18/03/2020
"Le nouveau patriotisme doit devenir quotidien."
Italie. Revue de presse.
Le coronavirus sature toujours l'espace médiatique (JT et quotidiens) italien. La presse quotidienne souligne le « tour de vis » du ministère de l'Intérieur pour que le confinement soit respecté. Par ailleurs, elle relève la polémique autour de la proposition de certaines régions du Nord d'effectuer des tests de dépistage même aux cas asymptomatiques, malgré l'avis défavorable du ministère de la Santé : « "Trop de gens dans la rue, nous les punirons" » - "Le ministère de l'Intérieur durcit ses mesures, 8 000 personnes sanctionnées'' (Corriere della Sera) , « Polémique sur les tampons » (La Repubblica), « Virus, Conte évalue une fermeture à outrance » (La Stampa), « Virus, Conte demande des bons européens » (Sole 24 Ore), « Les interdictions non respectées, sanctions plus sévères » - "Les personnes arrêtées positives au virus risquent jusqu'à 12 ans de prison. 31 506 infectés, 2 503 décès" (Il Messaggero), « Campanie, 3 hôpitaux de camp » (Il Mattino).
ARTICLE, Il Messaggero M. A. « L’Italie célèbre son unité mais cette fois-ci de manière sincère » : « Le 159e anniversaire de l’unité italienne tombe en pleine crise du coronavirus et sa signification dépasse toute les autres significations, sans cérémonies mais avec une multitude de drapeaux tricolores sur les balcons, les fenêtres et sur les réseaux sociaux. L’hymne national est chanté par tous depuis les fenêtres et la droite et la gauche rivalisent pour célébrer l’orgueil national. C’est l’amour pour la patrie. D’où l’appel du Président Mattarella à ‘’l’unité substantielle’’. Le Président du Conseil G. Conte joue son avenir de leader sur cette urgence, en centralisant sur le Palais Chigi la mission de défendre la patrie de l’épidémie. C’est donc sur le 159e anniversaire de l’unité qu’il bâtit sa nouvelle stratégie : ‘’que l’Italie soit unie plus que jamais’’ est devenu sa devise. Il le répète dans les réseaux sociaux et fait appel à ‘’l’orgueil et la détermination’’ des Italiens depuis 159 ans ».
ANALYSE, Il Messaggero, A. Campi : « Le nouveau patriotisme doit devenir quotidien » : « Le royaume d'Italie naissait il y a 159 ans et depuis 1911, la date du 17 mars est devenue celle de la fête nationale : l'anniversaire de l'unité nationale qui s'est accomplie au niveau territorial à la fin de la Grande Guerre. Mais du point de vue politique et collectif, elle ne s'est pas encore complètement réalisée. Hier, donc, il n'y a pas eu de cérémonies officielles, vu le moment très difficile que le pays est en train de vivre, et la seule allure festive a été l'éclairage avec les couleurs tricolores de tous les monuments et statues. Nous n'avons jamais vu autant de drapeaux et de chants aux balcons, c'est un sentiment spontané et libératoire des tensions que toute la communauté est en train d'accumuler. Il s'agit d'un nouveau patriotisme dû à un ensemble de circonstances dramatiques, un réflexe de défense d'un pays qui s'est senti marginalisé par la communauté internationale et attaqué par la spéculation financière. La peur de devoir combattre une guerre contre un ennemi invisible a arrêté toutes les divisions entre Nord et Sud, droite et gauche, Etat et régions parce que, pour se sauver, il faut être unis. Et donc le sens de la communauté et l'orgueil national se sont renforcés dans ce grave moment de difficulté et il serait beau et utile que ce nouveau sentiment patriotique soit moins lié aux catastrophes collectives et, au contraire, plus lié à un sens commun permanent dans la vie de tous les Italiens, dans la vie politique des partis, dans l'engagement et les responsabilités de tous puisque le patriotisme, pour être politiquement efficace, crédible et socialement unifiant, devrait avoir un sens du " Nous " permanent ».
