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14/06/2024

"Le transformisme politique de Giorgia Meloni."

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Italie. Revue de presse. 

Le G7 des chefs d’Etat et de gouvernement dans les Pouilles, et notamment l’accord pour un prêt de 50 milliards de dollars à l’Ukraine grâce à l’utilisation des actifs russes gelés, ainsi que la polémique autour de la formulation sur l'accès à l’avortement dans la déclaration finale, fait la Une des principaux quotidiens : « G7, un accord historique sur les actifs russes » (Il Messaggero, Sole 24 Ore), « Les priorités du G7 » (Avvenire), « G7, tension entre Macron et Meloni» (Corriere della Sera, Repubblica), « Coup de froid entre Macron et Meloni sur l’avortement » (La Stampa), « Meloni « efface » le droit à l’avortement » (Domani). Les suites de la séance houleuse mercredi à la Chambre lors de la discussion sur la réforme de l’autonomie régionale sont encore en une « Onze députés suspendus, les oppositions manifestent dans la rue » (RepubblicaCorriere), « La Chambre sanctionne à la fois les responsables et la victime » (Fatto). 

Les JT couvrent essentiellement Le G7 des chefs d’Etat et de gouvernement dans les Pouilles, les sanctions pour les députés responsables de la séance houleuse de mercredi à la Chambre, et le coup d’envoi du championnat d’Europe de football 2024 

COMMENTAIRE, La Repubblica, A. Bonanni « Le défi lancé à Poutine » : « Les sept dirigeants de l’Occident démocratique, arrivés amoindris au rendez-vous italien, se lancent réciproquement des piques électorales et post-électorales sur l’avortement. En réalité, ils tentent de rétablir l’ordre des priorités dans un monde qui semble leur tourner le dos, à l’extérieur comme en interne. Il fallait donc remettre la guerre déclenchée par Poutine au cœur de l’attention occidentale. Les sept ont trouvé une pleine convergence de positions et d’intérêts politiques sur la question ukrainienne. La décision du G7 a trois objectifs : 1/ montrer que le soutien occidental à Kiev n’a point faibli après plus de deux ans de conflit. 2/ mettre fin au jeu de la Chine qui ne pourra plus soutenir la Russie en cachette, les entreprises aidant Moscou avec la fourniture de matériel militaire seront désormais sanctionnées.3/ briser les espoirs de Poutine avec le mécanisme de financement à l’Ukraine que Trump ne pourra pas démanteler s’il devait être élu. Les autres dirigeants européens ont eux aussi intérêt à souligner comment l’attaque russe (et de la Chine) contre les démocraties est et doit rester le principal facteur discriminant du point de vue des valeurs dans les différentes crises politiques faisant suite aux élections européennes. Macron peut facilement souligner combien son adversaire Marine Le Pen est proche de l’ennemi russe. Pour Scholz, remettre l’urgence ukrainienne au centre du débat politique allemand pourrait représenter ce pont pour construire avec le CDU/CSU une alliance alternative. » 

COULISSES, La Repubblica, de T. Ciriaco, « Une nuit marquée par les coups bas, Biden menace d'opposer son veto et la Présidente du Conseil s’en prend à l' "ennemi" de l'Elysée » : « Voilà ce qui se cache derrière la confrontation entre Giorgia Meloni et Emmanuel Macron. Avant-hier soir, à Borgo Egnazia, les sherpas négocient sur les derniers détails, se penchent sur la question des avoirs russes, mais aussi sur l'avortement. À un moment le débat dérape. Joe Biden (qui rencontrera Giorgia Meloni aujourd'hui) demande à ses diplomates de menacer d'opposer son veto sur les déclarations finales du sommet, s’opposant à la ligne italienne conservatrice concernant les droits des femmes. Or, sans la signature des Etats-Unis, ce serait un coup très dur pour le Sommet. Les conseillers de Rome et de Paris s’accordent alors sur une tournure de phrase afin de sauver ce qui peut l'être. A trois heures du matin, Elisabetta Belloni, la sherpa italienne qui dirige la réunion, estime que la discussion a porté ses fruits et peut prendre fin. En réalité, s’il y a un accord sur les fonds souverains de Moscou, pas de trêve en revanche sur l'IVG. La tension s’immisce au sommet. Il ne pouvait en être autrement, à la veille de choix décisifs pour les institutions européennes et, pour ne rien arranger, en pleine campagne pour les élections législatives en France. La Présidente du Conseil entend frapper l'Elysée afin de faire le jeu de Marine Le Pen. Ensemble, elles voudraient repousser les nominations en Europe au mois de juillet, après le résultat des élections françaises, convaincues qu'une défaite écarterait le président français des négociations. En réalité, il s'agirait d'une cohabitation dramatique qui paralyserait la France mais laisserait aussi le Président libre de s'imposer sur la scène européenne. Reste que Giorgia Meloni fait le pari de jouer sur deux tableaux. Pour Macron, c’est une menace et pour Washington, qui n'oublie pas à quel point les Lepénistes étaient pro-russes hier encore, c’est une erreur. Revenons aux négociations de Borgo Egnazia, la France demande un nouveau passage sur le droit à l'avortement, allant plus loin que lors du précédent sommet d'Hiroshima. Rome s'y oppose sans dire explicitement non, mais en proposant de mettre également par écrit l'engagement à soutenir les femmes qui ont des difficultés à mener à terme leur grossesse, en aidant celles qui n'ont pas l'intention de recourir à l'avortement. Une attention que la Présidence du Conseil juge nécessaire, compte tenu notamment de la participation du Pape. La France s'y oppose, puis l'Allemagne et le Canada. Joe Biden menace d'opposer son veto. La mention de l’avortement ne peut être supprimée, affirme l'administration américaine. Les sherpas inventent alors un compromis : un rappel du document d'Hiroshima. Meloni peut dire : il n'y a aucune mention de l'avortement. Biden peut ajouter : il se trouve dans le texte de l'année dernière. Des sources françaises divulguent la nouvelle, la Maison Blanche met son grain de sel, la présidence italienne doit réagir. Giorgia Meloni veut laisser filtrer une ligne qui accuse à la fois Macron et qui tente en même de faire passer l'incident au second plan, en mettant l’accent sur le reste de l'agenda : ceux qui ont diffusé l’information l'ont fait par "souci électoral". En d'autres termes, ce serait à cause de la défaite du président français. Pour l'Italie, il s'agit d'un grave "impolitesse". Ce n’est pas tout, hier en fin de journée, Macron s’en prend au gouvernement italien en présence de la presse. La Présidente du Conseil est désormais furieuse et lance une déclaration de guerre par le biais des agences de presse, reprenant les accusations déjà divulguées quelques heures plus tôt. Une véritable bombe, qui pourrait occulter l'accord des Sept sur la crise à Gaza, l'idée de coordonner les investissements du Plan Mattei sur l'Afrique avec le programme d'infrastructures américain et l’accord sur les avoirs russes. Des semaines tendues et potentiellement déstabilisantes se profilent. Dans la soirée, les dirigeants se retrouvent au château de Brindisi, accueillis par Sergio Mattarella. Macron salue chaleureusement le Président de la République italienne, Meloni les observe, l'air sombre. Lorsqu’il la salue d’un baise-main, celle-ci reste immobile, agacée, le regard plein de colère. » 

