25/01/2023
"L’Allemagne envoie les Léopards."
Italie. Revue de presse.
La décision de Washington et de Berlin de fournir des chars à l’Ukraine fait les gros titres des médias italiens. Certains quotidiens évoquent un « tournant » dans le conflit (Messaggero, Giornale), d’autres anticipent des scénarii moins optimistes allant d’un « conflit pouvant durer des années » (Corriere) à une « escalade » faisant planer le risque d’une guerre atomique (Repubblica). L’adoption par le parlement italien d’un décret prolongeant l’envoi d’armes à Kiev est également cité. « Escalade » - L’entente Washington-Berlin sur l’envoi des tanks. Feu vert à l’envoi des nouvelles armes italiennes. Le chef de l’armée russe affirme : nous neutraliserons les menaces de l’Otan (La Repubblica), « Les Etats-Unis et l’Allemagne envoient leur chars à Kiev. Tajani (Forza Italia) : nous enverrons immédiatement des armes et des aides (La Stampa), « Tournant en Ukraine, les chars américains et allemands arrivent » (Il Messaggero, Il Giornale). L’appel du Chef de l’Etat S. Mattarella au respect réciproque entre la classe politique et la magistrature, à la suite des polémiques sur la réforme de la justice présentée par le ministre C. Nordio, est aussi cité : « Justice, le rappel du Quirinal » - L’indépendance de la justice est le pilier de la démocratie (Corriere della Sera), « Justice, voici la ligne du Quirinal » (Il Messaggero) Enfin, la décision des stations-service d’entamer une grève de deux jours pour protester contre le décret « transparence » adopté par le gouvernement Meloni est également évoquée en Une par certains quotidiens.
COMMENTAIRE, La Repubblica, C. Galli « Le message adressé au ministre Nordio » : « Les phrases adressées hier par le Chef de l’Etat au Conseil Supérieur de la Magistrature sortant n’étaient pas prononcées de manière anodine. ‘’Il faut assurer l’indépendance de la magistrature, pilier de notre démocratie et affirmée par la Constitution’’. Le sujet est clivant, ce n’est pas un hasard si l’UE engage un bras-de-fer à ce propos avec des Etats membres tels que la Pologne ou la Hongrie. Pour comprendre le sens du discours de Mattarella au-delà du caractère formel des formules, il faut le lire en filigrane dans le contexte politique actuel : une référence à la réforme de l’utilisation des écoutes téléphoniques, dont le ministre C. Nordio est l’auteur. L’initiative voulant réduire le périmètre de leur utilisation a un goût de polémique avec magistrature, qui en ferait selon le ministre un usage exagéré, de même que la presse qui les publie. Il est évident qu’il s’agit d’un vieux débat, ouvert avec la saison de l’enquête « Mani pulite » (mains propres, ndt) et exacerbé pendant les longues années de pouvoir de Berlusconi. Au-delà d’une considération juridique, c’est un problème politique majeur qui est en train d’émerger au sein de la majorité : non pas un clivage entre les partisans d’une justice plus dure ou modérée, mais une épreuve de force entre les partis de la droite. L’affaire Nordio représente l’occasion pour S. Berlusconi non seulement de reprendre l’une de ses anciennes batailles mais surtout de faire valoir son poids politique, clairement en déclin, face à la présidente du Conseil. Cette dernière n’a aucun désir d’entrer en conflit avec la magistrature. Elle a suffisamment de problèmes. Par ailleurs, voulant inaugurer une nouvelle phase politique, elle ne souhaite pas s’inscrire dans un sillage déjà creusé par d’autres. Meloni trouve ainsi un allié, Salvini, qui n’a pas intérêt à se mettre les juges à dos aujourd’hui. Nul ne sait comment évoluera cette situation : comment le ministre Nordio répondra aux critiques et à l’avertissement que lui a adressé Meloni, quelle sera la réaction de Berlusconi ni comment la majorité parviendra à surmonter cette difficulté qui n’est pas des moindres. Toutefois, c’est aussi le message de S. Mattarella : aujourd’hui, l’indépendance de la magistrature à l’égard de la classe politique passe aussi par les conflits internes à celle-ci. Elle doit se défaire des fantasmes du passé, condition nécessaire pour l’efficacité du système judiciaire. »
