18/07/2008
Euroscepticisme en Autriche
Maurin Picard, Vienne
Vendredi 18 juillet 2008
L'Autriche a mis fin le 9 juillet à sa coalition de gouvernement «noire-rouge», après dix-huit mois d'une pénible et stérile cohabitation entre ministres de gauche et de droite. La petite république alpine s'achemine vers des élections législatives anticipées le 28 septembre prochain, sur lesquelles planent le spectre du retour de l'extrême droite et d'une profonde vague d'euroscepticisme.
L'échec est cuisant pour le social-démocrate Alfred Gusenbauer (SPÖ), qui «rêvait de devenir chancelier» et n'a pu, une fois arrivé au sommet du pouvoir, faire la synthèse entre son programme de campagne et celui des démocrates-chrétiens (ÖVP) du vice-chancelier et ministre des Finances, Wilhelm Molterer.
Mais la faute en incombe également à Alfred Gusenbauer lui-même, qui a commis une grave erreur politique, en publiant le 26 juin dans le quotidien populiste Kronen Zeitung un article qui a scandalisé ses pairs et indigné l'ÖVP. Constatant l'échec du référendum irlandais sur le Traité de Lisbonne, Gusenbauer exigeait qu'à l'avenir, les traités européens en Autriche soient systématiquement soumis à ratification par la voie référendaire, et non plus parlementaire. Outré, Wilhelm Molterer a annoncé la fin de la coalition. Si Molterer peut se féliciter d'avoir fait chuter son concurrent de gauche, désavoué par le SPÖ et remplacé par le ministre des Transports Werner Faymann, il pourrait retrouver un redoutable adversaire sur son chemin, avant de pouvoir rêver de constituer son propre cabinet.
L'ÖVP, en effet, atteint 33% des intentions de vote, contre 26% au SPÖ, mais cela ne sera pas suffisant, et de loin, pour espérer dégager une nette majorité parlementaire. Or, le FPÖ, ce mouvement d'extrême droite emmené par le hargneux Heinz-Christian Strache voit les sondages en sa faveur culminer à 22%, alors qu'il atteignait péniblement les 11% lors des dernières élections du 1er octobre 2006.
SPÖ comme ÖVP clament haut et fort qu'ils ne s'allieront «jamais» au FPÖ pour gouverner, mais l'échec spectaculaire de leur alliance, si elle sonne le glas des grandes coalitions d'après-guerre, pourrait aussi rappeler l'extrême droite autrichienne au pouvoir, huit ans après le succès inattendu du parti de Jörg Haider. L'Union européenne avait alors imposé des sanctions collectives à l'encontre de Vienne, avant que la crise ne se résolve au bout de six mois.
28% de pro-Européens
En position d'arbitre, bien campé dans son rôle d'opposant dénonçant l'incurie des gouvernants, Heinz-Christian Strache savoure pour le moment sa revanche sur les partis traditionnels et se contente de répéter ses discours habituels contre l'immigration clandestine et l'Europe, jugée coupable de tous les maux. Du petit-lait pour les électeurs, dont 28% seulement conservent une opinion favorable de Bruxelles, tout en se déclarant globalement «très heureux» à 82%. Mais l'Europe, jure-t-on en Autriche, n'a absolument rien à voir avec ce bonheur-là.
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