qui devraient faire comprendre à quel point le PNRR est décisif, si une seule tranche équivaut à une entière loi de finances annuelle. Mais les politiques semblent ne pas le comprendre. Hier, la Commission a également annoncé les prévisions sur l’économie. Elles confirment que notre économie ralentit. La priorité revient donc à la croissance. Car seule la croissance, crée des emplois, garantit des salaires dignes, rend notre dette et notre système de protection sociale viables et attire les investissements. Si la priorité est la croissance, il faut d'abord bien dépenser l'argent du PNRR. Mais le PNRR ne se résume pas seulement à des investissements. Afin d'accéder au financement du plan, l'Italie s'est engagée sur la voie des réformes, avec plus de 60 mesures réglementaires préliminaires à la réalisation des investissements. La plus importante cette année, qui doit être complétée d'ici Noël, est la loi annuelle sur la concurrence, une mesure qui affecte les rentes de catégories fortes, et qui les défendent avec acharnement. Le ministre Fitto craint que les investissements ne démarrent, mais il sous-estime la difficulté de faire approuver les réformes. Et la proposition de ne pas les mettre en œuvre a peu de chances d'être acceptée par l'UE. Il y a une autre priorité liée à la croissance. Si nous voulons qu'elle soit stable, nous devons avoir des règles budgétaires qui ne l'entravent pas. Un ralentissement économique, tel que celui prévu hier par la Commission européenne, nécessiterait une impulsion inverse de la politique budgétaire, c'est-à-dire plus de dépenses, en particulier une accélération des investissements publics, et moins d'impôts. Telle devrait être la fonction stabilisatrice d'une politique budgétaire saine. Mais l'ancien pacte de stabilité ne le permettait pas. Les pays de l'UE négocient un nouveau pacte depuis des mois et les négociations sont sur le point d'aboutir. Notre premier objectif, partagé par la France et l'Espagne, devrait être de supprimer les règles fiscales "procycliques". Tout le monde n'est pas d'accord au sein de l'UE, comme l’Allemagne, par exemple, où l’on estime que la mission de la politique budgétaire est de réduire la dette, même lorsque l'économie est en croissance. Grâce à la composition hétérogène de la majorité du chancelier Scholz, l'Italie, la France et l'Espagne avaient formé une alliance capable de tenir tête à l'Allemagne. Cet axe a été affaibli par le gouvernement Meloni et, en même temps, aucune alliance alternative ne se dessine, et ce malgré le fait que Paris, comme affirmé par Laurence Boone au Corriere, continue de garder la porte ouverte. La Commission européenne, chargée de formuler la proposition de réforme du pacte, a accepté dans ses lignes essentielles l'approche italo-française. Le projet ne se contente pas de supprimer les règles procycliques, il va plus loin : il reconnaît que les conditions diffèrent d'un pays à l'autre et ne prévoit pas, comme l'ancien pacte, des règles égales pour tous. Il autorise également des périodes de réduction de la dette pouvant aller jusqu'à sept ans si le pays s'engage dans un programme de réformes. Le commissaire Gentiloni, qui s'est beaucoup battu pour cette proposition, mérite un prix au lieu des critiques sur le manque d'attention aux intérêts nationaux. De manière surprenante, le ministre Giorgetti, au lieu de soutenir la proposition de la Commission, a changé d’avis. Il semble ne pas se soucier de la procyclicité des règles : il demande simplement qu'elles n'incluent pas, dans le déficit pertinent pour le pacte, les dépenses d'investissement. Il a également demandé que la réforme du pacte de stabilité soit couplée à une révision des contraintes de l'UE en matière d'aides d'État, afin que les pays européens soient en mesure de répondre aux importantes subventions que le président Biden accorde aux entreprises américaines. Des propositions raisonnables, mais toutes deux vouées à l'échec par manque de clairvoyance politique, compromettant la possibilité d'une alliance entre l'Espagne, l'Italie et la France et donc l'opportunité d'approuver des règles fiscales qui ne soient pas procycliques. Il serait compréhensible que ce soit un économiste sans expérience politique qui les ait proposées, mais pas un politicien comme Giorgetti. Cela fait au moins trente ans que la proposition d'exclusion des investissements du calcul du déficit se heurte à la nette opposition de l'Allemagne, tandis qu’en ce qui concerne les aides d'État, les pays de l'UE ont des intérêts contradictoires. Sans alliés, il est très difficile pour l'Italie, dans les négociations en cours à Bruxelles, d'obtenir des règles fiscales qui nous satisfassent. Il est donc surprenant que le gouvernement cherche une marge de manœuvre dans la révision des règles fiscales européennes pour la prochaine loi de finances. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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