29/07/2022
"Meloni vient au secours de Salvini pour l’affaire de l’ambassade russe."
Italie. Revue de presse.
Les révélations du quotidien la Stampa sur les contacts présumés entre l’ambassade russe et un conseiller du leader de la Ligue Matteo Salvini en amont de la crise du gouvernement Draghi font les gros titres de la presse italienne, ce matin. Le scoop du quotidien turinois s’invite ainsi dans le débat électoral, suscitant de vives réactions politiques, notamment auprès des partis de centre gauche ayant demandé au comité pour la sécurité de la République (COPASIR) d’en informer les Chambres : « La politique étrangère enflamme le débat politique » - L’affaire des contacts entre la Russie et la Ligue fait l'objet d'un débat politique. Meloni assure « nous sommes garants du soutien à Kiev » (Corriere della Sera), « Ombres russes, la Ligue doit dire la vérité » - L’émissaire de Salvini avait même tenté d’organiser un voyage à Pékin pour rencontrer le ministre des affaires étrangères. Le dirigeant de la Ligue qualifie ces soupçons d’ « infox » (La Stampa), « Meloni : nous sommes des partenaires fiables à l’étranger » - La dirigeante de Fratelli d’Italia rassure l’Europe et les Etats-Unis : notre exécutif sera atlantiste et aux côtés de l’Ukraine. Mais l’affaire russe secoue la Ligue (Il Messaggero), « Meloni vient au secours de Salvini pour l’affaire de l’ambassade russe » (Sole 24 Ore). L’augmentation des flux migratoires en Méditerranée fait en revanche la Une du quotidien La Repubblica « L’arme des migrants » - Un nombre inédit de migrants est en train de partir des ports libyens contrôlés par la brigade prorusse Wagner (La Repubblica).
Les JT couvrent essentiellement les révélations sur les contacts présumés entre l’ambassade russe et un représentant de la Ligue. S’en suivent les réactions des différents chefs de partis et démentis de Salvini, dans un contexte de campagne électorale. Après l’appel téléphonique de Joe Biden et Xi Jinping, Nancy Pelosi s’envole pour une mission en Asie sur fond de tension autour de Taiwan. Après les inondations, alertes météorologiques pour le Nord de l’Italie, 10 villes sont marquées rouges.
Sur Twitter, le hashtag #ElezioniPolitiche2022, en référence à la campagne électorale en vue des élections du 25 septembre, fait tendance.
PREMIER PLAN La Stampa, J. Iacobini, « Ligue, de Moscou à Pékin : les contacts de l'émissaire de Salvini avec l'ambassade à Rome, une mission pour rencontrer le ministre chinois des Affaires étrangères était également prévue » : « Les révélations, publiées hier par La Stampa, sur les contenus confidentiels des contacts qui ont eu lieu en mai dernier entre un émissaire de Matteo Salvini, Antonio Capuano, et les Russes à l'ambassade de Rome, ont déclenché une controverse politique. En effet, les Russes ont demandé au conseiller de Salvini si les ministres de la Lega étaient enclins à démissionner. Nous sommes à la fin du mois de mai, la chute de Draghi n'est à l'ordre du jour d'aucun agenda, et pourtant les Russes s'informent et posent des questions à ce sujet. La Stampa rapporte que l'émissaire de Salvini ne s'est pas limité aux contacts avec les Russes, mais a également tenté de servir d'intermédiaire avec les Chinois. En avril 2022, Capuano aurait rencontré le chef de la section politique de l'ambassade de Chine en Italie, Zhang Yanyu, « pour lui parler d'une mission prévue par le leader de la Ligue à Moscou du 3 au 7 mai, visant à rencontrer des hommes politiques, le Ministre des affaires étrangères et le Président russes ». Les Chinois apprennent donc l'éventuelle mission russe (initialement prévue début, non fin mai) d'un membre majeur du Gouvernement Draghi, alors que le Président du Conseil italien lui-même n'a pas encore été informé. Capuano « demande au diplomate chinois la possibilité d'organiser, avant son retour de Russie, une rencontre à Pékin avec le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi ». Il explique aux Chinois que l'intention de Salvini est de promouvoir la paix, et met en avant sa connaissance des dynamiques internes présumées au sein du gouvernement italien. Une série de contacts qui exposent le gouvernement italien à des États qui n'appartiennent pas à notre système traditionnel d'alliances européennes et atlantiques. »
