21/06/2022
"Les 5 Etoiles n’obtiendront pas le remaniement."
Italie. Revue de presse.
La presse italienne titre largement sur les tensions au sein de la majorité avant le vote imminent de la motion au parlement sur l’envoi d’armes à l’Ukraine. Le scrutin aura lieu à l’issue de l’intervention du Président du Conseil Mario Draghi devant les Chambres, dans un contexte de haute tension en raison des menaces du M5S de voter contre si la résolution ne devait pas inclure une phrase prévoyant l’implication systématique du Parlement pour ce genre d’autorisations. « Armes, le scrutin agite la politique » - La résolution est prévue pour aujourd’hui, les négociations se poursuivent à outrance. Le M5S demande à ce que le Parlement soit davantage impliqué. Les 5 Etoiles sont désormais engagés sur une ligne plus souple. L’appel de Zelensky : nous avons besoin de plus d’armes (Corriere della Sera), « Gouvernement, c’est la roulette russe » - L’UE donne son feu vert pour les aides militaires à Kiev mais Conte insiste et demande une implication plus grande du Parlement. Haute tension au sein de la majorité pour l’adoption de la résolution finale (La Repubblica), « Armes à Kiev, Draghi pose ses conditions » - Un bras-de-fer entre le Président du Conseil et les 5 Etoiles a eu lieu hier soir pendant l’écriture de la résolution finale. Le scrutin se tiendra aujourd’hui au Sénat (La Stampa), « Nos armes à Kiev : une fin de vie pour l’Ukraine » (Fatto Quotidiano).
ARTICLE, La Repubblica, A. Bonanni « Draghi, Macron et Scholz, les majorités fragiles à l’épreuve de la guerre » : « Macron sort des élections législatives affaibli et sans une majorité parlementaire qui soit claire. Draghi est secoué par les convulsions politiques d’un M5S agonisant et avec l’attitude non fiable de Salvini en politique étrangère. Enfin Scholz tente d’imiter les équilibrismes de Merkel sans que les Ukrainiens aient pu voir les armes promises par l’Allemagne. Si cela est à peu près normal, dans le contexte actuel, la démocratie européenne est une démocratie en guerre, même si elle n’arrive pas à l’avouer. Ce sont là des luxes qu’il est impossible de se permettre. Dans tout cela, Poutine alimente et exploite les failles politiques de la France, de l’Italie et de l’Allemagne pour attaquer les systèmes libéraux. La Russie de Poutine joue depuis longtemps à la table de la politique européenne avec l’objectif déclaré d’en empêcher l’intégration. Le pari de Poutine est que les Ukrainiens ne parviendront pas à freiner son armée dans le Donbass et que les Européens se lasseront de payer le prix fort que cette guerre impose à ses citoyens. Si l’Europe devait ne pas identifier l’ennemi commun, l’autocratie de Poutine pourrait déjà avoir remporté une bataille décisive. »
ARTICLE, La Repubblica, S. Mattera et M. Pucciarelli « Draghi va de l’avant et met en sécurité Di Maio : les 5 Etoiles n’obtiendront pas le remaniement » : « Ce ne sera pas un bras-de-fer entre courants internes d’un parti qui modifiera le visage du gouvernement. C’est ce que répètent les hautes sphères de l’exécutif. Cela vaut aussi pour l’aide à Kiev qui ira de l’avant tant que ce sera nécessaire. Et cela vaut aussi pour le rôle du ministre des Affaires Etrangères, remis en doute par Giuseppe Conte. Hier soir au Palais Chigi, malgré la réunion-fleuve sur la résolution de majorité, on se montre confiant sur le fait que la rupture en Parlement sur l’Ukraine n’aura pas lieu. Personne, dit-on au PD, ne peut se permettre de provoquer une rupture en politique étrangère alors qu’un conflit est en cours. Draghi prendra la parole au Sénat à 15 heures et dans son allocution longue et dense, il évoquera tous les sujets qui seront au cœur du prochain sommet européen, allant du prix-plafond pour le gaz, aux nouvelles aides anti-inflation en passant par l’agression russe en Ukraine. L’Italie a proposé immédiatement et avec force l’adhésion de l’Ukraine à l’UE, et elle le revendiquera. Rome continuera à agir en harmonie avec les alliés de l’UE et de l’Otan, car c’est seulement de cette manière qu’il sera possible de créer les conditions d’une désescalade et de pousser Poutine à s’assoir à la table des négociations. Draghi expliquera ce qui a été fait jusque-là. Il fera part de sa visite à Kiev avec Macron et Scholz, et il indiquera un parcours qui passe par les sommets de l’UE, du G7, de l’Otan et de la bilatérale avec la Turquie. La ligne émergera clairement. Le gouvernement bouge le long du sillage du Parlement et il en veut l’unité. Draghi écoutera toutes les interventions pour ensuite répondre. Avec l’espoir que l’on puisse déminer le terrain de la tentative du M5S de placer l’action du gouvernement sous tutelle. »
