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29/12/2022

"Imposition de règles et sanctions aux bateaux opérés par des ONG pour les sauvetages en mer."

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Italie. Revue de presse. 

La presse italienne titre aujourd’hui principalement sur l’obligation de tests pour les passagers de vols venant de Chine, décidée par une ordonnance du ministre de la santé : « Covid, retour de l’alerte chinoise. Des tests obligatoires pour les passagers en provenance de Pékin, pic de contaminations dans le Latium, l’Italie demande plus de contrôles à l’UE » (Messaggero). « Des tests pour ceux qui viennent de Chine. Pour le ministre de la santé Schillaci (Indépendant), les personnes positives devront faire une quarantaine » (Corriere della Sera), « le Covid venu de Chine, on repart comme il y a 5 ans » (Fatto Quotidiano), « Le virus pèse sur le gouvernement no-vax » (La Repubblica), « Covid, le syndrome chinois » (La Stampa). A la une également, le nouveau décret du ministre de l’intérieur Piantedosi (Indépendant), adopté hier en Conseil des ministres, et visant à imposer des règles et des sanctions aux bateaux opérés par des ONG pour les sauvetages en mer : « Migrants, la main de fer de la droite », « L’humanité reniée », éditorial de Luigi Manconi dans la Stampa ; « Pour les ONG en mer, les mesures restrictives ont été adoptées » (Corriere della Sera, Messaggero), « Approbation du décret contre les ONG, sauver des vies sera plus difficile » (Repubblica), « des amendes et des saisies, on lutte enfin contre l’action des ONG » (Il Giornale), L’état de santé du pape émérite Benoit XVI, présenté comme inquiétant hier par le pape François, fait également la une de plusieurs quotidiens. 

Les Journaux télévisés titrent sur les « tests obligatoires pour les personnes en provenance de Chine et la quarantaine obligatoire pour les cas positifs » ; « l’angoisse et les prières pour Benoît XVI suite à l’annonce du Pape François : ‘’il est très malade’’ » ; le « décret migrants avec les sanctions pour les ONG en cas de violation des nouvelles règles » ; « la loi de finances proche de l’adoption ». Ils annoncent également la « conférence de presse de fin d’année de Giorgia Meloni, prévue ce matin ».

ARTICLE, M. De Bac, Corriere, « Test obligatoire pour les passagers en provenance de Chine » : « Cela ressemble à un retour en arrière, il y a presque trois ans. En Chine, une tempête de contagion de Sars-Cov-2 est en cours. Aux Etats-Unis, à partir du 5 janvier, les vols depuis la Chine seront autorisés uniquement avec un test négatif. L’Italie s’est immédiatement activée avec une ordonnance du ministre de la Santé Schillaci : test antigénique obligatoire pour tous les passagers en provenance de Chine et en transit en Italie. Le vice-président du Conseil Salvini (Ligue) veut pousser dans ce sens la commissaire aux Transports de l’UE, mais l’Ambassade de Chine en Italie, interrogée par l’Ansa, recommande que les ‘’mesures de prévention de l’épidémie soient appropriées et n’entravent pas les échanges normaux entre populations’’. Les visiteurs positifs devront se mettre en quarantaine 7 jours, comme prévu par la Région Latium. A Milan Malpensa, le plan pour ‘’intercepter’’ les positifs était déjà mis en œuvre sur initiative de l’adjoint à la santé Guido Bertolaso sur base volontaire. Pour les Italiens, le danger semble moindre, les vaccins étant efficaces. Le variant Omicron est plus dangereux pour les Chinois qui n’ont pas de vaccin performant.  Chez nous, il circule déjà depuis un an avec ses sous-variants peu menaçants. Le monde se prépare cependant à dresser les barricades. La France est ‘’prête à étudier toutes les mesures à prendre’’ en collaboration avec les partenaires européens. En Italie, l’opposition demande à Schillaci de s’exprimer devant le Parlement. »

