27/05/2019
"Le destin du gouvernement dans les mains de Salvini."
Italie. Revue de presse.
Les élections européennes font les gros titres des médias italiens : « La Ligue s’envole, le PD devant le M5S » (Corriere della Sera, Sole 24 Ore, Il Messaggero, Il Mattino), « Ombres noires » - ‘’Salvini l’emporte mais les souverainistes ne font pas l’exploit’’ (La Repubblica), « Renversement des pouvoirs : percée de la Ligue, chute des 5 Etoiles » (La Stampa), « Gouvernement adieu » - ‘’Les 5 Etoiles en chute libre, surmontés par le PD’’ (Il Giornale).
Journaux télévisés : Les élections européennes dominent les gros titres des journaux italiens, qui font part de la percée de la Ligue aux dépens de son allié de gouvernement M5S, ainsi que du retour du Parti Démocrate [centre-gauche].
COMMENTAIRE, La Repubblica, S. Folli : « Le gouvernement renversé » : « On s’attendait à ce que les élections changent la géographie politique italienne, dans le contexte d’une Europe en ébullition. Cela a été le cas. La victoire de la Ligue, avec plus de 30 %, en même temps que la chute du M5S, a créé 12 points de différence entre les deux partis de la majorité. C’est la nouveauté la plus explosive sur la stabilité du gouvernement Conte. Cela ne va certainement pas arriver demain, ou après-demain, mais le dispositif qui va amener la majorité, et donc l’exécutif, à se dissoudre est déclenché. Et cela pourrait en être autrement uniquement si le Mouvement, qui a perdu un tiers des voix obtenues lors de dernières élections politique du 4 mars, devenait un vassal docile du leader de la Ligue, c’est-à-dire s’il commençait à dire ‘’oui ‘’ à tous les points du programme que le M5S a contestés ces derniers 5 mois (ligne ferroviaire Lyon*-Turin (TAV), infrastructures, flat tax, décret sécurité). Salvini peut donc se considérer, aujourd’hui comme le maître de la majorité. En définitive, pour la première fois, un parti de droite de type souverainiste l’emporte et oblige tous les autres à ajuster la façon de faire de la politique et de s’adresser aux électeurs. La Ligue s’insère ainsi dans le cadre d’une Europe où d’autres mouvements anti-européens, inexistants jusqu’à hier, se sont affirmés, comme le Rassemblement National de Marine Le Pen ou encore le parti de Farage au Royaume Uni, mais aussi comme les Verts en Allemagne et en France. C’est un changement qui porte l’empreinte de la droite ‘’ souverainiste. Zingaretti, quant à lui, est satisfait des résultats du PD qui a récupéré beaucoup de voix par rapport à l’année dernière et dont la perspective reste les élections anticipées, pour pouvoir reconstruire à gauche, éventuellement avec une partie des Cinq Etoiles ».
EDITORIAL, La Stampa, M. Sorgi, « Le Capitaine à l’épreuve du succès. » :« Salvini est le grand vainqueur des élections italiennes. Il a quintuplé le score de la Ligue par rapport aux mêmes consultations de 2014, a doublé son score par rapport aux législatives de l’an dernier. Salvini a toujours insupporté une grande partie de l’establishment institutionnel, et n’a jamais cherché à s’en rapprocher, à la différence de Di Maio, qui l’a fait par intermittence. Par ailleurs, une part importance de la vieille Ligue, d’expression autonomiste, est sceptique quant à son expansion nationale. Salvini, homme politique à l’apparence dépenaillée, passe son temps, à défaut d’occuper son bureau de ministre, à parcourir le pays, de manifestations en manifestations, et à prendre des « selfies » avec ses fans. Ce qui réduit mathématiquement sa disponibilité pour les rencontres institutionnelles. A moins qu’il ne souhaite remettre le gouvernement en jeu, raccourcir la législature, et concrétiser son actuel succès politique, Salvini sait qu’il est actuellement le leader de la première formation politique italienne. Il devra se changer lui-même, indiquer une voie au pays, et, une fois pour toute, faire les comptes avec la réalité. »
ANALYSE Sole 24 Ore L. Palmerini « Le destin du gouvernement dans les mains de Salvini » : « Le seul élément sûr et sensationnel de ces résultats est le renversement de rapports au sein gouvernement. Une fois les résultats définitifs en main, si le PD devait se confirmer comme le 2e parti devant les 5 Etoiles, cela ouvrirait une discussion interne au Mouvement : une baisse était prévue mais pas de cette ampleur. Le vrai point demeure l’écart entre le parti de Di Maio et celui de Salvini : cela déterminera la tenue du pacte jaune-vert et les temps de la législature. Un signal clair a été donné par les électeurs : il faut donner la direction du gouvernement à la Ligue. Le dilemme qui attend les 5 Etoiles est le suivant : faut-il ou pas s’adapter à un rôle subalterne ? Ce sera sur les choix concrets que pourrait se présenter le ‘’casus belli’’ et le leader de la Ligue pourrait alors vouloir la rupture en expliquant les raisons de fond et de leadership dans le gouvernement. Pour un leader, encaisser le consensus et aller aux élections nationales est un raisonnement politique linéaire. A moins qu’on ne lui permette de gouverner dans les faits. A moins donc que les 5 Etoiles, malgré les voix au Parlement, ne décident de le laisser gouverner. Cela aurait alors des répercussions aussi sur le Président du Conseil G. Conte, considéré par les léguistes comme étant trop proche des M5S. Voici le court-circuit qu’il faudra réparer.
