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25/07/2024

"Prisons, Meloni bloque Forza Italia : ‘Non à une grâce masquée’."

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Italie. Revue de presse.

Le discours du Président de la République Sergio Mattarella, et notamment sa défense de l’information et de la liberté de la presse lors d’une cérémonie officielle, hier, à quelques jours de l’agression d’un journaliste par Casapound fait la une des médias : « ‘Tout acte commis contre la presse est une action subversive’’ prévient le Président de la République italienne » (Corriere della Sera, La Repubblica, La Stampa).

 ANALYSE, Corriere della Sera, de M. Breda, « Contestations et intimidations, voici ce qui a motivé le chef de l’Etat » : « Le 28 juin, intervenant au sujet de l’enquête publiée par Fanpage qui dévoilait les nostalgies fascistes et l’antisémitisme de certains membres de la Gioventù Nazionale, Giorgia Meloni exprimait un jugement dur sur ce modèle journalistique et posait une question à la Présidence de la République italienne : ‘’Je prends acte qu’il est maintenant possible de s’infiltrer dans les partis, d’assister secrètement aux réunions et de les publier. Est-ce autorisé ? Je le demande au Président de la République’’. L’interrogation est restée en suspens. Sergio Mattarella ne veut pas de polémiques au sommet des institutions. Il reste cependant ferme sur le fait que l’état de l’information dans notre pays l’inquiète. Le message alarmant à travers lequel il a fait le lien entre une série d’épisodes le démontre : ‘’Ces derniers temps, les contestations et les intimidations, si ce n’est les agressions à l’égard des journalistes qui documentent les faits s’accumulent. Mais l’information, c’est précisément ça, comme on l’a vu à Turin il y a quelques jours… C’est la documentation de ce qui existe, sans obligation de rendre des comptes. La lumière sur des faits jusqu'ici négligés’’. Mattarella use rarement d’un ton aussi net et péremptoire. Mais ce qui l’inspire cette fois, c’est une véritable ‘’altération de la réalité’’, qui devrait être surveillée avant tout par ceux à qui on a confié le devoir d’informer. Voilà le point critique sur lequel se concentre le Président avant d’évoquer le règlement sur la liberté des médias, mis en chantier par l’UE et qui sera ‘’mis en œuvre progressivement’’ à partir du 8 novembre prochain. Et ici, il serait absurde d’affirmer que Mattarella ne fait pas allusion aux nouveaux postes attribués au sein de la Rai, pour en contrôler les contenus ». 

ENTRETIEN, La Repubblica, d’Ignazio La Russa, Président du Sénat « Oui, je suis parfois négligent, non à l’antisémitisme des années 70 », par T. Ciriaco : « A travers ce genre de [déclarations polémiques] je ne cherche pas à susciter une vague de soutien à mon égard. Je suis comme ça, je dis ce que je pense […] des fois je me dis que c’est une erreur, mais ensuite je me convaincs que j’ai 77 ans et que je préfère vraiment dire ce que je pense. Moi, je défends la liberté, j’ai tout à fait conscience de l’aberration des lois fascistes et de la lutte pour les institutions démocratiques. Mais si vous me parlez d’antifascisme, je pense aux années 1970 (les ‘’années de plomb’’ marquées par le terrorisme en Italie, ndt). J’ai vécu les années 70 à Milan, c’est quelque chose de marquant. Mon père était fasciste, il me disait que ce n’était pas que du mauvais. Quand je lis Renzo De Felice [historien italien spécialiste du fascisme, ndt] je pense : peut-être que ce que me disait papa n’était pas si absurde ». 

COULISSES, La Stampa, de F. Capurso et F. Olivo, « Prisons, Meloni bloque Forza Italia : ‘Non à une grâce masquée’ » : « Fratelli d'Italia craint depuis le début les effets du débat sur les prisons. Selon Giorgia Meloni, la solution pour alléger la population carcérale en Italie ne peut pas être d’assouplir les peines ou gracier les détenus, et sur ce point, elle ne veut pas céder. C'est précisément de la Présidence du Conseil qu'est venu l'ordre péremptoire de ne pas parler du décret, si cher à la Présidence de la République, comme un "vide-prisons". Pour Fratelli d’Italia, il s'agirait d'un "message dévastateur" pour l'électorat de droite et qui contrasterait avec l'image de rigueur absolue imposée par Meloni. Ces derniers jours la Présidente du Conseil a découvert qu'elle avait un nouveau problème au sein de la majorité, il s’agit de Forza Italia. Le parti de Tajani au Sénat a insisté sur le décret sur les prisons, comme il l'a rarement fait pour d'autres mesures dans le passé : il voulait que ses 9 amendements soient débattus et votés. Une réunion d’urgence est convoquée dans le bureau de la présidente de la Commission Justice, Giulia Buongiorno entre les membres du gouvernement FDI, dont le ministre Nordio, et des représentants de FI. Peu après, la résistance de ces derniers fond comme neige au soleil. À l’issue de la réunion, seuls deux amendements survivent. Pour Tajani, c'est une défaite difficile à digérer. »

