27/09/2023
"La Ligue attaque l'Allemagne : "Ils nous ont envahis avec des armes, maintenant, ils le font avec des migrants.""
Italie. Revue de presse.
A la une de la presse, les obsèques de Giorgio Napolitano : « Le dernier hommage à Giorgio Napolitano » (Corriere, Repubblica, Stampa, Messaggero, Sole). Également « la rencontre entre Meloni et Macron [au Palais Chigi] : un plan européen pour les migrants » (Corriere della Sera), « Meloni voit Macron ; un plan pour l'Afrique » (La Stampa). Le nouveau décret prévu sur l'immigration : « Migrants, ceux qui mentent sur leur âge seront rapatriés » (Il Messaggero), la « Loi de finances : le défi lancé à l’Europe [malgré les indications de Bruxelles sur la dette] » (La Repubblica), « Le rapport Eurostat : le déficit à 5,3% et le PIB baisse à 0,8% » (Sole 24 Ore).
Les JT couvrent essentiellement le séisme survenu cette nuit près de Naples, le nouveau décret sur les migrants prévu en conseil des ministres, la rencontre entre Giorgia Meloni et Emmanuel Macron au Palais Chigi et les obsèques de Giorgio Napolitano.
ARTICLE, Repubblica, A. Zinniti : « Décret sécurité : les mineurs migrants dans les centres avec les adultes, des expulsions plus faciles » : « Ces milliers d'adolescents qui débarquent seuls en Italie après des années de voyage éprouvant sont désormais dans la ligne de mire du gouvernement. Quatrième mesure en neuf mois en matière d'immigration, le nouveau décret qui sera approuvé aujourd'hui par le Conseil des ministres élimine brutalement certaines garanties jusqu'alors considérées comme intouchables, à commencer par la présomption de minorité, jusqu'au droit d'être accueilli dans des structures dédiées. Désormais, pour les jeunes entre 16 et 18 ans qui arrivent en Italie, les choses vont se compliquer. Une simple déclaration de minorité ne suffira plus pour intégrer le circuit dédié, il faudra soit prouver (documents en main - qu'aucun d'entre eux ne peut produire) l’âge réel, soit subir des tests médico-scientifiques approfondis. Et pour ceux qui seront pris en flagrant délit de mensonge, ce sera l'expulsion immédiate. Le gouvernement supprime également un autre droit qui jusqu'à présent n'avait jamais été remis en question, celui pour les mineurs d'être accueillis dans des centres d'accueil qui leur sont dédiés. En cas d'épuisement des places - précise le nouveau décret - les mineurs âgés de 16 à 18 ans pourront être hébergés dans des centres pour adultes pendant une période de trois mois. L'intention du gouvernement de ne pas investir un seul euro dans l'accueil digne des personnes qui arrivent est confirmée par l'article du décret qui permet d'héberger dans les centres deux fois plus de personnes que la capacité d'accueil autorisée. Seules les catégories dites vulnérables et désormais toutes les femmes, et non seulement celles qui sont enceintes, seront épargnées. Le décret prévoit aussi l'expulsion des migrants considérés socialement dangereux, même si titulaires d'un permis de séjour de longue durée ou s’il s’agit d'un demandeur d'asile en attente de jugement ou faisant l'objet de mesures préventives. Un article du décret vise aussi à réduire le nombre des demandes d'asile : il prévoit qu'un migrant qui ne se présente pas au rendez-vous fixé pour sa demande d'asile verra celle-ci annulée. Il est également prévu de renforcer les contrôles dans les ambassades et les consulats pour l'octroi de visas d'entrée, ainsi que 20 millions d'euros par an pour la police et les pompiers et 400 unités supplémentaires pour renforcer l'opération "Strade sicure". Ce nouveau durcissement des normes sur les migrants indigne les oppositions, qui dénoncent une nouvelle mesure punitive et sécuritaire. Sandra Zampa, signataire de la loi sur les mineurs qui est en cours de démantèlement, déclare : "Décider que des mineurs peuvent être accueillis dans la promiscuité avec des adultes, c'est recommencer le travail depuis le début, quand, dans le chaos général, des mineurs non accompagnés ont disparu, ont été recrutés par des organisations criminelles, exploités sexuellement ou recrutés pour le travail au noir". »
