Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/07/2022

"Adieu au gouvernement Draghi - La Ligue, FI et M5S font tomber Draghi ; vers les élections à court terme."

FI-AN.jpg

Ligue.jpg

M5S.jpg

Italie. Revue de presse. 

La crise du gouvernement de Mario Draghi fait la Une de la presse italienne modérée qui s'alarme de la chute du gouvernement et de la démission du Président du Conseil attendue aujourd'hui. « Adieu au gouvernement Draghi - La Ligue, FI et M5S font tomber Draghi; vers les élections à court terme » (Corriere della Sera),  L'Italie trahie »  (Repubblica) , « Honte » (La Stampa) qui exprime une position très critique quant aux événements d'hier au Sénat, tandis que le Fatto Quotidiano estime que « Draghi s'est 'enfoncé tout seul, en tapant sur la Ligue et le M5S qui ne vote pas en sa faveur ». « Fin de course pour le gouvernement Draghi ; exultation de Meloni ; probable démission aujourd'hui et les élections en Octobre » (Il Messaggero), "La défaite de Draghi est la victoire de la droite" (Domani). 

Le risque de graves conséquences économiques de la crise de gouvernement est mis en avant sur le Corriere : « L’Europe incrédule, la Bourse s'ècroule, le spread en hausse », tandis que Republica titre « Spread et taux, les faucons contre Rome ‘Tempête parfaite’ » et La Stampa publie une interview de l'ancien président Mario Monti « La crise pèsera sur les choix de la Bce ». 

Sur Twitter, plusieurs hashtags faisant référence à la crise politique italienne dominent, parmi lesquels #crisidigoverno#Mario Draghi#elezioni ou encore #Forza Italia.

ANALYSE, La Stampa, d’A. Cuzzocrea, « L’éternel retour des populistes » : « Il nous faut aujourd’hui prendre acte de la victoire des populistes dans un Parlement résigné et inconscient. Les populistes sont à nouveau unis comme lors du premier gouvernement Conte, entre la Ligue et le Mouvement 5 Etoiles. Ils ont fait tomber Draghi comme, il y a six mois, ils lui avaient barré la route du Quirinal [Présidence de la République] affirmant que Mario Draghi devait rester à la Présidence du Conseil afin de poursuivre le travail fondamental, indispensable, qu’il menait au service du pays. Entre la Ligue et le M5S, chacun tente de rejeter sur l’autre les responsabilités des choix qu’ils ont fait, puis de rejeter la faute sur le Président du Conseil. Mais ils n’invoquent que de fausses excuses et tout le monde, bien que les assassins du gouvernement tentent d’effacer leurs empreintes - est en mesure de voir ce qu’il s’est réellement passé. Les deux populismes se sont unis. Le Mouvement 5 Etoiles continuant à penser que même dans un gouvernement d’unité nationale et devant faire face à des urgences, les décrets pouvaient être passés selon leur bon vouloir. Et la Ligue, populisme de centre-droit se réalignant avec Giorgia Meloni et se ressoudant lorsque le M5S lui a offert l’occasion rêvée : faire tomber le gouvernement sans devoir en assumer la responsabilité. C’est bien triste de voir ce gouvernement Draghi mourir sans que personne ne puisse vraiment dire pourquoi. Forza Italia n’a pas pu donner ne serait-ce qu’une seule motivation. Ainsi tombe un gouvernement fermement européen, ayant pris position en faveur de l’Ukraine contre l’agression russe, philo-atlantiste et sceptique face à l’expansionnisme de la Chine. Et ce à cause de deux forces qui, lorsqu’elles étaient alliées au gouvernement, s’étaient fixé comme objectif la sortie de l’euro. Sans oublier la complicité de Forza Italia, se dépeignant comme modérée, libérale et responsable mais dont le masque est tombé. Forza Italia n’a plus rien de modéré depuis le choix qu’elle a fait de s’allier à l’aile populiste et souverainiste dans le but d’obtenir un petit strapontin le plus tôt possible, avant que les sondages ne soient encore plus défavorables qu’ils ne le sont déjà. Il n’existe pas non plus de Ligue modérée, malgré Giorgetti et les présidents de régions du Nord-Est qui avaient exprimé leur mécontentement. Salvini n’a pas eu de mal à convaincre Silvio Berlusconi que c’était la seule voie possible. On aurait pu penser, au vue du contexte récents et des différentes crises, que les forces populistes étaient en déclin et que les 5 Etoiles avaient vraiment changé. C’est un problème pour le Parti démocrate qui espérait pouvoir récupérer les revendications sociales du Mouvement afin de retrouver un enracinement dans des catégories qui s’en étaient détourné il y a trop longtemps. Le parti de Letta risque de se retrouver écrasé vers le centre. Mario Draghi aurait-il vraiment pu les arrêter ? Malgré son discours déjà très dur hier matin, Giuseppe Conte aurait alors décidé, non sans difficulté, de voter la confiance, mais la réponse de l’après-midi aurait tout changé. Le Président du Conseil aurait certes pu distribuer des petites satisfactions à chacun pour continuer à aller de l’avant quelques temps, mais il n’a pas voulu, cela ne lui ressemblait pas. » 

