20/06/2022
"Draghi au Sénat : le gouvernement refuse un nouveau vote sur les armes destinées à Kiev."
Italie. Revue de presse.
La presse italienne titre largement sur les tensions au sein du M5S après les critiques du ministre des affaires étrangères, Luigi di Maio, contre la décision du mouvement de se prononcer contre un nouvel envoi d’armes à Kiev, craignant une décision pouvant « porter préjudice à l’Italie dans le contexte international » au moment où l’UE s’apprête à décider d’un nouveau paquet d’aides à l’Ukraine : « M5S, le procès à Di Maio, qui manifeste sa colère » - C’est le bras-de-fer sur l’envoi d’armes à Kiev. Le ministre dénonce un « climat de haine » contre lui (Corriere della Sera), « Le M5S ouvre le procès contre Di Maio » - C’est le règlement de comptes au sein des 5 Etoiles, qui censurent le ministre. L’ancien dirigeant serait prêt à quitter le Mouvement (La Repubblica), « Le plan de l’UE prévoit un envoi plus important d’armes » - Les 5 Etoiles sont divisés sur cette décision et inquiètent le gouvernement. Draghi s’exprimera devant les Chambres mardi. La réunion convoquée par Conte décide de censurer Di Maio (La Stampa), « Armes à Kiev : c’est le bras-de-fer entre Draghi et Conte » - Le Ministre Di Maio est de plus en plus isolé. Le Mouvement confirme qu’il s’oppose à l’envoi d’armes mais n’expulse pas pour le moment le ministre (Fatto Quotidiano).
Les résultats du second tour des élections législatives en France sont largement cités en Une et dans les pages intérieures. Les observateurs relèvent dans l’ensemble « un coup dur » (Corriere) pour le président Emmanuel Macron, présenté par la Repubblica comme « grand perdant » de ces élections, tandis qu’on souligne la percée du RN. Certains commentaires évoquent aussi des retombées pour l’Italie –, un affaiblissement du centre, le score de la gauche coalisée et l’exploit du RN pouvant « chambouler les équilibres au sein des deux coalitions » (Repubblica) – et pour l’Union Européenne, « l’Europe d’aujourd’hui n’ayant nullement besoin d’un Emmanuel Macron sans majorité parlementaire » (Corriere). La nouvelle Assemblée Nationale reflèterait ainsi la « fracture sociale » du pays (Corriere) avec « un Président otage des extrémismes et un système politique passant du semi-présidentialisme à un système parlementaire » (Stampa).
ARTICLE, Corriere della Sera, M. T. Meli « Les craintes du Palais Chigi sur la crédibilité de l’Italie » : « Au Palais Chigi, le climat est à l’inquiétude, pas tant pour la motion de majorité qui sera peaufinée aujourd’hui lors de la réunion entre les chefs de groupes parlementaires et le Secrétaire d’Etat Enzo Amendola. La vraie crainte est que les divisions au sein des 5 Etoiles et les règlements de comptes entre G. Conte et L. Di Maio puissent se répercuter sur le gouvernement en pleine crise internationale. C’est le raisonnement qui se fait au Palais Chigi. On veut éviter que ce qui est en train de se passer dans le M5S puisse nuire à la « crédibilité internationale du gouvernement ». L’entourage du Président Draghi a parlé avec les ministres 5 Etoiles, à commencer par Di Maio, pour comprendre les possibles répercussions sur l’exécutif. L’impression d’une grande partie du gouvernement et du PD est que le ministre Di Maio ne voudra pas s’arrêter et entend même aller plus loin [dans sa tentative de se démarquer de la ligne des M5S]. Toutefois, un certain climat d’optimisme plane sur la motion de majorité. Aussi parce qu’elle représente une sorte de motion de confiance sur le gouvernement Draghi. Conte aurait cédé sur son opposition à l’envoi d’armes à l’Ukraine : il se contenterait de l’engagement selon lesquelles les nouveautés importantes passeront enfin par le Parlement. Il suffira alors de trouver une formule pouvant faire dire au dirigeant 5 Etoiles qu’il a obtenu un succès. On travaille pour qu’un engagement générique à maintenir le Parlement informé sur les faits soit mis noir sur blanc. »
COMMENTAIRE, La Stampa, S. Stefanini « La Russie mise sur l’instabilité italienne » : « Les 5 Etoiles se divisent, le gouvernement craque et la Russie exulte. Et l’ambassadeur Razov, l’agent moscovite, manigance pour favoriser tout cela. L’objectif n’est pas le M5S mais le gouvernement Draghi, qui représente une épine dans le pied pour la Russie dans le contexte international. Le rôle du Président du Conseil a été déterminant à Kiev, tout comme sa contribution aux prochains rendez-vous prévus à la fin du mois : le Conseil Européen des 23 et 24 juin, le G7 du 26 au 28 juin, et le sommet Otan à Madrid des 29 et 30 juin. Il faut alors l’affaiblir avant ces échéances majeures. Et le ministre Di Maio aussi, lui qui, avec Draghi, est le pilier de la ligne européenne et atlantiste de l’Italie sur la guerre en Ukraine. Aussi, G. Conte et le conseil national du M5S ne font que faire le jeu de Moscou pour faire capoter les trois sommets prévus. L’ambassadeur Razov ne représente qu’un pion de l’échiquier : ce dernier cherche à faire de l’Italie le maillon faible de la chaine européenne. Le moyen pour y parvenir serait une crise de gouvernement avec la complicité volontaire ou involontaire des partis politiques italiens prêts à déserter l’unité nationale. Le levier utilisé est le chantage au gaz. Quant à la candidature de l’Ukraine àl ’Union Européenne, la Russie est à la recherche d’un certain nombre de pays qui s’y opposeraient. C’est la raison pour laquelle elle dégaine toutes les armes de pression politique et économique. Toutefois, la Russie a besoin de vendre son gaz et ce chantage ne pourra pas durer trop longtemps afin d’éviter un suicide économique. Il faut s’attendre à dix jours de forcing russe. L’enjeu est important. Il faut éviter une grande victoire à Poutine. Par ailleurs, la crédibilité de l’UE et de l’Otan en dépend. C’est à la fois un bras-de-fer et un bluff que l’Europe et l’Occident ne peuvent pas se permettre de perdre. »