ARTICLE, Repubblica, A. Fraschilla, T. Mastrobuoni : « La Ligue attaque l'Allemagne : "Ils nous ont envahis avec des armes, maintenant, ils le font avec des migrants" » : « La Ligue de Matteo Salvini, principal allié de la Présidente du Conseil Giorgia Meloni, continue d’attaquer l'Allemagne sur l'immigration. En faisant monter la tension à la veille de sommets internationaux très délicats pour l'Italie : la réunion à Bruxelles des ministres de l'Intérieur européens sur le thème des migrants ; la bilatérale [jeudi] entre les ministres des Affaires étrangères, Antonio Tajani (Forza Italia) et Annalena Baerbock. Les politiques de la Ligue attaquent sur le financement par l'Allemagne d'ONG et d'organisations à but non-lucratif qui secourent et accueillent les migrants en Italie depuis des années. Meloni s'est également plainte, en envoyant une lettre agacée au chancelier Olaf Scholz. Le secrétaire adjoint de la Ligue, Andrea Crippa, monte d’un cran et va jusqu'à dire qu'"il y a 80 ans, l'Allemagne a essayé de conquérir l'Europe en l'envahissant, aujourd'hui, elle appuie l'invasion des migrants contre les gouvernements de centre-droit qu'elle n'aime pas". Une comparaison déplacée qui met l'État nazi sur le même plan que l'actuel État démocratique à Berlin : "Ils essaient de déstabiliser le gouvernement en finançant des ONG pour nous envahir d'immigrants illégaux et faire tomber la popularité du centre-droit en Italie", a déclaré Crippa à Affaritaliani.it. Ces phrases déclenchent la polémique le jour même de la participation du président allemand Steinmeier aux obsèques laïques de Giorgio Napolitano. Le secrétaire de la Ligue et vice-président du Conseil Matteo Salvini en rajoute une couche : "J'attends du respect de la part de l'Europe et des autres pays européens. Si les ONG allemandes amènent des migrants en Allemagne, il n’y a pas de sujet, mais si elles les laissent en Italie, c'est un problème. De même pour l'Espagne : on me fait un procès pour avoir arrêté le bateau d'une ONG espagnole". À Berlin, on rejette également la thèse de l'effet d’attraction qui serait lié à la présence des bateaux d’ONG et encourageraient les migrants à partir : il n'existe aucune preuve scientifique à cet égard. Enfin, l'alternative aux sauvetages, ce sont les morts en mer. "Et l'Italie le sait très bien", affirme-t-on à Berlin. »
PREMIER PLAN, Corriere della Sera, de M. Galluzzo, « Le ‘’pacte’’ Meloni-Macron pour une action commune sur le dossier des migrants » : « Un projet mené à l’échelle européenne, avec l’engagement de l’ensemble des 27 pays membres, concernant en premier lieu les pays d’Afrique méditerranéenne et subsaharienne. Un projet basé sur des accords passés notamment par Bruxelles et qui transforme sur le moyen terme l’immigration illégale en un bassin de formation professionnelle pour des centaines de milliers de migrants qui souhaitent venir travailler légalement en Europe. Plus facile à dire qu’à faire, surtout lorsque les résistances, politiques et financières, de plusieurs pays membres restent difficile à faire tomber. C’est pourtant ce dont ont entre autres parlé hier au Palais Chigi, en tête à tête pendant 90 minutes, Emmanuel Macron et Giorgia Meloni, d’après des sources à la fois proches de l’Elysée et de la Présidence italienne du Conseil. Une rencontre presque surprise, qui fait suite aux propos du Président français il y a quelques jours : ‘’je veux aider l’Italie’’, qui ‘’joue son rôle en tant que premier port sûr’’ de l’UE. Sur le même modèle qu’avec les Anglais à Calais, Macron veut travailler avec l’Italie pour ‘’démanteler le réseau des passeurs’’ : embarcations, moyens de transports, réseaux de complicité. Des objectifs très ambitieux qui intéressent évidemment beaucoup la Présidente du Conseil italienne. Les forces de l’ordre italiennes affirment que l’Italie n’a jamais cessé (bien qu’avec une grande prudence) de mener une série d’actions sur les côtes africaines, en particulier libyennes, bien qu’avec la plus grande discrétion, afin d’affaiblir les passeurs, leur flotte, et leurs ressources financières. Les deux plans – lutte contre les trafiquants et construction sur le moyen terme d’un programme européen pour l’Afrique – sera à nouveau évoqué dès vendredi prochain à l’occasion du Sommet Euromed qui se tiendra à Malte puis lors du Conseil européen informel à Grenade. Très peu d’informations ont filtré officiellement de l’échange d’hier, qualifié par un communiqué du Palais Chigi de ‘’long et cordial’’, mais l’on sait que les priorités économiques de l’UE ont également été évoquées. Ursula von der