COMMENTAIRE, Repubblica, S. Folli « La crise des 5 Etoiles et les choix du PD » : « Plus les 5 Etoiles de Conte continuent à critiquer la politique du gouvernement à l’égard de l’Ukraine, plus il sera difficile et douloureux de faire marche-arrière. Or, celle-ci semble la seule option réelle à moins que la situation ait échappée à la direction du M5S. Du point de vue politique, la rupture au sein du M5S est profonde et inguérissable. C’est un parti, sans vraies racines et sans cap, qui est en train de s’effriter sous l’effet d’une querelle personnelle justifiée à coup de principes honorables. Il est vrai que les 5 Etoiles demeurent le groupe parlementaire de majorité relative et Di Maio n’est pas remplaçable à la Farnesina. Par conséquent le PD, qui se veut le point d’équilibre du système et premier soutien de Draghi, a deux missions. D’abord convaincre Conte de renoncer à l’idée de sortir de la majorité. Ensuite, de décider quoi faire avec l’alliance avec le M5S ou plutôt avec les deux branches du Mouvement. Peut-être que le PD, avant même de penser aux accords électoraux, devrait plutôt se préoccuper d’adresser au pays un message réformiste et une vision du monde. C’est sur cela que le centre gauche pourra s’agréger. »
EDITORIAL, Il Messaggero, A. Campi « Ce que le vote des Français change pour l'Italie » : « Rappelons comment et contre qui Macron est arrivé à l'Élysée en 2017. Cannibaliser, après les avoir dénoncés comme des fossiles politiques, les représentants des glorieuses traditions socialiste et gaulliste : les deux partis qui avaient été les piliers de la Cinquième République. En marche, son parti à la carte, était et reste un assemblage : un morceau de la gauche réformiste, un morceau de la droite conservatrice, un morceau de la société civile (mais seulement celle qui est brillante et qui réussit), un morceau de la techno-bureaucratie étatique. Aucune base idéologique, juste un personnalisme forcené nourri de références symboliques à la tradition des grands leaders politiques français, de Napoléon à de Gaulle. Et tout cela assaisonné de populisme apolitique, bien que rendu avec élégance par Macron sur le plan rhétorique. L'anti-macronisme était, sans surprise, le thème dominant de la propagande de Mélenchon et de Le Pen, dans un affrontement non pas entre des forces politiques collectives mais toujours entre des individualités. Macron a quatre possibilités : un accord parlementaire avec la gauche radicale-populiste ; un pacte de gouvernement avec la droite gaulliste ; un accord avec des députés ou des groupes individuels sur chaque mesure à voter à la chambre ; des élections anticipées. Mais celles-ci pourraient être un boomerang, compte tenu précisément du niveau d'exaspération et d'imprévisibilité atteint par les électeurs dans ce pays également. Enfin, on peut s'interroger sur l'effet du vote français sur le vote italien l'année prochaine. Entre Marine Le Pen et Giorgia Meloni, les relations ne sont pas bonnes, mais leurs formations politiques ont beaucoup en commun, même si la seconde s'est engagée dans une voie qui devrait la conduire de plus en plus vers les rivages du conservatisme classique et l'éloigner de la droite radicale. Elles sont actuellement les forces d'opposition les plus crédibles pour l'électorat nationaliste de leurs pays respectifs. La Nupes est un cas intéressant de regroupement à gauche, partant de thèmes tels que le travail, l'équité sociale, la critique du capitalisme et de l'Europe, un écologisme fortement idéologisé, l'augmentation des dépenses sociales et l'étatisme. Cela pourrait-il également se produire en Italie ? Difficile. D'une part, il manque un tribun qui a la poigne de Mélenchon, notamment. Mais notre centre-gauche est dominé par un grand parti européiste, progressiste, le parti démocrate, ce qui n’est pas le cas en France ».
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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