21/06/2011
L’Etat de police pensé par les nostalgiques de Mani Pulite prend forme.
« L’illusion de tenir jusqu’à 2013 » (Stefano Folli, Il Sole 24 Ore) : « Peu à peu, le cadre s’effiloche. L’enquête P4, l’arrestation de Lele Mora [agent d’acteurs proche de Berlusconi] bien que non politique, sont autant de mauvais signes pour le Cavaliere. S’agissant de Libye, les déclarations très nettes du chef de l’Etat contredisent la Ligue. Bref, tout évolue très vite. Berlusconi et Bossi, voulant achever la législature, se soutiennent l’un l’autre, chacun avec sa tactique – la Ligue a besoin d’adrénaline, d’où ses ‘ultimatums’ ‘incontournables’. Mais l’objectif de 2013, de plus en plus lointain, paraît, plus qu’un espoir, une illusion. A Pontida, les cris de ‘sécession’ ont surpris Bossi, traces d’un passé dont il s’est détaché – sachant notamment que son état de santé ne lui permet pas le retour à une ligne ‘révolutionnaire’. Pour la Ligue, aujourd’hui, dire ‘sécession’, c’est revenir à l’isolement et à la radicalité identitaire : la Padanie aux padans, en somme. Comme la droite isolationniste aux Etats-Unis, Bossi demande le retrait italien de la mission militaire en Libye, faisant un lien entre la guerre et les vagues de migrants sur nos côtes. Maroni pilote la ligne léghiste sur ce point bien plus délicat que le bras de fer grotesque sur le transfert de ministères au Nord. Le chef de l’Etat a rappelé les engagements internationaux pris par l’Italie – sous-entendu : on ne badine pas avec la politique étrangère. Autre sous-entendu : si l’on veut changer d’avis, c’est au Parlement d’en débattre. Autrement dit : gare au populisme – ce qui vaut aussi s’agissant des clandestins et de leur ‘refoulement’ en mer. Le ministre de l’Intérieur, dont le rôle s’étoffe après Pontida, sait la voie étroite mais mise sur un compromis possible, sur les réfugiés comme sur les frappes en Libye. En l’état, l’engagement italien dure jusqu’en septembre, après on verra. A l’automne, bien des problèmes se poseront, et dans tous les champs d’action du gouvernement. »
« L’incroyable enquête sur la P4 – Tous visés : Gelmini, Carfagna, Prestigiacomo, D’Alema, Bocchino etc. » (Alessandro Sallusti, Il Giornale) : « 19 000 pages d’écoutes : les enquêteurs napolitains ont battu un record, jetant la justice italienne dans un cercle incroyable. Tant d’efforts pour démontrer que Bisignani, lobbyiste au long cours, connaissait et parlait avec les gens importants : ministres, politiciens, journalistes, financiers. Il faisait son travail. En fait, il serait juste accusé de complicité (d’avoir informé certains, dont Letta, d’enquêtes en cours). Malgré tout, le procureur Woodcock sert toute cette paperasse à l’opinion, des ragots judiciaires qui deviennent en quelques jours une vraie bombe médiatique. Tel voit sa vie privée dévastée, tel autres son activité professionnelle : des mots en liberté, et des opinions qui deviennent condamnations sans qu’un indice ou une décision de justice ait prouvé quoi que ce soit. Outre le désir de spectacle et de notoriété, l’objectif est clair : déstabiliser, semer la confusion et faire peur. L’Etat de police pensé par les nostalgiques de Mani Pulite prend forme. A l’époque, la méthode était féroce : je te mets en prison et tu avoues. Aujourd’hui, elle n’est moins rude qu’en apparence : je te mets sur écoute des jours et des mois, je te déconsidère aux yeux de tes associés, de tes amis, de tes parents en révélant tout, qu’il y ait ou non délit. Un coup d’Etat judiciaire en règle. Nul n’en réchappe : un haut responsable (Letta), des ministres et sous-secrétaires (Gelmini, Prestigiacomo, Carfagna, Santanché), un opposant qui dérange (D’Alema), une étoile montante (Montezemolo) mais un seul mis en examen, Mauro Moretti, n°1 des Chemins de Fer. Pour tous les autres, aucune accusation. Le message des magistrats est clair : ici c’est nous qui commandons, c’est nous qui décidons qui arrêter. Et que personne n’essaie de résister ou alors des tiroirs il pourrait sortir de nouvelles bandes. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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