COMMENTAIRE, La Repubblica, de S. Folli, « La difficile voie des réformes » : « Certains en doutent encore, mais il est fort probable que l'Italie paye le prix de son vote contre la réélection d’Ursula von der Leyen. Le spécialiste de la Constitution Stefano Ceccanti, figure de référence de la gauche, estime, par exemple, que le rapport annuel sur l'état de l'Union est sévère en ce qui concerne l'Italie. Les critiques adressées à l'Italie à travers une longue série d'arguments sont-elles exagérées ? Peut-être, mais il ne faut pas pour autant les ignorer. Si même le Président de la République parle d'"actes subversifs", à propos d'actions d'intimidation contre la liberté d'information, cela signifie que la ligne rouge a été franchie. C'est du moins le sentiment qui se répand dans une partie non-négligeable de l'opinion publique. Car ce qui compte, ce sont les faits, et plus encore la manière dont ils sont perçus, ce qui accroît le sentiment collectif d'incertitude. Quelles conséquences politiques peut-on en tirer ? On pourrait dire que le gouvernement Meloni s'affaiblit. L'enchaînement des mésaventures et des mauvais choix crée une impression de précarité croissante. En revanche, il n'y a aucune raison d'imaginer une crise gouvernementale à court ou même à moyen terme. À l'heure actuelle, personne dans la coalition de droite n'a intérêt à faire trébucher Giorgia Meloni. Nous sommes dans la phase où les contrastes et les frictions entre les partis visent à gagner des espaces de pouvoir, certainement pas à renverser la table. Après tout, le vote pour les élections européennes est le signe de la bonne santé de Fratelli d'Italia et de leur leader. Par conséquent, si l'on parle d'une Meloni affaiblie, on ne se réfère pas au rapport de forces avec une opposition qui est encore loin de constituer une alternative à portée de main. Parler d'affaiblissement signifie que la première phase du gouvernement est terminée et que la Présidente du Conseil n'a plus la touche magique des premiers mois. On pourrait multiplier les exemples, mais un seul suffira. La réforme pour l’élection directe du Premier ministre, l'une des réformes phares de Meloni, mais aussi parmi les plus controversées, aurait besoin d'un élan extraordinaire pour être débattue et approuvée au Parlement. Au lieu de cela, en cette période où apparaissent les premiers signes d'une usure qui affecte principalement la figure de la Présidente du Conseil, il devient plus difficile, et même risqué d'insister avec la même conviction des débuts de la législature. Aujourd'hui qu'émergent toutes les ombres du texte préparé par le gouvernement aller à l'épreuve de force dans un moment de faiblesse semblerait un non-sens. »

ANALYSE, Sole 24 Ore, B. Romano : « La Commission européenne lance des avertissements sur les médias et le ‘’premierato’’ » : « La Commission européenne a publié hier un rapport sur l’état des droits en Italie. Entre autres choses, Bruxelles y souligne les risques sur l’indépendance de la RAI. La Commission rappelle que les règles sur le financement de l’audiovisuel public visent à garantir le bon fonctionnement du service public et son ‘’indépendance’’. Le rapport souligne particulièrement la diminution de la redevance télé de 90 à 70€, ce qui pose le souci du financement de l’entreprise publique et compromet sa stabilité économique, alors qu’un règlement européen entré en vigueur en mai, le Media Freedom Act, entend protéger l’indépendance de la presse et des médias. Edulcoré, d’après certaines sources, sous la pression du gouvernement italien, le rapport critique aussi l’abolition du délit d’abus de pouvoir, qui met selon lui à mal la lutte contre la corruption : ‘’les modifications proposées pourraient réduire le temps disponible pour mener des poursuites judiciaires dans le cas de délits pénalement répréhensibles’’, peut-on lire. Sur la réforme du premierato, la Commission s’inquiète aussi du déséquilibre des institutions et particulièrement des contre-pouvoirs. Bruxelles note aussi l’interdiction de publier la mise en détention provisoire avant le début d’un procès, le manque de réglementation sur le lobbying, des critiques qui adoptent souvent le point de vue d’organismes tiers, ce qui est d’après certains une stratégie pour contourner les pressions de Rome et ne pas supprimer toutes les remarques. Enfin, sur les médias, on relève 75 agressions de journalistes depuis le début de l’année, une augmentation des comparution judiciaires avec comme objectif d’intimider et la multiplication des dénonciations pour diffamations de la part du gouvernement. »

