Italie. Revue de presse.
La prestation de serment hier par le Président de la République devant les Chambres réunies, et notamment le discours sur les priorités du nouveau septennat, fait les gros titres de la presse italienne. Les observateurs relèvent l'invitation de S. Mattarella à mettre en oeuvre les réformes nécessaires pour relancer le pays face aux nouveaux défis : « Mattarella : et maintenant reconstruisons le pays » - Dans son discours, le Chef de l'Etat critique les décrets d'urgence. Applaudi 55 fois, il demande une réforme en profondeur de la justice (Corriere della Sera), « L'Italie de la dignité » - Le Chef de l'Etat prête serment et rend hommage à la centralité du Parlement. Dans son discours, il souligne la nécessité de mener la lutte contre les inégalités et contre la pauvreté (La Repubblica), « La dignité d'un pays » - S. Mattarella prête serment, dans son discours il cite les inégalités, la défense des droits et la justice (La Stampa), « Mattarella : L'Italie doit redémarrer » (Il Messaggero), « Mattarella rend la justice » - Dans son discours, il lance une dure attaque contre les magistrats. Voici l'agenda de son septennat (Il Giornale), « Les élus applaudissent la réforme qu'ils bloquent » - La réforme de la justice est enlisée depuis neuf mois (Fatto Quotidiano). La mort du chef de Daech al Quraishi en Syrie, suite à une opération militaire américaine, est également citée en Une.
PREMIER PLAN, Repubblica, de G. Casadio, « A la proportionnelle ou Rosatellum. Seul le centre met des freins à la droite » : « Que l’on opte pour une loi électorale proportionnelle ou que l’on conserve le système du Rosatellum [un mélange de majoritaire et de proportionnelle qui favorise les coalitions, ndlr], il est certain que les centristes joueront un rôle décisif. Une simulation faite par Youtrend qui prend en compte les opinions des différentes forces politiques, montre que rien n’est certain. Il faut bien faire attention au positionnement des forces centristes (IV, Azione + Europa et Coraggio Italia) ainsi qu’à FI. La simulation met en avant 6 scénarios possibles : dans le premier cas, si l’on conserve le Rosatellum, le centre-droit (FI, Ligue et FdI) avec Coraggio Italia peut se retrouver face à une coalition centriste (IV, + Europa et Azione) et un axe PD-M5S-LEU. Cette configuration avantagerait le centre-droit bien que d’une courte avance. Si le pôle centriste s’élargit (IV, + Europa, Azione, CI et FI) face à un centre-droit réduit (Ligue et FdI) et un centre-gauche inchangé, aucune coalition n’aurait assez de voix pour gouverner à elle seule. Le troisième scénario prévoit que le M5S se présente seul, comme en 2018, lorsque le Rosatellum s’avéra gagnant pour les 5 étoiles. Cependant, cette fois-ci, la fragmentation bénéficierait au centre-droit à condition qu’il fasse preuve d’unité. Le quatrième scénario qui prend toujours en compte le Rosatellum, si IV ainsi que + Europa et Azione rejoignaient l’axe PD-M5S, c’est cette large coalition de centre-gauche qui remporterait la partie. Le fort attachement de Renzi à l’actuelle loi électorale, peut-il être interprété comme la volonté de consolider l’entente renouvelée avec Letta ? La position de Brunetta est quant à elle plus surprenante : si la position officielle de FI est de conserver le système majoritaire, Brunetta n’est pas opposé à une réforme. Enfin, la simulation Youtrend imagine deux scénarios possibles si l’on passe à un système proportionnel : si FI, FdI et la Ligue s’allient après s’être présentés séparément, c’est eux qui remporteraient la victoire. Cependant, si le système proportionnel pourrait encourager une maxi liste de centre avec FI, personne ne pourra parvenir à une majorité absolue sans un accord avec les centristes. »