ENTRETIEN, Corriere della Sera, de Silvio Berlusconi, « La réforme de la justice est fondamentale pour le gouvernement, c’est pourquoi nous soutenons Carlo Nordio » : « La réforme de la Justice est l’une des raisons pour lesquelles ce gouvernement est né, nous la soutenons avec une conviction absolue. Le lien qui est fait entre la réforme du ministre Carlo Nordio et moins de fermeté dans la lutte contre la mafia est absurde. Il n’y a aucune hésitation sur ce point au sein de la majorité et nous avons démontré notre unité au Parlement. Quant à la question des écoutes téléphoniques, nous ne pouvons pas traiter l’ensemble des citoyens comme s’ils étaient des suspects mafieux. Le droit à la vie privée est fondamental. Sur la question des autonomies, Forza Italia est un grand parti national qui ne peut permettre que des inégalités territoriales s’installent. L’autonomie doit donc valoriser le Sud, comme le Nord et le Centre et la Capitale, sans créer des privilégiés et des laissés pour compte. Cela fait trente ans que je suis favorable au présidentialisme, c’est une réforme que nous devons mener avec le concours de toutes les forces politiques y compris l’opposition. Je suis réticent à l’introduction d’instruments spécifiques pour ces réformes qui risquent d’allonger considérablement les délais. Mieux vaut suivre les procédures ordinaires. Pour Forza Italia, la réduction de la pression fiscale et les retraites minimum à 1000€ sont fondamentales. Ce sont des objectifs à réaliser sur la durée de la législature, en cinq ans. Sur le plan international, je répète que nous sommes du côté de l’Europe, de l’OTAN et de l’Occident. Notre solidarité avec l’Ukraine est complète mais je tiens à souligner que l’absence de solution pacifique jusqu’à présent m’angoisse. Concernant le MES et le Plan de Relance, ils pourraient être revus et mis à jour sans pour autant les révolutionner. La réponse ‘’rapide et ambitieuse’’ évoquée par Macron et Scholz pourrait consister en un Fonds Souverain Européen sans chambouler pour autant les règles du marché unique. Si je regarde derrière moi, je peux dire que je suis fier des de ce que j’ai réussi à faire pour mon pays ces trente dernières années. La victoire de la droite aux régionales confortera le projet auquel nous travaillons depuis tout ce temps et qui confère un rôle irremplaçable à Forza italia. Je ne prétends à aucun rôle officiel, je n’en ai pas besoin pour servir mon pays. »
SONDAGES, Corriere della Sera, de N. Pagnoncelli, « Fratelli d’Italia ralentit sa course, le M5S dépasse les 18% alors que le PD s’arrête à 16,4% » : « Pour la première fois depuis longtemps, le parti de Giorgia Meloni enregistre un recul dans les sondages d’1,2% atteignant ainsi 30,5%. Quant à la côte de popularité de la Présidente du Conseil elle-même, elle recule de trois points par rapport à décembre et retrouve le niveau de son début de mandat. On observe la même tendance vis-à-vis du gouvernement (-5 points), bien que les deux autres partis de la coalition de droite, la Ligue et Forza Italia, sont en hausse d’environ un demi-point chacun. Pour la Présidente du Conseil, il s’agit plus d’un ‘’coup d’arrêt’’ que de la fin de la lune de miel puisque 46% des Italiens disent l’apprécier. C’est un phénomène naturel lorsque les attentes sont élevées. Il peut y avoir plusieurs explications ici : la hausse du coût des carburants en partie due au non-report des aides de l’Etat. 64% des Italiens se disent aujourd’hui insatisfaits de la gestion par le gouvernement de la hausse des factures d’énergies et des prix du carburant, une priorité lors des élections en septembre dernier. D’autres débats et polémiques divisent les citoyens et une partie de la majorité : l’autonomie différenciée entre les régions, la réforme de la justice et la restriction du recours aux écoutes téléphoniques, la possible réforme constitutionnelle sur le présidentialisme… A l’opposition, le M5S consolide sa deuxième place à 18,2% (+0.6). Le Parti démocrate arrive en troisième position à 16,4% et semble avoir mis fin à la tendance