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Matteo Salvini

ARTICLE, La Repubblica, « Le gouvernement lance des mesures de répression à l'encontre des ONG ; dans le décret, report des mesures sur les « gangs » de jeunes et les féminicides » par Alessandra Ziniti : « Le "test" a été positif (du moins du point de vue du gouvernement), avec dix jours de répétitions générales et l'attribution de ports de débarquement aussi éloignés que possible ont suffi à priver la Méditerranée de toute forme de sauvetage civil. "Les mesures du gouvernement ont inversé (-78,6 %) la tendance à la hausse des arrivées avec les navires des ONG enregistrée au cours des dix premiers mois de 2022, lorsque, sous le gouvernement Draghi, 10 133 personnes ont débarqué avec les navires des ONG", a expliqué le ministre de l'Intérieur Matteo Piantedosi (Indépendant) en présentant son décret sur l'immigration au conseil des ministres. Et la nouvelle répression des ONG fortement souhaitée par le Premier ministre Giorgia Meloni (Frères d'Italie) et annoncée avant la fin de l'année se déroule sans heurts. Voici donc les nouvelles règles pour les navires humanitaires : de l'arrêt des sauvetages multiples aux sanctions confiées aux préfets en passant par la possibilité pour les migrants de demander l'asile à bord des navires étrangers. L'objectif (déclaré) : assurer le secours des personnes secourues en mer, mais en même temps éloigner le plus possible les navires humanitaires de la zone de recherche et rendre la charge économique et organisationnelle de chaque mission de plus en plus insupportable. Il s'agit d'un moyen de dissuasion pour vider la mer de la flotte humanitaire qui, selon Piantedosi, sert de taxi aux contrebandiers de Tripolitaine. Tout d'abord, le code de conduite stipule l'obligation de demander le port de débarquement de l'Italie immédiatement après le premier sauvetage. Finis les sauvetages multiples (à moins que les autorités de la zone Sar ne le demandent) et fin des transbordements d'un navire à l'autre, comme c'est le cas lorsque les sauvetages sont effectués par de petits bateaux qui mettent ensuite les migrants à bord d'autres navires humanitaires plus grands. Le décret stipule que le sauvetage des naufragés se conclura par un débarquement immédiat dans le port qui sera indiqué par le Viminale. Un port qui, au cours de ces semaines de test de la règle, s'est éloigné de plus en plus de la zone de recherche et de sauvetage, ne concernant plus la Sicile, la Calabre, les Pouilles (où débarquent plutôt les unités de la Garde côtière) mais aussi la Toscane, la Ligurie et même l'Émilie-Romagne. Deux types d'amendes sont prévus et destinés aux capitaines et aux armateurs : de 2 à 10 000 euros pour les capitaines qui ne fournissent pas immédiatement toutes les informations sur le sauvetage, avec possibilité de détention administrative de 20 jours pour le navire, et de 10 à 50 000 euro avec saisie du navire jusqu'à la confiscation en cas de récidive. Il y a également l’obligation pour le navire de "prendre des initiatives" pour informer les migrants naufragés de la possibilité de demander l'asile à bord et, si le navire est considéré comme étant sur le territoire de l'État du pavillon, cette procédure confierait la responsabilité de la réception et de l'examen des demandes d'asile à ce pays et non plus à l'Italie. »