EDITORIAL Il Messaggero A. Campi « Avec les poids invertis au gouvernement, la route devient compliquée » : « Une Ligue qui grandit et un M5S en perte de vitesse font ensemble toujours ce 50% de consensus des électeurs. Les équilibres parlementaires demeurent ceux des élections du 4 mars 2018 mais il est vrai que ces élections européennes ont représenté un grandiose sondage sur la façon dont les Italiens, entretemps, ont modifié leur orientation. Il n’y a pas de raison numérique pour déclarer la mort du contrat de gouvernement. Il reste à comprendre si avec cet inversement de rapport de force politique entre les deux alliés, il y a encore un intérêt à continuer. Y aura-t-il un nouveau contrat de gouvernement ou bien se limitera-t-on à vivoter en attente d’un inévitable incident de parcours ? Ou bien est-ce que la Ligue voudra passer à encaisser ce qu’elle pourrait obtenir par un vote national ? »
RETROSCENA (coulisses) Il Messaggero A. Gentili « Salvini inquiet pour l’implosion du M5S » : « D’une part, la chute du M5S fait sourire la Ligue mais de l’autre cela inquiète également. D’un coup, le schéma préparé la veille (Salvini montrant les muscles et dictant l’agenda de gouvernement) devra peut-être être revu. Un haut représentant de la Ligue affirme ‘’il se peut que l’on doive faire les infirmiers de Di Maio’’. Au sein de la Ligue, la volonté d’un remaniement gouvernemental est forte. Une chose est sûre : la Ligue mettra les mains sur le Commissaire européen et sur le ministère aux politiques européennes, outre les nominations de dirigeants (Eni, Enel, Leonardo...) ‘’à moins d’une implosion du M5S et d’élections anticipées’’ fait-on savoir de la Ligue ».
ANALYSE, La Repubblica, C. Tito : « Le Capitaine au carrefour » : « Ces élections ont montré un véritable paradoxe : la vieille coalition entre Ligue, Forza Italia et Fratelli d’Italia est en train de renaître de ses cendres grâce à l’incompétence totale démontrée par le gouvernement Conte. Cette formule, qui semblait disparue suite à la fin du ‘’ berlusconisme ‘’ et qui a maintenant resurgi générée par cet absurde contrat Ligue-M5S, qui est en train de se révéler un simple pacte de pouvoir. Une éventuelle coalition entre Salvini, Berlusconi et Meloni pourrait compter sur 47 % des voix, mais les rapports de force ont été bouleversés. C’est la Ligue le moteur du groupe, une sorte de géant soutenu par deux ‘’ nains ‘’, dont désormais le secrétaire de la Ligue ne peut plus se passer. Même si Salvini a eu des résultats extraordinaires, il n’est pas autosuffisant, il ne peut pas gouverner tout seul, il a besoin des deux ‘’ partenaires ‘’ traditionnels et d’interrompre cette expérience avec le M5S. Malgré le succès, donc, Salvini pourrait se retrouver avec une monnaie, celle pour gouverner, difficile à dépenser ».
ARTICLE Fatto Quotidiano L. De Carolis « Di Maio est maintenant dans le collimateur ‘’si c’est vrai, c’est un désastre’’ » : « Une ‘’défaite’’ ou plutôt, comme le dit un ténor du Mouvement, un ‘’désastre’’ qui rime avec procès. Les échanges de messages entre les députés 5 Etoiles montrent un ‘’malaise’’. Un candidat au Parlement européen va même au-delà : ‘’dans un pays normal, Di Maio devrait présenter sa démission lundi soir’’. Une vague de mécontentement se lève contre lui, le chef qui a été trop souvent autocrate. Il pourrait s’agir des premiers germes d’un procès contre le leader qui a pratiquement tout décidé et qui pourrait s’être trompé sur plusieurs points. Une assemblée sera prochainement invoquée où l’on demandera à Di Maio de déléguer plusieurs de ses pouvoirs et d’instituer au plus vite une véritable direction politique dans le cadre d’une réorganisation mise en attente pour les élections européennes mais qui devient désormais urgente. Il y a Alessandro Di Battista qui a fortement envie de revenir, qui représente un possible nouveau leader, mais aussi Roberto Fico, qui peut facilement critiquer Di Maio sur le fait d’avoir laissé trop d’espace à la Ligue dans gestion de l’immigration ».
