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20/02/2023

"Meloni en route pour Kiev, prête à discuter de la livraison d’avions de chasses italiens."

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Italie. Revue de presse. 

Le soutien à l’Ukraine et les propos du président Volodymyr Zelensky lors de sa conférence de presse font les Unes : « ‘’Je gagnerais avec votre aide. J’ai confiance en Giorgia. Macron ? Avec Poutine, il perd son temps’’ » (Corriere della Sera), « ‘’Italiens, ne nous abandonnez pas’’ ; Giorgia Meloni envisage d’envoyer des avions de chasse et travaille à une conférence pour la reconstruction » (La Repubblica), « ‘’Merci l’Italie, la guerre sera brève’’ » (La Stampa), « Zelensky reconnaissant pour les livraisons d’armes : ‘’avec Giorgia le gouvernement italien est solide’’ » (Il Messaggero), « ‘’L’Ukraine est plus forte qu’il y a un an ; l’Europe et la démocratie sont nos horizons’’ dit Zelensky » (Sole 24 Ore). 

L’intervention du gouvernement italien pour supprimer ou revoir la prime de l’Etat pour la rénovation énergétique des logements ainsi que les débats suscités sont également largement cités par les quotidiens. « ‘’Sur le superbonus des modifications sont possibles’’ affirme Giorgia Meloni ; et Berlusconi met fin aux critiques contre le gouvernement » (Corriere della Sera), « Polémiques sur le superbonus, ‘’cela coûtait 40 milliards [à l’Etat]’’ se défend la Présidente du Conseil » (La Repubblica), « Superbonus, trêve entre Meloni et Berlusconi ; ‘’Chaque Italien a dépensé 2000 euros’’ explique la Présidente du Conseil, ‘’nous protégeons les comptes publics’’ dit le leader de Forza Italia » (La Stampa), « Bouclier pénal sur le superbonus » (Il Messaggero), « Superbonus, un tour de vis en huit étapes » (Sole 24 Ore). 

PREMIER PLAN, Il Messaggero, d’A. Bulleri, “Superbonus, ‘’nous trouverons une solution’’ rassure Meloni, et Berlusconi se montre plus conciliant » : « ‘’Le [système d’aides à la rénovation énergétique] naissait d’une intention louable mais la mesure, adoptée sous le gouvernement Conte II, est si mal écrite et pensée qu’elle a finalement généré une énorme série de difficultés. Des problèmes dont nous avons hérité et que nous tenté maintenant de résoudre’’ commente Giorgia Meloni. Aujourd’hui la Présidence du Conseil a convoqué les représentants du secteur du bâtiment pour des concertations sur le débat brûlant du moment. Dans son rendez dominical sur les réseaux sociaux, la présidente du Conseil a tenté de défendre le tour de vis du gouvernement sur les crédits d’impôts pour la rénovation des logements. Elle souligne le poids la mesure sur les finances de l’Etat et le coût faramineux pour le contribuable (‘’autour de 105 milliards d’euros à ce jour’’), mais souhaite tendre une main aux entreprises du secteur. Elle assure que l’exécutif est conscient de leurs difficultés et appelle à ‘’chercher des solutions afin d’éviter la faillite de milliers d’entreprises’’ tout en ‘’défendant les comptes publics’’. La Présidente du Conseil reçoit également le soutien, un peu inattendu compte tenu des tensions de ces derniers jours au sein Forza Italia, de Silvio Berlusconi. Il défend la décision du gouvernement et le décret pour suspendre le fonds pour les aides à la rénovation - ‘’justifiée voire inévitable afin de préserver le budget de l’Etat’’- comme pour mettre fin aux bougonnements de son partie. Forza Italia avait notamment une réunion de l’ensemble de la majorité pour revenir sur la question. Son leader rappelle que le décret sera également débattu au Parlement où il pourra faire l’objet ‘’d’utiles amendements’’, se faisant presque l’écho implicite de la requête du parti. La Présidente du Conseil soulève quant à elle le problème de la fraude qui représente environ 9 milliards d’euros, encouragée par l’absence de limites fixées aux crédits d’impôt. Il n’y aura donc pas de retour en arrière sur la suspension de la mesure mais elle réaffirme sa volonté de ne pas abandonner les ménages et les entreprises concernées. Elle souhaite ‘’remettre la mesure sur la bonne voie’’, notamment à travers les concertations au Parlement. Meloni et Berlusconi s’en prennent tous deux au gouvernement de Conte (coalition du M5S et du Parti démocrate) et sa ‘’pluie d’aides de l’Etat sans critère’’. »