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COULISSES, M. Guerzoni, Corriere, « La présidente du Conseil négocie et avertit son équipe : pas d’erreur sur la communication » - « Pas de “méga-décret“ pour Piantedosi » : « Cela n’a été ni simple ni indolore mais à la fin le gouvernement a trouvé un compromis pour que le texte du ‘’décret XXL’’ soit adopté, même s’il a été réduit à l’action des ONG en Méditerranée. Toutes les autres normes étudiées par le ministre Piantedosi (anti-terrorisme, phénomène des « gangs » d’adolescents, violences faites aux femmes) feront partie d’un autre décret, présenté l’an prochain. Meloni a calmé les tensions et a choisi cette voie. Avec A. Tajani (Forza Italia) et le ministre de la Défense Crosetto (Frères d'Italie), le secrétaire d’Etat Mantovano (Indépedant, autrefois Alliance nationale) avait travaillé dans ce sens. La question du règlement des ONG n’apparaît pas si prioritaire à certains ministres, dans la mesure où seulement 16% des migrants arrivent via des bateaux d’ONG en Italie mais pour ce gouvernement de droite la signification politique est importante. Giorgia Meloni a remercié Piantedosi et s’est adressée à Matteo Salvini - qui avait annoncé un décret ‘’comprenant tous les thèmes de sécurité’’-, en avertissant en fait toute l’équipe : ‘’sur la communication, nous ne pouvons pas commettre d’erreur, il est très important de donner les bons messages’’. Quant au choix de diviser le décret : ‘’nous ne pouvons pas mêler sécurité et immigration, sinon les gens n’y comprennent plus rien’’. Et certains dirigeants du gouvernement commentent entre eux cette légère défiance perceptible entre Piantedosi (Indépendant) et l’ancien ministre de l’Intérieur Salvini (Ligue). Sur la Libye, la tension est aussi palpable : Affaires étrangères (Tajani, Forza Italia) et Défense (Crosetto, Frères d'Italie) ne veulent pas que ce soit le ministère de l’Intérieur qui règle la relation avec Tripoli. Le ministre de l’Economie Giorgetti (Ligue) a calmé le jeu en affirmant que ‘’le problème est le vaccin chinois, et Italie il n’y a pas d’autre source d’inquiétude’’ ».

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Matteo Piantedosi

ENTRETIEN, La Stampa, de Marco Bertotto, directeur des programmes de MSF Italie, « En étant plus éloignés des zones de secours, il y aura plus de morts en mer » par Niccolo Carratelli : « Ce décret ne fait que confirmer le haut niveau de propagande sur ce sujet. On dénonce une illégalité qui n’existe pas. Nous, à MSF, nous respectons depuis toujours le droit. En novembre, quand on a bloqué notre Geo Barents à Catane, nous avons rendu publiques les communications avec les autorités de coordination des secours, pour démontrer le respect des procédures. Ce sont les autorités qui font défaut, qui ne font pas de coordination et souvent ne répondent pas. On instrumentalise les secours en mer, en les associant à la lutte contre les trafics d’êtres humains, alors qu’il s’agit de deux choses très différentes. Nous sommes inquiets des 1360 morts en méditerranée centrale depuis janvier, sans système centralisé de secours. Nos navires ne représentent qu’une partie minime des débarquements, mais on veut alimenter les préjugés à notre égard. Nous sommes d’accord avec l’idée que nous ne devrions pas être ceux qui garantissent les secours en mer et nous serions les premiers à nous retirer si le gouvernement décidait de s’en occuper avec ses moyens. C’est le manquement de l’Etat qui nous pousse à intervenir. A présent, les secours seront très difficiles. On peut reconnaitre l’importance d’avoir tout de suite un port assigné, mais il sera éloigné de la zone SAR, comme à Livourne ou Ravenne. Pour un port sicilien, 24 heures suffisent, pour Ravenne, 4 jours. Ensuite, il faudra compter le temps pour le voyage retour. Le navire risque de manquer les secours en méditerranée pendant 10 jours. En laissant la méditerranée sans ces bateaux, il y aura plus de morts. C’est comme imaginer un accident sur l’autoroute et contraindre l’ambulance à transporter les blessés dans une autre région. A un moment, il n’y aura plus d’ambulances. Sur le choix entre violer les règles en faisant d’autres sauvetages et les suivre en emmenant tout de suite les premiers naufragés vers le port, le capitaine du bateau se trouvera face à un dilemme éthique, entre l’obligation de porter secours aux autres, selon le droit de la mer, et suivre les règles italiennes. Pourtant, en 2017, c’étaient les gardes côtes italiens qui nous demandaient de rester sur zone pour réaliser d’autres sauvetages. A présent, en respectant les règles, on sera hors-jeu pendant une semaine, mais si on ne les respecte pas, on peut risquer une immobilisation du bateau pendant deux mois. Sur les demandes d’asile à bord, nous en avions déjà parlé à l’époque de Minitti, cela me parait irréaliste. Cela n’est pas réalisé sur les bateaux des gardes côtes italiens. Même selon le HCR, le recueil de demandes d’asile à bord est une procédure contestable et il n’y a pas de base juridique pour déterminer la responsabilité de l’Etat de pavillon. Nous avons chargé nos juristes de se pencher sur la question et nous nous réservons le droit d’y répondre formellement ».