EDITORIAL, Repubblica, S. Folli, « Tensions avec le Nord, une erreur politique » : « Au cours des dernières heures, non seulement Berlusconi, mais certains des plus importants protagonistes du monde financier ont fait don de sommes considérables à la protection civile et au système sanitaire. Eloges et critiques se sont cependant concentrés sur l'ancien président du Conseil ce qui prouve combien l'homme politique, qui aujourd'hui est dans le Sud de la France et dont l'engagement politique s'est extrêmement raréfié, continue de diviser l'opinion publique. Que Berlusconi, du reste, comme le disent ses détracteurs, ait fait une action bien étudiée, en vue de ce qui pourrait lui convenir dans le futur, n'aurait rien d'étonnant. Et ceux qui l'attaquent, au moment où l'on parle d'unité nationale, ont peur de lui donner une légitimation. Mais ce n'est pas le point le plus intéressant. La Protection civile a son siège à Rome et est liée au gouvernement central : c'est à elle que les donations des privés vont en majorité. L'argent de Berlusconi arrive de Milan, où Bertolaso (ndr : ancien chef de la Protection civile italienne, accusé de détournement de fonds entre autres et rappelé par A. Fontana comme conseiller sanitaire de la Région Lombardie) s'occupe de la nouvelle structure hospitalière. Un vieux lien se renoue, alors que Conte a refusé la candidature de Bertolaso en tant que commissaire pour l'urgence coronavirus - jaloux de sa notoriété, dit-on. En parallèle, l'initiative autonome de Zaia en Vénétie pour les tests prend forme, de bon sens sans doute, mais qui crée une nouvelle fracture avec Rome. Ainsi, deux régions du Nord, fondamentales pour l'économie et toutes deux dirigées par la Ligue, sont en polémique avec le gouvernement central. Or, nul ne peut se permettre actuellement cette division entre la capitale du pays et le nord productif ».
ARTICLE, Corriere della Sera, C. Giuzzi : « La Lombardie '’contrôle’' les mouvements à travers les portables : seulement 60% reste à la maison » : « La vérification est anonyme et s'appuie sur les données des cellules téléphoniques. Depuis quelques jours, la Lombardie utilise un système d'analyse des déplacements des téléphones portables, pour analyser combien d'habitants se déplacent sur le territoire. Les opérateurs de téléphonie mobile ont mis à disposition les données des relais téléphoniques. Il ne s'agit pas d'un contrôle « en style 007 » pour tracer le portable individuel mais d'une technologie qui permet de relever combien de déplacements en moins s'enregistrent au cours d'une période temporelle. D'une cellule à l'autre, la portée est de 300-500 mètres. '' Depuis le 20 février, la diminution des déplacements est de moins de 60%, il y a encore trop de gens qui bougent. Il faut rester chez soi '' dit Fabrizio Sala, vice-président de la Région Lombardie. »
ENTRETIEN, La Stampa, d’Andrea Crisanti, virologue et expert sanitaire de la Région de la Vénétie : « Tampons pour tous pour isoler les asymptomatiques. Modèle Vénétie pour contraster l'épidémie D. Lessi : « Zaia était très satisfait du fait que l'OMS nous ait donné raison : il faut faire plus de tests. À Vò, première commune foyer de la Vénétie, nous avons fait des tests sur l'ensemble des 3.300 habitants et nous nous sommes aperçus que 75% de la population était contaminée mais asymptomatique, grâce au fait d’être en zone rouge les contaminés ont été isolés et le taux de guérison a été de 50% en quelques jours. Nous savons que nous ne pouvons pas faire de tests aux 4,9 millions d'habitants de la Vénétie. Nous le faisons aux proches des patients qui ont des symptômes, pour éviter que de nouveau micros-foyers puisse se créer. Un test coûte 30 euros. Un lit en soins intensifs peut arriver à coûter 2.500 euros par jour, mais le problème n'est pas économique. Il faut utiliser les bonnes armes contre l'épidémie et il y en a deux : la contention et la surveillance. En Vénétie nous avons adopté des mesures de prévention plus fortes, en Lombardie il y 700 médecins et infirmiers positifs, chez nous ils sont beaucoup moins. Le modèle de la Vénétie regarde la Corée, la stratégie de contrôle général fonctionne. Il faudra des mois pour sortir de cette situation. Les mesures prises par le gouvernement sont correctes. »
