08/02/2021
" Salvini se donne un « tempo » : nous serons là pendant le temps où notre présence sera utile."
Italie. Revue de presse.
Le second tour de consultations des partis par Mario Draghi, prévu ce lundi et mardi, en vue de former un nouveau gouvernement, fait les gros titres des médias italiens. Les observateurs soulignent la nécessité pour le Président du Conseil désigné de trouver une synthèse, un programme et une équipe gouvernementale pouvant obtenir la confiance au Parlement malgré les oppositions de fond entre les partis ayant annoncé leur soutien lors des premières consultations : « Le PD ne met pas son véto sur la présence de la Ligue » - Draghi devrait se présenter au Quirinal en milieu de semaine (Corriere della Sera), « Draghi prépare un programme de cohésion sociale » - Le Président du Conseil désigné prépare le programme qu'il proposera aux partis (La Repubblica), « Gouvernement, les trois problèmes de Draghi » - Des divergeances demeurent sur les délais, le programme et l'équipe gouvernementale (La Stampa), « L'agenda de Draghi : aides aux professions libérales et aux restaurateurs » (Sole 24 Ore), « Draghi, priorité au Sud et à l'école » - Pression des partis pour que soient nommés des ministres politiques (Il Messaggero), « Draghi, premiers pièges » - Les nouveaux « alliés » [du gouvernement Draghi] préparent une surprise pour le M5S [sur les délais de prescription] (Il Fatto Quotidiano), « Draghi plutôt enclin à nommer des ministres techniques » - Salvini soutient Draghi pour récupérer le Nord de l’Italie et l'Europe (Il Giornale).
ARTICLE, La Repubblica, de S. Folli « La métamorphose du souverainisme » : « Quel sera le destin du ‘’souverainisme’’ italien après les faits de ces dernières semaines ? Certains estiment que la nouvelle approche de Salvini est fruit de l’opportunisme. Or, les choses sont plus compliquées. L’opposition de G. Meloni, en apparence fidèle à l’ancienne ligne eurosceptique, est en réalité plus pragmatique que cohérente. Il est probable aussi que cela ne concerne pas uniquement les souverainistes italiens. Toute l’Europe ou presque a les yeux rivés sur Rome et attend de voir comment naîtra le gouvernement Draghi. A eux seuls, la Ligue et Fratelli d’Italia représentent 40% des voix. Il n’y a que les pays de l’Est où cette droite fait de tels scores. Il est clair que la victoire ou la défaite de la droite italienne aura des répercussions inévitables sur le reste de l’Union, notamment à Paris et à Berlin. Avec l’appel à Draghi, les ‘’souverainistes’’ pouvaient se renforcer et relancer le programme anti-UE. Ou bien, comme cela s’est en partie avéré, amorcer une transformation. Un dégel du bastion souverainiste en Italie aurait des effets dans les autres pays : le nationalisme de la vieille école se nourrissait aussi du “laboratoire” italien. Il devra maintenant revoir ses méthodes et sa stratégie. Par ailleurs, Draghi n’est pas du tout l’expression d'un européisme rhétorique et vide. C’est au contraire une personnalité en mesure de défendre concrètement les intérêts italiens. Tout laisse à croire qu’il les défendra par le biais d’une confrontation triangulaire avec la France et l’Allemagne. La nouvelle Administration Biden et surtout la nouvelle Secrétaire d’Etat au Trésor, Janet Yellen, offriront au nouveau Président du Conseil un avantage supplémentaire, voire décisif. Paradoxalement, nos souverainistes pourraient trouver en Draghi le vrai défenseur de l’intérêt national. L’évolution européenne de la droite (Salvini aujourd’hui, Meloni peut-être demain) est possible avec Draghi mais impensable avec ses prédécesseurs. Tout cela va aussi profiter à la gauche, à long terme.»