ARTICLE, E. Buzzi-L. Salvia, Corriere, « Primaires du Parti démocrate, le vote dans les cercles du PD est clos : Bonaccini devant Schlein, qui conquiert la ville de Milan – En Lombardie, Bonaccini l’emporte. Dimanche, vote ouvert à tous sur les places. Et les ‘’vip’’ affichent leur soutien aux candidats » : « Bonaccini est devant Schlein en Lombardie – 45% contre 38. L’avantage pris par le gouverneur de la Région Emilie-Romagne dans le reste de l’Italie (54,3% contre 33,7%) se réduit : ces 21 points pourraient descendre à 17 ou 18. Et le vote des non-inscrits au PD s’ouvre dimanche : un peu plus de 5000 sièges, soit 2000 en moins qu’en 2019. Ce soir, les candidats s’affronteront sur Sky TG24. » 

PREMIER PLAN, La Stampa, d’I. Lombardo, « Meloni dans la capitale ukrainienne, ‘’nous sommes atlantistes et nous le démontrons’’ » : « C’est le voyage promis depuis longtemps, annoncé et reporté à plusieurs reprises. Le déplacement à Kiev comme preuve d’amour atlantiste. Giorgia n’aurait pas pu attendre davantage. La Présidente du Conseil sera à Kiev demain pour garantir à Volodymyr Zelensky tout le soutien possible d’un point de vue humanitaire et militaire. Elle insistera à nouveau sur le fait que le gouvernement italien ne s’éloignera pas d’un millimètre de la ligne à laquelle il adhéré dès la première heure. Elle tentera en somme de faire oublier aux Ukrainiens les propos de Silvio Berlusconi, notamment au sujet de Zelensky (‘’personnellement, je ne l’aurais pas rencontré’’ a-t-il déclaré la semaine dernière). Se rendre à Kiev à 3 jours de l’anniversaire de l’invasion aux côtés du leader de l’invasion est la réponse de Meloni à ceux qui pensent qu’elle pourrait se retrouver prise en otage par ses alliés, plus réticents sur les livraisons d’armes. Le ministre des Affaires étrangères Antonio Tajani a lui aussi rappelé que la position restait inchangée, et qu’au Parlement tous les partis du centre-droit, Forza Italia et Ligue comprises, avaient voté pour. La Présidente du Conseil pourrait également demander à Zelensky de laisser libre les deux journalistes italiens bloqués en Ukraine et sans possibilité de travailler car ils sont soupçonnés de ‘’collaboration avec les russes’’ par les autorités ukrainiennes. Les détails de la mission sont secrets. Elle passera d’abord par Varsovie où elle rencontrera le Premier ministre polonais Morawiecki, le principal allié en Europe de la leader souverainiste mais aussi l’un des plus fervents partisans de la ligne de la fermeté contre Poutine. Lorsque Meloni sera à Kiev, le président Joe Biden prendra le relais à Varsovie pour un sommet avec les pays de la frontière est. »