EDITORIAL, La Repubblica, de Maurizio Molinari, « Le Sénat victime du populisme » : « La décision du Mouvement 5 Etoiles, de la Ligue et de Forza Italia rend l’Italie plus faible et plus vulnérable. C’est un calcul de court terme qui nuit à l’intérêt du pays et nous fait précipiter dans la tempête. Surtout, cela nous rappelle combien la bataille contre le populisme est loin d’être remportée. Avec Draghi, l’Italie avait obtenu des résultats significatifs sur les trois urgences définies par Mattarella en 2021 : sanitaire, économique et sociale. Les derniers mois de son mandat étaient stratégiques pour la lutte contre le virus, la réalisation du PNRR, sans parler du défi énergétique et de la situation internationale. Il suffit de voir le potentiel rôle de hub européen pour le gaz que Draghi avait conquis pour l’Italie ou son rôle dans le renforcement de la construction européenne grâce notamment à sa bonne entente avec le président français ou avec la Commission européenne. Même dans le cadre de l’OTAN, il a permis à l’Italie d’être protagoniste dans l’envoi d’armes et le soutien à l’Ukraine, pour la sécurité collective de notre continent. Ces nombreux résultats n’ont pas été obtenus par Mario Draghi seul mais par la coalition de gouvernement. Le sentiment d’unité nationale qui s’était créé nous a permis de surmonter de terribles obstacles. Pourtant, hier, trois des principaux partenaires politiques ont choisi de désavouer le gouvernement plutôt que de bénéficier, eux aussi, de ses mérites. Et ce au nom d’intérêts tactiques comme la rivalité personnelle entre l’ancien et le nouveau Président du Conseil, Giuseppe Conte et Mario Draghi, et la conviction pour le Mouvement 5 Etoiles de pouvoir récupérer le consensus perdu d’après les sondages, alors que la Ligue et Forza Italie espèrent profiter de l’actuelle loi électorale pour s’affirmer aux prochaines élections aux côtés de Fratelli d’Italia et même de prendre la tête du nouveau gouvernement. Des intérêts individuels et partisans qui ont pris le dessus sur l’intérêt national, ignorant l’appel de la multitude d’Italiens qui s’était élevé ces derniers jours. C’est une trahison de l’intérêt collectif du pays. L’offensive contre Draghi aurait en fait commencé il y a un mois environ avec les requêtes convergentes de Conte et Salvini contre les livraisons d’armes à l’Ukraine. On assiste à un retour de l’axe populiste qui à l’époque avait transformé notre pays en ‘’grand malade d’Europe’’, flirtant avec les gilets jaunes français et faisant crédit à Moscou et Pékin. Le passage au gouvernement Draghi a rassuré nombre de nations européennes quant au système politique italien. La chute du Président du Conseil survient alors que la BCE s’apprête à élever ses taux pour la première fois depuis 10 ans. Cela comporte de lourdes conséquences pour notre dette et notre économie qui ne pourront plus compter sur le bouclier formé par la crédibilité politique d’une nation stable et dirigée par Draghi. Le duel entre ceux qui défendent l’intérêt national et ceux qui l’entravent au nom de revendications populistes contaminant également ceux qui se prétendent modérés comme Forza Italia sera au cœur des prochaines élections. Pas de surprise si hier, en même temps que le centre-droit, le Kremlin trinquait également. » 

