09/06/2023
"L’Italie ne cède pas, [enfin] un tournant sur les migrants."
Italie. Revue de presse.
L'accord trouvé hier sur les migrations par les ministres de l’Intérieur européens en conseil JAI fait les gros titres « Accord de l'UE sur un nouveau pacte sur les départs et les demandes d’asile » (Corriere della Sera), « Migrants, un accord sur le pacte européen : l’Italie ne vote pas avec Orban » (La Repubblica, la Stampa), « L’Italie ne cède pas, [enfin] un tournant sur les migrants » (Il Giornale). « Les nouvelles règles sur le télétravail sont adoptées par le Sénat » (Sole 24 Ore), « Le télétravail jusqu’en décembre et seulement pour le secteur privé » (Il Messaggero) et l’attaque au couteau à Annecy par un Syrien « Attaques contre des enfants » (Stampa), « Enfants attaqués au couteau, la folie d’un réfugié » (Il Messaggero) sont également cités en Une.
COMMENTAIRE, Corriere della Sera, de F. Sarzanini, « Un changement de rythme » : « L’accord d’hier est un résultat fondamental pour la gestion des flux migratoires. Il reste beaucoup d’obstacles mais ce pacte entre les ministres de l’Intérieur et l’UE représente enfin un changement de rythme. La longue et difficile négociation a permis à l’Italie de tenir bon sur certains points importants et démontré la faiblesse des pays du groupe de Visegrad refusant par principe quel qu’accord que ce soit sur l’accueil des étrangers. L’Italie, qui demandait depuis des années à l’UE de ne pas être laissée seule, n’avait rien obtenu jusqu’à présent, comme l’avait souligné le Président italien lui-même, Sergio Mattarella, il y a à peine un mois : ‘’jusqu’à présent il a été difficile d’impliquer de manière efficace nos partenaires européens’’. Il est juste d’avoir pour objectif la protection des frontières extérieures de l’Europe et la régulation des entrées, mais il est illusoire de penser pouvoir arrêter les flux migratoires. Aider économiquement ceux qui fuient leur pays afin d’éviter les départs n’est pas toujours possible. Il y a des conflits majeurs en Afrique et en Asie, ou des situations d’urgence comme en Afghanistan ou en Ukraine, face auxquels il est nécessaire de fournir une assistance et l’accueil des réfugiés. Il ne fait pas de doute que l’Italie est l’un des pays les plus exposés. Le code de conduite imposés aux ONG qu’a fait passer ce gouvernement s’est révélé être une mesure punitive contre les organisations menant des missions de secours des migrants, mais pas une mesure efficace pour arrêter les arrivées clandestines sur nos côtes. D’après les chiffres du ministère de l’Intérieur, 53 606 étrangers sont déjà arrivés sur notre territoire par voie maritime cette année contre 21 243 l’année dernière. Des personnes qui prennent le risque pour tenter la traversée. Les chiffres nous disent qu’il n’y a aucune invasion, mais confirment en revanche qu’il y a beaucoup à faire pour l’assistance et l’intégration de ces personnes. Il faut sortir de la logique d’urgence et il faut pour cela un système commun à toute l’Europe afin d’éviter les crises diplomatiques comme celle qui avait récemment éclaté entre l’Italie et la France. L’harmonie affichée par la présidente du Conseil italienne et le chancelier allemand hier, ou la paix faite avec Paris notamment grâce à l’excellente relation entre les présidents Mattarella et Macron montrent bien que l’on peut trouver un point d’entente pour travailler ensemble. Le ministre de l’Intérieur Matteo Piantedosi a eu raison de mettre sur la table des négociations les points incontournables pour le gouvernement italien, permettant d’obtenir un résultat clair et surtout de faire jouer à notre pays un rôle-clef dans la négociation. Ainsi, l’Italie s’est placée du côté des pays membres qui ne voient pas l’immigration comme une menace et veulent au contraire en faire une ressource. C’est la bonne voie et c’est la seule façon de pouvoir prétendre ne pas être laissé seul. »
