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03/05/2022

"Le centre-droit contraint à recomposer ses rapports hiérarchiques."

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Italie. Revue de presse.

La presse italienne titre largement sur le décret prévoyant des aides aux ménages et aux entreprises pour faire face à la flambée des prix énergétiques, voté hier en Conseil des ministres, malgré l’abstention des voix du M5S : « Draghi : des aides à hauteur de 14 milliards » - Un « bonus » de 200 euros sera destiné à 28 millions d’Italiens, outre une remise des taxes sur le carburant (Corriere della Sera), « La taxe sur l’extra-profit pour le gaz et le pétrole à 25% » - Le décret pour les aides économiques a été adopté. Les 5 Etoiles s’opposent à l’incinérateur de Rome (La Repubblica), « Le bonus Draghi : 200 euros contre la crise » - Un chèque pour les revenus en dessous de 35 000€ annuels, mais les 5 Etoiles ne votent pas le décret pour protester contre l’incinérateur (La Stampa), « Carburants, feuilles de paie, chantiers : feu vert aux aides à hauteur de 14 milliards » (Sole 24 Ore), « Des aides pour un Italien sur deux » - Le décret anticrise prévoit un bonus de 200€ pour les factures. Draghi assure : nous sommes prêts à faire d’autres efforts et sur le gaz nous nous alignons à l’Europe (Il Messaggero). La polémique autour de l’entretien du chef de la diplomatie russe S. Lavrov diffusé dimanche sur une des chaines du groupe Mediaset, dont les contenus ont été qualifiés d’« aberrants » par le Président du Conseil, est aussi citée : « Lavrov, des mots choquants » - Selon le ministre russe, « Hitler était juif comme Zelensky ». Israël proteste, Draghi parle de « mots aberrants » mais Salvini prépare une visite à Moscou (La Repubblica), « La colère de l’Occident sur les mots de Lavrov » - La chaine Rete 4 dans la tourmente pour l’entretien au ministre russe (La Stampa), « Avec l’alibi de Poutine, on veut censurer les scoops » - Un entretien exclusif est qualifié de « propagande » par la gauche et Draghi s’aligne au PD (Il Giornale). L’évacuation de civils de Marioupol est également citée avec large couverture photographique en Une. Enfin, le Corriere propose quant à lui l’entretien exclusif du Pape François « Je suis prêt à rencontrer Poutine à Moscou ».

Les JT couvrent essentiellement les mesures prévues par le décret d’aide aux familles et aux entreprises par le gouvernement Draghi ainsi que la poursuite de l’offensive russe sur l’aciérie de Marioupol et les tirs de missiles sur Kiev et Odessa. La polémique autour des propos tenus par Lavrov et les condamnations exprimées par Draghi et le secrétaire d’Etat des Etats-Unis, Anthony Blinken, sont abondamment commentées. La baisse du chômage et la croissance de record de l’emploi font également l’objet de sujets.

Editorial, La Repubblica, E. Mauro « Poutine et l’idéologie ultime » : « Arrivera-t-on vraiment à une « guerre totale » en Ukraine ? Poutine a déjà montré que les plans militaires peuvent changer selon la convenance du moment. Ses collaborateurs ont commencé à reconnaitre que la résistance du pays envahi et occupé a pris de court le Kremlin, désormais prisonnier de sa propre propagande. Or, ce sont justement ces insuccès qui poussent Moscou à une escalade, dans un défi qui est à la fois régional et universel. L’enjeu est la hiérarchie du pouvoir dans le nouvel ordre mondial. La théorie-obsession de Poutine est que nous nous retrouvons face au rendez-vous pour l’affrontement final où la civilisation eurasiatique devrait régler les comptes avec celle européenne considérée comme à bout de souffle. Par ailleurs, Kiev représente pour Poutine ce fondement de la genèse de ce « peuple triparti et unique », celui russe, biélorusse et ukrainien. Du coup, il ne pouvait pas accepter la conversion de l’Ukraine au dispositif culturel et politique de l’Occident allant contre la « Russie des origines ». Poutine n’est pas nostalgique de l’URSS mais de cet exercice technique et métaphysique de l’autorité absolue d’un empire, d’une mission. Si l’Ukraine s’adresse à l’UE et à l’Otan, le passé et le présent se rebellent face au dessein du Kremlin. Poutine ne peut pas faire marche arrière, car il n’a pas seulement lancé un défi pour le territoire mais quelque chose de plus important. Et nous, nous ne pouvons que continuer notre soutien à Kiev, puisque l’enjeu concerne l’Europe entière et son destin démocratique. » 