négative de ces derniers mois suite au débat pré-congrès. L’abstention et l’indécision augmentent également de deux points et concerne plus de 2 Italiens sur 5. Dans l’ensemble la droite maintient son large avantage sur le centre-gauche : 46,6% contre 22,5%, un écart qui s’est accentué depuis les élections de septembre. Les élections régionales en Lombardie et dans le Latium approchent et ce rendez-vous électoral revêtira sûrement une dimension nationale selon l’habitude italienne. Les résultats pourront en effet influencer les rapports entre les partis de la majorité, voire générer certaines tensions et miner l’action du gouvernement si FDI prenait trop le dessus sur ses alliés. Ce sera également un important banc d’essai pour l’opposition alors que le congrès du Parti démocrate doit se tenir juste après ces élections. »
PREMIER PLAN, Corriere della Sera, de M. T. Meli, « Feu vert pour l’envoi d’armes à l’Ukraine ; deux députés du groupe ‘’Articolo 1’’ se défilent et sèment l’agitation au sein du PD » : « Hier au Parlement, le décret prolongeant l’envoi d’armes à l’Ukraine jusqu’au 31 décembre 2023 a été adopté à 215 voix pour et 46 voix contre. Les partis de la majorité, le PD et le ‘’Troisième pôle’’ étaient favorables alors que le Mouvement 5 Etoiles et l’alliance des Verts et de la gauche (Sinistra Italiana) ont voté contre. Concernant le prochain envoi d’armes à Kiev, le sixième, le ministre de la Défense Guido Crosetto a précisé que le décret devait encore être écrit : ‘’rien n’a été décidé pour le moment mais nous le ferons dans les prochaines semaines’’. Lors du vote d’hier, deux députés de ‘’Articolo 1’’ (anciens membres du PD qui s’étaient désolidarisés du parti mais élus le 25 septembre dernier sur les listes démocrates) ont décidé de ne pas participer. Au sein du PD on commence à soupçonner qu’après les régionales, en cas de défaite du centre-gauche, ils puissent à nouveau faire scission pour se rapprocher de Giuseppe Conte. Les deux députés disent vouloir ‘’relancer le débat sur le désarmement’’. L’un deux estime qu’une victoire de l’Ukraine n’est pas souhaitable et que ‘’vaincre une puissance nucléaire’’ peut être très dangereux. On commence donc à percevoir des fissures au sein du Parti démocrate qui doit encore clarifier sa position sur certains sujets politiques et dépasser certaines divergences à gauche. Romano Prodi regrette le manque de ‘’débats sur le fond’’. Tous ne se félicitent donc pas de ce ‘’retour des sécessionnistes’’ et du côté d’Articolo 1, l’agacement est palpable quant au vote du PD et l’envoi d’armes à l’Ukraine. Massimo D’Alema a exprimé sa perplexité ‘’la Russie a tort mais il faut prendre en compte ses motivations’’. Laura Boldrini, ancienne présidente de la Chambre et membre de Sinistra Italiana qui souhaite se rapprocher du PD, n’a pas participé au vote non plus, de même que Demos, une association politique proche de Sant’Egidio. »
INTERVIEW d’Antonio Tajani (Forza Italia), ministre des affaires étrangères, Stampa, L. Tortello, « La Russie veut un nouveau Moyen-Age. Nous enverrons très prochainement aides et armes » : « Le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères a participé à une réunion vidéo du G7 dont l’Italie a été l’un des principaux acteurs. Une heure de face-à-face avec le secrétaire d’État américain et les autres pays, pour prendre acte de l’appel urgent de Kiev : "Les bombardements russes ont abîmé les infrastructures de manière critique, la situation humanitaire se dégrade", a dit l’homologue Kuleba. La réunion interrompait un autre sommet stratégique, un méga-forum sur les Balkans orientaux organisé par la Farnesina à Trieste, avec des ambassadeurs et les grands financiers italiens, pour aider nos entreprises à investir massivement dans la région. Qu’est-ce que l’Italie a promis à l’Ukraine ? Nous avons envoyé des dizaines de tonnes de matériel électrique, transformateurs, générateurs électriques, parce que l’hiver risque d’être très dur pour la population ukrainienne. Nous ajoutons encore 10 millions pour l’urgence. Nous devons maintenir le réseau électrique du pays. Notre