Leyen, qui a travaillé avec Meloni à un plan financier d’aide à la Tunisie et qui se trouvait hier à Prague pour rencontrer le Premier ministre Tchèque, a elle aussi parlé d’immigration, ‘’un phénomène qui concerne toute l’Europe et nécessite une réponse européenne, nous voulons soutenir les pays membres pour une gestion efficace et humaine de l’immigration’’. Elle entend tenir compte des exigences et des requêtes spécifiques de chaque pays membre, notamment sur le plan financier. ‘’Nous avons pour ce faire proposé une augmentation très ciblée de 15 milliards d’euros pour aider les pays membres à gérer l’immigration, nous sommes ouverts à la discussion mais tout dépendra de notre capacité à revoir le budget de l’UE’’. »
Giorgia Meloni et Emmanuel Macron
COULISSES, Corriere della Sera, de M. Guerzoni, “La Présidente du Conseil et la stratégie des alliances variables, qui répond à Salvini sur le ‘’front intérieur’’ » : « Les images de Giorgia Meloni et Emmanuel Macron, parcourant à pied le trajet qui sépare la Chambre des Députés de la Présidence du Conseil, parlant et faisant des gestes, représente pour la Présidente du Conseil la preuve en image qu’elle n’est pas isolée sur la scène européenne. A l’issue du face-à-face informel avec le président français, la leader de la droite italienne est pour le moins satisfaite (‘’la rencontre s’est très bien passée’’, dit-elle) et elle est convaincue de pouvoir faire équipe avec le chef de l’Elysée afin de débloquer le dossier migratoire. Mais l’entente avec Macron, bien que précieuse, n’est qu’une partie de la stratégie pour ‘’gagner de plus en plus de poids dans les équilibres de Bruxelles’’, de même que la bonne entente avec la Présidente de la Commission européenne, importante sur les questions migratoires et décisive sur le plan économique. Pour Giorgia Meloni, l’Italie ‘’est centrale’’, si bien que s’il y a un problème avec la France ‘’Scholz s’enquiert aussitôt de la situation’’ et lorsqu’il y a des tensions avec l’Allemagne, voilà que Macron ‘’appelle et s’informe’’. L’impression est que la Présidence italienne du Conseil tente de rompre l’entente historique entre Paris et Berlin et ceux qui échangent avec elle ne démentent pas que la stratégie de Meloni en Europe soit de ‘’dialoguer avec tous les pays et construire au cas par cas des alliances variables selon les intérêts nationaux’’. Si ses adversaires la décrivent comme ‘’isolée’’, elle est certaine qu’avec les élections de juin l’Italie sera de plus en plus au centre de l’UE : ‘’nous ferons un bon score, nous serons indispensables et nous compterons pour les décisions’’. Suite à la rencontre avec Macron, Meloni est convaincue d’avoir balayé les nombreuses tensions accumulées entre Rome et Paris au cours des premiers mois du gouvernement. La coopération a été renforcée, au point que les relations difficiles avec Berlin ont été évoquées par la Présidente du Conseil : ‘’il n’y a pas de rupture mais je ne pouvais pas ne pas envoyer cette lettre’’ mais Meloni est consciente que l’Allemagne, tout comme l’Italie et la France, ‘’est en campagne électorale et que cela complique les relations, aussi bien en Europe qu’en interne’’. Pour sa part, le ‘’problème interne’’ est bien identifié : tous les jours Matteo Salvini lance une nouvelle attaque qui, même lorsqu’elle s’adresse à Berlin, vise la Présidence italienne du Conseil. Autant de déclarations et de gestes disruptifs qui, même s’ils sont inévitables en période électorale, ne doivent pas dépasser une certaine limite au risque de mettre en cause la stabilité du gouvernement. Acculée par Salivini, Meloni a bien conscience que pour tenir jusqu’aux élections de juin, elle va devoir trouver le moyen de freiner les arrivées clandestines de migrants. D’où la question des patrouilles conjointes des ports tunisiens et le renforcement des contrôles de Frontex sur l’entrée des migrants en Tunisie, évoquée avec Macron. »