Commentaire, La Repubblica, S. Folli « Draghi, les partis et l’affaire Lavrov » : « L’entretien télévisé désastreux de Lavrov a marqué une ligne rouge dans la narration médiatique de la guerre de Poutine. Jusque-là, au nom de la liberté d’expression, un certain nombre de chaines et quelques journaux invitaient des personnalités qui justifiaient, comprenaient ou relativisaient les positions russes. Mais après l’exhibition sans intermédiaires de Lavrov, tout le monde a compris qui est réellement en train de chercher à dominer les médias. Les propos antisémites du ministre de Poutine ont fait le tour du monde et certains se demandent pourquoi on a choisi l’Italie pour une telle opération de désinformation. Cela a paru une tentative implicite de déstabiliser la politique. L’insistance sur la « déception » russe quant à la ligne adoptée par Rome n’est pas un hasard. « Nous nous attendions un comportement différent » a dit explicitement Lavrov. Certes, les deux gouvernements dirigés par Conte avaient offert une image différente, persuadant Moscou qu’en cas de crise, l’Italie aurait choisi une position neutre, voire ambigüe. Mais avec Draghi au Palais Chigi, dont on connait les très bonnes relations avec Washington, et la confirmation de S. Mattarella au Quirinal, la donne a changé. Il est vrai qu’une fissure s’est ouverte entre plusieurs Italiens inquiets par un avenir incertain et la ligne adoptée par le gouvernement, soutenu par une majorité unie. Enrico Letta (PD) et ses alliés mineurs, les 5 Etoiles de Di Maio et Forza Italia, soutiennent avec conviction Draghi, qui se rendra bientôt à Washington. Puis, il y a G. Conte qui demande au Président du Conseil un pas contre « l’escalade » (c’est-à-dire l’envoi des armes à Kiev) et Salvini qui redore sa position prorusse. Conte et Salvini tentent de séduire l’électorat en faisant appel à des peurs collectives. Toutefois, les sondages nous disent que l’opération n’est pas en train de marcher. »

ENTRETIEN, La Repubblica, d’Enrico Borghi, responsable sécurité du PD et membre du Copasir : « ’Les chaînes télé privées contournent les sanctions imposées à Moscou’’ » : « ‘’Les discours de Lavrov et de Solovyev à la télé italienne mettent en danger la sécurité nationale. Le Copasir a ouvert une enquête : il ne s’agit pas ici de liberté d’expression ou de pluralisme de l’information. Il faut comprendre qui sont ces personnes qui offrent aux tenants de la propagande russe la possibilité de polluer notre débat public en diffusant de fausses nouvelles et pourquoi elles le font. C’est un problème dans la mesure où la manipulation de l’information et la distorsion des faits est un des piliers de l’offensive du Kremlin. Plus on pousse l’opinion publique des pays de l’OTAN à mettre en cause les gouvernements, plus le front hostile à la Fédération de Russie s’affaiblit. Pourquoi ce phénomène se propage chez nous alors qu’il est inexistant en France et en Allemagne ? Pourquoi Lavrov choisit l’Italie pour nier les crimes de Boutcha et donner du crédit aux thèses insensées et antisémites sur le sang juif d’Hitler, en faisant comprendre, de manière sibylline, que de la part de notre pays, la Russie se serait attendue à un comportement différent ? L’on pourrait faire en sorte que, les personnes touchées par des sanctions directes, comme Lavrov, ou indirectes, comme Solovyev, ne puissent pas accéder aux médias publics italiens ni à ceux faisant l’objet de subventions publiques. Ce qui s’est passé sur Mediaset et La7 peut s’apparenter à un contournement des sanctions.’’ »

Entretien, La Verità, de Matteo Salvini, dirigeant de la Ligue « Plus d’armes à l’Ukraine signifie plus de morts. Il faut dialoguer avec Moscou » : « ‘’Avec Moscou, il est nécessaire de dialoguer, aussi parce que, tôt ou tard, il y aura le cessez-le-feu. L’Italie et l’Europe devront alors arriver à ce rendez-vous en tant qu’acteurs principaux. Celui qui bombarde ne peut pas avoir raison mais cela n’est pas une raison suffisante pour fermer tous les canaux diplomatiques ou, pire encore, croire que l’ennemi soit tout le peuple russe. Je crois fermement dans la liberté, les droits et les valeurs de l’Occident et représentent dans les alliances dont l’Italie fait partie. Des alliances, toutefois, où il ne faut pas qu’il y ait des membres de « deuxième division ». Concernant les propos de Lavrov, l’Italie ne doit se faire intimider par personne et nous devons être en première ligne pour la paix, sans subir une escalade pouvant engendrer une guerre mondiale. Plus d’armes on envoie à l’Ukraine, plus la paix s’éloigne. Ce conflit risque de provoquer plus de dégâts en Ukraine et en Europe que chez Biden. L’Italie est en train de payer un prix élevé en termes de coût énergétique : plusieurs secteurs productifs sont en difficulté en raison d’absence de matières premières. Et dans cette perspective il y aura une augmentation de l’immigration venant de l’Afrique. L’Europe manque d’unité et de courage : l’Italie, l’Allemagne et la France devraient s’unir et avancer des propositions sans se limiter à courir après ce que proposent les Etats-Unis. Certes, avec les sanctions, il y a des conséquences en Russie, elles sont si lourdes qu’elles ont accéléré le rapprochement entre Moscou et Pékin. Les contre-sanctions, inévitables, sont un coup dur pour l’Italie et je ne crois pas que l’Europe soit en mesure d’allouer les ressources nécessaires aux pays qui paient le prix le plus élevé.’’ »