ANALYSE, Il Messaggero, A. Campi « Axe Ligue-M5S, la législature s’achève comme elle a commencé » : « [Après avoir souligné le rôle des partis dans la chute du gouvernement, ndt] Il faut aussi se demander si, dans la gestion de cette affaire houleuse, le Président du Conseil n’a pas commis une erreur lui aussi, à commencer par le ton et le contenu de son allocution d’hier matin. Il fallait composer et arrondir les angles, tout en restant ferme sur ses positions. Cela ne s’est pas passé comme prévu. Le fait de répondre à la volonté des citoyens et leur demande de cohésion contre celle des partis et leur agitation est un cliché pseudo-populiste qui sied mal à Draghi. L’argument selon lequel un Président du Conseil non élu et étranger aux partis aurait besoin d’une très large majorité pour gouverner et pour être crédible est également peu convaincant : l’expérience même de son gouvernement démontre que la qualité vaut mieux que la quantité. Pour prendre les bonnes décisions, il faut une majorité cohérente, unie et loyale, non pas une cohue vaste et indisciplinée. Il semble aussi que Draghi – en disant au Sénat « Je suis là parce que les citoyens me l’ont demandé » - ait voulu invoquer une légitimité et une force personnelle supérieure à celle que le Parlement aurait dû lui assigner par le vote de confiance. Cela s’est mal terminé avec ce que l’on pourrait appeler un « réflexe d’auto-défense » des partis qui se sont sentis accusés et mis dos au mur. Il devrait être clair, après ce qu’il s’est passé hier, que la véritable urgence de l’Italie est d’ordre politico-institutionnel. Si nous ne changeons pas notre système, nous sommes perdus. Reste le problème de l’héritage de Draghi : qui héritera de la large approbation dont il bénéficiait auprès des Italiens ? Le draghisme sans Draghi ne semble pas pouvoir aller très loin. Cette législature se termine comme elle a commencé : avec un axe entre la Ligue et le M5S qui ont pris leur revanche, aux dépens de l’Italie et des Italiens. »

COMMENTAIRE, Corriere della Sera, de M. Franco, « Le non populiste » : « La renaissance d’un populisme en déclin a mené à la chute du gouvernement Draghi. Si c’est le Mouvement 5 Etoiles qui a ouvert cette crise surréaliste c’est bien l’autre force populiste qui a porté le coup de grâce, à savoir le centre-droit. Salvini, et à sa suite Berlusconi, ont réagi au discours du Président du Conseil en posant sciemment des conditions irrecevables. Tout le débat d’hier ressemble à un saut dans le passé et la ‘’législature populiste’’ de 2018 entre le Mouvement 5 Etoiles et la Ligue. La tentative de récupérer le consensus perdu a encouragé les instincts les plus irresponsables. Les partis à l’origine de la crise sont en effet en sérieuse difficulté. Pour ce qui est de Salvini, la décision de faire tomber Draghi nait surtout de la crainte de renforcer la droite d’opposition représentée par Giorgia Meloni. Et Berlusconi n’a jamais été aussi subalterne. Pourtant, il est difficile d’imaginer que leur électorat approuve cette défenestration de l’ancien président de la BCE. Il est illusoire de croire que la fin de ce gouvernement n’aura pas de répercussions. Il suffit de penser à tous les citoyens et aux différents corps qui s’étaient mobilisés en faveur de Draghi et qui ont été ignorés. A ce jour il n’existe probablement pas à gauche une coalition ayant l’ambition de l’emporter mais le centre-droit est bourré de contradictions et il n’est pas sûr qu’il puisse réellement gouverner. La question de la position sur la scène internationale se pose tout particulièrement. Mais quiconque gouvernera devra respecter les obligations de l’appartenance à la communauté occidentale et dont Mattarella reste le garant. On attend de voir quelles seront les conséquences pour le pays une fois perdu le bouclier Draghi auprès des chancelleries européennes. Des considérations qui sont passées en second plan face à l’impatience électorale de Fratelli d’Italia et du centre-droit ‘’de gouvernement’’. Quant au M5S, ils ont ouvert la voie de la déstabilisation sans la contrôler et cet instrument s’est retrouvé entre les mains des anciens alliés léghistes. Reste à voir comment ils justifieront cela auprès de l’opinion publique. » 