PREMIER PLAN, La Repubblica, de T. Ciriaco et A. Ginori, « Meloni rencontre Macron, coup de froid sur le plan Mattei, Rome se contente de l’aide sur la Tunisie » : « Giorgia Meloni et Emmanuel Macron marchent côte à côte, se dirigeant vers la Présidence du Conseil. Leur tête-à-tête dure une heure et demie, sans délégations. Un événement qui n’allait pas de soi et qui suffit à relancer la propagande de Giorgia Meloni sur l'amitié retrouvée entre les deux adversaires. Dans la soirée, pourtant, des sources proches de l’Elysée rétablissent un peu de réalisme politique, décevant un peu la droite italienne. Les deux leaders, apprend-on auprès de Paris, ont discuté de la nécessité de trouver une solution européenne à la question migratoire. Européenne, pas italienne. Cela signifie que le plan Mattei – mis au point par la Présidence italienne du Conseil sans trop impliquer la Farnesina - ne convainc pas la France. Le message que le Président français a voulu faire passer à son homologue italienne est le suivant : ‘’il faut de la cohérence et un travail de long terme’’. En d'autres termes, on ne peut pas jongler entre extrémisme et raisonnable, on ne peut pas imaginer résoudre un des grands défis de ce siècle avec deux ou trois slogans de campagne. L’entourage le plus proche du Président français explique que c'est Meloni qui a changé d'avis, abandonnant les slogans souverainistes pour négocier au niveau européen une entente entre partenaires. De son côté Emmanuel Macron venait tout juste de rencontrer le pape François à Marseille, dont le point culminant du discours portait sur un appel à l'accueil [des migrants] et à une solution européenne commune. D’après les deux entourages des leaders italiens et français, c’est le réalisme qui a dominé l’échange. Cela passe notamment par la possibilité de s’afficher côte à côte, ce qui n’était pas forcément acceptable auparavant. Meloni a tout simplement besoin de cet appui : il est impossible de gérer seule une situation de cette ampleur. Macron, quant à lui, cherche à prendre l’avantage, notamment électoral : si Meloni renonce à la chasse aux ONG et aux expulsions, cela marquera l'échec des politiques souverainistes prônées par l'ennemie jurée de Macron, Marine Le Pen. Une crainte partagée par Rome également et incarnée par Salvini. C’est le dossier migratoire qui domine évidemment la rencontre. Meloni insiste pour que la discussion sur le plan Mattei soit lancée dès l'Euromed à Malte le 29 septembre, puis à Grenade le 6 octobre. Macron accepte la discussion, notamment parce que l'Italie a cessé d'insister sur la chasse aux ONG et les renvois. Un scénario idéal, car l'Elysée peut ainsi émettre un signal de "fermeté" en interne, sans céder de terrain à la droite. Sur certains points, en revanche, il n'y a pas d'accord. Paris, par exemple, n'apprécie pas la politique italienne en matière d'investissements en Afrique, car elle ne veut pas céder trop de terrain à ENI. Macron se montre sceptique également quant à une nouvelle mission Sophia. A l’inverse, dès le sommet à Malte, le président français a promis de s'associer aux efforts de l'Italie auprès de la Tunisie pour faire respecter les accords négociés (et non respectés à ce jour). Macron demande à Rome de l'aider au sujet du Niger. Un engagement commun pour de nouveaux accords avec certains pays africains sur les rapatriements est également possible. Enfin, Macron suggère à Meloni - peut-être avec une once de malice - d'intercéder à nouveau auprès de la Pologne, de la Hongrie et de la République Tchèque afin de débloquer l’approbation du Pacte sur l'asile et l'immigration. Mais tous ces projets ne seront pas réalisables si facilement, ce n'est que le début d'un long chemin, difficile à concilier avec l’empressement de Meloni à sortir d’un certain isolement. Le Président français appelle également à éviter les disputes et rappelle qu’aucun accord n’est envisageable sans Berlin. Du reste, l'Elysée n'acceptera jamais d'affaiblir son lien historique avec l’Allemagne, même en cas d’intérêts convergents avec Rome. A la fin de la rencontre, Giorgia Meloni trouve même le temps d’évoquer son projet de réforme constitutionnelle, qui tend à la stabilité du modèle français. Malgré la promesse de s’entretenir à nouveau rapidement, Meloni n’oublie par le geste de Macron qui, lors des funérailles de Napolitano, a salué de loin Mario Draghi, lui faisant signe de se téléphoner prochainement. Une autre inquiétude pour la Présidence italienne du Conseil. »