ENTRETIEN, La Repubblica, Riccardo Gatti de Médecins sans frontières, responsable des opérations sur le Geo Barents, "C'est ainsi que la Méditerranée s'épuise et que le risque de décès en mer augmente" par Alessandra Ziniti : « "Pendant des années, les gens ont essayé d'éliminer les ONG, les seuls navires de sauvetage en Méditerranée. Ils poursuivent la criminalisation de la flotte civile. Mais le plus grave est que cette stratégie augmente de manière exponentielle le risque de décès de milliers de personnes. C'est pourquoi nous devons élever la voix, priver la Méditerranée du dispositif de sauvetage signifie prendre la responsabilité d'augmenter le pourcentage de morts en mer et de rejets illégaux, en permettant aux garde-côtes libyens de ramener des milliers de personnes dans l'enfer des centres de détention. . L'envoi de navires au centre-nord de l'Italie est une tentative évidente de limiter les secours. Le gouvernement continue de dire que les navires humanitaires sont un facteur d'attraction. Mais il a été amplement démontré que ce n'est pas le cas. C’est davantage la météo, favorable comme c'est le cas ces jours-ci, qui fait que beaucoup de bateaux partent et, par conséquent, il est facile de se retrouver à faire plusieurs sauvetages en quelques heures ou quelques jours. Sur l’interdiction de sauvetages multiples, nous allons continuer à suivre l’impératif éthique et logistique, et ce que nous avons toujours fait. Sauver des vies est une obligation inscrite dans toutes les conventions et lois internationales. Sur la légalité de ce décret, ce sera évalué par les avocats des ONG. Nous devrons certainement étudier les règles en profondeur et évaluer si elles sont conformes aux obligations internationales. D'un point de vue éthique, cela me semble inacceptable. La seule circonstance positive est qu'au moins les personnes que nous sauvons pourront disposer d'un "port de débarquement". »

COMMENTAIRE, La Repubblica, « Migrants, une mesure odieuse » par Carlo Bonini : « Appelons ça par son nom. Le décret sur les migrants - qu'il est plus juste d'appeler le décret sur les ONG - pris par le Conseil des ministres est une mesure identitaire, une mesure odieuse. Le gouvernement choisit le raccourci autarcique de réduire la question à un règlement de comptes avec les ONG, déjà pointées du doigt comme un fétiche de campagne électorale. Il transforme les activités d'aide humanitaire dans la partie inférieure de la mer Tyrrhénienne en une menace potentielle pour l'ordre public et la sécurité nationale. Même en dépit des données objectives qui les veulent responsables d'un modeste 11% seulement du nombre total d'arrivées de migrants dans notre pays. Avec un seul résultat : vider la Méditerranée des yeux et des oreilles capables de témoigner ou même simplement d'essayer d'empêcher que notre mer continue à être un immense et silencieux cimetière d'innocents. Le ministre de l'Intérieur est bien conscient que le décret qui rend la vie impossible aux équipages des navires des ONG ne résout pas la question des flux et des débarquements. Mais, surtout, il sait par expérience qu'il n'y a pas de "voie italienne" pour résoudre la question de l'immigration. Le message que Meloni envoie à l'Europe depuis hier soir est en fait celui d'un pays, l'Italie, dont l'arrogance autarcique n'a d'égal que son isolement. Introduire la possibilité de demander l'asile politique dans le pays dont le navire de l'ONG bat le pavillon, baptiser "port sûr" le lieu de débarquement le plus éloigné possible du point de premier sauvetage, ne fait que reproposer une idée infantile et forcée des relations entre les États partenaires en Europe. En outre, elle montre qu'elle n'a tiré aucune leçon de la crise avec la France et l'Allemagne le mois dernier. Quand le bras de fer avec Paris et Berlin n'a servi qu'à ne rien obtenir en Europe et à reléguer la question des migrants au bas de l'agenda de Bruxelles. »

