12/04/2023
"Migrants, l’état d’urgence a été décidé."
Italie. Revue de presse.
L’adoption du Document économique et financier qui modifie la loi de finances (DEF), et acte une baisse de 3 milliards des charges salariales, fait les gros titres : « Trois milliards pour baisser les charges salariales » (Corriere della Sera, Sole 24 Ore), « Une loi de finances à trois sous » (La Repubblica), « Emploi, (voici la) baisse des charges salariales » (Il Messaggero). « Nominations des DG des entreprises publiques : Meloni impose le nom de Cingolani pour Leonardo » (La Stampa), « Question migratoire, le tournant de Giorgia Meloni, six mois d’état d’urgence » (Il Giornale), « Un commissaire spécial pour [gérer] l’urgence migratoire » (Il Messaggero).
Les JT couvrent l’adoption du document économique et financier, l’état d’urgence décidé pour contrer les flux migratoires, l’adoption des sanctions pour les manifestations impliquant des détériorations d’œuvres d’art et enfin la visite du Président J. Biden en Irlande du Nord.
COULISSES, Corriere della Sera, de F. Fubini, « Un parcours difficile sur le déficit pour éviter une procédure d’infraction de l’Union européenne » : « Hier, alors que le gouvernement italien publiait le document économique et financier qui modifie la loi de finances, le FMI diffusait ses prévisions pour 2023. Les deux documents font le même constat : la croissance ralentit car l’effet de rebond naturel après la crise du Covid s’atténue et, pour l’Italie, l’effet moteur des subventions publiques massives dans le secteur immobilier arrive à son terme, alors que l’impulsion due aux réformes et aux investissements dans le cadre du Plan de Relance ne se fait pas encore sentir. De fait, le maintien de chiffres contenus dans les dépenses publiques italiennes et le rôle que jouera le pays à Bruxelles au cours des deux prochaines années dépendra en grande partie du succès de son Plan de Relance. Dans son Document économique et financier, le gouvernement italien s’efforce de tracer la voie pour éviter une procédure de déficit excessif de la Commission européenne sans pour autant perdre un certain élan économique. De façon générale, le FMI évoque un risque de ‘’d’atterrissage brutal’’ pour les économies avancées et le cas spécifique de l’Italie n’est pas très positif. Avec le système de bonus immobiliers mis en place dans le pays, on peut parler d’une croissance inefficace : 4,2% du PIB ont été investis dans ces aides pour une croissance du PIB de 3,7% l’année dernière : chaque euro de dette jeté dans ce vaste brasier a rapporté moins d’un euro de croissance. Mais l’Italie devra désormais aller de l’avant sans ce moteur. Les prévisions du gouvernement et celles du FMI sont radicalement différentes : le DEF prévoit 1,5% de croissance pour 2024 contre seulement 0,8% selon le rapport du FMI, un des rythmes de croissance les plus bas estimés pour les économies avancées. Toutefois, il n’est pas certain que ce soit le FMI qui voit juste et le gouvernement italien qui se trompe, au contraire, on a vu ces dernières années que les prévisions plus optimistes de l’Italie s’étaient vérifiées, et non celles plus négatives du FMI. Mais attention, désormais tout reposera sur la capacité de l’Italie à déployer 40 milliards d’euros par an d’investissements dans le cadre du Plan national de Relance. Là encore, le gouvernement se veut optimiste, alors que le FMI se veut plus prudent. En 2024, les règles budgétaires européennes seront rétablies et il est fort probable que les pays de la zone euro doivent à nouveau maintenir leur déficit public en-dessous des 3% de PIB. L’Italie ne parviendra pas à passer sous ce seuil d’ici l’année prochaine et risque donc, de même que la France, la Belgique, l’Espagne et d’autres, de finir dans le viseur de la Commission en matière de contrôle des finances publiques. Ce scénario réduirait considérablement la marge de manœuvre du gouvernement en matière de politique économique, par exemple pour la réforme fiscale. Le DEF présenté hier a donc pour objectif stratégique un retour sous les 3% de déficit pour 2025. La Commission peut en effet choisir de ne pas lancer de procédure lorsque la trajectoire présentée semble crédible. Mais cela implique un rythme de croissance qui ne laisse aucun écart possible dans la mise en œuvre du PNRR. »
