03/08/2022
"Entretien du Corriere della Sera avec Giorgia Meloni."
Italie. Revue de presse.
L’accord trouvé entre le parti démocrate et les partis centristes Azione et + Europa en vue des prochaines législatives fait la une de la presse italienne, qui y voit un espoir de rééquilibrer les projections face à une victoire annoncée de la droite en septembre autour de la coalition Ligue, Forza Italia et Fratelli d’Italia. « Letta -Calenda, enfin un accord » (Messaggero), « Letta et Calenda scellent un pacte contre la droite » (La Stampa), « Un pacte pour l’Europe – pour le secrétaire général de Azione, c’est un choix de responsabilité sinon l’Italie « risque de devenir le Venezuela ». Toutefois, aucun poids lourd ne sera investi pour les circonscriptions à scrutin uninominal. Le problème Di Maio reste toutefois entier » (La Repubblica). « Le pacte Letta Calenda – Le PD récupèrera 70% des investitures mais les verts et le parti Sinistra italiana protestent. Conte pense qu’ « on se moque des Italiens » (Corriere della Sera). Les journaux suivent également la visite de Nancy Pelosi à Taïwan : « Pelosi à Taiwan, la colère de la Chine » (Corriere) ; « Nancy Pelosi à Taiwan défie la colère de Pékin » (Repubblica), « Nancy Pelosi à Taiwan, la Chine répond : c’est une atteinte à notre souveraineté » (Sole 24 Ore).
PREMIER PLAN, La Repubblica, « « Une alliance pour l'Europe » : le Pd et Azione signent leur pacte » par Giovanna Vitale : « L'alliance libérale-progressiste refait surface sous la forme d'un pacte électoral, que les secrétaires du Parti Démocrate, d'Azione et de +Europa signent au nom de Draghi, de l'Europe et de la bataille contre les souverainistes. Cependant, elle ouvre une faille à gauche : l'axe Sinistra-Verdi a immédiatement demandé au secrétaire démocrate de vérifier si les conditions d'un accord avec eux existent toujours. La clarification est prévue pour cet après-midi. Aucun leader politique ne se présentera dans les circonscriptions uninominales : non seulement Di Maio, Fratoianni et Bonelli sur lesquels Calenda était prêt à consommer la rupture, mais tous les chefs de parti de la coalition, y compris les personnalités qui divisent comme Gelmini et Carfagna. Di Maio pourra se présenter sur la liste du Parti Démocrate s'il le souhaite, car sa nouvelle formation risque d'être écartée du Parlement, mais uniquement sur un siège à scrutin proportionnel. 70% des sièges de la majorité iront aux démocrates, 30% à la fédération Action/+Europe, déduction faite, toutefois, de ceux attribués aux autres forces de la coalition. Les pierres angulaires du programme sont l'ancrage à l'Europe, le soutien à l'Ukraine contre Poutine, et la poursuite des réformes du Président du Conseil, à commencer par la réduction de la dépendance au gaz russe et la construction de regazéifieurs, dans le cadre d'une transition durable. Sans oublier les droits sociaux, du salaire minimum à la réduction de la pression fiscale, et surtout les droits civils, dont le jus scholae. Un accord qui plaît beaucoup à Prodi alors que Conte voit s'évanouir définitivement le rêve d'une alliance avec le Parti Démocrate et parle de « mêlée » de gauche, incompréhensible. Même déconfiture pour Renzi qui déclare : « c'était une occasion extraordinaire de faire un troisième pôle à deux chiffres, cela aurait pénalisé la droite ». Fratoianni et Bonelli sont également sceptiques. »
ENTRETIEN, Corriere della Sera, avec Enrico Letta, secrétaire du parti démocrate : "Calenda agira comme un aimant pour les votes de centre-droit. Maintenant le match est plus ouvert », par Venanzio Postiglione : « L’intérêt de notre accord était aussi le contraste le pacte de l'autre alliance [de droite], réalisée en 48 heures : ils appellent ça un accord, mais c'était une reddition. Lorsque Salvini a décidé qu'il ne se présentait pas comme premier ministre mais comme ministre de l'intérieur de Meloni, c'était fini : la capitulation n’a pris qu'une minute. Il y a treize jours, le gouvernement Draghi fonctionnait à