PREMIER PLAN, La Repubblica, S. Mattera : « Draghi au Sénat : le gouvernement refuse un nouveau vote sur les armes destinées à Kiev » : « L’intervention de Draghi devant le Parlement s’annonce longue et dense. Le chapitre de la ligne adoptée par l’Italie à l’égard de la guerre en Ukraine n’a pas encore trouvé son point final. Du point de vue de Draghi, la ligne est très claire : il s’agit de s’engager aux côtés de l’UE et de l’OTAN, en réponse à l’agression de V. Poutine et de faire pression en faveur d’une trêve. Il s’agit d’un engagement diplomatique qui, à la suite du « changement de phase » marqué par la visite à Kiev avec Macron et Scholz, se poursuivra lors des Sommets de l’UE, du G7, de l’OTAN et de la bilatérale de juillet en Turquie. Un engagement concret donc, car « il est claire que nous sommes en faveur de la désescalade militaire demandée par les Cinq-Etoiles, mais cette dernière doit venir de l’agresseur. Il faut persuader Poutine et ne pas retirer notre soutien à Kiev », déclare un membre du gouvernement. Le Palais Chigi a réaffirmé qu’il était prêt à tenir informé le Parlement, comme c’est le cas depuis de nombreux mois. C’est la raison pour laquelle les Démocrates cherchent une formule pour que la résolution prévoie des « formes de consultation » des Chambres. Le modèle pourrait être celui des décrets de la Présidence du Conseil des ministres adoptés pendant le Covid : le gouvernement informait le Parlement avant ou après l’adoption d’un nouveau décret. Difficile pour Conte de dire non à la solution qu’il a adoptée lui-même lorsqu’il était chef du gouvernement, difficile de provoquer une crise de gouvernement alors qu’un conflit est en cours. Un plan B est prêt. Une résolution d’une seule ligne : « Le Parlement approuve les communications du Président du Conseil ». Mais les problèmes risquent de n’en plus finir : on craint que le M5S ne finisse par retirer véritablement son appui à Di Maio, ministre des Affaires étrangères. Un acte politique lourd de conséquences, une épine dans le pied du gouvernement, au beau milieu d’une crise internationale très grave. C’est pourquoi, au PD, certains pensent que la scission serait la meilleure option : elle sauverait les alliés et le gouvernement et éviterait d’aller au vote en octobre. »
PREMIER PLAN, La Repubblica, S. Folli : « Une débâcle qui pèse aussi sur l’Italie » : « Vu de Rome, le résultat des législatives en France soulève de nombreuses questions. La première concerne Poutine, qui doit être en train de se frotter les mains : sa prophétie au sujet des « élites européennes » destinées à être détrônées par une onde de nouveaux radicalismes semble avoir enregistré une première réplique sur le terrain. Cela concerne Paris, mais cela nous concerne nous aussi – et de près –, dans la mesure où les forces de rupture sensibles au message du Kremlin sont ramifiées et bien vivantes : des amis de Conte à ceux de Salvini. S’il est vrai que la Ligue et le Mouvement Cinq-Etoiles viennent de montrer qu’ils recueillent peu de succès électoraux, les résultats français pourraient servir de stimulant. A droite, Giorgia Meloni peut se sentir satisfaite de l’extraordinaire exploit de Marine Le Pen, même s’il faut rappeler que les rapports entre Frères d’Italie et le Rassemblement National ne sont guère chaleureux. Avant l’intervention de Meloni au Congrès de Vox en Espagne, elle avait l’air de vouloir cultiver une image de relative modération tandis que Salvini entretenait, lui, les relations les meilleures avec Le Pen. Dorénavant, on comprendra mieux quelle route emprunte la droite italienne, où Berlusconi et ce qui reste de Forza Italia veulent se placer. Il est clair qu’une Italie radicalisée, après une France également radicalisée, mettrait l’Union Européenne face à des scénarios imprévus. Notre loi (le « Rosatellum », système proportionnel, ndlr) est peut-être ce qu’il existe de pire pour affronter une telle tempête. Il n’est pas certain, toutefois, que ce qui vient de se passer en France nous pousser à la réformer. Au contraire. En toute logique, Conte et les divers groupes de gauche devraient s’unir sur le modèle de ce qu’a réussi à faire Mélenchon. Inversement, s’ils veulent rester liés au PD, ils tenteront d’en déplacer le curseur à gauche, mais c’est un sentier que Letta a peu intérêt à prendre. De l’autre côté, le front « macroniste » - de Renzi à Calenda en passant par +Europa et les anciens militants de Forza Italia – ne disparaît pas, en dépit des nouvelles décourageantes venues de Paris. Il sera plus compliqué d’attirer le Partito Democratico vers de nouvelles alliances centristes. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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