22/03/2024
"Un deuxième mandat d’Ursula von der Leyen ? Nous l’apprécions, elle s’est éloignée des socialistes", Lollobrigida et le tournant de Fratelli d’Italia."
Italie. Revue de presse.
Le Conseil européen, et les différentes crises abordées de l’Ukraine à Gaza, fait les gros titres des quotidiens : « Défense de l'UE, tension sur les fonds » (Corriere della sera), « Russie : Orban divise l’Europe » (Repubblica), « Russie : les dossiers qui inquiètent l’UE » (Messaggero), « L’hypothèse terrible : le Conseil Européen évalue la possibilité d’une guerre » (Avvenire), « Le plan d’urgence pour une attaque et la nouvelle liste de courses de Zelensky » (Fatto Quotidiano), « Les 27 unis pour demander une trêve à Gaza » (Sole 24 Ore). Repubblica consacre encore sa Une à la commission d’enquête demandée par la majorité sur des soupçons d'infiltration mafieuse dans la municipalité de Bari « Les voix des clans mafieux à la droite » (Repubblica).
ARTICLE, Sole 24 Ore, L. Palmerini « Les doutes sur l’idée de faire de la réforme du « Premierato » un argument électoral » : « Ce sont les aiguilles de la montre électorale qui détermineront le caractère prioritaire de la réforme du « Premierato » et pas celles du Parlement. Hier nous avons assisté à un renvoi de responsabilités entre la majorité et les oppositions sur le parcours parlementaire de la réforme. Or, la question est de savoir si Meloni veut en faire un argument politique et donc la soutenir en tant que cheffe de file aux élections européennes. Il s’agirait alors d’une sorte de test préparatoire en vue du référendum qui se tiendrait en vue de l’adoption de la réforme. Fratelli d’Italia considère la candidature de Meloni pour acquise, du moment où cette dernière a fixé comme objectif la barre des 26% de voix. Certains estiment qu’elle s’est tenue bien en deçà par rapport aux sondages qui créditent Fdi de 28% des voix. D’autres y voient une certaine prudence en raison d’une usure inévitable après un an de gouvernement. Quoi qu’il en soit, quand on fixe un objectif, il faut ensuite l’atteindre. Cela laisse croire que Meloni lèvera bientôt le voile au sujet de sa candidature. Le « Premierato » pourrait ainsi devenir un cheval de bataille électoral, en raison aussi de l’absence d’autres mesures-phare. D’autant plus que le déficit s’avère plus élevé (7,2%) par rapport à celui que le gouvernement avait prévu (5,3%). Toutefois, il y a certains arguments qui pourraient pousser Meloni à éviter un pari aussi risqué. Les derniers sondages montrent que le front du « non » au Premierato se renforce et il serait donc prématuré d’en faire un cheval de bataille. L’autre point s’appelle la paix : Salvini, Conte et une partie du PD évoqueront largement le spectre d’une guerre alors que les sondages montrent que l’opinion publique italienne est fortement inquiète. Enfin, la réforme institutionnelle prévoit de fait un affaiblissement des pouvoirs du Quirinal. C’est un aspect délicat, dans un moment de tension institutionnelle entre la Présidence de la République et le Palais Chigi provoquée par les récentes violences policières contre les étudiants de Pise. Evoquer le « Premierato » lors des meetings politiques serait inévitablement une allusion aux pouvoirs du Quirinal. Une réflexion s’impose. »
COMMENTAIRE, Corriere della Sera, M. Franco « A la Ligue, un manifeste qui confirme le conflit avec l’Europe » : « S'il ne s'agit pas du manifeste d'un parti tant de gouvernement que d'opposition, cela y ressemble. Matteo Salvini a officialisé hier que la campagne électorale de la Ligue se placera non seulement en concurrence, mais presque en conflit avec ses alliés, et avant tout sur la politique étrangère. La trêve (avec Meloni, ndlr) de ces derniers jours n'est qu'une façade derrière laquelle s'accentuent les divergences. Il se peut, comme l'affirme la majorité, qu'il ne s'agisse que de divisions liées à la campagne européenne. Mais cela ressemble moins à une stratégie qu’à un jeu des rôles sans scrupules, tant l'image internationale que renvoie cet exécutif risque de pâtir de chaque prise de distance de Salvini : Meloni est désormais contrainte de compenser les sorties de l'un de ses deux vice-présidents non seulement sur l'Europe et l'Ukraine, mais aussi sur les États-Unis. Lorsque Salvini affirme, comme il