11/05/2023
"L’appel à candidatures pour les directeurs de musées ouvert seulement à ceux qui parlent italien."
Italie. Revue de presse.
La presse titre largement aujourd’hui sur la « nouvelle crise franco-italienne » après la reprise d’une citation dans un article du Figaro : « De nouvelles critiques contre l'Italie » (Corriere della Sera), « Migrants, la France renouvelle ses critiques : Meloni est inhumaine. La ligne Turin-Lyon devient maintenant une affaire » (La Repubblica), « Les accusations de la part de la France et de l'Espagne sur les migrants sont qualifiées de « problème en interne » » (La Stampa), « Paris et Madrid contre Rome; Meloni : ils règlent leurs problèmes internes » (Il Messaggero), « L'internationale anti-Meloni insulte à nouveau l'Italie » (Il Giornale). « Loyers trop chers pour les logements universitaires, le gouvernement se divise » (Repubblica) . « Les étudiants sans logement et les fonds du PNRR au secteur privé » (Fatto Quotidiano), « Le coût de la vie en question : les prix alimentaires montent en flèche et les étudiants protestent contre les loyers trop chers » (Avvenire).
Les JT couvrent essentiellement sur les réactions de Giorgia Meloni depuis Prague aux critiques du responsable de Renew au sujet de sa politique migratoire et d’une ministre espagnole sur le travail, la manifestation des étudiants contre l’augmentation du coût des logements universitaires, la contre-offensive ukrainienne à Bakhmout, et la cérémonie de remise des Prix David de Donatello.
ARTICLE, Il Messaggero, M. Aiello, « La double attaque de la France et de l'Espagne contre l'Italie, Tajani (Forza Italia) : ‘’c’est inacceptable’’» : « L’Italie est prise dans une tenaille, macronienne et socialiste. Stéphane Séjourné, président de Renaissance, le parti d'Emmanuel Macron, a relancé : ‘’L'extrême-droite française prend pour modèle l'extrême droite italienne. Nous devons dénoncer leur incompétence et leur impuissance’’, a-t-il dit, alors que le gouvernement de Paris tente depuis quelques jours de recoller les morceaux après les déclarations de son ministre de l'intérieur, Gerald Darmanin, qui a qualifié le G. Meloni d'"incapable" sur les questions d'immigration. Meloni est également consternée par l’attaque espagnole. Tandis que le ministre et vice-premier ministre Tajani, qui connaît bien l'Espagne et y jouit d'une grande popularité en tant qu'ancien commissaire européen à l'Industrie, rétorque : ‘’Je regrette que la ministre espagnole Diaz s'immisce dans la vie politique italienne en portant des jugements inacceptables sur nos choix de gouvernement. Les difficultés électorales de son parti ne justifient pas les insultes à l'égard d'un partenaire et allié européen’’. Un double front a donc été ouvert. Contre la France, on retrouve le secrétaire d’Etat auprès de la présidence du Palais Chigi, Giovan Battista Fazzolari (Frères d'Italie) et le vice-premier ministre, Matteo Salvini, qui dit : ‘’Des propos inacceptables et offensants. Paris ne peut donner de leçon à personne. Ils doivent respecter notre gouvernement’’. Cette tenaille franco-espagnole, cette convergence des libéraux-démocrates macroniens et des socialistes de Sanchez, s'explique par l’approche des élections européennes de 2024. Et une fois de plus, ce pourrait être le président Mattarella qui scellera la réconciliation entre l'Italie et la France. Le chef de l'État est invité à Paris le 8 juin pour l'inauguration de l'exposition ‘’Naples à Paris’’, l'un des grands événements culturels de l'année, avec le prêt de chefs-d'œuvre du musée de Capodimonte. D'ici là, le Palais Chigi espère ‘’que Macron et tous les autres cesseront leurs attaques’’, vues comme de ‘’faux prétextes’’ ».