ARTICLE, Sole 24 Ore, B. Fiammeri « La rencontre entre Meloni et Macron : il faut une solution européenne au phénomène migratoire » : « Le communiqué diffusé par Paris confirme que ‘’il y a la nécessité de trouver une solution européenne à la question migratoire’’. Voici donc les paroles transmises par l’Elysée à l’issue de la rencontre entre Giorgia Meloni et Emmanuel Macron. Une heure et demie de rencontre ‘’longue et cordiale’’. Les tensions du passé sur la frontière à Vintimille semblent être mises de côté. Macron et Meloni cherchent une stratégie sur les migrants, mais aussi sur le front économique, à partir du nouveau Pacte de Stabilité. L’Italie ne peut être laissée seule, avait dit le chef de l’Elysée il y a quelques jours, qui semble vouloir tenir sa promesse. Meloni cherche des alliés pour un engagement majeur en Afrique de la part de l’Europe, y compris du point de vue financier, à commencer par le mémorandum signé avec la Tunisie. C’est une approche qui n’a pas un caractère d’urgence mais structurel, selon Rome. La conviction est que la situation semble être destinée à empirer. Macron et Meloni craignent ce scénario. Entretemps, Marine Le Pen critique le président et le gouvernement de ne pas être en mesure d’arrêter les migrants irréguliers. C’est le vent électoral qui souffle en vue du rendez-vous de septembre prochain. Cela vaut à Paris comme à Rome. »
ARTICLE, Il Foglio, S. Canettieri « Meloni, Macron et le court-circuit lepéniste » : « Au moment où Macron et Meloni s’entretenaient au Palais Chigi, le ministre de l’Intérieur Darmanin soutenait à l’Assemblée Nationale la vision migratoire de Mme Meloni basée sur une solution européenne. Ce qui a provoqué la vive réaction de Marine Le Pen. Quelques minutes plus tôt, un des parlementaires du RN avait fait l’éloge de la politique de Salvini basée sur les ports fermés alors qu’il était ministre de l’Intérieur. C’est donc un court-circuit au sein de la droite souverainiste auquel on assiste et qui marque bien la journée d’hier. Une journée marquée aussi par l’entente retrouvée entre la France et l’Italie. Dans le contexte actuel, le soutien de la France est indispensable, notamment après la lettre de Meloni adressée au Chancelier allemand au sujet des financements des ONG. C’est comme si Mme Meloni avait deux casseroles au feu en même temps et que l’on pourrait résumer en ‘’souverainisme pragmatique’’. Voici donc la fille venant du quartier de la Garbatella [à Rome] avec le meilleur produit de l’ENA assis sur le même canapé au Palais Chigi. Dans les intentions de Macron il y a aussi une volonté de « réparer » la rupture entre Rome et Berlin. Que ce soit sur la migration ou les thématiques économiques, l’Italie a besoin de l’Europe et d’alliés sur lesquels pouvoir compter, à commencer par le cher (ex-) ennemi Macron. »
COMMENTAIRE, La Repubblica, P. Benassi « L’erreur du bras-de-fer » : « Dans nos relations avec Berlin et Paris, notamment en domaine européen, l’actualité et les impulsions du moment prévalent souvent sur la nécessité d’une analyse plus large. Le résultat qu’il en découle est une tendance à nous retrancher dans un périmètre d’un récit se réduisant à la dichotomie ‘’allié ou adversaire’’. La photo d’hier a vu Berlin au centre de nos polémiques et Paris dans une position apparemment plus conciliante. Les dynamiques à Bruxelles devraient plutôt nous suggérer que, selon certains dossiers, Paris ou Berlin s’éloignent ou se rapprochent de nous. En politique internationale, il y a plusieurs points en commun avec l’Allemagne, exception faite de la question du siège permanent à l’ONU qu’elle souhaite, chose qui est inacceptable pour nous. En revanche, Paris a assumé des positions souvent opposées à celles de l’Italie, à commencer par l’intervention armée en Libye. Sur les questions économiques et financières, nous savons que Paris partage avec nous une certaine vision, comme par exemple sur les négociations autour du Pacte de Stabilité. Même chose pour les politiques environnementales, Rome et Paris partagent une vision plus pragmatique par rapport à Berlin. Enfin, concernant l’adoption du Next Generation, c’est l’action politique et diplomatique qui a débloqué les choses. Certainement pas le bras-de-fer. C’est une leçon dont il faudra se souvenir dans la perspective d’autres négociations. »