COMMENTAIRE, L. Manconi, Stampa, « L’humanité noyée » : « Le décret-loi sur la sécurité, approuvé hier par le Conseil des ministres, donne la mesure, sur les activités des ONG, du fossé profond et sans remède qui peut exister entre la Vie et la Norme, entre les sentiments et les mouvements humains et la loi, entre les besoins fondamentaux, tels que la survie et la liberté, et les codes et les règlements. La tentation récurrente des gouvernements conservateurs et réactionnaires est de combler ce fossé par des mesures d'autorité, visant à imposer l'ordre et à contrôler les conflits. Ce qui est en jeu, c'est le sauvetage en mer et, depuis des millénaires, c'est une question fondamentale de vie et de mort. La possibilité, c'est-à-dire, de prendre une existence humaine à la mer ou de l'y abandonner. Entre les deux options, il n'y a aucune médiation ou compromis possible. Le droit au sauvetage fonde tout le système des droits humains universels. Elle repose, en effet, sur le principe et le lien de réciprocité : je te sauve parce que je sais que demain, si ma vie était en danger, tu me sauverais. Le sujet des ONG de la mer doit donc être traité avec le plus grand sens des responsabilités, ce que n’a pas voulu faire le gouvernement. Depuis toujours, l'histoire et la géographie, puis l'imagerie de la littérature, du cinéma et de la musique populaire nous ont donné des images tragiques de naufrages. Tout cela, dans le décret-loi du gouvernement, est réduit à un dispositif bureaucratique, un système d'interdictions destiné à se traduire - en cas de violation - par un système d'amendes, de sanctions, de saisies et de confiscations. Une telle volonté gouvernementale de réglementation ne peut viser qu’à  décourager et interdire la présence des navires des ONG dans les zones où se concentrent les bateaux de réfugiés ; et dénaturer l'objectif de l'action de sauvetage, en la transformant en une activité de contrôle et de répression. Mais l'autre activité qui serait confiée aux opérateurs des ONG (la collecte des demandes de protection humanitaire) est également étrangère à la finalité du sauvetage, comme les tribunaux internationaux l'ont affirmé depuis longtemps, et est inévitablement destinée à produire des litiges sans fin. En d'autres termes, ce nouveau décret sur la sécurité reproduit l'erreur capitale dans laquelle se sont engagés les précédents. L'action des ONG a permis de contenir et de réduire la comptabilité macabre en méditerranée : les combattre n'a pour effet que d'augmenter le nombre de victimes. En nous habituant à ce rôle de spectateur, le risque de devenir complice augmente. Si on ne l’est pas déjà ». 