Protection civile a dirigé les donations des entreprises vers ce secteur et des biens humanitaires d’une valeur de huit millions, à travers le mécanisme européen. Depuis le début de la guerre nous avons accueilli 175 000 Ukrainiens, une réponse manifestant notre grande solidarité. Quant aux armes, quand est-ce que le sixième décret sera prêt ? Il faut du temps, c’est normal. Il y a des problèmes techniques. Ce n’est pas une question de volonté. Nous devons résoudre des questions techniques, pour assembler le système défensif avec les Français. La batterie anti-missiles Samp-T est composée de plusieurs parties, certaines sont données par la France, d’autres par l’Italie. Il y a des variantes liées à la technologie, au système de commande et de contrôle. Je donne un exemple avec les chars Léopard de la guerre de l’ex-Yougoslavie : les véhicules blindés étaient les mêmes, mais ils ne communiquaient pas, parce qu’ils avaient des systèmes télématiques différents. Parle-t-on de mois, de semaines ? Cela je ne le sais pas. Maintenant c’est aux techniciens de jouer. Pourtant un retard pourrait changer la situation sur le champ de bataille et avantager la Russie. Etes-vous préoccupés par une escalade ? Je suis préoccupé, le climat n’est pas des meilleurs. Les déclarations des Russes sont très agressives. J’espère que c’est de la propagande et qu’il n’y ait pas l’envie de hausser le ton de l’affrontement. Nous devons tout faire pour que le conflit ne s’élargisse jamais. Ni l’Otan, ni l’Europe, qui ont le devoir d’aider l’Ukraine, ne sont en guerre contre la Russie. Même s’ils envoient les tanks, comme disaient les Allemands ? Le débat au sujet des armes défensives et des armes offensives est un débat allemand, et je le leur laisse. Nous, nous devons continuer à travailler pour la paix, ou au moins un cessez-le-feu. En ce moment, toute marge de négociation réaliste semble difficile, mais nous ne devons pas renoncer. Je ne suis pas optimiste sur le court terme, mais j’encourage la Turquie à mener toutes les actions nécessaires pour ouvrir un dialogue. J’ai insisté avec le directeur général de l’AIEA Grossi pour un accord sur Zaporizhzhia, parce que s’il y a un affrontement autour de la centrale nucléaire, le risque sera général, pas seulement pour la Russie et l’Ukraine. L’autre question fondamentale est celle des fournitures de blé et de céréales, aux pays le plus pauvres, mais pas seulement. Je pense aussi à l’Egypte. Sans grain, il risque d’y avoir de fortes tensions sociales en Afrique, avec une augmentation de l’immigration. Les Etats-Unis, la Chine, le Vatican, l’Onu et la Turquie peuvent jouer un rôle. Est-ce le moment pour l’Ukraine de céder quelque chose pour négocier ? La proximité entre les parties est difficile. Pour qui est envahi par une puissance ennemie, il est vraiment compliqué d’accepter un compromis. Mais aider Kiev signifie continuer à chercher des chemins de paix. Au forum sur les Balkans vous avez parlé du risque d’infiltration d’autres acteurs. Nous pensons à la Russie en Serbie. Y a-t-il un danger d’instabilité ? C’est un principe général, qui vaut pour les Balkans et pour l’Afrique. Si on laisse des espaces libres, quelqu’un d’autre s’y infiltre. La Chine a occupé des espaces énormes en Afrique. La même chose dans les Balkans, avec Moscou, qui tente de se tailler un rôle important. Nous avons un rôle important à jouer, d’abord parce que certains pays sont membres de l’UE, et d’autres candidats. Nous jouons à domicile. L’Italie veut apporter et attirer des investissements. Il y a des motifs liés à l’histoire, la culture (l’italien est étudié dans plusieurs de ces Etats), l’engagement militaire est très apprécié. Le premier ministre kosovar Kurti a demandé sur ce journal davantage de soldats italiens pour la sécurité. Est-ce que nous les enverrons ? Nous en avons déjà 1000, appréciés des Kosovars et des Serbes. Nous évaluerons cette demande. L’Italie avait été exclue par la France et l’Allemagne du quintet pour la stabilisation du Kosovo. Pourquoi donc ? Ils voulaient nous laisser dehors. Au dernier conseil européen