 EDITORIAL, Il Foglio, de C. Cerasa, « Vous voulez être les Chamberlain de l’Italie ? Grande leçon de Sergio Mattarella sur Kiev. Contre les idiots utiles de Poutine et les pro du drapeau blanc » : « Le Président Sergio Mattarella s’exprime parfois indirectement ou par allusions, laissant le soin aux journalistes d’interpréter le lendemain dans la presse le moindre de ses mots et attitudes. Mais ça n’a pas été le cas hier, lors de la cérémonie officielle dite de l’éventail, [réunion annuelle du Président de la République, des Présidents des Chambres et de l’Agence de presse parlementaire avant la pause estivale des travaux parlementaires]. Le Chef de l’Etat s’est exprimé avec clarté sur un sujet où les allusions et les ambiguïtés ne manquent pas : la guerre en Ukraine. Il a remis les points sur les i, s’adressant notamment aux faux pacifistes, c’est-à-dire ceux qui appellent à désarmer l’Ukraine et à laisser Poutine tranquille. Sergio Mattarella a réitéré l’engagement convaincu de l’Italie pour soutenir l’Ukraine, aux côtés de la quasi-totalité des pays de l’UE et de l’OTAN. ‘’La Russie a offert à l’OTAN une relance imprévisible de son rôle de protagoniste, or on se souvient des mots de plus d’un chef d’Etat et de gouvernement de l’OTAN, il y a à peine trois ans, jugeant l’Alliance reléguée au second plan, pour utiliser une expression très réductrice par rapport aux expressions employées alors’’. S. Mattarella s’est dit attristé des énormes ressources financières dédiées à l’armement dans le monde mais son message reste ferme ‘’à qui la faute ? à ceux qui défendent leur liberté, à ceux qui aident un pays à la défendre ou à ceux qui attaquent la liberté des autres ?’’. Mattarella évoque la parabole de Neville Chamberlain qui, en 1938, avait laissé l’Allemagne annexer une partie de la Tchécoslovaquie sous couvert de garantir ainsi la paix. ‘’L’Italie, ses alliés et ses partenaires européens soutiennent l’Ukraine et défendent ainsi la paix, afin d’éviter une succession d’agression de ses voisins les plus vulnérables car cela provoquerait, au XXI° siècle, l’explosion d’une guerre mondiale’’. S. Mattarella en a après la gauche pacifiste et la droite nationaliste, après les idiots utiles de Poutine, la gauche réformiste, timide sur le dossier ukrainien, après le monde catholique et peut-être ceux qui suivent à la lettre les mots du Pape François qui a invité l’Ukraine à avoir le courage de ‘’hisser le drapeau blanc’’. Mais il en a aussi après le gouvernement et ce qu’il pourrait faire à l’avenir. Peut-être qu’il faut un dessin à certains pour faire comprendre que défendre l’Ukraine ce n’est pas seulement défendre les frontières d’une démocratie attaquée, c’est aussi apprendre à défendre toutes les démocraties dans le monde, y compris l’Italie. Cela vaudrait aussi en cas d’une victoire de D. Trump. Vive Mattarella ! »

COMMENTAIRE, Corriere della Sera, B. Splitz : « La salvinisation du parti de Marine Le Pen » : « Lorsque le RN semblait proche de Matignon, un petit refrain rassurant s’est diffusé : le parti est en train de se méloniser. Ce slogan est en fait une fable : le RN n’est pas du tout en voie de mélonisation, il est en pleine salvinisation. Le Rassemblement national n’est en effet pas Fratelli d’Italia, parti au sein duquel se trouvent de nombreux responsables formés à la Démocratie Chrétienne, comme Guido Crosetto. Le RN ressemble beaucoup plus à la Ligue pour sa proximité historique avec Moscou, son rejet de l’atlantisme, son approche économique étatiste, là où Meloni est libérale. Et puis il y a aussi l’Europe, où les deux partis restent accrochés à des positions très différentes, jusqu’à la création récente du groupe des Patriotes pour l’Europe, où le RN tient la dragée haute aux autres partis, mais que FdI a refusé de rejoindre. Il est donc facile de voir comment le RN se rapproche plutôt de Salvini sur les sujets relatifs à l’immigration, à l’économie, aux affaires étrangères aussi. Le RN a aussi accepté d’avoir comme vice-président de Jordan Bardella à Strasbourg un homme, Roberto Vannacci, ouvertement homophobe et qui a écrit ‘’oui, il y a eu la Shoah, mais ça ne veut pas dire qu’il faut garantir l’impunité aux juifs’’. Voilà pourquoi la comparaison entre Giorgia Meloni et Marine Le Pen ne tient pas, surtout que par le passé les autorités françaises se sont montrés très méfiantes avec Giorgia Meloni, compliquant les relations franco-italiennes en dépit du traité du Quirinal. Alors que l’Europe semble embrasser le populisme, on peut se demander quelle tendance sera privilégiée : continuer à inclure Meloni à la droite européenne du PPE, ou bien la marginaliser et la laisser en proie aux courants internes qui voudraient la voir se rapprocher du RN ? Là est l’enjeu franco-italien, et plus largement européen, si nous voulons réussir à conjurer la ruine annoncée de l’UE. »

(Traduction : ambassade de France à Rome)

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