ANALYSE, Il Corriere della Sera, M. Franco « L’atlantisme, point de divergence du centre-droit » : « Lorsque le gouvernement de Mario Draghi s'est effondré, l'idée qu'une triade pro-russe composée de Giuseppe Conte, Silvio Berlusconi et du leader de la Lega Nord a immédiatement commencé à circuler. Non pas qu’on ait sérieusement pensé à un complot ourdi au Kremlin et exécuté à Rome contre l'atlantiste Draghi : plus prosaïquement, la crise de l'exécutif représente une faveur objective pour le régime de Poutine, qui n'a rien fait pour le cacher. Le fait que La Stampa ait rapporté hier la tenue de réunions à l'ambassade de Russie à Rome, avec des émissaires léghistes, afin de sonder la possibilité d'une crise, s'inscrit dans cette veine. Mais ces révélations interviennent en pleine campagne électorale, au moment où le centre-droit donné favori tente de dissiper les doutes sur sa crédibilité internationale. En outre, le sous-secrétaire d’Etat en charge des services de renseignements, a démenti la véracité des propos et des sources de renseignement cités par La Stampa. Le résultat est un court-circuit inévitable, mais avec des indications intéressantes. La position de Giorgia Meloni est frappante. « Nous réaffirmons que nous serons les garants sans ambiguïté de la position de l'Italie et de son soutien absolu à la bataille héroïque du peuple ukrainien. Une Italie dirigée par FdI et le centre-droit sera fiable lors des sommets internationaux ». Cela semble être un signal adressé aux Etats-Unis et à l'OTAN, avant même l'Union européenne, avec laquelle les relations restent tendues. Il s’agit également d’un avertissement à la Ligue. Le chef de groupe du FdI à la Chambre, Francesco Lollobrigida, a soutenu qu'une clarification était nécessaire. C'est la confirmation d’un potentiel point faible du centre-droit : soupçonné de neutralisme larvé vis-à-vis de la Russie et de l’Occident, il pourrait être délégitimé. »
ARTICLE, Sole 24 Ore, E. Patta « Meloni « neutralise » Salvini et garantit un soutien absolu à l’Ukraine et à l’Otan » : « Giorgia Meloni ne perd pas son temps. Au lendemain du feu vert obtenu à sa candidature à la Présidence du Conseil lors de la longue réunion avec Silvio Berlusconi et Matteo Salvini, la dirigeante de Fratelli d'Italia a convoqué la direction nationale de son parti et s'est exprimée déjà en tant que chef de la coalition et possible chef de gouvernement. Il s’agit d’une tentative claire de rassurer les partenaires internationaux, et aussi d’un message indirect clair adressé à Salvini, qui s'est retrouvé dans la tempête sur les relations avec la Russie de V. Poutine. ‘’Les ombres russes sur la crise ? N’importe quoi", a déclaré le leader de la Ligue. Il a toutefois ajouté que "nous sommes pro-européens et atlantistes, mais cela ne signifie pas que nous ne voulons pas avoir de bonnes relations avec Poutine". C’est exactement cette ambiguïté que le Président du Conseil Mario Draghi a lui-même évoquée lors de son dernier discours au Sénat avec son J'accuse contre une partie de la majorité, c'est-à-dire la Ligue et les M5S. Meloni tient à se démarquer de ces ambiguïtés en rassurant les États-Unis et l'Europe sur l'axe atlantique. Bien sûr, il manque à la dirigeante du FdI des actions décisives : la prise de distance avec le fascisme et son attitude envers l'UE. Mais sur le front des finances publiques, un premier signal rassurant arrive à Bruxelles : "Nous avons besoin d'un gouvernement fort et crédible, avec un programme clair et défini" : en d'autres termes, il n’y aura pas de prévisions de dépenses financièrement insoutenables. »
