21/01/2022
"Quirinal, Salvini rencontre Conte."
Italie. Revue de presse.
Les discussions entre les dirigeants politiques autour de l'élection du Président de la République font toujours la une de la presse italienne, alors que le scrutin démarrera lundi. Les observateurs relèvent la reprise du dialogue entre les partis, après l'enlisement des derniers jours, alors que la candidature de Mario Draghi commencerait à obtenir un soutien transversal sans faire pour autant l'unanimité au sein des deux coalitions de droite et de gauche : « Quirinal, les négociations reprennent pour un candidat commun » - G. Conte et M. Salvini se rencontrent, le PD se rassemble autour de Draghi et les alliés demandent à Berlusconi de prendre une décision. (Corriere della Sera), « PD-M5S, le nom de P.F. Casini est évoqué » - Il y aurait une convergence sur l'ancien président de la Chambre avec le soutien de Renzi. G. Conte dit non à M. Salvini sur les candidats L. Moratti et E. Casellati. Le M5S est divisé sur le nom du candidat pour le Quirinal (La Repubblica), « La candidature de Draghi se précise, la recherche d'un remplaçant pour le Palais Chigi commence » - Les partis pensent au remaniement : les noms de M. Carbabia et de V. Colao sont évoqués. Mattarella répète qu'il ne souhaite pas prolonger son mandat (La Stampa), « Salvini et Conte évoquent la nécessité d'un candidat commun » - Le chef de la Ligue reprend le dialogue avec l'ancien allié. Berlusconi garde encore sa réserve sur sa candidature (Il Messaggero), « L’ étranger soutient Draghi » - Mais en Italie certains s'y opposent (Fatto Quotidiano), « Des ingérences sur le Quirinal » - Le Financial Times et Bloomberg soutiennent Draghi mais seul le PD souhaite son élection (Il Giornale).
PREMIER PLAN, Corriere della sera, de M. Guerzoni, « Les grandes manœuvres autour du Palais Chigi. Pressions pour former une équipe sur le modèle Draghi » : « À moins d’assister à une prise de conscience et une preuve de bon sens miraculeux, ce sera encore une semaine de passions, de fourberies, de rencontres plus ou moins secrètes pour espérer parvenir à une entente qui nous attend. Au Palais Chigi, la discrétion est de mise, et la seule certitude officieuse est que le Président du Conseil s’en remette aux partis pour atteindre une majorité ‘’ la plus large possible, voire plus large que la majorité actuelle.’’. Si le président de la République devait être élu par une très vaste majorité, le prochain gouvernement devrait être dans la continuité de celui de Draghi. Le rêve des ministres est un exécutif ‘’Draghi sans Draghi’’, celui-ci représentant un gage de sécurité. Le profil qui pourrait le plus assurer cette continuité est Marta Cartabia, que même les plus réticents 5 étoiles pourraient finir par désigner sur indication de Di Maio. Draghi aurait proposé Daniele Franco pour lui succéder, mais le Ministre de l’Economie aurait décliné la proposition. Le président du Conseil s’est donc tourné vers Vittorio Colao. Un autre nom important à signaler est celui de Renato Brunetta, le plus âgé des ministres auquel, selon la loi, revient le rôle de remplaçant en cas de vacance et il est donc le seul avec qui la crise ne s’ouvrirait pas formellement parlant. Dans tous les, quel que soit le nouveau premier ministre qui arrive à Chigi, il est assez certain que le gouvernement connaîtra un réaménagement qui pourrait voir l’entrée de certains poids lourds tels qu’Antonio Tajani. Du côté du centre-gauche, Letta souhaiterait une femme pour remplacer l’un des ministres en poste parmi Bianchi, Cingolani, Giovannini ou Lamorgese. La Ligue rêve de revenir au ministère de l'Intérieur et elle menace de quitter le gouvernement s'il n'en n'est pas ainsi. Il parait cependant peu probable que le Viminal retourne entre les mains des léguistes en raison de la vision neutre qui s’est imposée avec Draghi sur certains sujets tels que l’immigration. »