ENTRETIEN, Corriere della Sera, de Matteo Piantedosi (Indépendant), ministre italien de l’Intérieur, « Nous avons refusé l’argent, l’Italie ne deviendra pas un centre de réception [des migrants] » : « [Le conseil JAI] est un lieu de méditation et nous sommes satisfaits de la négociation qui a notamment porté sur certains points fondamentaux à nos yeux, comme la définition des pays tiers avec lesquels on peut passer des accords. C’est en substance notre ligne qui a été adoptée et vers laquelle nous avons fait converger tous les pays qui faisaient opposition sur ce point. C’est une journée importante, mais ce n’est qu’un point de départ. Sur le volet de la solidarité obligatoire, nous avons préféré ne pas accepter les compensations financières car nous estimons que l’Italie a une dignité de pays fondateur de l’UE et nous n’avons pas besoin de dédommagement économique pour devenir le centre d’accueil de l’UE. Nous avons préféré miser plutôt sur un mécanisme de compensation par les pays n’acceptant pas la redistribution et qui financerait un fonds spécifique géré par la Commission afin de réaliser les projets de la fameuse ‘’dimension extérieure’’ pour la première fois concrétisée à travers des actes et pour laquelle le gouvernement Meloni fait pression depuis le début. Nous avons accepté le défi des procédures à la frontière et les avons même anticipées avec le décret approuvé à Cutro. Nous avons pour cela obtenu un soutien financier logistique de l’UE. Nous avons accepté car l’Italie est géographiquement parmi les pays de première arrivée : que nous acceptions ou non de réaliser les infrastructures destinées à ces procédures, les migrants arriveront de toute façon sur nos côtes, nous avons donc opté pour une approche sur le long terme. La médiation a été réussie et l’Italie a joué un rôle central dans cette discussion importante. Les Pays-Bas se sont impliqués dans toutes les phases critiques. L’accord est amitieux mais nous nous sentons à la hauteur et nous sommes rassurés par le soutien européen qui est concret. »
ARTICLE, La Repubblica, T. Mastrobuoni « Meloni et Scholz affichent leur entente mais les divergences persistent sur les ONG et l’austérité » : « Le Chancelier allemand a préféré mettre de côté les différences politiques pour adopter une approche pragmatique, comme l’affirme une source présente à la rencontre. L’effort consistait à faire converger les deux dirigeants sur les dossiers où l’Italie et l’Allemagne ne peuvent que collaborer. A commencer par l’économie. Il y a ainsi eu une entente sur la ‘’diversification énergétique’’, le Plan Mattei, la ligne d’hydrogène SoutH2 et sur le Plan d’action entre les deux pays qui, après des mois d’enlisement, est prêt à être signé. La migration a également été évoquée. Pour Scholz, la crise migratoire risque de remettre à nouveau en cause l’espace Schengen, si la tentation de refermer les frontières devait refaire surface. Rome et Berlin sont d’accord sur l’urgence de passer des accords avec les pays d’origine des flux. Meloni a rappelé la prochaine mission à Tunis avec von der Leyen et a révélé une convergence avec Scholz dans l’effort pour l’obtention des financements du FMI. Des divergences de points de vue demeurent toutefois sur les hotspots aux frontières externes de l’UE et sur les ONG qui interviennent en Méditerranée. Preuve en est le choix de Meloni d’éviter une question à ce sujet. Or, tout le monde sait que le chancelier allemand soutient les ONG et a même commencé à les financer. Enfin, sur le Pacte de Stabilité, au-delà des propos génériques de Meloni sur l’Allemagne qui aurait selon elle compris la nécessité de surmonter cet obstacle, les différences demeurent, pas tant avec Scholz qu’avec son ministre des finances, Christian Lindner. »
COMMENTAIRE, Sole 24 Ore, L. Palmerini « L’arrière-plan politique de la rencontre Meloni-Scholz » : « Après la rencontre au Palais Chigi, les déclarations de Scholz et de Meloni se voulaient conciliantes mais il est évident que les intérêts de fonds, excepté dans le domaine commercial, ne coïncident pas. En particulier maintenant que l’Allemagne est aux prises avec une récession technique : la marge de négociation à l’étranger se réduit pour l’un comme pour l’autre et ils font face à davantage d’exigences internes. Meloni n’est donc pas la seule à mener sa bataille pour chambouler les équilibres européens, le Chancelier socialiste, Emmanuel Macron et Pedro Sanchez s’activent eux aussi afin de contrer un éventuel pacte entre les populaires et les conservateurs. »