PREMIER PLAN, La Repubblica, P. Berizzi, « Un visage, une race. Fratelli d’Italia et le pacte de fer avec les franquistes de Vox » : « Une ou deux fois par mois, en moyenne, Giorgia Meloni s'envole pour Madrid. Elle a des amitiés de longue date tant dans la capitale qu'à Barcelone. Certaines remontent à ses années de militantisme dans les organisations de jeunesse du Mouvement social italien, d'autres sont plus récentes. Depuis 2017-2018, les déplacements de Meloni en Espagne se sont intensifiés. Ce sont pour la plupart, des voyages politiques. Parce que Fratelli d’Italia et Vox sont « un visage, une race » (expression utilisée par les soldats italiens en Grèce en octobre 1940). En effet, ils sont alliés en Europe, membres du groupe des conservateurs et réformistes présidé par Meloni qui fonctionne sur l'axe Rome-Madrid-Varsovie. Avec deux différences. Premièrement : en Italie Fratelli d’Italia est donné premier parti dans les sondages, tandis que Vox lors des dernières élections générales espagnoles (2019, 15,09%) est devenu la troisième force du pays. Deuxièmement : certains députés de Vox viennent de l'armée. Ce sont les leaders, Meloni et Santiago Abascal, qui ont scellé l'alliance patriotique entre les deux mouvements. Jorge Buxadé, le leader de Vox au Parlement européen, est le plus proche de Meloni. Buxadé s'est présenté deux fois aux élections avec la Phalange espagnole dans les années 90, formation néofasciste qui conserve le nom du seul parti ayant existé pendant la dictature de Francisco Franco. En décembre 2021, Buxadé est l'invité du Fratelli d’Italia à son meeting annuel et déclare « Nous appelons à une alliance méditerranéenne qui s'oppose à cette Europe fédérale de bureaucrates qui croient que la politique est une feuille Excel ». Un autre nom clé sur la piste Rome-Madrid est celui de Macarena Olona. Député de Vox au parlement espagnol et candidat à la présidence dans la région d'Andalousie le 19 juin dernier. C'est elle qui a introduit Meloni dans le désormais célèbre discours musclé de Marbella contre les immigrants et le « lobby Lgbtq »
REMIER PLAN, La Repubblica, G. Foschini e F. Tonacci : « Borghi : « Moscou tente d'influencer les élections, l'indifférence des partis est surprenante » : « Le député Parti démocrate et membre du comité pour la sécurité de la République (COPASIR) déclare : « Je ne suis pas surpris que l'immigration soit utilisée comme un outil de campagne. Il n'est pas surprenant que la Russie de Poutine tente d'influencer les élections libres dans notre pays. Ce qui est en revanche surprenant, c'est la façon dont cela est reçu par certains partis comme si c’était quelque chose qui ne les concernait pas, comme si notre souveraineté et notre démocratie n'étaient pas en jeu. Le problème de l'ingérence étrangère dans les processus démocratiques est au cœur de la résolution adoptée par le Parlement européen le 9 mars. À cette occasion, les outils utilisés par les pays étrangers ont été décrits noir sur blanc. Cette campagne électorale compte tenu du calendrier serré, ce sera la première à être essentiellement numérique. Je m'attends donc à des tentatives très fortes d'influencer le vote. D'autre part, la désinformation est l'un des points cruciaux de la « doctrine Gerasimov », le manuel de la guerre hybride russe. Je demande aux organismes de régulation, je pense à l'Agcom, un effort extraordinaire de contrôle. Je demande aux réseaux sociaux de veiller à éviter les abus, pas à mettre en avant un parti politique plutôt qu'à un autre. Mais surtout, je demande à tous les partis un engagement : celui de se tenir à l'écart de toute instrumentalisation. L'Italie risque d'être prise en tenaille. Par son influence en Lybie Poutine a une influence sur l’Afrique et la situation en Italie. »