ARTICLE, La Stampa, F. Geremicca : « Une chaîne d’erreurs, maintenant Di Maio finit sous procès. » : « C’est le plus retentissant écroulement électoral de l’histoire politique italienne : une chute d’une douzaine de points en l’espace d’un an de gouvernement. Luigi Di Maio devra, en première instance, expliquer un choix, qu’une grande partie de ses électeurs de la première heure a eu du mal à digérer : son adhésion à la ligne de la Ligue. Par ailleurs, sa récente prise de distance avec Salvini, et son utilisation d’idéaux progressistes pour le contrer : de l’antifascisme, aux droits individuels après l’affaire Siri ou l’attaque de la fête du 25 avril, arrivaient trop tard. De plus, des choix, peut-être compréhensibles pour le noyau dur de son électorat de la première heure, mais pas pour les 11 millions de ses électeurs d’il y a un an. Pourquoi insister sur le blocage de la TAV ? Pourquoi annuler la candidature aux Jeux Olympiques de 2024 ? Et, surtout, pourquoi tant d’incompétences dans l’exercice du pouvoir ? De la menace d’impeachment de la part de Mattarella, aux déceptions sur le revenu de citoyenneté, en passant par son rapprochement avec les « gilets jaunes » : le crédit de Di Maio s’est écroulé. Celui qui a rendu possible l’impossible il y a un an, devra redoubler d’ingéniosité pour expliquer ses choix. »
ARTICLE, La Repubblica, A. Cuzzocrea : « M5S, panique pour la défaite. Di Maio : ‘’ Nous nous sommes trompés sur tous les fronts ‘’ » : « Luigi Di Maio, en assistant aux projections de vote cette nuit, a prononcé ces mots : ‘’ Attention à la somme des voix de la Ligue et de Fratelli d’Italia, si Salvini décide de rompre ce ne sera pas pour aller avec Berlusconi ‘’. L’inversement des équilibres entre les deux partis de majorité et la possibilité d’une répercussion sur l’avenir de l’exécutif ont fait comprendre que l’alliance de gouvernement pourrait être sur le point de s’interrompre, il n’y a aucune barrière à la défaite du Mouvement. C’est le moment de changer et chacun fait son analyse, mais personne n’a le courage de la faire devant Di Maio. Davide Casaleggio, qui a tout suivi en restant dans l’ombre, avait déjà lancé un avertissement dans Le Monde à propos de l’obligation du deuxième mandat, qu’il ne faut pas toucher et Pietro Dettori, bras droit de Casaleggio, a déclaré que le Mouvement ne devait pas faire une campagne sur le gouvernement mais il aurait dû parler uniquement d’Europe. Trop tard. Et maintenant, pour Di Maio, après tous les attaques contre les alliés, le moment est arrivé de comprendre que les ennemis ne sont plus seulement dehors mais plutôt au sein du Mouvement ».
ARTICLE, La Repubblica, G. De Marchis : « PD, dépassement sur les Cinq Etoiles et Zingaretti remporte son premier défi » : « Le M5S (17%), en chute libre, a été surmonté par le Parti Démocrate (22,7%). Le leader du PD, Nicola Zingaretti, a risqué le tout pour le tout et il peut être satisfait des résultats pour la survie de son parti. Il a affirmé que maintenant tout a changé et que le gouvernement est dirigé par un extrémiste, Salvini, qui n’a rien à voir non plus avec le vieux centre droit. Il est une autre chose, il est devenu le ‘’dominus ‘’ de l’exécutif ainsi qu’un leader dangereux et il a ajouté que le PD est le centre de l’alternative à ce leader ».
ARTICLE Sole 24 Ore A. Mari. « Piémont, le centre droit favori, les partis favorables à la ligne Lyon-Turin (TAV) à 85% » : « Le Piémont aussi s’apprête à passer dans les mains du centre droit. Le candidat de Forza Italia, de la Ligue et de Fratelli d’Italia, Alberto Cirio, est donné favori. Si cela devait s’avérer, le centre gauche perdrait sa dernière région du Nord. Les élections au Piémont peuvent aussi se lire comme une victoire des ‘’oui Tav’’ : le centre gauche et le centre droit s’étaient prononcés en faveur de la ligne ferroviaire. Le M5S a confirmé, quant à lui, sa position contre cette œuvre ».
ENTRETIEN de Luigi di Maio, vice-président du Conseil et leader du M5S Corriere della Sera « Le bilan plein d’amertume : ‘’nos électeurs se sont abstenus et attendent maintenant des réponses’’ » : « ‘’L’affluence basse nous a pénalisés c’est vrai. Mais nous le savions. Donc rien de nouveau, au travail. Ce n’est pas la première fois que nous traversons un moment de difficulté, nous en sortirons comme toujours. Nous avons sans doute été trop silencieux, trop purs au début. Le gouvernement continue. Sur le M5S il y aura des nouveautés bientôt’’ ».
ENTRETIEN d’Antonio Tajani, Président du Parlement européen et vice-président de Forza Italia Corriere della Sera « Salvini doit rompre l’alliance avec les Cinq étoiles. Nous restons essentiels » : « ‘’Ce n’est pas un triomphe mais nous avons tenu bon. Sans nos voix, il n’existe pas de schéma victorieux. Avec nous, la victoire très claire aux deux Chambres serait possible, contre une alliance probablement PD-M5S’’. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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