Entretien, La Stampa, de Giuseppe Conte, président du M5S et ancien Président du Conseil italien, « Sur les incinérateurs, il s’agit d’un chantage [de la part du gouvernement] ; Draghi doit référer devant la Chambre avant de se rendre à Kiev » : « [Le gouvernement] cherche à nous humilier sur la question des incinérateurs de déchets mais nous en pouvons pas revenir en arrière. La norme introduite dans le dernier décret de soutien aux familles et aux entreprises n’a aucun rapport avec les prix de l’énergie et le coût de la vie, et nous sommes fermement contre ces incinérateurs qui ne sont pas respectueux de l’environnement et constituent une régression. En revanche, l’augmentation de la taxe sur les extra-profits réalisés en ce moment par le secteur énergétique est positive. Cela pourrait être étendu au secteur pharmaceutique et aux assureurs qui ont bénéficié de la spéculation de marché dernièrement. Cela permet de financer les aides aux familles et aux entreprises, qu’il faut continuer à soutenir. L’embargo sur le gaz russe est un objectif que nous partageons mais il faut surtout intensifier les efforts diplomatiques pour trouver, avec la communauté internationale, une solution politique. Il faut aussi un Energy Recovery Fund. Nous sommes contraires à l’envoi d’armes lourdes et létales en Ukraine, nous nous opposerons à un décret dans ce sens. Il faut une discussion au Parlement autour de la ligne politique que portera l’Italie à Washington et à Kiev. Draghi doit venir au Parlement et se prononcer contre l’escalade des tensions. Il n’y a pas de fossé qui se creuse avec le PD sur la question des dépenses en armement et nous n’avons pas l’intention de mettre en difficulté l’actuel gouvernement. Concernant la loi électorale, j’estime que le système proportionnel est le plus efficace pour faire face à la nouvelle législature, compte tenu notamment de la réduction du nombre de parlementaires, afin de garantir à tous une meilleure représentativité. »

Commentaire, Sole 24 Ore, L. Palmerini « Le bouclier social de Draghi contre les craintes sur la guerre » : « Les raisons de notre posture face à la guerre en Ukraine ont la nécessité de s’accompagner à une série de mesures économiques pouvant garder le plus possible la cohésion de l’opinion publique. Comme nous le montrent les sondages, les craintes d’une escalade militaire ont un fort impact sur les citoyens. Toutefois, cela ne se traduit pas en un effet de consensus : le PD (Parti démocrate)  et FdI (Frères d’Italie), les partis qui soutiennent le plus la cause ukrainienne, continuent à voir leur électorat s’élargir. Alors que la Ligue n’a obtenu aucun bénéfice de sa position prudente et pacifiste. »