ARTICLE Il Messaggero L. De Cicco « ‘’Que les masques soient obligatoires. Envoi d’un million de masques de la France’’ » : « Selon l’Ordre de Rome, les masques sont une protection primaire et pas seulement pour ceux qui ont les symptômes. Or, le problème est qu’ils sont trop peu nombreux en Italie. Si le Wuhan en a distribué à tous, il est vrai aussi, comme l’explique Walter Ricciardi (OMS) ‘’là-bas ils en produisent des milliards, pas nous’’. Entretemps, les masques nous viennent de Chine. Aussi la France, comme l’a annoncé le Président E. Macron lors du Conseil européen, enverra un million de masques à l’Italie. Il serait utile de les utiliser quand on fait les courses, quand on va à la pharmacie. Mais ce sont surtout les opérateurs sanitaires, qui sont en contact direct avec les patients affectés, qui risquent le plus »
ARTICLE, Il Fatto Quotidiano, A. Caporale : « Les petits malins en blouse : hôpital Cardarelli, 249 sont en maladie » : « Il n'y a pas uniquement des héros dans cette situation de crise sanitaire mais aussi des déserteurs. Le directeur des urgences de l'hôpital Cardarelli de Naples, Ciro Mauro, a dénoncé un autre aspect de la santé publique, mise à rude épreuve ces jours-ci : 249 opérateurs sanitaires ont présenté de faux certificats médicaux pour rester à la maison. Le directeur du plus grand hôpital de Naples, une véritable excellence pour le Sud, a déclaré qu'il n’éprouve pour eux que de la commisération ».
ENTRETIEN, La Repubblica, de Roberto Fico, Président de la Chambre des députés « Les parlementaires sont comme les médecins, ils ne peuvent s'arrêter. Vote en ligne ? Difficile » : « "En tant que Président, je suis responsable du bon déroulement des travaux. J'ai le devoir d'assurer la continuité de la fonction législative, et j'ai la responsabilité de protéger la santé publique. Comme dans d'autres lieux, une chaîne de contagion à la Chambre doit absolument être évitée. Elle pourrait se traduire par une paralysie". "Nous ne pouvons pas nous montrer superficiels sur le travail à distance. Une solution alternative pourrait être une Commission spéciale qui instruise les lois". "Ce n'est pas un hasard si l'article 64 de la Constitution fait référence à la présence des députés et sénateurs dans l'hémicycle : elle est fondamentale pour que le rôle soit pleinement respecté ».
ENTRETIEN, Avvenire, de Giuseppe Povenzano, Ministre pour le Sud et la Cohésion Territoriale : « '' Il faut courir pour que le Sud freine la contagion. Santé, il faut une coordination nationale '' » : « " Je le répète toujours : si la première contagion avait eu lieu au Sud, cela aurait été une catastrophe, mais maintenant il ne faut perdre de temps, le système sanitaire du Sud n'est pas prêt et il faut s'engager tous pour le préparer à accueillir une éventuelle propagation de la contagion. Il faut travailler rapidement, ce n’est plus le moment de penser aux décimales mais plutôt aux bonds européens qui pourraient être davantage une solution pour les régions méridionales. Il faut tirer une première grande leçon de cette urgence : la santé publique est très importante et universelle, l'Italie tente de sauver chaque vie sans faire de différence de revenu, d’âge, de région. Nous avons une grande solidarité, il faut repartir tous ensemble, même avec les autres pays de l'UE. Les mesures adoptées en Italie sont en train de s'imposer au niveau européen parce qu'il n'y a aucune alternative à la coopération, notre destin est commun et nous sommes en train aussi de redécouvrir une grande communauté nationale " ».
