30/07/2019
"La Ligue, une forme inédite de "nationalisme sécessionniste"."
Italie. Revue de presse.
Le décès du carabinier italien tué par deux étudiants américains fait toujours les gros titres de l’ensemble des médias italiens. Les funérailles qui ont lieu hier en présence notamment de G. Conte et de M. Salvini font l’objet de très nombreux articles et d’une très large couverture photographique : « Ils ont tué, ils ne se sont pas repentis » (Corriere della Sera), « Nistri : stop aux coups de couteau, mais l’affaire n’est pas close » (La Repubblica), « La victime de la vie nocturne américaine »(La Stampa), « Des mystères sur le meurtre du carabinier Rega : le blitz du collègue une heure avant et le dealer libre » (Il Fatto quotidiano), « Les cris de la veuve : ‘’ C’est nous que vous devez protéger ‘’ – Mario, l’épanchement de la veuve : ‘’ Vous devez nous protéger et ne pas protéger les tueurs ‘’ » (Il Messaggero - Il Mattino).
Journaux télévisés : L’enquête sur le meurtre du jeune carabinier tué à Rome et les tensions au sein de la majorité sur la ligne ferroviaire Lyon-Turin (TAV), autonomie et loi de finances font l’ouverture des JT.
Réseaux sociaux : Les thèmes les plus commentés concernent toujours le décès du carabinier.
COMMENTAIRE, Il Messaggero, C.Nordio : « Répondre à la tragédie d’un pays plus mature » : « Comment expliquer l’attitude de celui qui, face à l’horrible assassinat d’un carabinier en service, concentre son attention sur un événement marginal ? Nous parlons du traitement réservé au jeune américain durant sa permanence à la caserne, qui a fait passer en second plan les onze coups de couteau infligé à la pauvre victime. La violence policière est malheureusement un cas fréquemment documenté, même dans les pays libres et démocratiques, tel que les comportements bien plus violents de la police américaine pour des délits mineurs. Ceci ne légitime en aucun cas cette violence, qui sera bien évidemment punie avec sévérité, mais elle ne peut être comparée à la violence du meurtre de Mario Cerciello. Pour finir, une considération juridique. Nous sommes de grands admirateurs du système juridique américain, mais nous reconnaissons que comme tous les systèmes il a ses forces et ses faiblesses. Mais nous pouvons rassurer l’illustre avocat Alan Dershowitz, qui a soulevé des doutes quant à la légalité de nos procédures. Nous ne laisserons pas le traitement incorrect en caserne influencer nos compétences judiciaires. S’il le souhaite, Dershowitz peut venir assister au procès et il verra que, avec toutes nos manières, notre justice peut même fonctionner mieux que la sienne ».
ARTICLE, Il Fatto Quotidiano, I. Proieti : « Ligne ferroviaire Lyon-Turin, l’alliance entre Berlusconi et Salvini pour la motion contre le Mouvement 5 Etoiles » : « La Ligue et Berlusconi ont recommencé à discuter lors du débat sur la ligne Lyon-Turin. Ainsi, le 7 août, on assistera à la renaissance de l’ancien centre-droit. Cela dit, malgré l’alliance entre Berlusconi et la Ligue, Luigi Di Maio ne semble pas vouloir abandonner. Sur cette question : ‘’ Une motion ne suffit pas pour bloquer la construction‘’, affirme la représentante de Forza Italia Maria Stella Gelmini. La sénatrice Anna Maria Bernini invite également Di Maio à jeter le discrédit sur Conte qui, en manifestant son accord pour la construction de la ligne Lyon-Turin, a trahi le mandat reçu par la force politique qui l’a nommé. Les prochains jours seront dédiés aux stratégies entre Forza Italia et Fratelli d’Italia qui pourraient présenter une motion en vue d’appuyer la construction de la ligne transalpine. Concernant le parti Démocrate, on raisonnait sur l’opportunité de présenter un document autonome pour soutenir la ligne haute vitesse en Val De Suse ».