PREMIER PLAN, Corriere della Sera, de Marzio Breda, « L’agenda de Mattarella » : « Sans donner de leçon ni taper sur les doigts de personne, Mattarella ne cautionne ou ne se montre pas complaisant pour autant, pas même avec la Chambre qui vient de le réélire et l’applaudit de soulagement. Sans se laisser distraire par les 55 salves d’applaudissements, il présente son agenda pour le pays, un programme qui se projette au-delà de la pandémie et du mandat actuel de Draghi. Il met le Parlement et le Sénat face à ses responsabilités, en ce qu’il leur faudra soutenir le travail mené par le gouvernement de Draghi pour surmonter la crise et poser les bases d’une nouvelle phase de croissance et de stabilité. Il esquisse un programme de transformation de certains organes décisifs de l’Etat qui ne pourra se faire que sur le temps long, tout en commençant au plus tôt. D’abord la réforme de la Justice, demandant à ce que le gouvernement l’achève ‘’immédiatement’’. Mais il se place surtout du côté des citoyens dont la confiance doit être rétablie, rappelant que l’ordre juridique doit être en ligne avec les exigences d’efficacité et de crédibilité. Il appelle à la rigueur, évoquant certaines des polémiques récentes ayant éclaboussé la justice, son intégrité et son indépendance. Le Président réélu est ensuite revenu sur la ‘’mortification du Parlement’’ qui se vérifie, y compris sous le gouvernement Draghi et rappelle que, dans le processus d’élaboration des lois, ‘‘le calendrier contraint des délais parlementaires n’est pas acceptable’’. Il souhaite ainsi encourager une plus grande participation, pour rendre l’Italie ‘’plus moderne et plus juste’’. Un combat qui, selon lui, se mène également à travers la vaccination. En matière d’Europe, Mattarella estime qu’il y a beaucoup à faire après avoir traversé la phase la plus aigüe, endeuillée et économiquement déstabilisante de la pandémie. Il réaffirme l’ancrage de l’Italie à l’Europe et son rôle afin d’orienter le processus de relance de l’Union notamment en rendant stable et structurel le virage accompli lors de la crise sanitaire en matière de solidarité financière européenne. Il souhaite que l’Italie ait un rôle actif dans ce domaine et il est implicite que personne ne pourrait faire mieux que Draghi. Il faut également avoir les idées claires sur la très délicate question ukrainienne afin d’éviter que ne s’installe un climat de nouvelle Guerre froide. Du reste, son discours d’investiture est chargé de références à une société en souffrance, privée de trop nombreux droits. L’ensemble de sa prise de parole a été sous-tendu par le concept de ‘’dignité’’, répété à 18 reprises, que ce soit à l’égard du monde du travail, de la jeunesse, des inégalités femmes hommes, du racisme et de l’antisémitisme, de la violence faite aux femmes, de la pauvreté, de la surpopulation carcérale ou des mafias. En somme un appel de matrice progressiste qui contient également sa sensibilité et sa culture catholique sociale. »
ARTICLE, La Repubblica, S. Folli « Sept années différentes et quelques surprises » : « L’ovation à la Chambre est le seul point commun que le discours de S. Mattarella a avec celui de G. Napolitano en 2013, lui aussi réélu à la Présidence de la République. Tous ces applaudissements ne doivent pas nous leurrer. Fort de l’expérience de Napolitano, Mattarella évitera de se sentir trop flatté. Dans ces applaudissements il y a sans doute de l’estime pour lui, mais aussi le soulagement d’avoir échappé à une dissolution anticipée des Chambres en raison de l’instabilité politique générale. Mattarella représente une garantie de stabilité pour l’année qui précède la fin de la mandature. Mais représentera-t-il aussi une garantie pour l’avancement du plan de réformes ? Sur ce point, Mattarella a été prudent. En revanche, il ne l’a pas été sur des points très sensibles : les rapports avec les juges, avec un Conseil de la Magistrature qui doit se réformer pour qu’il ne soit pas à la merci de courants internes, et la tentative de restituer la centralité perdue au Parlement, humilié par l’utilisation excessive de décrets de loi et de motions de confiance. Les partis et le gouvernement Draghi sont avertis : dans le chemin vers la reprise post-Covid il y a beaucoup à faire pour tous, si possible avec une ambiance de cohésion nationale. Le Président a voulu, avec son style à lui qui est différent de celui de ses prédécesseurs, marquer un passage vers une nouvelle phase. C’est ce qui a pu être constaté dans l’attitude froide envers le Président du Conseil, avec l’accent qui a