PREMIER PLAN, Corriere della Sera, de F. Verderami, « Dorénavant le nouveau Président du Conseil exigera des réponses de la part des partis (et de ne pas faire de calculs) » : « Les grandes lignes du programme que Draghi soumettra aux forces politiques sont déjà claires. Au sein de tous les partis, du PD à la Ligue, les membres font pression sur leurs dirigeants en faveur de Draghi et pour se montrer à la hauteur de l’appel de Mattarella. Au cours de ce nouveau tour de consultations, les partis devront renoncer aux manœuvres tactiques, par exemple se dire prêts à faire partie de la majorité tout en manifestant par ailleurs certaines réticences. Cela vaut aussi bien pour Matteo Salvini, dont les motivations profondes restent à définir, que pour Nicola Zingaretti, qui a lui aussi fait certaines déclarations ambiguës. Les discussions concerneront également le type de structure gouvernementale voulue par les différentes forces politiques. La réponse sera révélatrice de l’intention des partis : s’ils proposent des personnalités politiques, c’est qu’ils souhaitent que le nouveau gouvernement dure. Si au contraire ce sont plutôt des spécialistes et des techniciens qui lui sont proposés, ce sera alors le signe que le gouvernement n’a pas vocation à durer jusqu’au terme de la législature. Du reste, le nouveau Premier ministre travaille déjà à cette équipe gouvernementale, d’une part avec certains représentants de la Banque d’Italie, mais aussi, discrètement, en lien avec la présidence de la République, car c’est bien à son appel qu’il s’agit de répondre. Mattarella a donné carte blanche à Draghi et il faudra voir s’il peut intégrer Salvini et Zingaretti dans un même gouvernement. Ou plutôt sur des figures de ces partis plus promptes aux compromis. »
PREMIER PLAN, Corriere della Sera, de M. Cremonesi « Salvini se donne un « tempo » : nous serons là pendant le temps où notre présence sera utile » : « Le dirigeant de la Ligue explique avoir fait ce choix par pragmatisme. Matteo Salvini n’a pas voulu rester à l’écart. Je laisse aux autres les étiquettes : fasciste, communiste, pro-européen. Si on peut parler de réduction des impôts avec Draghi alors j’en suis. » Une ligne qui montre sa disposition à ne pas rater le train qui se met en marche. Mais il y a une limite temporelle : « ‘si le projet nous convainc pour le pays, et pour le temps où nous seront utiles, alors nous participerons”. Sur les réseaux, ses soutiens se divisent entre l’indignation de faire partie de la même majorité que le Pd et l’importance de ne pas être exclus et de pouvoir faire entendre sa voix. ‘’Dorénavant nous devrons fréquenter le Pd de façon assidue’’ souligne Matteo Salvini avec sérénité. Il évoque des contacts fréquents aussi avec Luigi Di Maio et Giorgia Meloni, avec laquelle il devra s’accorder sur les prochaines élections locales. Avec Matteo Renzi en revanche les contacts seraient bien plus limités. Il désamorce les accusations de revirement de position sur l’UE en invoquant là aussi le pragmatisme et déclare vouloir une Europe qui ‘’défende les entreprises et l’agriculture italiennes’’, et en effet, avec Draghi ‘’on peut faire partie de l’Europe la tête haute’’. Il ajoute que ‘’la protection des intérêts nationaux coïncide avec celle des intérêts européens. En France, en Espagne ou ailleurs, ça arrangeait bien certains de défendre les frontières parce qu’elles ne sont pas uniquement italiennes, mais aussi européennes’’. Même sur des chevaux de bataille tels que la réforme des retraites ‘Quota 100’, Salvini est prêt à discuter. L’appui à Draghi semble donc complet et sans réserve, mais toutefois limité dans le temps : ‘’S’il y a un projet national convaincant, évidemment pour une durée de six mois tout au plus, nous y participerons’’.