Entretien, La Repubblica, de Roberto Cingolani, ministre de la Transition écologique : « Cingolani : ‘’D’ici 2024, nous aurons des solutions alternatives à l’importation du gaz russe’’ » : « ‘’D’ici à la seconde moitié 2024, nous devrions être autonomes : nous devrions pouvoir nous passer d’importer du gaz de Russie. Nous cherchons à augmenter le volume du gaz qui arrive en Italie par gazoducs : par exemple, il y aura, en trois ans, rien que pour l’Algérie, une augmentation de l’importation de gaz à hauteur de 9 milliards de mètres cube. Puis, nous misons sur l’augmentation des volumes de gaz liquéfié qui nous arrive par bateau. Grâce aux accords passés avec l’Algérie, l’Angola, le Congo et le Qatar, les importations de gaz liquéfié augmenteront d’1.5 milliard de mètres cube cette année pour atteindre, à la seconde moitié de 2024, 12.7 milliards de mètres cubes. Notre stratégie prévoit également un plan d’économie d’énergie et d’exploitation des ressources renouvelables qui nous permettra d’économiser 7 milliards de mètres cubes de gaz en 2025. En combinant trois approches, nous atteindrons 29 milliards de mètres cube en 2024. L’idéal serait d’être autonome du point de vue énergétique. Mais vu que l’Italie ne l’est pas, je crois que ce sera plus simple de traiter avec six ou sept pays de dimensions moyennes, plutôt qu’avec un seul pays qui couvrirait seul 40% de nos besoins et qui serait également une puissance géopolitique. En dépit de la guerre en Ukraine, nous sommes déterminés à atteindre l’objectif que nous nous sommes donnés : réduire de 55% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et faire en sorte qu’à cette date, 72% de notre production d’électricité soit issue de sources renouvelables. Nous avons quatre centrales à charbon qui étaient destinées à être cédées. Nous les ferons fonctionner à plein régime pour 12 à 24 mois maximum, car elles nous permettent d’économiser 3.5 milliards de mètres cubes de gaz. Elles émettront plus de CO2 mais, entretemps, nous accélérons tant sur les énergies renouvelables que ce sera compensé. Du reste, ce n’est qu’une mesure transitoire.’’ »

Article, Il Corriere della Sera, M. Franco : « Le centre-droit contraint à recomposer ses rapports hiérarchiques » : « L’accroc de Milan dépasse la simple compétition pour le leadership entre Meloni et Salvini. La façon avec laquelle Fratelli d’Italia a refusé, lors de sa conférence, la présence du leader de la Ligue dans sa propre ville a le goût d’un défi et celui d’une humiliation. Elle renferme l’idée que le centre-droit tient pour acquis le déclassement de Salvini au sein de l’alliance. La victoire qu’il a obtenue lors des élections européennes de 2019 semble à des années-lumière. La rapidité de ce retournement est un avertissement y compris pour la droite de Meloni : elle confirme la volatilité d’un électorat qui erre à la recherche de nouveaux points d’ancrage. Le fait que le centre-droit soit considéré comme le vainqueur potentiel des prochaines élections fait des manœuvres de ce côté-là une dynamique à suivre – notamment parce que Fratelli d’Italia déclare maintenant ouvertement vouloir prendre la tête de l’Italie. Le parti a cherché à masquer sa carence en termes de classe dirigeante en faisant parader des anciens ministres et des anciens responsables proches de la Ligue ou de Berlusconi. C’est le reflet de sa tentative de gagner en crédit dans un Nord qui n’a jamais considéré avec intérêt un parti enraciné à Rome et au Sud et qui est, de surcroît, héritier d’une culture postfasciste. Avoir pu et voulu s’afficher à Milan représente donc une démonstration de force et de sûreté. Cela résonne surtout comme le fait de prendre implicitement acte ou, peut-être, d’attendre, le déclin non seulement du berlusconisme mais aussi du salvinisme. »

Tribune, La Stampa, de Renato Brunetta (Forza Italia) ministre de l’administration publique « L’heure est au pacte social européen » - La Covid et la guerre ont accéléré une crise préexistante, nous risquons de voir de graves tensions. Mais il ne faut pas augmenter la dette, il faut miser sur l’innovation et les réformes : « L’Europe se trouve devant un choix, comme l’a dit notre président S. Mattarella, entre ‘’la régression’’ et ‘’la capacité de survivre aux maux du passé en les surmontant de manière définitive’’. La leçon de ces deux années, 2020-2022, est qu’il n’y a pas d’intérêt national sans l’UE, ni souveraineté possible si ce n’est celle européenne. C’est la raison pour laquelle les questions économiques cruciales qui agitent le débat politique en Italie (l’emploi, le pouvoir d’achat, l’inflation, la croissance) doivent être analysées par le biais d’un double prisme : celui national, certes, mais surtout celui européen. Il y a en Italie une nécessité de trouver un pacte social entre gouvernement et les partenaires sociaux comme celui de 1993 voulu par Ciampi, qui doit s’inscrire dans le cadre de réformes construit par l’UE pendant la pandémie, avec la mise à disposition des 750 milliards d’euros du Next Generation EU. Cela sur le sillon du nouvel européisme, incarné par la révision du Pacte de Stabilité proposée par les Présidents Draghi et Macron sur le Financial Times, en mesure de surmonter les règles et les paramètres rigides en vigueur actuellement. Un pacte social pour plus de croissance, de productivité, de salaires et de cohésion sociale qui serait vu comme un bien public européen. »

(Traduction : ambassade de France à Rome)

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