15/06/2023
"Silvio pour toujours."
Italie. Revue de presse.
Le naufrage meurtrier d’une embarcation de migrants au large de la Grèce est largement cité, au-delà des Unes presqu’unanimement consacrées aux funérailles d’Etat de Silvio Berlusconi, hier à Milan. “Les applaudissements d’adieu” (Corriere della Sera), “Meloni, deuil et pouvoir” (La Repubblica), “C’était un homme” (La Stampa), “Silvio pour toujours” (Il Giornale), “Un homme de joie” (Il Messaggero), “À Milan, le dernier au revoir à Silvio ; ‘’nous te rendrons fier’’ dit Giorgia Meloni » (Sole 24 Ore).
EDITORIAL, Repubblica, de S. Folli, « Le défi de Meloni commence aujourd’hui » : « Avec, en fond, la place de la cathédrale bondée, l'hommage populaire à Silvio Berlusconi et l'homélie, certes habile et peu conventionnelle, de l'archevêque, une page se ferme et une autre s'ouvre dans l'histoire du centre-droit. Certains espèrent que cette nouveauté concernera l'ensemble de la société italienne, comme si la vague émotionnelle du deuil national devait abolir comme par magie les désaccords et les divisions qui ont marqué l’ère Berlusconi. Mais ce n'est pas le cas. Au fil des ans, la gauche a certes été vaincue par la vague berlusconienne, comme l'a rappelé Giorgia Meloni, mais elle a surtout perdu le lien avec l'Italie profonde. Cette Italie qui, hier encore, rendait hommage à son leader charismatique, alors qu'elle avait largement cessé de voter pour lui, sans pour autant cesser de le considérer comme un leader quasi mystique, au-dessus des guerres politiques. Et l'on en revient au passage crucial : qui pourra reprendre cet héritage complexe ? L'héritière existe et elle s'appelle Meloni. C'est elle qui dirige la coalition depuis des mois déjà ; elle qui s'est mesurée à Berlusconi avec la détermination de celle qui, après les élections de septembre, a senti que le rapport de force s'était inversé en sa faveur ; elle qui s'est déclarée ‘’insoumise au chantage’’ face au vieux ‘’père-maître’’ plutôt péremptoire dans ses demandes ministérielles. Berlusconi lui avait laissé le champ libre, Tajani jouant le rôle d'agent de liaison. En retour, elle l'avait flatté en le reconnaissant comme le père noble du centre-droit. Mais ce n'est que la moitié de l'histoire. L'autre moitié concerne l'usage que Giorgia Meloni voudra faire de son sceptre. Pendant un an, FdI et Forza Italia seront comme une planète et son satellite, voués à la même convergence en Europe : cet accord entre Populaires et Conservateurs qui, dans les intentions, devrait marquer la prochaine législature du Parlement de Bruxelles. Il faut croire cependant que le véritable objectif de la première ministre est de se renforcer en Italie. Si elle parvient à gouverner aussi l'Union, tant mieux. Mais l'objectif est de construire un parti conservateur en Italie sur le modèle des Républicains américains. Les étapes du parcours restent à définir et on peut aussi imaginer un schéma binaire comme le Cdu et le Csu allemands. On peut aussi supposer que la Ligue restera finalement dans le paysage, mais en tant qu’allié autonome. Les 10-11 % auxquels Salvini peut aspirer ne sont pas négligeables, si l'on calcule les revenus du pouvoir dont jouit déjà aujourd'hui la Ligue, symbolisé par le futur pont sur le détroit de Messine. Le vrai jeu de Meloni concerne le positionnement des nouveaux conservateurs. D'une part, les sourires de Von der Leyen et de Weber la gratifient ; d'autre part, elle n'oublie pas qu'elle est la chef de file du groupe nationaliste, dans lequel il y a de tout : même des personnes hostiles à l'Italie. Mais elle ne peut pas perdre sa relation avec ce monde-là avant les élections européennes. En même temps, elle a tout intérêt à se placer près du bord extérieur des Populaires. Pas de confluence, certes, mais aussi une certaine attention à construire une proposition "modérée" capable de séduire l'opinion publique post-Berlusconi, méfiante à l'égard des aventures et nostalgique des années d'or. Le chemin est étroit, mais à la fin nous pourrions avoir un centre-droit plus européen. Il est clair que l'intention des opposants est plutôt de pousser FdI et sa leader vers l'extrême droite, c'est-à-dire vers le modèle de Marine Le Pen ou pire. C'est le piège que Giorgia Meloni devra éviter. Cela demandera de grandes qualités politiques. »
ARTICLE, La Stampa, « Justice : la réforme » : « Le projet de loi Nordio (Frères d’Italie) sur la réforme de la justice italienne est présenté aujourd’hui en Conseil des ministres. Le ministre de la Justice Carlo Nordio a expliqué que cette réforme visait à empêcher que les interférences médiatiques ne nuisent aux suspects et au déroulé des procédures avant tout jugement sur le fond, à contrer les abus et les publications indues des écoutes téléphoniques, ainsi qu'à rassurer et à rendre plus efficace le travail des administrateurs locaux. Ce texte de loi, qui prévoit la réduction de la pression pénale sur l’administration publique, comprend ainsi plusieurs mesures phares. D’abord, le délit d’abus de pouvoir est supprimé dans la mesure où il pourrait obstruer la phase d'enquête et influencer l’appréciation des juges au cours des procès. La raison de la suppression de ce délit est aussi à lier à ses faibles résultats sur le plan judiciaire, le nombre total de condamnations en 2021 s’élevant à 18 cas en première instance. L'infraction de trafic d'influence illicite est de son côté mieux définie et ‘’précisée’’, toujours pour répondre aux nombreuses demandes des administrateurs locaux et alors que les peines sont augmentées, passant d'un an et six mois à quatre ans et six mois. Concernant l’article limitant le pouvoir d'appel du procureur, celui-ci exclut la possibilité que le ministère puisse faire appel des acquittements pour les infractions les moins graves. Par conséquent, les décisions d'acquittement pour les infractions les plus graves, y compris toutes les infractions contre la personne qui suscitent une inquiétude sociale particulière, restent susceptibles d'appel. En ce qui concerne les écoutes téléphoniques, le projet de loi vise à renforcer la protection des tiers étrangers et restreint fortement la publication des écoutes, autorisée uniquement pour les conversations mentionnées par la décision d'un juge, ‘’mêmes si celles-ci sont d’intérêt public et non secrètes’’. A titre d’exemple, les échanges interceptés entre Marcello Dell'Utri et Baiardo dans le cadre de l'enquête sur des attentats de la mafia ne pourraient plus être publiés à cause de la réforme. D’après l’Ordre des journalistes, ‘’le silence s'abat sur presque tout, entravant le droit des citoyens à être informés des événements d'intérêt public majeur’’. Après approbation en Conseil des ministres, place désormais au débat parlementaire pour le projet de loi Nordio, alors que Fi dédie déjà la réforme au défunt Berlusconi, ‘’qui a contribué à son écriture’’. Du côté du Pd en revanche, Alfredo Bazoli s’inquiète de la suppression du délit d’abus de pouvoir, qui pourrait selon lui mettre à mal le contrôle de légalité et de constitutionnalité des décisions prises par les juges administratifs ».
(Traduction : ambassade de France à Rome)
Funérailles de Silvio Berlusconi :
Giorgia Meloni
Umberto Bossi
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