PREMIER PLAN, Corriere della Sera, de M. Guerzoni, « La Présidente du Conseil à Kiev pour réaffirmer que ‘’ce sont les faits qui comptent’’ » : « Giorgia Meloni ne suivra pas les conseils de Silvio Berlusconi. ‘’En tant que Président du Conseil, je ne parlerais pas avec Zelensky’’ avait averti il y a quelques jours le leader de Forza Italia, suscitant des tensions avec le PPE et renfonçant la défiance de la coalition occidentale quant à la position de Rome. C’est entre autres pour clore l’incident diplomatique que la Présidente du Conseil se dirige vers Kiev en ce moment. Giorgia Meloni s’était engagée à faire ce déplacement avant la date anniversaire de l’invasion afin de réaffirmer la solidarité de l’Italie et la détermination de Rome à fournir un soutien logistique et humanitaire. Cela passe notamment par le sixième décret italien sur l’envoi d’armes à l’Ukraine et la livraison conjointe de Samp-T par l’Italie et la France. ‘’Ce qui compte ce sont les faits au Parlements, pas les mots’’ déclare le gouvernement balayant ainsi les déchets semés par Berlusconi. Mais tous les nuages n’ont pas été dissipés, et Kiev avait réagi de façon très dure aux élans philorusses de Berlusconi. La Présidente du Conseil a hâte de tourner la page et la diplomatie italienne s’y emploie chaque jour, malgré certaines prises de position de Matteo Salvini également. Elle montrera que la ligne de l’Italie reste inchangée depuis Mario Draghi, en suivant les traces de son prédécesseur qui, en juin dernier, avait parcouru l’Ukraine de nuit, en train, alors accompagné de Scholz et Macron. Les deux leaders européens qui, il y a dix jours, étaient attablés à l’Elysée aux côtés du leader ukrainien. Le fameux dîner dont la leader italienne avait été exclue. » 

PREMIER PLAN, La Repubblica, de T. Ciriaco et F. Tonacci, « Meloni en route pour Kiev, prête à discuter de la livraison d’avions de chasses italiens » : « L’exécutif aurait déjà donné son accord pour la livraison d’un nombre tenu secret d’avions de chasses italiens à l’Ukraine. Il pourrait y en avoir cinq, à condition que Rome ne soit pas la première sur la liste des ‘’contributeurs’’, et ce pour des raisons d’opportunité politique. Il faudrait en effet donner l’impression d’être presque contraints à suivre la même direction que les alliés. La Grande-Bretagne est le partenaire qui se dirige avec le plus de conviction vers cette nouvelle étape décisive. Giorgia Meloni fera part à Zelensky de la disponibilité de l’Italie dès les prochaines heures, lors de son déplacement à Kiev. L’Italie ne prendra donc pas la tête du mouvement pour l’envoi d’avions de chasses, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, sa majorité compte d’authentiques fans de Vladimir Poutine. Mais l’exécutif est également conscient du scepticisme diffus de l’opinion publique à cet égard. Toutefois, la Présidente italienne du Conseil ne s’opposera pas si l’Occident devait décider de franchir ce cap. Rome pourrait favoriser le processus de livraison de ces avions militaires de deux façons : d’abord en ne s’opposant pas à un éventuel envoi par le Royaume-Uni d’une dizaine de Typhoon. Pour la livraison à un pays tiers, l’aval de tous les membres du consortium des pays producteurs est nécessaire. L’Italie en fait partie et donnera son accord. De plus, si plusieurs pays se lançaient vraiment dans les envois, l’Italie pourrait leur emboiter le pas, sans pour autant céder ses Eurofighter, fleuron de l’aéronautique italienne, et modèle le plus avancé jamais réalisé en Europe. Meloni s’orienterait probablement plutôt vers les AMX ou sur les Tornado, ce qui s’accompagnerait de la formation de pilotes ukrainiens. Mais il y a un autre terrain sur lequel Meloni ne veut pas que l’Italie soit en reste : celui de la reconstruction. Les Etats-Unis joueront un rôle de premier rang, mais en Europe, l’Italie a pour principal antagoniste la France. Le dîner à l’Elysée organisé par Emmanuel Macron avec Olaf Scholz et le Président ukrainien avait pour objectif premier de se positionner en vue de la fin du conflit, craint la Présidence du Conseil italien. Les relations avec Macron sont désormais dictées par une forte compétition, et pour le prendre de court la leader de Fratelli d’Italia entend lancer dans les prochaines heures l’idée d’une conférence internationale pour la reconstruction de l’Ukraine qui serait accueillie par l’Italie. En se focalisant sur la reconstruction, Meloni se protège également sur le front interne – et des alliés de sa propre majorité – en compensant le soutien de guerre par une action projetée vers l’après-guerre. La visite à Kiev sera également une occasion de rassurer Zelensky sur le soutien du gouvernement italien. Un exercice d’équilibrisme compliqué compte tenu de l’écho international des critiques du leader de Forza Italia à Zelensky mais nécessaire pour sauver la position de l’Italie au sein de l’Alliance atlantique et la face de celle qui dirige le gouvernement. »