été mis sur des sujets éthiques avant même que politiques : l’effort de regarder au-delà de l’urgence. Comme s’il avait voulu dire à Draghi et à tous les protagonistes de cette course tourmentée au Quirinal, qu’il est temps de se remettre au travail sur la pandémie, sans doute, mais surtout sur la relance économique et le malaise social. Certains ont voulu y voir un discours « présidentialiste » (chose invraisemblable au vu de la sensibilité constitutionnelle de Mattarella) et affirment que l’Italie serait prête pour un système semi-présidentiel. Ce serait alors le comble si, en raison des circonstances, Mattarella devait être la personne devant appliquer cette solution. »
ENTRETIEN, La Stampa, de Massimiliano Romeo, chef des groupes parlementaires de la Ligue au Sénat, « Des déclarations importantes au sujet de l’autonomie. Draghi ? Nous n'entraverons pas son travail, mais il doit nous écouter. » : « J’ai beaucoup apprécié le discours du Président Mattarella et notamment les passages concernant la justice qui doit être réformée. La Ligue a proposé un référendum qui pourrait transformer cette réforme en fait. Concernant l’instabilité de la majorité, je tiens à rappeler que Salvini et Giorgetti les premiers ont demandé que les tensions autour de l’élection du président de la République n’aient pas de répercussions sur le gouvernement. Nous n’avons aucune intention d’entraver l’activité du gouvernement, mais nous demandons que nos objections soient plus prises en considération. Je comprends la froideur à l’égard de l’idée d’un grand parti républicain à l’américaine proposée par Salvini, mais il est nécessaire de retrouver l’unité. Je suis persuadée qu’à la fin, une fois que les esprits se seront apaisés, nous parviendrons à un accord pour nous présenter unis aux prochaines élections administratives. Enfin, la loi électorale n’est pas une priorité, mais comme nous avons tous voté pour Mattarella, nous devrions viser un Mattarellum. »
PREMIER PLAN, Sole 24 Ore, d’E. Patta, « M5S et PD : il est temps de travailler aux règlements et aux décrets » : « L’appel à une plus grande centralité du parlement exprimé par Mattarella durant son discours a reporté au centre du débat la nécessité d’une réforme des règlements parlementaires. Un texte à ce sujet fortement voulu par Letta et Conte devrait recevoir le feu vert d’ici la fin du mois et il prévoit des normes qui visent à limiter la fragmentation. Lors de son discours, Mattarella a également soulevé la question de l’introduction du vote à une date établie dans les règlements parlementaire justement pour limiter le recours aux décrets. Le président de la Commission des affaires constitutionnelles, Giuseppe Brescia (M5S) a donc profité de cette invitation du chef de l'Etat pour relancer ce sujet : ‘’il ne faut pas se résigner au monocaméralisme qui s’est de fait affirmé, et je pense qu’une réforme ambitieuse des règlements parlementaires pourrait démêler beaucoup de problèmes.’’. Dans les prochains jours, Brescia soumettra aux chefs des groupes parlementaires de la majorité et de l’opposition une série de mini-réformes qui concernent les compétences du Parlement durant les séances communes ainsi que l’élimination de la condition de la provenance régionale pour les élections au Sénat. »
PREMIER PLAN, Corriere della Sera, de Paola Di Caro, « L’ouverture de Berlusconi à l’égard des centristes : avec un rôle moteur pour Forza Italia au sein de la coalition » - article du 03.02 : « Silvio Berlusconi a convoqué une réunion générale de Forza Italia et a défini la ligne à suivre, cherchant ainsi à montrer qu’il était de retour sur la scène politique, en forme et avec les idées claires. Il veut replacer Forza Italia au centre de la politique italienne, et c’est bien l’idée de ‘’centre’’ qui l’attire en cette période post-élection présidentielle, qui a eu l’effet d’un tremblement de terre dans le paysage politique italien, et où les coalitions tentent de se reconstruire. ‘’Forza Italia est le parti qui a permis de faire naitre le centre-droit. Elle est et elle restera le pilier de la coalition qui fait face à la gauche. Mais le centre-droit que nous souhaitons doit