ARTICLE, La Stampa, Stefano Lepri : « La nécessité de préserver les plus faibles » : « Le report au mois de septembre, du budget 2020 annoncé hier par le président du Conseil lors de sa rencontre avec les forces sociales démontre une fois de plus les dissensions au sein du gouvernement. Les deux propositions de réformes - respectivement la Flat Tax pour la Ligue et le salaire minimum pour le M5S - ne parviennent pas à dégager un consensus. Elles se révèlent être peu adaptées au marché italien. Bien que le salaire minimum soit un cheval de bataille important de la gauche, cela ne prend pas auprès des syndicats qui craignent de voir diminuer leur pouvoir de négocier les contrats de travail. Si l’on veut protéger les plus faibles sur le marché du travail, il faut un objectif réaliste, autrement ils se tourneront vers des emplois illégaux moins bien payés. Quant à la « Flat tax », idée phare de la droite américaine, qui sous sa forme la plus pure n’est autre qu’un cadeau aux plus riches, les études montrent qu’elle compliquerait le système fiscal au lieu de le simplifier. Le président du Conseil a entendu de la part des entreprises et des syndicats d’autres priorités. Mais aujourd’hui ce ne sont plus les forces sociales qui définissent les besoins du pays. Le PIB italien a stagné ces douze derniers mois, Carlo Bonomi, président des industriels lombards parle à juste titre « d’une année perdue ». Les difficultés liées au protectionnisme de Donald Trump touchent en priorité les pays exportateurs comme l’Allemagne et l’Italie. Mais à la différence de l’Allemagne, il nous faut ajouter à cela toute une série de facteurs internes. Dans tous les cas, l’argent manque pour ces réformes, de 25 à 40 milliards en 2020, selon comment l’on souhaite les mettre en place. Et pourquoi pas un budget du compromis, qui ne mette pas au défi l’Europe, et qui nous laisserait le temps d’organiser une campagne électorale successive dans laquelle la Ligue et le Mouvement 5 étoiles seraient jugés selon les désillusions ? ».
ANALYSE, Il Mattino, I. Sales : « Autonomie, pourquoi la rancune pour le Sud condamnera l’Italie» : « Je ne suis pas un sympathisant du M5S, mais je crois qu’il faut reconnaître qu’il a gardé ouverte la discussion sur le régionalisme différencié, en transformant le thème de l’égalité des droits entre les Italiens (au-delà de la région dans laquelle on réside), en une question de l’actuel débat politique et médiatique. Ce n’était pas évident, même si le « radicalisme gouvernemental » de Di Maio (c’est-à-dire la conviction qu’être au gouvernement est la seule possibilité de survie du Mouvement) pourra à nouveause rendre aux raisons de son allié-ennemi. En vérité, au début de l’expérience au gouvernement, les Cinq Etoiles n’avaient pas été assez prudents sur les conséquences désastreuses que le régionalisme différencié pouvait apporter à l’idée de Nation et aux principes constitutionnels en créant une séparation insurmontable entre les deux Italies. Séparation non seulement du point de vue économique mais aussi du point de vue de la fourniture de services essentiels pour les citoyens. Le M5S avait, en fait, signé un accord avec les plus rusés alliés de la Ligue en vertu duquel le gouvernement n’avait qu’à ratifier les accords conclus avec les trois régions trépignantes d’impatience (Lombardie, Vénétie et Emilie-Romagne). Puis, peu à peu, la situation a changé, grâce à une réaction de la partie la plus attentive de l’opinion publique méridionale, sollicitée par des analyses détaillées sur les conséquences possibles. Il s’agit d’un raisonnement simple : si, avec le régionalisme actuellement en vigueur, les différences entre le Centre-Nord et le Sud (dans les domaines de la santé, des transports, de l’éducation publique, de l’assistance) sont déjà si élevées, que se passera- t- il lorsque certaines régions pourront utiliser davantage de ressources alors que d’autres se verront refuser des fonds supplémentaires à cause de leurs conditions économiques ? Ensuite, il y a eu le vote aux élections européennes, qui a fait réfléchir beaucoup de membres du Mouvement sur leur naïveté de permettre à la Ligue de s’approprier des résultats électoraux d’un nationalisme exaspéré accompagné par un sécessionnisme de certaines régions. La Ligue est en train de s’étendre au Sud, sans payer le prix du soutien des intérêts de certains territoires en contradiction avec ceux des régions méridionales et elle est en train de poursuivre une forme inédite de « nationalisme sécessionniste », soit un racisme non seulement ethnique (envers les étrangers) mais aussi territorial (envers les méridionaux). Qu’est-ce que c’est, sinon une forme de « racisme territorial », c’est-à-dire croire que certains Italiens, (habitants de certaines régions), valent