ENTRETIEN de Giuseppe Valditara (Ligue, autrefois Alliance nationale), ministre de l’Instruction et du Mérite, dans La Stampa, « Nous reviendrons au bac comme avant la pandémie. Les enseignants bien formés doivent être payés plus » : « Le nouveau baccalauréat sera identique à celui qui était en vigueur avant le covid, sans aucune modification à la loi de 2017 voulue par le centre gauche. ‘’Le covid a laissé des traces, de nombreux jeunes sont victimes de harcèlement ou ont des difficultés à suivre le programme scolaire. Il faut rétablir la sérénité et assurer la sécurité des établissements, ce que les fonds du Plan de relance va nous permettre de faire’’. ‘’Pour être un citoyen mûr il faut lire des livres et des journaux, s’informer : c’est l’un des thèmes sur lesquels l’école et les instituions doivent œuvrer’’. ‘’Le Mérite fait référence aussi au fait de mieux payer les enseignants les plus formés et avec de plus grandes responsabilités’’. ‘’A la différence de l’Allemagne ou de la Suisse, nous avons un nombre moins élevé d’inscrits à la formation professionnelle. Penser que seule la filière universitaire existe signifierait que la réforme des Its (équivalents des BTS, ndlr) fortement soutenue par l’Europe, est en échec. Orienter les familles pour qu’elles fassent un choix utile pour l’avenir de leurs enfants avec la collaboration de l’école est sage et de bon sens. Le reste n’est que polémique idéologique’’ [ndlr : en référence à la lettre aux familles envoyée par le ministre à sa prise de fonctions] ».

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Giuseppe Valditara

ENTRETIEN, Messaggero, de Gennaro Sangiuliano, ministre de la culture (Indépendant, autrefois MSI), « Utiliser des mots étrangers, c'est du snobisme radical chic, l'italien est notre identité" par Ernesto Menicucci : « La consécration de la langue nationale figure dans de nombreuses Constitutions, de la plupart des pays, pas seulement européens, comme l'a justement rappelé Federico Guiglia. Il s'agit donc d'être cohérent avec les autres grandes nations européennes et occidentales, et Meloni a déjà présenté une proposition à cet effet. Ensuite, bien sûr, la réforme doit être harmonisée avec le cadre de réformes sur lequel travaille la ministre Casellati. La langue est l'âme de notre nation, la marque de son identité. Au siècle dernier, d'éminents spécialistes de la trempe de Croce, Gentile et Volpe ont longuement débattu du fait que l'Italie est née bien avant sa consécration statutaire et unitaire. L'Italie est née autour de ce qu'on a appelé la langue de Dante. Le philosophe du droit Felice Battaglia insiste beaucoup sur la valeur de la langue : une langue qui est peut-être l'un des facteurs de cette unité, parce qu'elle est une médiation de la vie sociale, qui facilite les relations collectives, voire les promeut, qui lie les plus hautes expressions des générations passées à celles à venir, qui sublime le génie dans la continuité d'une tradition... ". L'une des œuvres les plus importantes d'Antonio Gramsci est Littérature et vie nationale, où l'intellectuel pose clairement le thème de l'unité organique entre la littérature et la langue nationale d'une part, et le développement de la nation italienne d'autre part. Parler, écrire et valoriser son langage est un exercice de haut contenu, car comme l'explique Giovanni Gentile, l'idée et le mot ne sont pas deux termes à coupler, mais une seule et même chose, ou plutôt un seul acte. La "grande Italie" de la Renaissance s'est réalisée, selon la théorie de Giuseppe Prezzolini, grâce à la langue commune. Après l'unification politique de l'Italie, diverses personnalités, dont Carlo Cattaneo, Alessandro Manzoni et Francesco De Sanctis, ont affirmé que l'une des tâches de l'État était de renforcer la langue italienne par le biais des écoles et de la littérature. L'article 62 du Statut Albertin reconnaissait déjà la langue italienne comme langue officielle dans les travaux parlementaires, tout en reconnaissant l'usage du français pour les interventions des membres appartenant aux zones géographiques où il était en usage. En Italie, par exemple, il n'existe pas d'autorité publique dotée de pouvoirs juridiques comme l'Académie française pour la France, ou la Real Academia Espanõla pour l'Espagne. Nous avons, il est vrai, une institution très prestigieuse comme l'Accademia della Crusca, fondée en 1583, qui fait autorité mais qui manque d'instruments juridiques. Mais valoriser et promouvoir notre langue ne signifie pas ignorer le monde qui nous entoure. Cela ne signifie pas, c'est-à-dire en aucun cas, que dans un monde globalisé, nous ne devrions pas étudier et apprendre correctement d'autres langues, à commencer par l'anglais. Comme le disait Tullio De Mauro, "le multilinguisme nous aide à gérer la complexité du présent".

