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23/03/2009

L'Alliance Nationale de Gianfranco Fini rejoint le parti de Silvio Berlusconi.

Le Peuple de la liberté.jpg

Voici un article du journal Le Monde qui explique la stratégie de Gianfranco Fini pour conquérir le pouvoir en Italie :

 

LE MONDE | 23.03.09 | 15h03   Mis à jour le 23.03.09 | 15h36

 

 

Cette flamme tricolore s'est éteinte, dimanche 22 mars, à Rome. Et avec elle, ce passé sulfureux. En choisissant de dissoudre Alliance nationale (AN), Gianfranco Fini, son président, parachève sa mue et celle de son parti, qu'il a arraché à ses racines mussoliniennes pour le conduire vers une formation de droite moderne, européenne et atlantiste.

 

Le Mouvement social italien (MSI) est fondé 1946 par Giorgio Almirante (1914-1988) et des vétérans de la République sociale italienne, dernier et sanglant avatar du fascisme. Rejoint dans les années 1970 par les royalistes, le MSI compte, en 1972, 56 députés et 26 sénateurs. En 1987, malade, Almirante confie sa formation à Gianfranco Fini, qui en accélère la "défascisation". Candidat à la mairie de Rome en 1993, il est battu, mais obtient 46 % des voix. Ce demi-échec le pousse à dissoudre le MSI pour fonder Alliance nationale (AN) en 1995. Un an plus tard, AN devient le troisième parti italien. M. Fini se pose en leader d'une droite moderne et réformiste. Les résultats électoraux du parti se ressentent de ce recentrage : 99 députés en 2001, contre 68 en 2008, avant qu'ils ne fusionnent dans un groupe unique avec Forza Italia, de Silvio Berlusconi. (Corresp.)

 

Dès la semaine prochaine, AN confluera avec Forza Italia (FI) dans le parti du Peuple de la liberté (PDL), que présidera Silvio Berlusconi, lors d'un congrès constitutif dans la capitale italienne. "Nous avons fait les comptes avec notre passé, a lancé M. Fini à la fin de son discours prononcé de sa voix rauque de fumeur compulsif, aujourd'hui nous devons construire le futur."

 

Cette flamme tricolore, certains des 2 000 délégués du congrès de dissolution la portaient encore en épinglette au revers de leur veste ou en foulard autour du cou. Depuis la mort du Duce et la fondation du Mouvement social italien (MSI), elle symbolise le combat de ceux qui n'acceptent pas d'avoir été rejetés du mauvais côté de l'histoire. En 1994, lorsque M. Fini donne naissance à Alliance nationale, ils redoutent la banalisation mais ils se rassurent encore : la flamme est toujours là.

 

Tout change lorsque M. Fini devient ministre en 2001. En 2000, il lançait encore : "Personne ne peut nous demander d'abjurer notre matrice fasciste." En 2004, le fascisme est devenu "le mal absolu". Ce virage pousse les éléments les plus durs du parti (Alessandra Mussolini ou Franco Storace) à le quitter. Se rêvant en Sarkozy italien (il a signé la préface de la version italienne de Témoignages, parue en 2007), il profite de sa nomination, en 2008, à la présidence de l'Assemblée pour jouer la rupture, critiquant le "césarisme" de M. Berlusconi, et "l'ouverture", condamnant les amendements les plus répressifs des lois sur la sécurité. Le centre gauche applaudit. M. Berlusconi s'inquiète : "Il me met en difficulté."

 

Dimanche, les derniers nostalgiques d'un parti fasciste sont restés les bras croisés pendant que M. Fini redescendait de l'estrade, la larme à l'oeil. Aux propos de M. Fini sur la "société multiethnique et multi-religieuse", nouvel horizon de l'Italie, ils ont préféré les sorties plus carrées du maire de Rome, Gianni Alemanno, sur "l'identité culturelle italienne", ou celles de Roberto Menia, secrétaire d'Etat à l'environnement. "Je n'ai pas envie de me dissoudre", a lancé ce dernier, craignant comme beaucoup d'autres, qu'AN, qui aura 30 % des postes de direction du PDL, n'en devienne "un actionnaire minoritaire".

 

Pourquoi cette fusion, alors que tout oppose, culturellement et politiquement, les militants post-fascistes d'AN et les sympathisants post-idéologiques de M. Berlusconi ? Le culte de l'Etat contre celui du moins d'Etat ; la centralité du pouvoir contre la décentralisation ; la loi contre les arrangements ; le principe de la laïcité contre la docilité à l'égard de l'influence de l'Eglise en Italie... Des différences dont on imagine mal qu'elles ne se transforment pas en courants.

 

M. Fini n'avait pas d'autre choix. Présente dans tous les gouvernements de M. Berlusconi depuis 1995, AN n'a jamais pu dépasser 12 % des suffrages. Assez pour compter, trop peu pour gagner. L'ancien ministre des affaires étrangères a soutenu toutes les campagnes du Cavaliere. A l'Assemblée, ses députés sont affiliés au même groupe que ceux de Forza Italia. Ses lieutenants devenus ministres, ils sont désormais les plus ardents avocats du président du conseil.

 

Restait à jouer son destin personnel contre un parti devenu inutile. Son calcul : les élections législatives, prévues en 2013, ne pourront échapper à la droite ; M. Berlusconi, qui aura 77 ans, ne se présentera pas ; la bipolarisation est acquise. Dès lors, ce choix de M. Fini, âgé de 56 ans, est à la fois un acte de soumission au Cavaliere, qui a imposé la naissance d'un grand parti capable de rassembler à lui seul la majorité, et un défi. C'est à l'intérieur du PDL que se jouera l'après-Berlusconi.

 

Philippe Ridet

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