ARTICLE, Il Messaggero, M. Ajello « Bergoglio, la star la plus attendue. Entente avec Giorgia sur la natalité et l'intelligence artificielle » : « Tout le monde ne parle que de lui. Tout le monde l'attend. La vedette de ce sommet, le leader des leaders du G7, c'est François. Le Pape a réussi son coup et ce n'était pas si simple, étant donné la controverse sur l'avortement. Il arrive au sommet aujourd'hui ; Meloni a déclaré à ses convives que la présence du Pape la rendait "fière au plus haut point". Mais il ne s’agit pas d’une grâce, et elle le sait : pour François, il s'agit d'une mission à très fort enjeu politique et culturel. Les dix rencontres bilatérales que le pape aura dans quelques heures seront très intéressantes. Outre celle avec Biden et avec Macron, qui considère le pacifisme total du Saint-Père moralement irréprochable mais trop rigide dans une phase dramatique pour le sort de l'Ukraine. Les sherpas du président français soulignent que "chacun, à tous les niveaux, dans tous les domaines, doit lutter plus efficacement contre le militarisme russe et aux côtés de l'Occident". Le pape rencontrera aussi Zelensky. Ce dernier se sent peu soutenu par l'Église catholique, même si les courtoisies diplomatiques finiront - mais pas nécessairement - par prévaloir lors de la rencontre en tête-à-tête. La rencontre bilatérale avec Erdogan, sur le thème de l'Ukraine et du Moyen-Orient, promet d'être très intéressante. Car François considère le Premier ministre turc comme un précieux bâtisseur de paix. Et encore. Tout le monde s'interroge : comment le pape et Macron se regarderont-ils l'un l'autre, étant donné que ce dernier a réussi à inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution française ? L’entente entre Giorgia Meloni et le pape est particulière. La décision du gouvernement d'ouvrir les portes aux associations Pro Vita en est une preuve ; sur le thème de l’immigration, les distances auraient pu être plus grandes, mais le désir de se comprendre l'un l'autre l'emportera. Quant à l'intelligence artificielle, le simple fait que le Palais Chigi ait confié au père Benanti la direction de la commission en dit long sur les bons rapports entre les deux rives du Tibre. » 

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Le pape François et Giorgia Meloni au G7

ARTICLE, Il Foglio, C. Cerasa « Le transformisme politique de Giorgia Meloni » : « La caractéristique la plus intéressante du gouvernement Meloni est peut-être qu'elle a réussi à réunir des politiques apparemment incompatibles entre elles. Giorgia Meloni est à la fois pro-européenne et eurosceptique. Elle est à la fois un outsider dans ses propos et mainstream dans ses actes. Elle est à la fois l'alternative à l'agenda de Draghi et sa continuité naturelle. Elle est à la fois l’héritière de l'ère Berlusconi et une alternative à cette période. Elle est à la fois une digue face à l'aile droite sur le modèle AfD et une alliée des vieux amis de l'AfD. Elle est simultanément une interlocutrice de Marine Le Pen et une alliée possible de Macron dans la prochaine Commission. Elle est à la fois l'interlocutrice de pays sceptiques quant à la défense de l'Ukraine, comme Orbán, et une fière partisane de la défense de l'Ukraine. Elle est à la fois une partisane de Donald Trump et une alliée privilégiée de Joe Biden. Et dans le monde des droites mondiales, elle est peut-être la seule dirigeante qui a quelque chose en commun avec toutes les droites. Toutefois, ce transformisme a des limites : quel est le vrai visage de Meloni et où commence le masque ? Cela permet de comprendre les contorsions auxquelles sont contraints les populistes lorsqu’ils se retrouvent face à la réalité. »

 (Traduction : ambassade de France à Rome)

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