l'a fait hier, qu'il espère qu’il y aura une victoire de Donald Trump aux élections présidentielles américaines de novembre parce qu'elle “apporterait la paix“, il s'en prend à la relation entre le gouvernement et la Maison Blanche de Joe Biden, en laissant entendre que lorsque les démocrates gouvernent, les États-Unis glissent toujours vers les guerres. Des propos qui, dans la bouche non pas d'un chef de parti, mais du numéro deux du gouvernement, suscitent au moins un certain embarras. Si l'on ajoute à cela les jugements acerbes à l'encontre d'Ursula von der Leyen, le fossé qui le sépare de G. Meloni est évident. "Pour nous, il est impensable de voter pour l'actuelle présidente de la Commission européenne, qui a créé tant de dégâts et de problèmes ces dernières années", estime-t-il. Et ce alors que les berlusconiens insistent pour que von der Leyen soit, au contraire, confirmée. Pour l’heure, les positionnements de la Ligue n’ont jamais conduit à un vote s’opposant au soutien à Kiev au parlement, bien que les partis europhobes, réunis par Salvini demain à Rome, confirmeront leur volonté de légitimer et de donner la parole à une droite extrémiste. »
PROPOS, La Repubblica, de Francesco Lollobrigida, ministre de l’Agriculture, par L. De Cicco, « ‘’Un deuxième mandat d’Ursula von der Leyen ? Nous l’apprécions, elle s’est éloignée des socialistes’’, Lollobrigida et le tournant de Fratelli d’Italia » : « D’après Matteo Salvini, Ursula von der Leyen est ‘’l’une des responsables du désastre européen’’, comme il le répètera demain à la convention de la Ligue à Rome. En revanche pour Francesco Lollobrigida (Frères d’Italie), la présidente de la Commission européenne doit être ‘’appréciée’’ pour son action. Elle a su ‘’prendre ses distances vis-à-vis des socialistes sur plusieurs points’’ et elle a ‘’compris le message de Giorgia Meloni’’ sur l’Afrique. Il y aurait donc les ‘’bases pour un avenir en Europe dans lequel la droite aurait un rôle de premier plan’’. Giorgia Meloni voudrait amener sa famille des Conservateurs européens à faire partie de l’exécutif européen, et ce sous l’aile d’Ursula von der Leyen. Mais à entendre les autres alliés européens du groupe des Conservateurs, on comprend que leurs rangs ne sont pas si serrés. Les Polonais de PIS se disent sceptiques quant à l’entrée du groupe de Viktor Orban soutenu par Meloni, les Français de Reconquête ne veulent pas entendre parler d’un rapprochement de Marine Le Pen et Vox annonce clairement qu’il ne votera pas pour von der Leyen. Même Marcello Pera, ancien président du Sénat et aujourd’hui parlementaire de Fratelli d’Italia, lâche : ‘’les sondages ne sont plus aussi favorables, Meloni est compétente mais il manque une classe dirigeante, personnellement j’enlèverais la flamme [du symbole du parti]’’. Francesco Lollobrigida, lui, reste concentré sur les Européennes. Bien que la plupart des analystes soutiennent le contraire, il reste convaincu qu’une majorité pourrait émerger au Parlement européen sans le PSE, qu’il accuse d’être ‘’le plus grand responsable de la déchéance de l’Europe’’. Il félicite donc Ursula von der Leyen pour s’être « désolidarisée des socialistes » sur plusieurs sujets, comme l’immigration, au profit des accords de Meloni avec Saied en Tunisie et al-Sissi en Egypte. A la question ‘’von der Leyen est-il le plan A des Conservateurs pour la présidence de la Commission ?’’ Lollobrigida répond qu’elle a ‘’compris le message de Meloni en parvenant à mener certains projets comme le partenariat avec l’Afrique, et qu’elle a accompagné le parcours italien, le rendant européen’’. Les Conservateurs vont toutefois devoir trouver un cap. Lollobrigida ne se prononce pas sur Orban : ‘’concentrons-nous sur les forces qui font partie du groupe actuellement, ce n’est pas moi qui m’occupe des relations avec les autres leaders et je ne m’occupe pas de la Hongrie’’. Idem concernant Marine Le Pen. Concernant les récentes déclarations de Salvini sur Poutine, tout en évitant soigneusement de mentionner le vice-Président du Conseil, il rappelle que la ligne des Conservateurs ‘’est très claire : la guerre d’agression menée en Ukraine par la Russie est un problème pour les Ukrainiens, mais aussi pour tous les Européens, et la résistance des Ukrainiens vaut autant pour eux que pour nous’’.