j’ai dit formellement que l’Italie prétendait faire partie de ces rencontres, nous faisons partie du quintet, soit nous y sommes soit nous n’y sommes pas. Il n’y a pas de faux quintet et de vrai duo. En vous projetant vers l’avenir, croyez-vous vraiment que les pays des Balkans entreront dans l’UE ? Quand ? Nous sommes en train de travailler pour accélérer les délais. L’Albanie est proche. Le Monténégro l’était aussi, mais nous assistons à une crise justement ces derniers jours. Belgrade doit clarifier sa position. Qu’est-ce que Vucic doit concéder ? Pour moi il veut davantage d’attention de la part de l’UE. Le président serbe doit faire comprendre qu’il fait un choix pro-européen, l’Europe doit faire comprendre qu’elle est intéressée par la Serbie. Nous pouvons être beaux, mais si nous ne les courtisons pas, ils se fianceront à ceux qui leur prêtent de l’attention, à savoir la Russie. L’Europe est-elle trop faible ? L’Europe n’a pas de véritable politique extérieure, ni non plus de défense. Nous arrivons toujours après les Américains. Nous sommes en retard, on en parle depuis 1954. Est-ce que les leaders manquent en Europe ? Il y a trop de jalousies, trop de leaderships. Il faut des leaders européens, il y a tant de leaders nationaux. L’Europe est utile au monde. Même l’Allemagne, le pays le plus fort, ne réussit pas à s’imposer. Il manque une Merkel. Vous vous êtes sentis rassurés par Al-Sisi sur Regeni. Et si l’Egypte ne maintenait pas ses promesses, quels sont nos leviers pour la convaincre ? Il s’agit de séparer les questions : nous devons parler avec l’Egypte, sur les questions énergétiques, de stabilité dans la Méditerranée, de terrorisme. Ensuite il y a Regeni. Le président Al-Sisi a garanti qu’il lèvera tous les obstacles qui ont rendu difficiles les relations avec l’Italie. Je dois en prendre acte. Nous verrons s’il le fera. Nous continuerons à insister. Nous voulons savoir qui est le responsable de cet homicide. Notre stratégie,
COMMENTAIRE, La Repubblica, G. Di Feo « Le pacte des chars Panzer » : « Le pacte des « Panzers » que Washington et Berlin s’apprêtent à annoncer a surtout des objectifs politiques. Le « non » allemand à l’envoi des Leopard 2 a failli ouvrir une faille au sein de l’alliance qui soutient militairement la résistance ukrainienne au point de séparer les pays de l’Europe orientale du reste de la coalition. Washington ne peut pas se permettre que les gouvernements qui se sentent les plus menacés par la Russie perdent confiance dans le bouclier de l’Otan ou pire, qu’ils décident les lignes d’action autonomes sur le conflit, en suivant Londres et Varsovie sur des sentiers de guerre plus téméraires au risque de hausser encore plus le conflit avec Moscou. C’est avec cet argument que les Américains ont réussi à persuader le Chancelier Scholz à surmonter les oppositions au sein de sa majorité et les craintes pour la réaction de Moscou. Le Kremlin, quant à lui, ne restera pas impassible. Les chars haussent encore plus le niveau de l’implication occidentale car, outre les moyens, l’Alliance Atlantique devra fournir la formation et assurer la maintenance. Poutine devra décider comment réagir. Toutes les institutions russes sont en train de s’aligner au mot d’ordre « guerre patriotique » en augmentant la production d’armes et en haussant le ton de la propagande : ils estiment combattre seuls contre tout l’Otan, comme l’a déclaré le général Gerasimov. Les menaces de rétorsion atomique sont de plus en plus fréquentes et le poids des mercenaires de la compagnie Wagner continue de s’accroitre dans le débat politique. Le danger d’une escalade est constant et la montre de l’Apocalypse, l’indicateur symbolique du risque d’une guerre atomique, n’a jamais été aussi proche de l’heure la plus sombre. »