ARTICLE, Domani, L. di Giuseppe « De l’immigration au Plan d’action, l’entente entre Meloni et Scholz ne prend pas de hauteur » : « Nous avons assisté à une rencontre qui permet à chacun d’obtenir quelque chose, avec des accords limités portant sur des thématiques spécifiques. Sur le fond, la relation entre Meloni et Scholz reste tiède. Meloni et Scholz sont des adversaires politiques avant d’être des Chefs de gouvernement alliés. Meloni demeure cette championne de la droite extrême qui est condamnée à l’ostracisme en Allemagne. Avec le parti Alternative für Deutschland atteint 19% des intentions de vote, Scholz ne peut pas se montrer trop condescendent avec Meloni. Toutefois, une sorte d’infrastructure diplomatique peut être utile pour les questions ponctuelles, là où les intérêts nationaux coïncident. Sur l’immigration, Rome a besoin d’obtenir des avancées et Scholz aussi souhaite mettre certains points au clair sur la réforme du traité de Dublin. Meloni et Scholz s’accordent donc sur la nécessité d’accroître l’effort de collaboration avec les pays de départ et de transit. Mais l’entente se limite aux questions de principe, sans aborder les implications concrètes d’un nouveau système d’accueil et de répartition. »
PREMIER PLAN, Sole 24 Ore, de F. Landolfi, « Des projets à hauteur de 7,3 milliards d’euros ont été revus, la ligne Palerme-Catane a été abandonnée ainsi que le Système européen pour la sécurité du trafic ferroviaire (ERTMS) » : « Une série de projets sera abandonnée mais la plupart seront surtout remaniés, revus, redimensionnés ou reportés. Le rapport semestriel sur le Plan national de Relance indique que, sur les 39,7 milliards attribués au ministère des Transports et des Infrastructures (soit 20% des fonds du PNRR), seulement 12% ont été dépensés. Le ministre Matteo Salvini a présenté hier au ministre Raffaele Fitto (Frères d’Italie), en charge du Plan, ses propositions de révision. Certains projets accusent un retard dramatique, d’autres s’avèrent peu attractifs pour le marché : ils seront repensés. Ce remaniement représente 7,3 milliards d’euros de projets. La ligne à grande vitesse devant relier Salerne à Reggio en Emilie-Romagne est sauve bien qu’elle aurait été sur la sellette. En revanche, la ligne Rome-Pescara, une des trois diagonales devant relier les côte ouest et est, est définitivement abandonnée. Les fonds en question seront redistribués vers les deux autres lignes et au renforcement du réseau régional. Idem pour la ligne Palerme-Catane pour 276 millions d’euros. Le ministère propose là aussi des interventions pour améliorer les lignes déjà existantes en attendant la réalisation de la ligne à grande vitesse. Les travaux sur la ligne Naples-Bari évoluent également, l’intervention sur certains tronçons est abandonnée au profit d’autres tronçons de la même ligne pour lesquels il y a plus de certitude d’atteindre l’objectif, comme l’avait suggéré la Commission européenne. Les fonds dédiés à l’intervention de la société ENAV pour la numérisation de la gestion des aéroports sont sensiblement revus à la baisse, de même que pour le projet ERTMS, le Système européen pour la sécurité du trafic ferroviaire pour lequel il manque la matière première nécessaire à 600km de ligne. 500 millions seront ainsi refléchés vers le métro et les nœuds ferroviaires. Idem sur la ligne Ligurie Alpes : 4 milliards sont remis en circulation. Sur le volet de l’hydrogène, cela fait plusieurs mois qu’il y a plus de doutes que de certitudes et les fonds devraient être redirigés vers le ferroviaire. Autrement, un nouvel appel d’offre pourrait être publié, en repoussant l’échéance intermédiaire, sur demande de certaines collectivités locales. Enfin, Salvini a demandé à Fitto 1,1 milliard pour réduire la déperdition sur le réseau hydrique national. »