COMMENTAIRE, Sole 24 Ore, L. Palmerini « Rome, Berlin, Paris : les géométries variables de Salvini » : « ll y a une triangulation bien claire du côté du Palais Chigi. Hier, le Président français était avec Mme Meloni pour trouver ‘’une solution européenne’’. Par conséquent la Ligue, le jour où elle ne pouvait pas attaquer Paris, s’est retournée contre l’Allemagne avec des déclarations au bord de la rupture diplomatique. Cette pique venant du parti de Salvini détériore l’ambiance et renforce l’impression que l’on veuille torpiller la tentative de Meloni de construire une solution européenne dont parlait hier Macron. Le fait est que si on allait effectivement dans cette direction, Salvini n’aurait plus d’arguments pour tenter de remonter dans les sondages. Il a besoin des débarquements, des caméras pointées sur Lampedusa afin de donner de la consistance à sa figure politique. Le fait est que Salvini et Meloni n’ont plus les mêmes adversaires, comme jadis, et ne se retrouvent plus du même côté de la barricade. Il s’ensuit que le front se déplace en dehors des frontières. »
ARTICLE, Andrea Basse, « Nadef : Une baisse des prévisions de PIB, le déficit augmentera de 4% pour faire baisser les charges salariales » : « La Note d’ajustement du document d’économie et de finances (NADEF) devrait tenir compte du ralentissement de l’économie italienne. Mais le gouvernement, afin de confirmer la réduction des cotisations pour les revenus inférieurs à 35 000 euros et d'empêcher la réduction des salaires des employés, serait prêt à creuser le déficit d’au moins 8 à 10 Mds EUR. Si le Ministre de l’économie Giorgetti (Ligue) doit présenter en Conseil des Ministres ce 27 septembre les hypothèses chiffrées, on peut être déjà certain que la croissance de cette année sera sous la barre de 1% fixée en avril ; alors que le déficit augmentera de plus de 5%, notamment pour tenir compte de l’augmentation des dépenses liées au fond pour la rénovation énergétique des bâtiments. La NADEF se concentre également sur les prévisions pour les prochaines années, qui détermine la marge de manœuvre du gouvernement pour le projet de loi de finance. Le PIB « tendanciel », soit la vitesse de marche de l’économie sans intervention gouvernementale, se verra réduire de 1,4% par rapport aux prévisions du Document Économique et Financier (DEF) faites en avril ; ce qui fera augmenter le « déficit tendanciel » de 3,5 à 4%. En conseil des ministres, une proposition pour relever le déficit prévu à 4,3% sera examinée, afin que le gouvernement parvienne à récupérer les 8 à 10 Mds EUR qui servent à couvrir intégralement la baisse des charges salariales – et puisse aborder le projet de loi de finance avec une marge de manœuvre plus importante, ce qui lui permettrait d’ « enterrer » sans efforts la principale mesure économique promise par l’exécutif. Cependant, le chiffre du déficit public, qui devrait passer de 142,1% à 141,4%, devrait rassurer les marchés et les investisseurs. Alors que le déficit augmente, maintenir cette tendance est possible que grâce à la révision du PIB par l’ISTAT, qui a revu à la hausse la croissance de ces dernières années. Les chiffres du spread de ces dix dernières années est sorti hier, et le différenciel s’est conclu à 193 points – contre 186 au début. Alors que s’installe un climat de tension pour les bonds européens (sans que cela touche particulièrement les bonds italien) le rendement du Bpt (Bond Pluriannuel du Trésor) est passé à 4,73% - son niveau de fin 2022. Mi-octobre, la Présidence du conseil et le Trésor doivent présenter à Bruxelles le décret de planification budgétaire – soit l’ossature du projet de loi de finance. Si l’écart d’une dizaine de milliards d’euros de déficit se confirme, il manquera encore 10 à 15 Mds EUR pour financer les mesures promises – la loi de finance est estimée à 20 à 25 Mds EUR. Le vice-ministre de l’économie, Maurizio Leo, cherche à renforcer la baisse des charges salariales, notamment avec une première réduction des taux de l’Irpef. Il y a également la question du régime de pension de retraite, avec la confirmation du « Quota 103 », et une nouvelle mesure concernant un départ anticipé à la retraite des femmes salariées ou indépendant de plus de 60 ans. De plus, un ensemble de mesure pour les familles est en discussion, avec l’augmentation du chèque unique à partir du 2e enfant et un financement en sus pour les dépenses de santé. En matière de couverture financière, un accord préalable de deux ans devrait être trouvé pour les titulaires de la TVA et l’avancement de l’appel d’offre du loto qui pourraient rapporter jusqu’à 1 Mds EUR dans les deux prochaines années.
