05/02/2013
Le duel principal est celui entre Berlusconi et Monti.
Italie. Les titres de la plupart des quotidiens italiens portent sur la chute de la Bourse et la remontée du spread – « Berlusconi parle, la Bourse chute » (Unità), « Effet Berlusconi, les marchés s’écroulent » (Repubblica). Encore pas mal d’articles sur le scandale de la Banque Monte-Paschi di Siena, avec la promesse du président démissionnaire Mussari de « parler quand il sera temps ».
De nombreux éditoriaux se penchent sur les déclarations de Berlusconi qui à leurs yeux « a re-déclenché la crise », quant à « l’IMU » qu’il a promis de « reverser aux Italiens » et à sa proposition d’amnistie fiscale pour ceux qui auraient omis de déclarer des revenus. Selon un sondage de l’Institut Demopolis (pour une émission télévisée de La7), commenté par le Corriere, 51% des Italiens estiment que la restitution de l’IMU « n’est pas crédible ». Le directeur de La Repubblica, entre autres, estime que Silvio Berlusconi fait preuve de « démagogie irresponsable ». Deux entretiens de Fitoussi sur ce même thème (Messaggero, Repubblica) : « La démagogie déclenche la spéculation ».
« Dans le duel Berlusconi-Monti, le président du Conseil ‘in pectore’ ne fait pas souvent la Une » (Stefano Folli, Sole 24 Ore) : « En attendant de pouvoir constater les effets sur les Italiens, la proposition de choc de Berlusconi a froissé la Bourse. Certes, comme souligne le WSJ, il y a aussi le désastre du Monte dei Paschi. Toutefois, on dirait que les anomalies italiennes effraient encore. Jusque-là, les marchés étaient convaincus sur l’issue de la saison électorale avec un pacte PD-Monti, un mélange qui serait ensuite défini selon les équilibres parlementaires. L’équation prévoyait (et prévoit toujours) Monti en mesure de gérer la relation avec la gauche, obligeant le PD à agir à l’intérieur de certains critères. Maintenant, les marchés ne sont plus sûrs du résultat des élections et le fantasme de Berlusconi réapparaît, avec ses feux d’artifice tels que l’IMU et l’amnistie fiscale. La chute d’hier de la Bourse semble surtout une réaction émotive. L’Italie va-t-elle vers la non-gouvernabilité ? A ce stade, cela n’est pas dit. Certes, l’écart entre les deux coalitions semble se réduire aux dépens du centre gauche (PD, SeL, PSI, Centre de Tabacci) qui s’enlise et est évalué entre 33-34% des intentions. Toutefois, les sondages confirment que l’écart reste d’environ 4-6 points. Les Italiens pourraient même se faire séduire par les promesses et les idées de Silvio Berlusconi. Toutefois, relancer l’idée de l’amnistie fiscale (‘condono fiscale’, ndr) à trois semaines des élections montre la nervosité du Cavaliere plutôt que l’arrogance. Le nombre des indécis se trouvant surtout chez les électeurs du centre droit, il est normal que le duel principal soit celui entre Berlusconi et Monti (ce dernier étant de plus en plus agressif sur les deux fronts de l’échiquier politique). Il manque cependant le troisième candidat, celui qui est considéré comme le président du Conseil in pectore, Bersani. A exception de l’affaire MPS, il mène une campagne électorale basée sur le civisme et le ‘sérieux’. En apparence imperméable à tout, il veut se montrer serein et rassurant. Peut-être même qu’il y arrive. Toutefois, la sensation est qu’il ne parvient à convaincre que ses partisans, ceux qui sont déjà convaincus. Et qu’il n’arrive pas à éviter la lente érosion du consensus autour du PD. Il est dangereux de croire avoir déjà gagné, comme l’affirme D’Alema. A part les sondages, un ‘presque-Président du Conseil’ doit avoir une vision et doit faire rêver les électeurs. Sur ce point Renzi n’a pas tort. Bersani devrait alors exploiter davantage le maire de Florence partout en Italie. »
« Italie et Espagne : pourquoi les marchés frappent encore les plus faibles » (Federico Fubini, Corriere della Sera) : « Il ne manquait plus que ça : Goldman Sachs, la banque d’affaires la plus puissante, s’intéresse à Mario Balotelli. Une note de Goldman d’hier après-midi destinée aux clients et non pas à la diffusion publique, soupèse les scénarios possibles de cette campagne électorale qui se joue en ce moment et qui semble imprévisible seulement pour qui n’a rien compris à l’Italie de ces dernières années. Qu’il s’agisse d’un réflexe rationnel ou pas, il n’en est pas moins vrai que du côté des investisseurs étrangers le seul nom de Silvio Berlusconi est désormais associé à l’idée même d’incrédibilité. C’est d’abord une réaction instinctive. Lorsque Berlusconi a cessé de soutenir le gouvernement de Mario Monti en novembre dernier, les marchés ont réagi immédiatement par un recul brusque (se reprenant ensuite). Et lorsque ces derniers jours les sondages et les promesses électorales sont allés dans le sens d’un renforcement de l’ex-président du conseil, quelque chose de similaire s’est reproduit. C’est pour cela que Goldman a fini par étudier l’impact de Balotelli sur le spread. S’il s’agissait simplement d’une partie d’échec entre Wall Street et Berlusconi, il suffirait d’attendre le résultat des élections à la fin du mois. Mais l’évolution de la situation en Espagne complique un peu plus le tableau. Hier le nombre des chômeurs a atteint le record des 5 millions au moment même ou le premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, semble toujours plus affaibli par les accusations de corruption révélées dans le quotidien El Pais. Le futur du gouvernement n’est pas sûr et les manifestants ont de nouveau rempli les places de Madrid et de Barcelone hier. Il y a quelques jours à peine Laurence Mutkin de Morgan Stanley se demandait si l’on aurait de nouveau droit en 2013 au cycle de l’année précédente (c’est-à-dire l’accalmie au premier trimestre et la tempête au printemps). Mais les choses ont changé. Aujourd’hui la banque centrale européenne peut intervenir sur le marché (à certaines conditions) pour supprimer les doutes sur un éventuel effondrement de l’euro. Si depuis hier l’Italie et l’Espagne dégringolent de nouveau c’est donc du fait d’une interrogation qui n’est pas l’interrogation existentielle sur la monnaie unique. Malgré la baisse des spread, la récession continue à se faire sentir dans le Sud de l’Europe où les taux de chômage et les dettes grimpent entraînant la colère et le trouble de nombreux citoyens. Craignant le retour de Berlusconi –et les protestations contre Rajoy- les investisseurs se demandent au fond si ces deux pays pourront encore avoir, dans le futur, une stabilité. Entre les réformes pour relancer la croissance et le malaise social qui peuvent rendre Rome et Madrid ingouvernables, les marchés veulent savoir qui va gagner. C’est une course contre la montre. Mais le doping de la BCE, cette fois ci, ne peut vraiment aider personne. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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