 

 

ENTRETIEN, de Vlodomyr Zelensky, président de l’Ukraine, à Kiev, accordé au Corriere della Sera, Repubblica, Il Sole 24 ore, en marge de sa conférence de presse - « ‘’Je gagnerais avec votre aide. J’ai confiance en Giorgia. Macron ? Avec Poutine, il perd son temps’’ »

J : Président, la guerre dure depuis presque un an. Comment allez-vous ?

VZ :  « Je vais bien, je me sens fort. Savez-vous pourquoi ? Car parfois j'ai encore la chance de voir mes enfants, par exemple hier j'ai pu les voir. Ma fille est grande et mon fils a 10 ans, c'est lui qui me donne une grande énergie. Ils sont mes superpouvoirs. Chaque fois que j'ai l'occasion de déjeuner avec eux, c'est le meilleur moment ». 

Les Russes préparent une grande offensive. Comment allez-vous réagir ?

« Cette semaine, nous pourrions être confrontés à la revanche de la Russie, il pourrait y avoir une offensive. Il y a de la nervosité. Certaines parties de l'Ukraine vivent ainsi depuis 2014. Mais les Russes ne sont pas aussi puissants qu'il y a un an, même si de toute façon ils ont prouvés ne pas avoir assez de ressources pour occuper notre pays. Aujourd'hui, ils sont plus faibles et nous, en revanche, nous sommes plus forts. De plus, ils n'ont pas la même motivation que nos soldats. Nous nous battons pour notre pays, pour défendre nos maisons, nos familles. Si nous perdons, nous perdons tout : nos maisons, nos familles. Nous vivons ici ».

A Bakhmout, cependant, les choses ne vont pas bien. Vous affirmez ne pas craindre l'offensive russe, mais vaut-il encore la peine de défendre cette ville complètement détruite et sans grande valeur stratégique au prix de la vie de tant de soldats ukrainiens ?

« Nous ne pouvons pas regarder Bakhmout comme si c'était Hong Kong. Tout est en ruines. Qu'elle soit stratégique ou pas dépend de la façon dont vous la regardez. Ce n'est pas une métropole, et je vais vous en dire plus, toutes les villes de cette région sont petites et dans un état critique. Les gens sont partis, beaucoup de gens sont morts. Ceux qui n'ont pas eu le temps de s'échapper ou qui ont voulu rester subissent un sort différent. Cette région n'est pas constituée de très grandes villes, mais la plupart sont des villages, certains de mille habitants, d'autres de 300.000, d'autres encore de 500.000, comme Marioupol. Qu'aurions-nous dû faire de Marioupol, alors ? En ce qui concerne Bakhmout, il ne s'agit pas d'ordonner aux forces armées de rester et de tenir la position jusqu'à la mort. Cet ordre n'a pas été donné. Cette guerre ne consiste pas à résister et à mourir, il s'agit du fait que nous sommes sur notre terre et que nous la protégerons tant que nous le pourrons. La Russie sait parfaitement que Bakhmout va lui ouvrir la voie vers Sloviansk et Kramatorsk. Sloviansk n'est pas une métropole, Kramatorsk est une grande ville. Et c'est leur plus grande cible dans l'est de l'Ukraine. Et chaque petite ville comme Bakhmout que les Russes conquièrent les rapproche des grandes villes. Je ne dis pas que les habitants de Kramatorsk sont meilleurs que ceux de Bakhmout, non. Mais chaque petite ville que nous perdons est un pas en avant pour les Russes, qui, comme nous le savons maintenant, veulent prendre les frontières administratives des régions de Donetsk et de Lugansk. C'est pourquoi nous résistons ainsi à Bakhmout ».