PREMIER PLAN, Repubblica, de F. Guerrera, « Les craintes de Wall Street pour l’avenir de Draghi. Les marchés encouragent la stabilité » : « Des gratte-ciels de New York à la City de Londres, les dames et messieurs de la finance ne cessent d’enchaîner des coups de fils inquiets. Certes, ils ne font pas partie des grands électeurs, mais leur avis ne peut pas être ignoré. Près d’un tiers de l’énorme dette italienne est entre les mains d’investisseurs privés. Le souci de ces ‘’électeurs fantômes’’ est le fameux spread qui est actuellement aux alentours de 140 points pour le taux de base, bien loin des 574 atteints en 2011 qui marquèrent la fin du gouvernement Berlusconi. Dans l’idéal, les investisseurs préféreraient que Mario Draghi reste là où il est, et pourquoi pas un Mattarella Bis pour ne pas changer une équipe qui gagne. Un deuxième scénario prévoit que Draghi soit transféré au Quirinal à condition qu’il assure la stabilité du gouvernement. Les manœuvres en coulisses de ces derniers jours devraient cependant apaiser les inquiétudes des étrangers. Ceux qui se sont entretenus avec Draghi ces derniers jours ont tous reçu le même message : le Président du Conseil est en train de faire tout son possible pour s’assurer de la stabilité du gouvernement, indépendamment de la personnalité qui occupera les plus importantes fonctions. Parmi les plus curieuses analyses étrangères au sujet de la situation italienne, nous signalons celle de l’icône du capitalisme Goldman Sachs dans sa note ‘’Should I Stay or Should I Go ? ’’ qui peut se résumer ainsi : pour l’instant pas de grandes inquiétudes à avoir, mais attention aux imprévus de la politique italienne. »
PREMIER PLAN, Corriere della sera, de M. Cremonesi, « Quirinal, Salvini rencontre Conte. Des tentatives d’entente pour parvenir à un nom partagé » : « Le centre-droit reste suspendu à la candidature de moins en moins convaincante de Silvio Berlusconi, et Salvini et Meloni ne font que répéter que le centre-droit sera compact jusqu’à la fin. Dans tous les cas, aucune date à l’horizon pour la réunion du centre-droit qui devait se tenir hier et que le Cavaliere a décidé de renvoyer au dernier moment. La rencontre n'a cependant pas encore été annulée et l'espoir qu'une date apparaisse dans les prochaines heures est réel. Salvini, quant à lui, ne cesse d’enchaîner les rencontres en tête-à-tête dont la plus remarquable est celle qu’il a eue avec Conte. Les deux se sont certainement rencontrés dans l'espoir de trouver un nom permettant de recueillir une large entente. Cependant, quelques heures plus tard, un communiqué de la Ligue a tenu à rappeler le ‘’rôle déterminant de Silvio Berlusconi’’. En somme, la situation continue de sombrer dans le chaos, et même si Salvini parle de la possibilité d’élire quelqu'un comme Casellati, Moratti ou Pera, beaucoup doutent que ces noms puissent atteindre le seuil des 505 voix. C’est alors que devraient émerger les noms qui n’ont pas encore été dévoilés. »
EDITORIAL, Il Giornale, A. Minzolini « L’intérêt de la nation » : « Si S. Berlusconi devait finalement renoncer à sa candidature pour le Quirinal, il le ferait exclusivement pour sauver l’intérêt du Pays, pour montrer encore une fois que ses ambitions légitimes sont toujours subordonnées à l’intérêt du pays. Le « Cavaliere » considère ‘’injuste’’ d’être considéré comme « clivant » après avoir assuré pendant 10 ans la stabilité et la gouvernabilité du pays. C’est un esprit de responsabilité qui lui a coûté cher en termes de popularité et qui aujourd’hui est récompensé par l’énième campagne d’intimidation venant de l’intérieur comme de l’extérieur de la péninsule. A l’intérieur par une gauche qui, sans consensus et divisée comme jamais auparavant, réitère les anciennes méthodes de légitimation anti-Berlusconienne. Et à l’extérieur par les pressions - moins importantes par rapport à celles qui avaient provoqué la crise de son gouvernement en 2011 - qui prennent un aspect caricatural : le FT, Bloomberg et The Economist, qui avaient soutenu l’idée que Draghi reste au Palais Chigi, font maintenant ‘’marche-arrière’’ et soutiennent sa candidature au Quirinal. C’est triste que l’on veuille nous considérer comme un pays de Polichinelle. C’est un fait qui devrait faire réfléchir ceux comme G. Meloni, qui évoquait la nécessité d’un ‘’patriote’’ (à moins qu’il ne s’agisse d’une simple rhétorique) et ceux qui, comme Salvini, invoquent tous les jours l’italianité. Ces derniers devraient reconnaître à Berlusconi le mérite de mener cette bataille, car un jour il y aura la même campagne de diabolisation contre le ‘’souverainiste’’ Salvini ou la ‘’fasciste’’ Meloni. Or, ces derniers lui demandent depuis des jours des réunions et de savoir de quelles voix il dispose : une demande enfantine dans la situation actuelle et qui aurait fait sourire n’importe quel chef de courant démocrate-chrétien aux prises avec l’élection du Chef de l’Etat. Il serait donc préférable que Berlusconi se présente au 4e scrutin et, en parallèle, s’il ne devait pas être élu, évaluer – sur le soutien à sa candidature - l’unité du centre droit. Un centre droit qui pourrait être le maître du jeu, s’il n’y avait pas ces défections et ces doubles jeux. Ce serait préférable, certes, mais Berlusconi ne peut pas mener à lui seul cette bataille, subissant même la méfiance, voire l’absence de soutien de la part de ses propres alliés. Ceux qui, paradoxalement, devraient l’inviter à tenter sa chance. Surtout car l’intérêt du pays est prioritaire pour lui, tout comme cette alliance qu’il a fondée et à laquelle, peut-être, il est le seul à croire encore. »