ARTICLE, Corriere della Sera, Marco Galluzzo, « Désaccord avec Salvini au niveau de l’UE : la colère de la Ligue contre Tajani (Forza Italia) » : « Lors de la convention du Parti populaire européen (PPE) qui s’est tenue hier à Rome, le vice-président du Conseil des ministres et membre de Forza Italia Antonio Tajani a déclaré qu’en vue des élections européennes de juin 2024, une alliance avec la Ligue de Salvini n’était possible que si ce dernier changeait de camp et adhérait à une autre famille politique. ‘’La seule alliance possible est l’alliance avec les conservateurs, les libéraux et les représentants du PPE’’, ‘’il est impossible de s’allier avec le groupe Identité et Démocratie’’ (dont font partie l’Afd et le RN). Les mots du ministre ont immédiatement provoqué les réactions de la Ligue, ‘’qui ne semble pas prête à écouter ses suggestions’’, d’autant que le PPE continue à suivre le ‘’chemin de Macron, des gauches et d’Ursula von der Leyen’’. Invité à se prononcer sur une future coopération avec M. Salvini, le président du PPE Manfred Weber a déclaré que ‘’l’objectif du parti est de travailler sur les questions de fond, comme l’inflation et l’immigration’’, avant de clamer que ‘’Forza Italia est le pilier de l’approche européenne du Ppe dans ce gouvernement" et qu’il était ‘’impensable d'envisager l'Europe sans les chrétiens démocrates’’. Du côté de la Ligue, M. Salvini a rencontré hier le leader de Chega (parti d’extrême droite portugais allié au Rassemblement National), signe que l’entrée de son parti au PPE n’est toujours ‘’pas à l’ordre du jour’’ (comme il l’avait lui-même déclaré ce 4 juin) ».
ENTRETIEN, il Messaggero, Ferdinando Nelli Feroci, Ambassadeur et Président de l’Institut des Affaires Internationales, « Une intervention directe de l’OTAN ? C’est improbable et contraire aux règles prévues par le Traité » : « En réponse aux propos de l’ancien Secrétaire général de l’OTAN Anders Fogh Rasmussen sur l’hypothétique adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, selon qui des troupes ‘’polonaises ou d’autres pays membres pourraient être déployées en Ukraine’’, l’Ambassadeur Ferdinando Nelli Feroci a tenu à clarifier certaines positions. D’abord, il paraît nécessaire de ‘’replacer cette déclaration dans son contexte’’, à savoir la tenue à Vilnius (en juillet 2023) d’un Sommet de l’OTAN que Rasmussen pourrait exploiter pour faire pression sur les derniers pays encore réticents à l’idée que l’Ukraine puisse adhérer à l’organisation. Ce que Rasmussen laisserait sous-entendre, c’est que si ces pays ne promettaient pas à l’Ukraine de réelles perspectives d’adhésion, alors ‘’d’autres membres de l’OTAN seraient tentés d’intervenir directement’’. Or, aucune implication directe n’est prévue à ce jour car l’Ukraine n’est pas membre de l’OTAN, ce serait donc ‘’improbable et contraire aux règles prévues par le Traité’’ que d’intervenir dans un pays non-membre de l’organisation. Dès lors, il apparaît plus probable qu’il y ait consensus sur une adhésion à l’UE, mais au sein même de l’OTAN les pays membres ont des positions encore trop distantes pour s’accorder sur une adhésion complète. Compte tenu de ces réticences, l’hypothèse d’une adhésion partielle ou la mise en place de mécanismes de consultations avec des pays non-membres (sur la base de l’article 4 du Traité) paraissent plus probables. Concernant l’éventuelle contre-offensive ukrainienne, gare à la ‘’guerre de l’information toxique’’ que se livrent l’Ukraine et la Russie, d’autant qu’aucune ‘’preuve concrète’’ de ‘’contre-offensive massive’’ n’a été observée jusqu’ici. En cas de succès de cette dernière, Kiev risquerait de ne pas ‘’réussir à récupérer tous les territoires occupés par la Russie’’, étant donné que la proportion des forces militaires en place est aujourd’hui favorable à Moscou. L’objectif serait pour l’Ukraine de parvenir à une partition des territoires plus équilibrée. Enfin, il est encore tôt pour se prononcer sur un éventuel renversement du pouvoir Russe et de V. Poutine, même si les récentes déclarations de Prigojine laissent à penser que Moscou traverse une période de turbulences’’ ».
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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