La tension est au plus haut en Moldavie, qui ne fait partie ni de l'UE ni de l'OTAN. Il n'est pas exclu que Poutine utilise la Transnistrie, où se trouvent 2.000 soldats russes, pour ouvrir un autre front. Si la Présidente moldave, Maia Sandu, se tournait vers vous pour demander de l'aide, quelle serait votre réponse ?

« De nos services de renseignements, nous avons reçu des informations selon lesquelles la Russie visait à profiter de ce moment pour changer le leadership moldave. Nous avons partagé cette information avec la présidente Sandu. Cela a également été confirmé par les pays européens. Les Russes planifiaient tout. Cependant, il n'y a pas de frontières terrestres entre la Moldavie et la Russie. Alors comment pouvaient-ils mener à bien leur projet ? Par où envoyer les troupes et l'armement ? Les Russes avaient besoin d'aéroports. Et il n'y a qu'un seul aéroport en Moldavie, dans la capitale Chisinau. Donc ils devraient utiliser cet aéroport et toutes les ressources possibles en Transnistrie. Maia Sandu ne m'a jamais demandé de l'aide, mais elle m'a remercié pour ces informations. Elle connaît bien notre position. L'Ukraine est toujours prête à aider la Moldavie ».  

Ne craignez-vous pas que, tôt ou tard, l'Occident se lasse de vous soutenir et que vous restiez seul face à la Russie ?

« Personne n'aime se battre seul, c'est normal. Si quelqu'un croit que l'Ukraine restera seule, cela signifie que cette personne ne comprend pas pour qui et pourquoi nous nous battons. Ce n'est pas du pathos, je ne dis pas que nous sommes comme les trois cents Spartiates et qu'il y a un désert derrière nous. Il n'y a pas de désert derrière nous. Ce n'est pas un mythe ou une légende, c'est la vie réelle. Et dans la réalité, nous avons une frontière avec la Russie. Et la Russie a un leader qui veut restaurer l'Union Soviétique. Je dis cela très calmement, sans émotion. Je veux juste expliquer. Parfois, il faut agir comme au football : vous pouvez gagner une fois, mais vous ne pouvez pas gagner tous les matchs si vous n'êtes pas un pays qui a une solide tradition de football. C'est impossible. Et c'est la même chose ici. L'Ukraine a une histoire. Nous nous sommes toujours battus pour notre indépendance. L'Occident peut cesser de nous aider et notre pays sera détruit et n'existera plus, mais au final, pensez-vous que les occupants réussiront à le rendre comme la Russie ? Impossible. Les Ukrainiens détestent la politique de Poutine et il ne peut rien y faire. Poutine veut reconstruire l'Union soviétique, mais il n'y parviendra pas. Des millions de Polonais ne veulent pas de troupes russes sur leur territoire. Vous ne pouvez pas dire aux Slovaques ce qu'ils doivent faire, vous ne pouvez pas prendre la Lettonie, l'Estonie et la Lituanie, vous ne pouvez pas occuper l'Ukraine. En tant que président, je ne pourrai jamais accepter cela ou l’expliquer devant notre peuple. Parce que je pense la même chose que notre peuple : nous ne voulons pas être occupés. Nous ne sommes pas prêts, nous ne voulons pas faire partie de l'URSS, nous ne voulons pas faire partie de la Fédération de Russie. Nous ne sommes pas deux ou trois personnes, nous sommes quarante millions ».