plein régime. Nous avions besoin de temps pour une compréhension équilibrée et pour une coalition plus large, également avec les Verts, Sinistra Italiana, Impegno civico. L'objectif est de donner à l'Italie une alternative à la victoire de la droite, qui était considérée comme inéluctable. Calenda sera capable d'agir comme un aimant pour les votes de centre-droit. Tout comme nous, avec notre liste, avec Roberto Speranza, nous aurons un grand succès dans l'électorat de gauche et de centre-gauche. Si nous étions sortis sans accord, nous aurions envoyé le message des perdants dès le départ, en raison de la loi électorale qui oblige les gens à s'unir. Il est clair que nous sommes sur le terrain pour gagner. Je n'ai jamais vu une composition de liste facile. Ce sera une tâche très difficile, d'autant plus que le nombre de députés est réduit d'un tiers. Mais c'est notre moment : nous allons travailler avec les députés, avec les territoires, avec les fédérations, nous allons avoir une grande poussée. Les circonscriptions décisives sont au nombre de cinquante environ et nous y concentrerons nos forces. Pas quelques-uns. Et je reconnais à Calenda le mérite d'avoir fait un pas en avant significatif, qui a permis l'accord : il ne se présentera pas dans la circonscription à scrutin uninominal de Rome 1, un choix symbolique lui aussi, précisément dans l'esprit de surmonter les vetos. Dans l'accord, le soutien commun à Draghi a été le facteur clé. Un point de départ qui nous permet de travailler dans la continuité. Mais chaque parti a son autonomie et la semaine prochaine, avec Speranza, avec les Démocrates et les Progressistes, nous présenterons notre programme : tourné vers l'avenir, même au-delà de l'agenda Draghi, par exemple sur les droits civils. Un projet qui n'est plus le gouvernement d'union nationale, mais qui imagine une majorité libérale, démocratique, pro-européenne et progressiste. Nous ne voulons pas que l'Italie se retrouve entre un parti qui choisit Orbán et un autre qui aime Poutine. ».
ENTRETIEN, La Repubblica, de Carlo Calenda, dirigeant de Azione « J'ai fait le choix de la responsabilité. Le risque, c'était que l'Italie finisse comme le Venezuela » par Concetto Vecchio : « J'ai été partagé entre deux sentiments : celui de faire cavalier seul, en préservant la pureté de nos idées, et celui de la responsabilité envers le pays. Avec cette loi électorale, nous aurions donné trente circonscriptions à la droite. Nous avions à cœur qu'aucun ancien M5S, ou toute personne ayant voté contre Draghi, ne soit candidat dans les circonscriptions uninominales. Nous ne pouvions pas accepter cela. En attendant, il y a un cadre atlantiste et pro-européen qui est la prémisse de tout. Le PNRR sera réalisé dans son intégralité. Pas de promesses budgétaires irréalisables. Nous n'augmenterons pas les impôts. Les regazéifieurs seront faits, également pour une question de sécurité nationale. Il en sera de même pour les usines de transformation des déchets en énergie. Nous allons investir beaucoup dans les écoles, car nous sommes le pays le plus faible dans ce domaine après la Grèce. Il est évident que nous allons soutenir l'Ukraine, ce qui signifie confirmer l'aide militaire. Il s'agit de la poursuite de l'agenda Draghi. Je suis très satisfait. Sur le revenu de citoyenneté, on le maintiendra avec des ajustements : si on refuse de travailler, on perd les allocations, exactement ce que Draghi voulait faire. Pas de superbonus à 100% sans l’adapter au niveau de revenu et aux économies d'énergie réelles. Si nous n’avions pas fait l’accord, nous pouvions finir comme le Venezuela : nous avons face à nous une droite populiste, avec le risque d’être en marge du G7 en faisant la politique d'Orbán et fait des clins d'œil à Poutine. Je respecte Letta : c'est un socialiste, je suis un libéral progressiste. Il est pour le bonus pour les jeunes de 18 ans, je considère que c'est une erreur. Mais finalement, sur le noyau fondateur des propositions, nous nous sommes mis d'accord".