PREMIER PLAN, La Repubblica, de F. Tonacci, « Migrants, le gouvernement s’attribue davantage de pouvoirs : l’état d’urgence est déclaré et la protection spéciale sera réduite » : « L’Italie a décrété en Conseil des ministres l’état d’urgence nationale pour l’accueil des réfugiés, pour une durée d’au moins six mois et avec la nomination par le chef de la Protection civile d’un commissaire délégué. Exactement comme lorsqu’un grave tremblement de terre se produit. Par ailleurs, la majorité a trouvé un accord sur une série d’amendements au décret Cutro limitant davantage l’octroi et le renouvellement de la protection spéciale et permettant d’expulser encore plus rapidement les personnes en situation irrégulière. Si ce n’est pas tout à fait un retour aux anciens décrets de Salvini, on y est presque. Un fonds de 5 millions d’euros a été alloué pour gérer l’urgence nationale. La décision s’appuie principalement sur deux données : depuis le début de l’année, plus de 31 000 personnes sont arrivées clandestinement en Italie, soit 300% de plus que l’année dernière à la même période. Et 115 000 migrants sont actuellement présents sur le territoire italien (les réfugiés ukrainiens ne sont pas comptabilisés). D’après le ministère, le système d’accueil de ces personnes est saturé. On peut se demander pourquoi puisqu’en 2016, année record pour les arrivées clandestines (181 000) l’Italie avait accueilli 176 000 personnes sans déclarer l’état d’urgence pour autant. L’ancien chef du département pour les Libertés publiques et l’immigration du ministère de l’Intérieur, Valerio Valenti, sera très probablement nommé dans les prochaines heures commissaire délégué. Il devra trouver de nouvelles places d’accueil des migrants, pourra les transférer d’une ville à l’autre sur l’ensemble du territoire afin qu’ils ne restent pas à Lampedusa, acheter ou louer des bâtiments pour créer de nouvelles structures d’accueil, augmenter la capacité des Centres de permanence avant le rapatriement. Au nombre de dix pour le moment, Salvini voudrait en ouvrir un par région pour intensifier les rapatriements. Dans ce nouveau cadre juridique, la protection spéciale sera par ailleurs réduite au minimum, aussi bien pour les cas d’éligibilité que la durée de validité ou la déchéance. Les mesures visent à identifier le plus rapidement possible la situation de chaque migrant et, le cas échéant, à un rapide raccompagnement à la frontière y compris à travers des mesures incitatives pour les pays de provenance. La majorité devrait présenter la mesure entre le 18 et le 20 avril au Sénat, et tentera de limiter autant que possible un obstructionnisme de l’opposition. Dès la première ébauche du décret Cutro, la Présidence du Conseil et la Présidence de la République s’étaient entretenues, ce qui avait permis d’arrondir les angles du projet. Les forces de la majorité ont déclaré qu’elles retireraient leurs amendements si le gouvernement le demandait. Mais Meloni ne semble pas avoir l’intention de le faire. »