Francesco Lollobrigida
PREMIER PLAN, La Repubblica, de T. Ciriaco, « Vents de guerre, l’UE cherche à se mettre à l’abri, la France et l’Italie envisagent ‘’l’hypothèse des eurobonds’’ » : « Le spectre d’une guerre globale qui impliquerait directement l’Europe fait irruption dans les discussions du Conseil européen. Pour la première fois depuis plusieurs décennies, les leaders européens réunis à Bruxelles ont évoqué des scénarios encore inimaginables il y a peu : un conflit direct avec la Russie sur le sol européen, une économie tendant vers l’économie de guerre et un réarmement de haut niveau. Les discussions sont très concrètes. Dans le document de conclusion, un passage sur la nécessité de préparer les civils au risque de crise disparait puis réapparait. Josep Borrell se veut rassurant et affirme que ‘’la guerre n’est pas imminente’’ en Europe, mais cela n’est pas très efficace et ne suffit pas à rassurer l’opinion. Au même moment, un rapport de l’ISW (Institute for the Study of War) affirme que des indicateurs financiers, économiques et militaires montrent que la Russie se prépare à un conflit de grande envergure avec l’OTAN avec des armes conventionnelles. D’un autre côté, les chefs d’Etat et de gouvernement européens se divisent sur le chapitre le plus sensible, à savoir comment soutenir militairement l’Ukraine et comment réunir les ressources afin de relancer et intégrer l’industrie militaire européenne. Le président Zelensky est intervenu en visioconférence pour appeler à aller au-delà du Fonds d’aide à l’Ukraine de 5 milliards d’euros. Une entreprise ardue pour les 27. Viktor Orban se dit prêt à réfléchir à une possible utilisation des revenus issus de fonds souverains russes gelés en Europe pour la reconstruction de l’Ukraine, et félicite au même moment V. Poutine pour sa victoire à la présidentielle. Emmanuel Macron de son côté cherche à gagner des appuis autour d’une lettre qui évoque ouvertement, parmi les options possibles, l’émission d’eurobonds pour financer la défense. L’idée divise : Rome y est favorable mais pas l’Allemagne et les Pays-Bas par exemple. ‘’Nous n’y sommes pas encore mais c’est la bonne direction’’ déclare Paolo Gentiloni. Cette solution, de même qu’une plus grande implication de la BEI dans les dépenses militaires et l’utilisation des revenus issus des avoirs russes, seront examinées par la Commission d’ici juin. Lors d’un déjeuner entre les chefs d’Etat et de gouvernement et Antonio Guterres avant le Conseil, le Secrétaire général de l’ONU a rappelé qu’il fallait assurer ‘’la paix en Ukraine et la paix à Gaza, sans doubles standards’’. Giorgia Meloni s’est dite ‘’particulièrement inquiète’’ de l’annonce d’une opération terrestre israélienne à Rafah. Dans la soirée, le président du Conseil européen Charles Michel a exprimé la demande européenne pour ‘’une pause humanitaire immédiate permettant un cessez-le-feu durable’’ à Gaza. »
ENTRETIEN, Repubblica, de Anna Maria Bernini (Forza Italia, autrefois Alliance nationale), ministre des Universités : « L’antisémitisme progresse dans les salles de classe. La gauche doit nous aider » par Viola Giannoli : « ‘’C'est un moment délicat pour les universités, marqué par une escalade d'épisodes intolérables. Les universités sont des espaces où l’on n’acquiert pas seulement des connaissances mais où l’on devient un citoyen. Il est dans l'intérêt du pays de préserver ces lieux de démocratie. ». Le niveau d’alerte n’est pas à sous-estimer, « mais ne dramatisons pas. Il y a une prise de conscience. Il est essentiel que la politique joue son rôle. La pluralité de positions est une richesse. Le véritable point intolérable est la violence. Empêcher quelqu'un de s’exprimer est tout le contraire de la démocratie. Je lance formellement un appel à la gauche. Il est vrai que nous partageons sur la crise au Proche-Orient la volonté de "deux peuples, deux États" et avons le même avis sur la réaction disproportionnée de Netanyahou, mais nous devons également faire face à ceux qui confondent cette critique avec de l’antisémitisme. J'espère que la gauche, qui a dans son ADN la lutte contre l'extrémisme, saura réagir. Nous n’avons pas recouru à l’interdiction des manifestations. C'est un signal fort pour les universités. Il leur appartiendra, en toute autonomie, de prendre des mesures pour s'assurer que d'autres cas d'antisémitisme ne se reproduisent pas. La seule façon d'avancer est de combiner liberté d'expression et sécurité. Séparer les manifestants des étudiants, pour éviter que ces incidents ne se reproduisent, c'est garantir la liberté et la sécurité. A propos du choix de ne pas participer à un regroupement pour une collaboration entre l’Italie et Israël à l'Université de Turin, je considère qu'il s'agit d'une décision profondément erronée, même si formellement légitime. La diplomatie scientifique est un instrument de paix . Je crois que dans les universités il y a des signes inquiétants [sur l’antisémitisme], auxquels la première réponse doit être politique et culturelle. De la critique de Netanyahou, nous passons à l'inversion de la réalité : les raisons des massacres du 7 Octobre disparaissent et l’antisémitisme va de pair avec la haine anti-occidentale. Les classes dirigeantes ont le devoir de protéger les universités en tant que "fabriques de la pensée et de l’avenir ».
Anna Maria Bernini
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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