La Présidente du Conseil Giorgia Meloni est en route pour Kiev. Elle est une fervente partisane de l'Ukraine, mais dans la coalition, ses deux alliés, Berlusconi et Salvini, sont très proches de la Russie. Craignez-vous que l'Italie ne quitte la coalition qui vous soutient ?

« Je vais vous dire honnêtement qu'il est très important pour moi de ne pas perdre le soutien de l'Italie, tout comme de ne pas perdre le soutien de tout autre Etat. Nous devons surmonter le mur de désinformation que la Russie a construit pendant de nombreuses années. Leur désinformation arrive à l'heure du petit-déjeuner. C'est leur politique.  Il est nécessaire que les gens observent la vérité, qu'ils soient capables de la distinguer et de l'analyser en ayant accès à de multiples plateformes d'information. Depuis le début de l'invasion, je me suis engagé à construire des canaux d'information fiables à grande échelle. L'essentiel est que la désinformation de la Russie ne puisse percer. Et c'est la chose la plus importante contre laquelle je me bats. Pour être honnête, je me suis battu contre cela depuis le début de ma présidence. La guerre de l'information est le problème numéro un. Les Russes ont fait de la désinformation en Crimée, puis dans le Donbass, pendant de nombreuses années. En Ukraine, ils ont réussi seulement en partie. Nous devons donc travailler pour ne pas perdre le soutien de l'Italie. En perdant l'Italie, nous perdrions d'autres pays. L'Italie est l'un des leaders de l'Union européenne. Économiquement, historiquement et politiquement. Aujourd'hui, la société italienne est unie face à la tragédie de l'Ukraine, espérons qu'aucun problème ni division interne ne surviendra. Il est important que l'Italie et l'Ukraine se comprennent bien ».

Quand vous affirmez que vous allez vous battre pour maintenir le soutien italien, voulez-vous dire que vous allez en parler avec Meloni ?

« Certainement, j'en parlerai avec Giorgia. J'ai entendu les déclarations de Berlusconi. Je ne le connais pas personnellement, je devrais peut-être lui envoyer quelque chose..... Je ne sais pas, qui pourrais-je lui offrir ? De la vodka ? J'ai une bonne vodka. Si une caisse de vodka suffit à mettre Berlusconi de notre côté, alors nous résoudrons enfin ce problème ».

Il y a des sondages qui affirment que 49 % des Italiens n'approuvent pas le choix de soutenir l'Ukraine. Cela ne vous fait-il pas peur ?

« La première chose que j'observe, c'est que si seulement 51 % sont contre Poutine, cela ne signifie pas que 49 % sont en sa faveur. C'est toujours ainsi : dans chaque société, il y a un énorme pourcentage de gens qui ne sont tout simplement pas intéressés. Je veux faire passer un message direct : vous aussi, si vous étiez dans notre situation, vous feriez les mêmes choses que nous. Il est difficile de comprendre ce désintérêt lorsque quelqu'un entre chez vous et tue sous vos yeux. Malheureusement, ce n'est pas un film avec une fin heureuse : ils ont torturés et tués chaque jour. Ici, en Ukraine, nous sommes comme les Italiens, nous mangeons le même pain, nous avons les mêmes valeurs, nous voulons aussi vivre en paix avec nos enfants. Si quelqu'un entre dans votre maison et essaie de vous tuer, vous ne pouvez pas rester neutre. Je veux dire aux Italiens pourquoi nous nous battons : pour survivre. C'est pourquoi les Italiens doivent comprendre qu'ils ne peuvent pas nous abandonner, vous ne pouvez pas le faire. L'histoire est injuste et elle est imprévisible : aujourd'hui c'est notre problème et demain le même malheur pourrait arriver dans un autre pays. La tragédie n'est pas en Russie, elle est en Ukraine et c'est la Russie qui l'a apportée ici. Les Italiens doivent comprendre cela. C'est pourquoi ils ne peuvent pas être neutres. Il vaut mieux avoir un pourcentage plus élevé de personnes pour ou contre, et avoir moins de personnes qui s'en fichent. Je ne crois pas que 49 % soutiennent Poutine, qui n'est qu'un meurtrier. Je ne veux pas le croire et je ne le crois pas. Ces personnes peuvent se déclarer contre la guerre en Ukraine, contre l'inflation, contre les problèmes que ce conflit génère, mais elles devraient protester contre la Russie et son président. Je me suis rendu en Italie plusieurs fois : les Italiens et les Ukrainiens ont les mêmes valeurs familiales. Les Italiens sont très sentimentaux par rapport aux thématiques de la famille et ont des familles très nombreuses, ils aiment réunir toute la famille. Je n'ai jamais entendu de silence dans les familles italiennes à table. Et si le silence doit être, qu'il soit contre la Russie. Se désintéresser signifie rester en "silence" ».