ARTICLE, C. Tito, « Le gouvernement veut offrir à l’UE le MES en échange du feu vert pour le dépassement du déficit » : « « La Commission (…) proposera d’engager au printemps 2024 des procédures de déficit excessif sur la base des chiffres de déficit pour 2023. L’Italie devra en tenir compte dans l’exécution du budget 2023 et dans la préparation du décret de planification du budget pour 2024 » - voici la réponse des bureaux de la Commission européenne lorsqu’on les interroge sur intentions du gouvernement italien sur la prochaine loi de finance. Ils évalueront la situation lorsque les chiffres officiels seront annoncés. Cependant, il y a un « mais », qui sonne comme un avertissement déjà consigné dans les recommandations publiées en juillet dernier, et qui statue clairement que les pays ne respectant pas les paramètres du déficit seront immédiatement soumis à une procédure d’infraction. Si les dernières prévisions macroéconomiques pour l’Europe et le monde ont évolué, il n’en demeure pas moins que les négociations entre Rome et Bruxelles sur le projet de loi de finance risquent de démarrer en difficulté. De fait, si les chiffres de la NADEF présentés en conseil des ministres sont confirmés, ils vont nécessairement déclencher l’alarme – le rapport déficit / PIB se rapprochant du seuil des 6% atteint pendant la pandémie, et ceux de l’année prochaine (4,3%) étant tout sauf rassurants. D’ordinaire, la NADEF ne déclenche pas de discussion entre le gouvernement italien et l’exécutif européen – et les premières positions officielles ne devraient pas être rendues publiques avant début novembre. Cependant, les premiers chiffres de la Note d’ajustement semblent bâtis pour pouvoir engager une négociation à la hausse – et permettre à Meloni et Giorgetti (le Ministre de l’économie), d’introduire dans la même négociation la ratification du MES et la réforme du Pacte Européen de stabilité. Selon toute probabilité, cette tentative sera rejetée avant même qu’elle n’atteigne la Commission Européenne, comme l’a montré l’avertissement subtil du Ministre de l’économie allemand lors d’une réunion ministérielle européenne, en se vantant du rapport déficit/PIB de 2,5% de son pays soit bien en dessous des 3% fixés officiellement. De plus, le blocage sur le pacte de stabilité ne simplifie pas la situation. De fait, si l’ancien pacte devait être « ressuscité » en janvier, l’Italie se trouverait dans une situation désastreuse, obligée de réduire son déficit d’un vingtième par ans. Si de nouvelles règles devaient entrer en vigueur, Rome devrait également s’accorder avec la Commission pour une procédure corrective rigoureuse. De plus, les recommandations de la Commission de juillet prévoient « une réduction du solde structurel de 0,7% du PIB pour 2024 » – alors que la situation devrait s’aggraver d’autant (0,6%). En outre, bien que les prévisions de croissance aient été revue à la baisse, Rome a décidé d’aller à contrecourant de la politique européenne. Enfin, d’après certaines sources, le déficit supplémentaire de 9 Mds EUR sera entièrement dû à la réduction des charges salariales, une mesure plébiscitée par Bruxelles. Cependant, Bruxelles pourrait ne pas donner son accord sur toutes les autres dépenses – et elle pourrait surveiller de près l’implantation de la mesure sur les charges salariales, pour s’assurer de son caractère structurel et non contingent. Il est de fait évident qu’une telle mesure, introduite à quelques mois d’une échéance électorale, prend les traits d’une promesse électorale. Le gouvernement de Meloni semble parier sur le fait que Von der Leyen, qui est en fin de mandat, n’aura pas la force d’imposer des sanctions au printemps, mais que d’ici la fin de l’année, elle peut, en revanche, demander un autre NADEF, peser sur la non-ratification du MES et orienter la réforme du pacte de stabilité. Le bras de fer est sur le point de commencer. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
17:27 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.