ARTICLE, Corriere della Sera, « Zingaretti indique le chemin que le parti devra suivre, et revendique l’alliance avec les 5 étoiles » : « L’hypothèse de passer d’une nouvelle alliance du centre-gauche à une large coalition de soutien à Draghi ne va pas se faire sans mal. Du côté du PD, il n’y a pas de non explicite à l’entrée de la ligue, car ce n’est pas le PD qui se compromet mais « la ligue qui donne raison au PD ». Une ligne que certains démocrates auront peut-être du mal à accepter. Mais Zingaretti se rend compte que son parti va en demander plus à présent. Car la stratégie a changé très vite en deux ans : on est passé du Conte léghiste au Conte jaune-rouge, et à présent le fédérateur qui devra mener une alliance, qui devra gagner les prochaines municipales. L’enjeu sera le prochain congrès du PD, avec un objectif pour Zingaretti : ne pas remettre en cause l’alliance avec les 5 étoiles. »
COULISSES, Corriere della Sera, de M. Breda « Les difficultés du Quirinal dans la bataille visant à évincer les rivaux » : « Le Quirinal est surpris de ce qui s’est produit : après les consultations, des partis qui soutiennent presque à l’unanimité le premier ministre désigné. Un succès qui surprend Mattarella. Mais à présent, certains réclament des ministres « politiques », et Salvini lui-même leur a coupé l’herbe sous le pied en disant qu’il apporte tout son soutien « sans mettre dans la balance des conditions ou des noms ». Mario Draghi doit rester au-dessus des combines politiques. La bataille des familles politiques pour imprimer sa marque sur le nouvel exécutif n’a donc pas lieu d’être dans cette solution d’urgence nationale. L’ouverture de Matteo Salvini a d’ailleurs déstabilisé le centre-gauche et fait monter les tensions. Malgré tout, au Quirinal, la confiance en l’influence de Draghi demeure. N’a-t-il pas réussi à faire évoluer la position des 5 Étoiles et de la Ligue, les deux premières forces au Parlement, sur l’Europe ? C’est donc lui qui aura le dernier mot et saura calmer les tensions. Le contact avec le Quirinal reste permanent au sujet de l’équipe ministérielle et la formule politique, qui s’oriente vers un mélange entre technique et politique inspiré du gouvernement Ciampi de 1993. Il est toujours possible à présent que le premier ministre désigné opte pour un mix entre politiques et techniciens, et des confirmations du gouvernement Conte 2 pour apaiser les tensions. »
ENTRETIEN, Il Mattino, d’Antonio Tajani, Président de Forza Italia « Le centre droit n’est pas mort. Nous soutenons Draghi pour sauver l’Italie et relancer le Sud » : « ’’ Le Président Mattarella a lancé un appel à tous les partis politiques du pays. Nous sommes dans une situation d’urgence, voilà l’esprit qui doit nous accompagner. Nous devons nous défaire du maillot de nos partis pour enfiler celui de l’Italie. La mission de Draghi commence avec la question du chômage et de la relance du Sud du pays. Le Plan de relance doit être réécrit afin de réduire l’écart entre le Mezzogiorno et le reste du pays. Il ne s’agit pas d’assistanat mais d’investir sur le numérique, le soutien à l’agriculture et aux infrastructures. Nous sommes convaincus que Draghi fera les bons choix. La coalition de centre droit existe et reste solide. Rien n’a changé. Le soutien au gouvernement Draghi ne signifie pas la naissance d’une nouvelle majorité politique. Le centre droit se présentera ensemble et uni aux prochaines élections. Ce gouvernement Draghi ne peut pas être restreint à une échéance temporelle ou à l’objectif de nous accompagner aux urnes cet été : il a la mission supérieur de sauver le pays et trop de temps a déjà été perdu à cause de l’incompétence de la majorité précédente.’’ »
ENTRETIEN Il Messaggero, de Giorgia Meloni, dirigeante de Fratelli d’Italia « C’est une majorité hétéroclite, nous ne sommes pas isolés » : «‘’Nous ne sommes pas du tout isolés [contrairement à ce qu’a dit Salvini]. J’ai le devoir de représenter ces millions d’Italiens qui revendiquent leur droit de vote, comme cela se passe dans toutes les démocraties du monde, plutôt que de voir naître une énième tentative de la part des puissants pour former un gouvernement. Nous serons tous jugés par les Italiens. Je reste cohérente avec mon passé. C’est une majorité bancale qui s’annonce, allant de LeU à la Ligue. Pendant que tous montent dans le char de Draghi et m’attaquent, des centaines de migrants clandestins arrivent en Italie. Je me demande bien quelle ligne prévaudra au sein du gouvernement Draghi : celle de Salvini ou de Boldrini. Le problème n’est pas Draghi mais sa majorité hétéroclite, un pot-pourri qui conduira le président du Conseil à faire des compromis au rabais. L’Italie a besoin de choix courageux que seule une majorité unie, avec une vision claire et un mandat populaire fort, peut garantir’’.»
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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