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Gennaro Sangiuliano

ENTRETIEN, Corriere de la Sera, d'Adolfo Urso (Frères d'Italie), ministre du développement économique et du Made in Italy, "Les premiers pas du gouvernement : réforme des incitations et davantage de made in Italie" : Les deux tiers de la loi de finances sont dédiés à faire face à l'augmentation des prix de l’énergie. C'est une priorité absolue. Le second élément est la réduction de la pression fiscale, pour près de 5 milliards, bien que la Confidustria eusse voulu une réduction de 16 milliards. De plus, il y a aussi le refinancement des lois Sabatini, et deux projets de loi liés : un pour la réforme des incitations et un autre pour la valorisation du made in Italy. Si les 21 milliards d'aides orientés contre l'augmentation du prix de l'énergie ne sont destinés qu'au premier trimestre, "nous espérons qu’il ne sera pas nécessaire de prendre d'autre interventions financières", car le prix du gaz est revenu sous les niveaux précédent la guerre. "Nous avions raison:  ce n'était que de la spéculation." Par ailleurs, il "n'y a pas d'amnisties fiscales, mais seulement des mesures qui répondent à l'intention de rétablir des relations correctes entre l'Etat et les contribuables. Sur le dossier de l'ex Ilva, le nouvel accord avec les actionnaires des Aciéries d'Italie, Arcelor-Mittal et Invitalia prévoit la relance du site, des garanties d'emploi, l'augmentation de la production, une reconversion verte et des investissements dans des éoliennes pour le pôle de Tarante. Ce n'est pas un hasard si Vivendi a récemment salué le climat positif crée par le gouvernement. Ce gouvernement a été capable en quelques semaines de résoudre l'urgence Lukoil, de préfigurer une solution pour Ita, de relancer l'Ilva.

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Adolfo Urso

ARTICLE, Il Messaggero, Umberto Mancini, "Ita fait route avec Lufthansa, rush final pour la vente": Il n'est pas encore clair si la promesse de vente entre le trésor italien et la compagnie allemande sera déjà faite cette semaine, comme le réclame le palais Chigi, ou si la signature sera reportée à la semaine prochaine. Il ne manque en effet plus que la finalisation de détails, des points d'accords ayant en effet déjà été trouvés sur l'ensemble des questions, de la gouvernance à la stratégie industrielle. Les Allemands attentent cependant la publication à la Gazette Officielle de la validation de la Cour des Comptes, voulue par G. Meloni pour protéger les intérêts nationaux. Bien que cela soit une formalité, cela reste un passage juridique obligatoire, et cela en dit long sur le sérieux de la proposition formulée et sur la nécessité de respecter un cadre juridique précis. Il est très probable qu'il soit donné à exécutif une série de garanties : développement des routes internationales, du hub de Fiumicino, protection des salariés et du made in Italie. A la compagnie allemande pourraient aussi s'ajouter d'autres partenaires comme Ferrovie dello Stato. Le décret présidentiel prévoit aussi des augmentations de capital supplémentaires. Cette opération requiert pour l'acheteur un effort financier plus important, qui bénéficiera en partie des ressources injectées. Ce qui recherché, c'est un équilibre entre opérativité d'Ita et garantie des objectifs fixés par l'Etat. Ainsi est-il prévu que le ministère de l'Economie et des Finances aura, jusqu'à la sortie de capital, des droits de gouvernance pour s'assurer du développement industriel d'Ita.

(Traduction : ambassade de France à Rome)

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