ARTICLE, La Repubblica, T. Ciriaco « Les appels téléphoniques entre Berlusconi et l’ambassadeur russe » : « ‘’J’ai parlé à l’Ambassadeur de Russie en Italie Razov. Il m’a expliqué leurs raisons, ce qu’a fait Zelensky. Il m’a raconté que c’est l’Ukraine qui a provoqué vingt mille victimes dans les zones qui sont disputées et que l’invasion était nécessaire car il y avait un risque que l’Ukraine attaque la Russie’’. Au-delà du contenu ahurissant, Silvio Berlusconi rend publique un aspect que l’on ignorait. Il l’a fait à l’occasion d’une série d’appels téléphoniques effectués mercredi dernier à ses parlementaires, pendant les heures où se consommait la crise de gouvernement. C’est là qu’il a laissé échapper à ses interlocuteurs cette révélation. Le dirigeant d’un des partis de la majorité (qui finira par ne pas voter la confiance au Président du Conseil), a ainsi pris contact avec l’ambassadeur russe en Italie, soit celui qui fêtera et lèvera un verre à la chute du gouvernement Draghi. Comme l’a montré l’affaire de Biot, [l’officier de la Marine italienne arrêté en 2021 pour espionnage et payé par des agents russes, ndt.], l’ambassade russe travaille depuis longtemps en tant que centrale du contrespionnage et pour influencer, en quelque sorte, sur les faits intérieurs de la politique italienne. »
COMMENTAIRE, La Repubblica, C. Bonini « Poutine à la campagne d’Italie » : « Un peu comme un canon pointé sur nos côtes, l’armée des migrants partis depuis les ports de la Cyrénaïque, contrôlés par la brigade Wagner, annonce l’arsenal de guerre hybride que Vladimir utilisera pour intoxiquer le temps qui nous sépare des élections du 25 septembre et orienter les nouveaux équilibres politiques de notre pays. Pour le Kremlin, il s’agit d’une occasion unique. Car jamais comme auparavant, l’agenda des promesses rassemblées par les trois droites italiennes qui se portent candidate à gouverner l’Italie, dépend des actions du Président de la Fédération russe. C’est une guerre hybride dont la Russie est spécialiste. Avec la chute de Draghi par la main de Conte, Salvini, Berlusconi et Meloni, Poutine a pu confirmer l’exactitude de son raisonnement : à long terme, face à une guerre qui se prolonge, l’Italie n’aurait pas pu résister longtemps. »
COMMENTAIRE, La Repubblica, S. Folli, « Le « troisième pôle » qui tente Renzi » : « Au centre-gauche, le labyrinthe des alliances demeure. Le temps presse alors que de nouveaux éléments s'ajoutent au chapitre de la politique étrangère et des relations opaques avec la Russie. Ce sont des éléments qui affectent le centre-droit, mais qui ne favorisent pas nécessairement le centre-gauche. Les informations débordantes sur les liens entre Salvini et le cercle de Poutine décrivent un problème très sérieux pour la Ligue, mais elles font la part belle à Berlusconi en raison de son ancienne amitié avec Poutine et créent également un embarras pour Giorgia Meloni dont le choix atlantiste est clair, mais qui tôt ou tard sera appelée à expliquer son alliance avec la Ligue. Au centre-gauche, la politique étrangère, dans sa ligne de loyauté à l'UE et à l'OTAN, est ou devrait être un atout pour le Parti Démocrate. En outre, à propos de Moscou et Pékin, les ambiguïtés concernent Grillo et Conte, une cohérence substantielle sur les choix internationaux de Letta, Calenda, +Europa et Renzi lui-même. La politique étrangère pourrait en tout cas être le terrain d'entente pour la formation d’alliance. Si Calenda accepte l'accord avec le Parti Démocrate, les sondages seront confirmés ou au contraire ils commenceront à s'effriter, car l'électorat qui souhaite une alternative à Forza Italia se sentirait déçu par un choix qui inclurait Sinistra Italiana. D’autre part les efforts du centre-gauche se concentrent sur le Sénat : c'est là que la partie peut encore se jouer. Il s'ensuit que toutes les armes sont utiles pour construire le front fatidique contre la droite. Cependant, jusqu'à présent, Renzi reste sur ses positions : « Je ferai tout pour que Giorgia Meloni ne soit pas première ministre ». Une phrase sibylline qui pourrait signifier deux choses : j'accepte de rejoindre le bloc de Letta ; ou, à l'inverse, je construis mon propre « troisième pôle » en visant à atteindre au moins 5-6 % en soustrayant des voix aux modérés de centre-droit effrayés par la dérive de Meloni. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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