rester solidement ancré au PPE et à ses valeurs : pro-européen, atlantiste, catholique et libéral. C’est pourquoi Forza Italia oeuvre, aux côtés des autres forces centristes, au renforcement de l’aile modérée d’un centre-droit qui demeure, d’après les sondages, le premier choix des Italiens’’. En somme, le parti de Berlusconi doit nouer une entente avec le centre sans pour autant se perdre et se diluer au sein d’une fédération-troisième pôle. Il veut garder un rôle moteur : ‘’nous serons au coeur d’un centre-droit qui devra se présenter aux prochaines élections profondément renouvelé’’ explique-t-il sans pour autant citer directement ses alliés. Ni Salvini avec qui, jurent-ils tous les deux, les relations humaines sont sauves, ni Meloni avec laquelle il est totalement en froid voire en guerre. Le bruit court qu’il y aura beaucoup moins d’espace pour Giorgia Meloni sur les ondes de la télévision de Berlusconi, notamment suite à l’annulation de la participation de Fratelli d’Italia à des émissions de Mediaset. Guido Crosetto dément, selon lui ‘’Berlusconi ne ferait jamais une chose pareille’’, mais le climat reste extrêmement tendu. Forza Italia prépare un renforcement de sa structure interne avec la cooptation de nouvelles figures à des positions opérationnelles tout en tout en maintenant les personnalités déjà en place, y compris au gouvernement, et dont Berlusconi se dit plus que satisfait. Le chef de groupe de la Ligue au Sénat quant à lui dément tout projet ‘’néo-centriste’’ proposé par la Ligue qui se concentre plutôt sur le ‘’renforcement d’un centre-droit plus uni et compétitif, la seule alternative concrète à la gauche’’. Quant à Osvaldo Napoli de Coraggio Italia il se demande si les partis qui ne s’intéressent pas au PPE peuvent tout de même faire partie du projet de centre-droit imaginé par Berlusconi. »
ENTRETIEN, Corriere della Sera, de Silvio Berlusconi, leader et fondateur du parti Forza Italia, « Draghi doit pouvoir disposer du temps qu’il veut ; personne ne peut remettre en cause la stabilité » : « Je suis en bonne santé, j’ai traversé des épreuves plus dures que celle-ci. Je n’ai aucune amertume ni regret concernant le retrait de ma candidature car c’est moi qui en aie décidé ainsi. J’ai voulu éviter que l’on se déchire autour de mon nom alors que cela fait deux ans que je travaille pour l’unité politique et morale de la Nation dans cette période de crise. C’est d’ailleurs moi qui ai appelé Mattarella pour lui demander d’accepter sa réélection. C’est tout à fait normal que Forza Italia fasse ses choix en toute autonomie et liberté [vis-à-vis de la Ligue et de Fratelli d’Italia] : le centre-droit n’est pas un parti unique. Le discours qu’il a prononcé hier nous conforte dans notre choix. La proposition que m’avait faite Enrico Letta pour la candidature de Pier Ferdinando Casini ne rencontrait pas le consensus nécessaire parmi les différentes forces politiques. Quant à Draghi, c’est justement par estime du travail qu’il accompli à la Présidence du Conseil que j’ai voulu proposer une solution alternative, pour la stabilité du gouvernement. Pour en revenir au centre-droit, cette alliance existe car je l’ai rendue possible en 1994 et je ne vais pas changer d’avis aujourd’hui. Mais Forza Italia demeure la seule grande force centriste libérale, chrétienne, garantiste et pro-européenne. Un centre sans lequel il n’est pas possible de l’emporter et qui doit avoir un rôle moteur. C’est pourquoi je souhaite réunir les modérés dans le sillon du PPE. Le parcours de Renzi est différent du nôtre, peut-être qu’un jour il choisira une ligne à laquelle se tenir et décidera où est-ce qu’il veut se situer. Quant à la loi électorale, je ne pense pas que ce soit une priorité actuellement, le pays en a bien d’autres. Lorsque la crise sanitaire sera derrière nous, il faudra revenir à des alliances entre forces politiques homogènes, avec des rapports plus sereins et respectueux entre les partis. En attendant, Draghi doit pouvoir disposer de tout le temps nécessaire pour mener à bien son travail.»
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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