plus que d’autres, surtout si ces derniers sont placés géographiquement au-dessous du Garigliano ? D’ailleurs, ces dernières décennies aucune force politique n’avait pensé que la lutte pour les intérêts des populations méridionales était une chose politiquement avantageuse : depuis la fin de la « Cassa per il Mezzogiorno », en fait, aucun parti national n’a poursuivi aucune bataille pour défendre le Sud. C’était la plus longue période d’hégémonie septentrionale sur la politique italienne et la plus longue période de silence et d’embarras des forces politiques, entrepreneuriales et culturelles. On peut se réjouir qu’enfin, après 25 ans, le Sud retrouve sa place dans le débat politique national, surtout en considérant que l’Italie n’existe pas en tant que Nation si les droits fondamentaux (santé, éducation, mobilité) sont niés à une partie de ses citoyens. Depuis la fin des années 80, un courant de pensée s’est affirmé selon lequel l’Italie pouvait prospérer et rivaliser même avec un Sud faible et marginal, idée qui a été exacerbé par la Ligue d’Umberto Bossi. L’Italie a abandonné le Sud, a négligé sa partie la plus faible, mais elle n’est pas sortie de son déclin historique. L’Allemagne a suivi un autre chemin, après la réunification du pays et elle a investi beaucoup de ressources dans la partie la plus faible, en devenant la première Nation en Europe et parmi les premières dans le monde. Deux expériences, deux résultats différents : la rancune du Nord, pas entravée pendant trop longtemps, n’a pas apporté des avantages pour la nation Italie. Mais l’Italie n’est pas l’Allemagne, et Salvini n’est pas Kohl et encore moins Merkel »
COMMENTAIRE, La Repubblica, Massimo Riva : «UE, les souverainistes pèsent » : « Au lieu de dissiper les doutes suite à son élection à la tête de la Commission Européenne, Ursula von der Layen a fait de son mieux pour exacerber les soupçons et les craintes sur ses réelles intentions. Evasive sur l’influence concrète que pourraient avoir les souverainistes de l’Est européen –qui se sont révélés indispensables pour son élection, von der Layen manifeste des ouvertures politiques déconcertantes envers les déviations antidémocratiques et illibérales des gouvernements de Varsovie et de Budapest. Le message est préoccupant : au lieu de chercher à reconsolider le front européiste qui a su contrer l’assaut national-souverainiste des europhobes, la nouvelle Présidente de la Commission semble disposée à continuer avec une majorité variable suivant une géométrie politique hétérogène. Le soutien des partis du groupe de Visegrad pourrait être ainsi utilisé comme une arme de chantage en cas de désaccords sur le front européiste. Perspective plutôt alarmante ».
ARTICLE, La Stampa, Cesare Martinetti : « Entre les capitales, court-circuit sur les réfugiés » : « Les 140 migrants bloqués depuis plusieurs jours sur le bateau Gregoretti par les gardes côtes italiens finiront par débarquer et seront distribués en Europe, puis seront bien vite oubliés comme la commandante du Sea Watch Carola Rackete. Mais le problème ne sera toujours pas réglé et bientôt un autre bateau chargé d’êtres humains deviendra le prétexte d’un nouvel affrontement entre le gouvernement italien et l’Union européenne. Nous sommes arrivés à une situation paradoxale, véritable paraphrase du roman sarcastique de l’américain Joseph Heller « Catch 22 », qui se résume en un proverbe : « Celui qui est fou peut demander d’être exempté des missions de vol, mais qui demande d’être exempté des missions de vol n’est pas fou ». Pour changer la situation, il faudrait se mettre autour d’une table et discuter les règles en vigueur ; mais changer les règles signifie modifier le traité de Dublin. Les gouvernements de l’Est, en particulier la Hongrie et la Pologne, que Salvini considère comme les plus proches de sa ligne souverainiste, s’y opposent. Il y a ensuite une autre question qui renforce la paraphrase de « Catch 22 » : c’est que Matteo Salvini n’a participé qu’à deux réunions des ministres de l’Intérieur européens depuis qu’il est au Viminal. Difficile d’imaginer pouvoir résoudre les problèmes si l’on ne se rend pas aux réunions, comme celle du 22 juillet dernier à Paris. La France et l’Allemagne se disent pourtant prêtes à réunir un « groupe de volontaires ». La réponse de Salvini est sans appel : nous ne prenons pas d’ordres de Bruxelles. Une plaisanterie qui aurait encore pu passer en période de campagne électorale mais qui sonne creux dans le contexte actuel. Si les 140 du Gregoretti ne sont qu’un prétexte – comme presque tout désormais – pour un jeu de rôle à l’intérieur du gouvernement italien, alors c’est une autre histoire ».
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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