ARTICLE, Corriere, P. Valentino, « L’Allemagne envoie les Léopards. Scholz l’a remporté face aux Américains » : « Olaf Scholz voulait une couverture politique pour prendre la décision de sa vie, la fourniture à l’Ukraine des Léopards, l’arme qui pourrait changer le cours de la guerre mais aussi amplifier le conflit en déclenchant des conséquences imprévisibles. Et il n’a pas eu n’importe quelle couverture, mais celle des Etats-Unis. Ainsi, après avoir tenu, même submergé par les critiques, le chancelier allemand a remporté le bras-de-fer. Quelques heures après l’annonce du Wall Street Journal que la maison Blanche allait annoncer l’envoi à Kiev d’un nombre significatif de ses formidables tanks Abrams, le gouvernement fédéral allemand a décidé hier de fournir à l’Ukraine ses propres chars lourds. Selon Der Spiegel, il s’agirait d’une compagnie d’au moins de Léopards 2A26, normalement composée de 14 chars. Berlin donnerait aussi l’autorisation de livrer des Léopards aux 12 pays qui le possèdent, à commencer par la Pologne et la Finlande. Varsovie en particulier avait déjà déclaré vouloir construire une "coalition de pays qui soutiennent Kiev avec des chars Léopard", a déjà envoyé une demande officielle au gouvernement fédéral pour avoir le feu vert, recevant l’assurance qu’elle serait traitée avec "l’urgence qu’elle réclame". D’après les experts militaires, les tanks allemands donneraient à l’Ukraine une nouvelle capacité offensive, les plaçant dans une position leur permettant de reprendre leur avance. Le choix de Biden sur les Abrams a donc été le deus ex machina qui a résolu une impasse de plusieurs semaines. La dernière rencontre entre le président américain et le chancelier allemand remontait au 17 janvier dernier, mais la négociation secrète s’était intensifiée ces derniers jours. Les Américains étaient énervés par les fugues de Berlin, qui a subordonné l’envoi des Léopard à celui des Abrams. Mais il y avait déjà des signes que Berlin allait faire une annonce hier matin. Lors de la conférence de presse après sa rencontre avec le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg, le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius avait révélé avoir "personnellement encouragé les pays alliés qui possèdent le Léopard à commencer l’entraînement des forces ukrainiennes à les manier". Les soldats de Kiev ont en effet besoin de quatre à huit semaines pour s’approprier ces chars sophistiqués. Le oui d’Olaf Scholz à l’envoi des Léopards laisse toutefois des cicatrices, et notamment une dégradation des rapports au sein de la coalition de gouvernement, où les Verts et les libéraux n’ont pas épargné les critiques et les coups bas au chancelier, qui s’est encore une fois montré désastreux dans la communication. C’est toutefois à son mérite d’avoir tenu sur une question centrale : par son Histoire, par son rôle et son poids, l’Allemagne ne peut pas et ne doit pas décider seule mais toujours avec ses alliés sur les questions de paix et de guerre. On peut être d’accord ou moins, mais c’est un argument solide et fondé. »
ARTICLE, Sole 24 Ore, C. Mar., « L’instabilité de la Libye et la visite de Meloni » : « Giorgia Meloni sera bientôt à Tripoli pour une visite qui vise à sceller des accords énergétiques, mais aussi à relancer la présence politique de l’Italie pour la stabilisation du pays. La Libye connaît une situation de chaos, déchirée entre deux gouvernements, un à Tripoli, reconnu par l’Italie et l’ensemble de la communauté internationale, et présidé par Abdul Hamid Dbeiba, l’autre à Syrte-Benghazi, dirigé par Fathi Bashaga, élu par le parlement de Tobrouk. Hier la ministre des Affaires étrangères de Tripoli a reçu l’ambassadeur italien pour préparer la visite, mais des signaux hostiles arrivent du gouvernement Bashaga. Faisant référence à la préparation d’un accord entre la Noc et l’Eni pour une augmentation des parts dans la joint-venture paritaire libyenne Mellitah Oil & Gas Bv, des sources affirment que l’exécutif de Tripoli n’est pas qualifié pour mener ce genre d’opération, et cela n’était même pas le cas "quand il jouissait de légitimité". Le gouvernement Bashaga confirme qu’il aura recours à la magistrature nationale, un "bastion […] qui a annulé à plus d’une occasion des accords illégaux qui puaient le mauvais opportunisme politique" ».
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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