ARTICLE, Corriere della Sera, V. Piccolillo « Migrants, l’état d’urgence a été décidé » : « L’état d’urgence a été décrété hier en Conseil des ministres. Comme l’explique Giorgia Meloni ‘’nous l’avons décidé afin de pouvoir donner des réponses plus efficaces et plus rapides à la gestion des flux’’. La Ligue se réjouit, évoquant le ‘’retour au premier décret sécurité’’ [présenté par Salvini lors du gouvernement Conte I]. Les oppositions, en revanche, condamnent la mesure. Giuseppe Conte (M5S) critique ouvertement Meloni : ‘’elle a donné son feu vert car elle n’est pas en mesure de gérer les arrivées qui ont été multipliées par quatre’’. Le Parti démocrate demande à ce que des amendements au décret Cutro ne soient pas trop importants car ‘’cela représenterait un tour de vis supplémentaire’. L’état d’urgence durera pendant six mois et sera accompagné d’un fonds de 5 millions d’euros qui servira à créer de nouvelles places dans les centres de rétention et de rapatriement (CPR), voire de créer de nouveaux centres. Salvini affiche sa satisfaction ‘’dans l’attente que l’UE se réveille’’, souligne-t-il, tout en menaçant l’installation de points de contrôle à la frontière avec la Slovénie si cette dernière ‘’ne devait pas reprendre tous ceux qui transitent illégalement par le territoire italien’’. Depuis le début de l’année, l’Italie a vu arriver 31 292 migrants, soit quatre fois plus qu’en 2022. Les mineurs non accompagnés seraient, à ce stade, au nombre de 3 038. »
COMMENTAIRE, Corriere della Sera, M. Franco « Le principe de réalité pour le gouvernement » : « Il est difficile d’envisager ce gouvernement autrement que comme un exécutif qui est dépassé par les urgences. Il doit faire face à tellement de sujets qu’il doit constamment faire une pause sur chacun pour pouvoir en freiner le cours. Mais il ne parvient pas pour autant à trouver une stratégie en mesure de les anticiper et de les surmonter. C’est vrai pour l’immigration, un problème structurel, abordé hier par le biais d’un « état d’urgence » de six mois. Même du point de vue lexical, la réponse dévoile un phénomène difficilement gérable, dans l’indifférence d’une grande partie des pays européens. Certes il n’est pas impossible que les mesures adoptées aboutissent à donner des résultats plus efficaces et rapides. Mais vu le peu de fonds qui ont été débloqués et la crainte que le nombre des arrivées n’empire, la prudence s’impose. Cette méthode d’action dans l’urgence impacte également le plan de relance national, pourtant stratégique pour l’Italie, et révèle que les objectifs seront moins ambitieux et les marges de manœuvre plus étroites que prévu. La question des nominations des directeurs généraux des entreprises publiques est aussi intéressante : pour certains, c’est une méthode imposée par Meloni, voulant affirmer sa primauté dans ce type de choix. D’autres soulignent la simple continuation d’un bras-de-fer entre Meloni et Salvini pour l’hégémonie sur la droite, un match dont le terrain serait les migrants, le PNRR, les nominations et même les concessions balnéaires. Cela risque d’enfermer le gouvernement dans une position d’otage sans fin de l’urgence »
COMMENTAIRE, Il Giornale, P. Guzzanti « La voie française » : « Vous vous rappelez de l’affaire de l’ « Ocean Viking » ? Le navire a été accueilli à Toulon, les migrants ont été identifiés, interrogés et divisés en trois groupes : ceux qui avaient droit à l’asile en France, ceux qui avaient le droit de demander l’asile ailleurs en Europe et ceux qui n’avaient pas de titre pour rester et qui ont été expulsés dans leur pays. Quelqu’un a protesté ? Non. Car la France est très rigide, parfois cruelle, mais elle fait respecter les règles et les lois. L’état d’urgence est un signal juste et traduit le caractère dramatique du contexte actuel, mais ne représente malheureusement pas la solution. La solution, c’est d’avoir un plan adapté à la réalité et qui fasse fonctionner les procédures de rapatriement comme cela se passe en France. Il est ensuite juste d’œuvrer et de dépenser beaucoup d’argent pour aider des pays tels que l’Egypte ou la Tunisie. L’Europe en parle, certes, mais uniquement à l’heure du thé, juste pour bavarder. La vérité est que l’Italie est abandonnée et doit s’en sortir toute seule, en agissant de manière humaine mais dans le respect des lois, et en investissant de l’argent sans toutefois le gaspiller. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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