ARTICLE, La Repubblica, T. Ciriaco-A. D'Argenio « Europe : Conte et Macron :’’ intervention immédiate du fonds « Sauve Etats » (MES) et de la BCE’’ » : « Cinq heures de vidéo-conférence entre leaders européens : d'un côté, Macron, Conte et Sanchez ; de l'autre, le Hollandais Rutte ; en jeu, le trésor de 410 milliards d'euros du Mécanisme européen de stabilité, à additionner à des fonds illimités de la BCE. France, Italie et Espagne veulent les utiliser pour lutter contre les conséquences économiques du coronavirus : le vrai bazooka anti-crise sur lequel se joue l'avenir de l'Europe. Les nordiques freinent. Merkel cependant ne ferme pas la porte. Une solution doit être trouvée par le président de l'Eurogroupe Centeno et la numéro un de la Commission von der Leyen, d'ici la réunion de la semaine prochaine. Giuseppe Conte et Emmanuel Macron se battent pour un grand plan de l'UE. ''Nous devons lancer'', propose le président du Conseil italien, "les coronavirus bonds et un fonds de garantie européen pour financer urgemment les initiatives des gouvernements pour protéger leurs propres économies. Si nous avançons divisés, nous serons tous plus faibles''. Une idée accueillie par une première réaction de fermeture de la part de Rutte, qui aurait dit que ce n'est pas une bonne idée. Mais Macron et Conte, soutenus par R. Gualtieri, ne lâchent pas prise et sont certains que ''à la fin, nous les obtiendrons''. Les travaux pour la proposition de mettre en œuvre le MES en soutien aux gouvernements ont commencé. A Bruxelles, l'idée de lier l'intervention du MES à celle de la BCE se fait jour, qui pourrait activer le programme conjoint d'achat de titres d'Etat sur les marchés secondaires. Potentiellement illimité, comme prévu en son temps par M. Draghi et qui ajouterait des centaines de milliards aux 410 du MES. Mais C. Lagarde pourrait avoir des difficultés à faire passer ce plan à Francfort. Pour l'aider, von der Leyen désactiverait le Pacte de Stabilité pour permettre aux gouvernements de dépenser plus, renforçant la position de Lagarde. Ce serait une véritable révolution dans les politiques européennes. Un signal d'ouverture est arrivé de Merkel aux propositions de Conte et Macron : ''les ministres des finances travailleront aux mesures ».
COMMENTAIRE, Il Foglio, D. Carretta : « Voici l'Europe du nouveau monde » : « Bruxelles, l'ancien monde de l'UE est fini cette semaine. Désormais il sera inutile de discuter de Pacte de stabilité, de croissance, de déficit à 3 % et de Fiscal Compact. Certains Etats membres ont réintroduit les frontières, annulant Schengen et la libre circulation de personnes et de marchandises et cette décision, due à la crise du coronavirus, aura un impact très important surtout sur le plan économique. Les Etats sont entrés dans une phase d'économie de guerre et si la fermeture de toutes les activités ainsi que la quarantaine devaient durer 10-12 semaines il y aura une perte de PIB pour l'UE de 10 %. Ce n'est qu'un début et pour répondre à la récession il faudra des impulsions fiscales très importantes, parce qu'il faudra trouver les ressources pour payer tous ceux qui ont continué de travailler, même à la maison par le smart working, mais aussi les autres, tous ceux qui ont arrêté de travailler ou ont été mis en chômage technique, les entreprises en difficulté et les banques, dans le but d'éviter un effondrement du système économique. Ce cadre est important pour déterminer quel sera le nouveau monde, parce que l'UE est basée sur la confiance et les règles et il faut faire attention, parce que la tentation de la fermeture et de l'égoïsme risque de faire tout effondrer, y compris l'euro ».
ARTICLE, Sole 24 Ore « Un bouclier sur le Corporate France. ‘’Nous sommes prêts à nationaliser’’ » : « Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire évoque des mois de difficulté, avec un PIB qui est, à ce stade, estimé à -1% pour 2020. Du coup, le ministre français a parlé explicitement, hier, de la possibilité de nationaliser les champions de l’industrie transalpine pour ‘’protéger les sociétés françaises menacées par la crise du coronavirus’’. 45 milliards seraient sur la table pour des achats ‘’défensifs’’. La France va en guerre également sur le front économique. ‘’Ce sera dur, ce sera une guerre violente qui doit mobiliser toutes nos forces nationales, européennes et du G7’’ a-t-il souligné. Des 45 milliards alloués, 32 iront pour permettre de reporter les charges sociales et fiscales de ce mois. Le chômage partiel absorbera en deux mois 8,5 milliards d’euros. Les entreprises qui risquent la faillite verront d’autres formules de soutien financier. Le ministre Le Maire a ajouté ‘’nous utiliserons tous les instruments à disposition’’ y compris l’achat de participations. Le Premier ministre Philippe a souligné pour sa part qu’il était important d’éviter ‘’que les entreprises fondamentales pour le tissu productif français ne disparaissent pas’’ ».
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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