ARTICLE, La Repubblica, « Le sort réservé à Di Maio devient un problème : le PD ne lui offre qu’une candidature à la proportionnelle » par Lorenzo De Cicco : « Le parti de Luigi Di Maio est né il y a 24 heures et connaît déjà sa première crise. Puisque l'accord avec Calenda prévoit qu'aucun ex-M5S ne se présente comme candidat aux scrutins uninominaux, le chef de la Farnesina obtiendrait un siège sûr, " sur la liste du Pd, mais à la proportionnelle, probablement en Campanie, où il est enraciné. Problème : Di Maio était convaincu d'arracher au moins 3-4 bonnes circonscriptions pour les siens. En acceptant l'offre de Letta, il ne ferait que se sauver lui-même. L'ancien leader politique du M5S a convoqué à huit heures du soir les 60 parlementaires qui l'ont suivi dans la scission, dont 40 en sont à leur premier mandat. « Et dire qu'on aurait pu la jouer avec les 5 étoiles", rappelle plus d'un d'entre eux. Le mécontentement à l'égard des démocrates monte. Di Maio a dit au chef du PD qu'il est profondément "déçu" et qu’il “ne pourra pas accepter une telle offre". Au PD quelqu'un suggère : l'objectif de 3% n'est pas impossible, si Impegno Civico est ajouté à la liste de Federico Pizzarotti. Di Maio est en train de caler pour le moment. Trois possibilités sont ouvertes : une candidature avec le PD et peut-être dissoudre immédiatement son nouveau parti, pour laisser d'autres noms entrer sur la liste démocrate. La seconde : Di Maio en tête de son parti Impegno civico. La troisième, la plus inflammable (et qualifiée de "fantasme politique" par son entourage) : s'allier avec Renzi dans un troisième pôle et dépasser ainsi les 3%. Nous verrons bien ».
COMMENTAIRE, Corriere della Sera, « Un cadre plus clair » par Antonio Polito : « L'accord entre Letta et Calenda rééquilibre en partie une course électorale déjà très déséquilibrée en faveur du centre-droit. La logique du Rosatellum est impitoyable : elle oblige les différents partis à s’unir face aux coalitions adverses. Cet argument, utilisé aussi bien par Letta que par Bonino, a fini par convaincre même le récalcitrant Calenda : le stigmate de celui qui "livre le pays à la droite" l'aurait marqué à vie, un peu comme ce fut le cas pour Bertinotti lorsqu'il fit tomber le gouvernement Prodi. Au contraire, en s'alliant avec le Pd pour empêcher la victoire des " amis d'Orbán et de Poutine ", le jeune leader d'Azione épuise certainement son attrait pour les voix issues de Forza Italia, qu'il avait également recherchées avec la candidature de deux ex-ministres berlusconiennes ; et il renonce à la possibilité de se présenter comme le leader d'un troisième pôle qui le récompensait dans les sondages. Mais en retour, il obtient une compensation non négligeable en termes numériques : trois circonscriptions sur dix est une proportion généreuse, même par rapport aux résultats dont Calenda est maintenant virtuellement crédité. Dans le même temps, le PD peut en pâtir : l'accord avec Calenda sur les regazéifieurs, la réforme du revenu de citoyenneté et le Superbonus, sera en fait utilisé par Conte comme un cheval de Troie pour entrer dans la citadelle électorale du PD. Le leader du PD se présente comme un "trait d'union" entre des alliés mutuellement incompatibles : Fratoianni, Bonelli et Di Maio, à qui il offre un "droit de tribune" et des sièges à la représentation proportionnelle dans un front de "centre-gauche", et Calenda dans la représentation majoritaire dans un front que Benedetto Della Vedova a plutôt baptisé "centre-gauche". L'accord présente plus d'une ambiguïté : les Verts et la Gauche italienne ont déjà déclaré que l'accord d'hier ne les lie pas et ne les concerne pas, et aujourd'hui ils demanderont des comptes à Letta. »