Les tensions entre Washington et Pékin ont augmenté ces derniers jours. Craignez-vous que cela puisse pousser la Chine à soutenir militairement la Russie ?

« La question de la Chine est complexe. Il est important pour nous que la Chine n'aide pas la Fédération de Russie dans cette guerre. En fait, je souhaite qu'elle soit de notre côté. Je ne pense pas que cela soit probable pour l'instant. Mais je vois une opportunité pour la Chine de faire une évaluation pragmatique de ce qui se passe. Parce que s'ils s'allient à la Russie, cela devient une guerre mondiale et je pense que la Chine l'a bien compris. »

Quels arguments soutenez-vous pour convaincre Pékin de sortir de la neutralité ?

« Il y a d’anciens accords, des garanties de sécurité qui étaient une conséquence du Mémorandum de Budapest, auquel d'autres pays ont ensuite adhéré. Il y avait un engagement clair de la Chine à défendre l'intégrité territoriale de l'Ukraine. Nous avions de telles garanties. Et je voudrais maintenant que la Chine adhère à notre plan de paix en 10 points. La sécurité nucléaire est le premier point, sur lequel la Chine devrait jouer un rôle, avec les États-Unis et certains États de l'UE. Pour assurer la sécurité non seulement de l'Ukraine, mais du monde entier. C'est pourquoi ils ne peuvent se contenter d'être neutres, comme ils l'ont été jusqu'à présent. La Chine devrait prendre position en faveur de la formule de paix que nous proposons et des garanties de sécurité.  Je ne parle pas du fait que nous avons d'excellents échanges et relations bilatéraux. La clé est la sécurité nucléaire. Car les Russes se sont emparés de la centrale nucléaire. C'est un défi sérieux et personne ne peut encore le relever, pas même l'AIEA. Personne ne peut avoir une forte influence sur les Russes. Il ne reste que la diplomatie, ou bien nous devons les chasser. Les pousser dehors ».

Voyez-vous des signes d'une aide militaire de la Chine à la Russie en ce moment ?

« Je ne vois pas de tels signaux ».

Le président français Macron déclare que "la Russie doit être vaincue mais pas écrasée". Cela signifie de rester être ouvert à des discussions avec Poutine. Que pensez-vous de cela ?

« Ce serait un dialogue inutile, Macron perd son temps. Je suis arrivé à la conclusion que nous ne sommes pas capables de changer l'attitude des Russes. S'ils ont décidé de s'isoler du reste du monde dans leur rêve de reconstruire l'ancien empire soviétique, nous ne pouvons rien y faire, c'est à eux de choisir de coopérer ou non avec la communauté des nations sur la base d’un respect mutuel. Lorsque les sanctions économiques ont été imposées, certains nous ont accusés d'isoler la Russie, mais ce n'était pas la vérité : c'est plutôt la décision de lancer la guerre qui a marginalisé Poutine ».

Votre pays a besoin d'être reconstruit. Quelles sont vos priorités ?