EDITORIAL du directeur, Il Foglio, par C. Cerasa « Le Palais Chigi après Draghi » : « Il est possible que Draghi parvienne à diriger l’Italie depuis le Quirinal, cela non pas grâce à des raisons nobles mais à l’incapacité des partis de trouver une alternative. Si certains considèrent que le passage de Draghi au Quirinal finirait inévitablement par amoindrir le prochain président du Conseil, il est vrai aussi que les partis auront alors un poids majeur. Peu importe que le successeur de Draghi soit un technicien (Colao ? Cartabia ? Franco ?) ou un politique. Déplacer le point d’équilibre du Palais Chigi au Quirinal avec une personnalité comme Draghi permettrait aux partis d’avoir un ancrage solide, fort et pouvant mettre en sécurité les fondamentaux du pays pendant 7 ans. Et éviter aux partis de se retrouver divisés sur ces fondamentaux, ce qui exposerait le pays à une perte de crédibilité qui entraîne souvent une perte de souveraineté. Avec Draghi au Quirinal, la politique peut enfin reprendre son cours avec un gouvernement plus politique et moins technique. Cela conduirait les partis à gérer directement les ministères les plus importants, actuellement dirigés par les techniciens, et faire un pas en avant vers la saison de la responsabilisation. Draghi pourrait être élu au Quirinal par la voie la plus courte : celle du chaos. Mais si, au contraire, elle devait se faire par le biais d’un choix précis, la politique en sortirait renforcée et pourrait reprendre son espace, sans pour autant mettre en discussion les fondamentaux. »
ENTRETIEN, La Stampa, de Matteo Renzi, fondateur et dirigeant d’Italia Viva « Si on décide de présenter Draghi, nous ne pouvons pas nous permettre d’échouer car nous finirons alors par le perdre » : « Même ceux qui le détestent reconnaissent à Renzi un certain talent dans le rôle de faiseur de roi (Mattarella, Draghi lui-même). Du coup, l’alerte qu’il lance à 78 heures du début du scrutin ne devrait pas passer inaperçue. ‘’Nous pouvons très bien placer Draghi comme attaquant au Palais Chigi ou comme gardien de but au Quirinal, mais une chose est sûre : nous ne pouvons pas nous permettre de le perdre. La moitié des Italiens le veut au Quirinal, l’autre moitié au Palais Chigi. Quoi qu’il en soit, presque tous reconnaissent que sa présence en politique est une valeur ajoutée. Quand il a dit ‘’je suis un grand-père à disposition des institutions’’, il voulait dire qu’il est disposé à jouer n’importe quel rôle que le Parlement voudra bien lui assigner. Par conséquent, si on devait proposer la candidature de Draghi, il faut qu’on soit sûrs qu’il sera élu. Sinon on le perdra. Cela fait des semaines que je répète que pour avoir Draghi au Quirinal pendant 7 ans il faut au préalable une opération politique de soutien. A l’instar de l’opération qui a fait démissionner Conte et Casalino et tourné la page Conte avec l’arrivée de l’Exécutif de Draghi. Si une stratégie de l’après-Draghi au Palais Chigi existait, l’opération Draghi au Quirinal serait alors chose faite. Les deux noms évoqués jusque-là, Colao et Cartabia ? Je ne crois pas qu’il n’y ait que ces deux candidats. Quant aux autres noms cités, tels que M. Pera et P.F. Casini, presque tous les anciens présidents des Chambres sont de potentiels candidats au Quirinal, surtout s’ils ont joué leur rôle dans le respect des institutions et avec une popularité transversale, comme ce fut le cas pour Napolitano, Scalfaro, Cossiga, Pertini et tant d’autres. Salvini, en ce moment, est celui qui distribue les cartes du jeu. J’espère qu’il jouera bien pour l’intérêt du pays. Et qu’il évite l’échec qu’a connu Bersani. Ce dernier a détruit sa carrière politique en gérant le match du Quirinal comme un amateur. Cela nuirait non seulement à Salvini mais à tout le centre droit. Je crois que d’ici la fin de la semaine, ils décideront de leur stratégie’’. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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