COMMENTAIRE, La Repubblica, S. Folli, « L'héritage de Draghi et les partis dissous » : " Salvini et Conte ne s'étaient pas mis d'accord mais il est certain qu'ils ont ensuite fini par frapper ensemble. Toutefois il faut s’interroger sur les vrais raisons de la fracture qui mènera l'Italie aux élections anticipées. Sur fond d'un suicide collectif, ces prochaines heures changeront peut-être à jamais la donne politique. Voici le cœur de la question : le problème n'était ni le ton trop sévère de Draghi, ni l'argument de la recherche des ‘'pleins pouvoirs’', ni le manque présumé de respect vis-à-vis du Parlement. Au fond, le gouvernement s'écroule sur les questions de politique étrangère, pendant qu'une guerre a lieu à trois heures de vol de Rome et tandis que l'UE et l'Alliance Atlantique font un effort de cohésion sans précédents. En Ukraine se joue non seulement la conquête du Donbass, mais aussi le résultat d'un défi lancé à la démocratie libérale, et auquel Draghi avait répondu avec la force des valeurs européennes. Le texte de la résolution Casini, avec sa neutralité, a été la tentative extrême de trouver une solution, tandis qu'était irréalisable la demande du centre-droit de former un nouveau gouvernement, basé sur le renforcement de l'axe Berlusconi-Salvini. Si le gouvernement avait duré nous aurions pu voir un autre Draghi, non plus seulement l'homme de l'urgence mais un personnage capable d'indiquer une nouvelle perspective. Il n'est pas étrange, mais au contraire légitime, que le PD ait commencé à se voir comme le 'parti de Draghi'; il serait par contre excessif de vouloir prétendre conserver l'alliance avec le M5S et en même temps récupérer l'héritage du Président du Conseil. La journée d'hier peut lancer un processus de dissolution des forces politiques et donc marquer la naissance d'une aire politique qui s'inspire des propositions et du style du Président démissionnaire. " 

ENTRETIEN, Il Corriere della Sera, de Mariastella Gelmini, ministre pour les Affaires régionales, par P. Di Caro « Gelmini : “Je ne reconnais plus le parti. Il s’est dissous dans le populisme” » : « Ce qui s’est passé hier est très grave. La Forza Italia que j’ai connue n’aurait pas hésité à choisir entre Draghi et les pulsions souverainistes de Salvini. La Ligue et FI ont toujours supporté - et non pas soutenu- le gouvernement. La gestion d’hier a été la représentation de l’aplatissement aveugle de Forza Italie face à la Ligue : c’est le coup de grâce d’une histoire de batailles libérales, réformistes et européistes de plus de vingt ans. Je ne pouvais pas rester une minute de plus dans un parti que je ne reconnais plus. Il y a longtemps que l’osmose opprimante avec la Ligue est devenue évidente et que nos parlementaires ne sont plus consultés mais sont mis devant le fait accompli. Ne rien faire pour empêcher la chute du gouvernement signifie mettre en danger les objectifs du PNRR, le budget, le décret sur les aides économiques… C’est un tort énorme fait à l’Italie et une décision qui affaiblit le front occidental. Poutine doit être satisfait. » 

PREMIER PLAN, La Repubblica, P. Mastrolilli, « Rome reste un partenaire, mais les États-Unis craignent une fissure dans la coalition anti-Poutine » : « ‘’Nous continuerons à collaborer avec l'Italie sur un certain nombre de priorités, notamment le soutien à l'Ukraine contre l'agression russe’’. Ce commentaire, confié à la Repubblica par un porte-parole de la Maison Blanche, clarifie la ligne que les Etats-Unis entendent adopter dans la crise : faire bonne figure pour poursuivre la collaboration avec Rome. En dehors des milieux officiels, la déception est toutefois palpable, car Draghi avait apporté à l’Italie une stabilité et une fiabilité qui lui faisaient défaut depuis longtemps. La situation est grave selon Charles Kupchan, directeur pour l'Europe à la Maison Blanche sous Obama : ‘’La chute imminente du gouvernement Draghi est un coup dur pour l'Italie, l'UE et la coalition transatlantique qui a soutenu l'Ukraine face à l'agression russe... L'instabilité politique en Italie envoie un signal inquiétant sur les défis que représente le maintien de la solidarité occidentale dans un contexte d'inflation, de pénuries d'énergie et d'autres problèmes économiques exacerbés par la guerre. Les démocraties atlantiques doivent garder un œil sur le front intérieur du populisme anti-libéral. L'Occident doit rester attentif aux menaces internes et externes qui pèsent sur la démocratie libérale’’. Ian Bremmer président d'Eurasia déclare : ‘’Les élections anticipées menacent l'accès de l'Italie aux fonds de relance de l'UE mais surtout sur le long terme si les élections porteront à un gouvernement eurosceptique d’extrême droite’’. Il ajoute ‘’Je ne suis pas préoccupé par une possible sortie de l’Euro car l’Italie finira par se ranger à la ligne de l’UE mais seulement après une période de grave instabilité’’. »

(Traduction : ambassade de France à Rome)

Les commentaires sont fermés.