« Nous travaillons sur nos faiblesses, sur les vulnérabilités que la guerre nous a montrées. Nous avons choisi la voie européenne car le marché de l'UE est le marché de référence. Nous voulons comprendre qui nous aide vraiment, qui sont les vrais partenaires, et dans quel secteur nous avons un déficit productif. Ensuite, il y a les États-Unis, qui sont pour nous le marché de la technologie. Notre haute technologie est l'un de nos secteurs plus importants. Au cours de cette guerre, nous avons vu que notre peuple peut développer des drones, des radars, des systèmes technologiques. Nous avons trois priorités. Premièrement : le secteur de l'énergie, nous voulons le diversifier. Je ne parle pas seulement du gaz naturel et de l'électricité produite par les centrales nucléaires. Nous considérons qu'il est essentiel de développer la capacité à diversifier la production d'énergie et à stocker l'électricité. Ce sont les nouvelles technologies sur lesquelles je veux collaborer avec les États-Unis et l'Europe. Nous devons construire des installations de stockage de l'électricité. La deuxième priorité est le développement agricole. Nous avons approuvé la réforme des terres agricoles. Nous devons maintenant engager des partenaires pour développer le système d'irrigation et le système logistique. Pour construire de nouvelles plateformes céréalières dans l'UE, en Afrique et en Asie. D'énormes dépôts où nous pourrons livrer et stocker le blé, le maïs et les nombreuses cultures que nous produisons en Ukraine. Une fois les plateformes construites, nous pourrons transporter nos marchandises. Nous en avons discuté avec certains pays africains qui aiment l'idée de construire des greniers à céréales. Nous espérons, sur ce projet, avoir des partenaires européens, car un financement important est nécessaire. La protection du secteur de l'eau potable n'est pas moins importante. La Russie a essayé à plusieurs reprises de nous frapper avec des cyberattaques, mais nous les avons repoussées. Nous avons uni les entreprises de haute technologie. Elles n'étaient ni en première ni en deuxième ligne, mais elles ont bien travaillé pour combattre la Russie. C'est pourquoi nous avons une autre ligne de développement devant nous, celle de la cybersécurité ».

Dans le processus de reconstruction, cependant, il semblerait que les entreprises françaises et allemandes soient les protagonistes, pour les entreprises italiennes il ne semble plus rester grand-chose...

« Lorsque nous parlons de reconstruction, nous devons garder à l'esprit deux phases. La première est la reconstruction d'urgence, c'est-à-dire ce dont nous avons besoin immédiatement : des abris anti-bombes pour les crèches, les écoles, les universités. Les gens ne retourneront pas au travail s'il n'y a pas de mesures adéquates pour protéger leurs enfants. Nous devons donner des signaux à notre économie. Donner des signaux pour que les gens s'impliquent à nouveau, pour qu'ils reprennent leurs activités et leurs entreprises. Et pour y parvenir, nous avons besoin de ces mesures de sécurité. Quand je parle d'unr première relance rapide, c'est de cela que je parle. Trouver des partenaires pour reconstruire des maisons où les gens peuvent revenir des pays européens où ils ont été déplacés et recommencer à travailler. Retourner travailler et vivre. Les enfants doivent revenir. La deuxième phase sera la reconstruction du pays. Nous n'avons pas seulement besoin des entreprises françaises, allemandes et italiennes. Pour reconstruire le pays, nous avons besoin du savoir-faire du monde entier. Des investissements, de l'intérêt de tous. Bien sûr, la société italienne soutient notre peuple. Mais maintenant, nous parlons d'affaires. Comment impliquer les entreprises italiennes ? Venez ici et travaillez. Nous vous invitons à venir. Pour nous, la création d'emplois pour les Ukrainiens reste fondamentale. Venez ici et nous reconstruirons l'Ukraine ensemble. Les entreprises françaises et allemandes seules ne suffiront pas ».

(Traduction : ambassade de France à Rome)

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