COMMENTAIRE, La Repubblica, « Les gagnants et les perdants dans l'Ulivo de Letta » par Stefano Folli : « À première vue, le gagnant numéro un est Enrico Letta. Il a réussi à mettre en place sa coalition anti-droite et le camp du centre-gauche ressemble un peu à un Ulivo sans Prodi, avec les mêmes inconnues concernant un engagement futur et éventuel au gouvernement. Cependant, l'empreinte pro-européenne est bien évidente, et en plus l'accord avec Calenda a permis d’attirer des électeurs de droite : un élément que l'Ulivo de Prodi n'avait pas. On attend aussi de Letta qu'il soit capable de justifier la coalition par des idées novatrices, libérales si possible, et un agenda social ; mais pas seulement dans une tonalité néo-populiste. Beaucoup sont convaincus que les attaques contre Giorgia Meloni sur ses tendances fascistes sont contre-productives à long terme. Elle et son parti doivent être défiés sur le terrain, précisément, des idées, de ce que l'Italie et l'Europe ont en tête. Le demi gagnant est Calenda lui-même avec ses partenaires de +Europa. Il a gagné un nombre considérable de sièges, il a presque effacé les personnages qui lui étaient nuisibles, de Di Maio à la gauche de Fratoianni et Bonelli. En outre, il a imposé certaines priorités gênantes pour certains alliés, comme les regazéifieurs. Et il a fait une référence claire à Draghi, un point partagé par Letta. Mais reste à savoir si Azione/+Europe sera en mesure d'emporter les 7 % dont les derniers sondages le créditent. Parmi les perdants, Voyons maintenant les perdants. Parmi eux, les bâtisseurs de ponts : ceux de la gauche du PD, mais aussi de l'intérieur, qui auraient aimé rouvrir une relation avec Conte en vue de la saison post-électorale. Parmi les perdants, il y a surtout Renzi. Le "troisième pôle" avec Calenda, Emma Bonino et les exilés de Forza Italia aurait eu une autre saveur. »
ENTRETIEN, Corriere della Sera, avec Giorgia Meloni, dirigeante de Fratelli d’Italia, « Nous, les conservateurs faisons partie de la famille européenne. Ceux qui nous attaquent nuisent à toute l’Italie » par Ernesto Gialli della Loggia/Paola Di Caro : « Meloni cherche à dépasser le « clivage fascites-anti-fascites ». Mais peut-on se dire conservateur européen, aborder les questions de la modernité, tout en conservant des slogans anciens comme "Dieu-Père-Famille" ? Meloni, très attaquée pour le ton de son intervention lors de l'événement Vox, tient à préciser : "Pour nous, conservateurs, cela signifie avant tout se sentir héritiers d'une tradition, d'une culture, d'une identité et d'une appartenance. Et la tâche des conservateurs n'est pas seulement de préserver ce patrimoine mais de le rendre vivant et de l'adapter aux changements imposés par l'histoire ». Le risque, cependant, est que la droite qu’elle a représentée pendant des années l’ancre encore trop dans une vision trop nationaliste. Hier, elle a demandé à Draghi de démentir les rumeurs de vente d'Ita à Lufthansa car, en cas de victoire de sa coalition, "tout pourrait changer" et "après des sacrifices indicibles pour réduire les coûts", il est nécessaire "d'évaluer soigneusement la présence de l'État dans l'entreprise et l'actionnariat des autres partenaires". « J'ai toujours été intriguée par la vision de la concurrence et du marché libre de certaines personnes qui protègent les grandes concentrations économiques, les rentes de situation des monopoles, se rangeant du côté de ceux qui contrôlent les concessions publiques des autoroutes et des aéroports, mais réclament la concurrence pour les chauffeurs de taxi. Si l'État veut être crédible, il doit commencer par remettre en cause les rentes de situation des milliardaires", dit-elle. Pour elle, il faut dépasser le thème de l'origine post-fasciste de l'histoire politique de Meloni. En effet, la dichotomie "anti-fascistes contre fascistes" pourrait même profiter à la leader du FdI « parce que les Italiens se rendent compte à quel point la gauche essaie de fuir ses responsabilités en accusant les autres de choses absurdes". Reste la question de sa crédibilité internationale : sur l'Ukraine elle a adopté la position atlantiste la plus forte de tous les leaders de la coalition, hier encore elle a applaudi le feu vert de la Chambre à l'adhésion de la Finlande et de la Suède à l'OTAN. « J'ai pris la direction des Conservateurs européens, une famille politique historique pleinement intégrée dans le jeu démocratique de l'UE, et nous avons ouvert des discussions aux plus hauts niveaux internationaux. La facticité et le provincialisme avec lesquels certains articles de presse parlent de moi font du tort non seulement à Giorgia Meloni mais aussi à l'Italie, qui est toujours traitée comme une nation anormale à mettre sous tutelle ».
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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