EDITORIAL, Corriere della Sera, M. Franco, « Les polémiques téléguidées pour tenter d’isoler Rome » : « L'irritation du gouvernement italien face aux attaques provenant de France est plus que justifiée. L'arrogance avec laquelle les représentants du parti et du gouvernement d'Emmanuel Macron ont critiqué la politique migratoire de Giorgia Meloni est choquante, mais elle ne doit pas surprendre. Et il ne faut pas attendre les excuses sollicitées à Paris. D'abord le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, hier le chef du parti macronien Renaissance, Stéphane Séjourné, laissent entrevoir la mise en place d’une stratégie et non des incidents fortuits ou des gaffes. Quelles que soient les limites de l'exécutif actuel dans la gestion du phénomène migratoire, ce n'est pas notre politique qui est en cause, mais celle de Macron. Car ce qui pèse, c’est la crainte et le besoin de sa coalition d'endiguer la montée de l'extrême-droite de Marine Le Pen, favorisée par un malaise social croissant, surtout dans la perspective des élections européennes de 2024. L'attaque lancée hier par la vice-première ministre socialiste espagnole Yolanda Díaz, cette fois sur l’emploi, semble répondre à la même logique. Meloni et le leader léghiste Matteo Salvini sont ainsi les destinataires et les prétextes d'une offensive qui a pour ressort décisif les difficultés internes des deux pays. En montrant du doigt et en amplifiant un danger de droite au niveau européen, ils utilisent l'Italie pour parler à leurs propres électeurs. La perspective d'une alliance forte entre Populaires et Conservateurs à Bruxelles exacerbe les tensions et dans les mois à venir, les polémiques pourraient être de plus en plus virulentes, car si l'accord historique de Bruxelles entre le PPE et les socialistes était rompu, ce serait un changement non seulement d'alliances mais aussi d'époque. Il est possible que s'ajoute à cela un certain agacement face au rôle croissant du gouvernement italien, soutenu par les Etats-Unis suite aux positions tranchées prises par G. Meloni sur le conflit russe contre l'Ukraine, et pour son entente avec certains pays de l'Est. Ce qui inquiète, c’est la façon dont cela affectera l’Union. Plutôt qu'une évolution vers une plus grande intégration, une sorte d'’’Europe des nations’’ semble émerger, avec moins de solidarité et de partage et plus de nationalisme. La question est de savoir si la réaction de l'Italie, en annulant le voyage du ministre des affaires étrangères Antonio Tajani à Paris, a été la plus appropriée, ou si elle ne contribue pas involontairement à la stratégie de ceux qui œuvrent pour isoler progressivement le gouvernement italien, en creusant un fossé avec la France. ‘’Des déclarations aussi agressives me semblent s'adresser à l'opinion publique française et espagnole. C'est pourquoi’’, assure Meloni, ‘’je ne suis pas inquiète’’. Mais ces manœuvres pourraient avoir des effets incontrôlables pour ceux qui les déclenchent et pour ceux qui les subissent. Et pour les dynamiques de rupture qu'elles déclenchent en Europe. »
PREMIER PLAN, Corriere della Sera, « Sur les migrants et sur le travail, les critiques de la France et de l’Espagne à Meloni » par Stefano Montefiori : « "[Hier], deux attaques contre le gouvernement italien sont venues de la part des deux grands partenaires du sud de l'Europe. Les accusations des uns et des autres procèdent de la même nécessité : frapper leurs adversaires politiques internes d'extrême droite, le Rassemblement national de Marine Le Pen en France et Vox de Santiago Abascal en Espagne, en critiquant les forces qui gouvernent à Rome. Malgré la volonté d'apaisement et le ton conciliant employé à l'époque par Elisabeth Borne qui souhaitait un "dialogue apaisé" entre la France et l'Italie, la crise se poursuit avec les déclarations de Séjourné, chef du parti de Macron, allié à Strasbourg avec Italia Viva et Azione. Stéphane Séjourné organise le 25 mai à Rome un séminaire de Renew, qui comprend aussi le Parti démocrate européen de Sandro Gozi (que Italia Viva de Matteo Renzi et Azione de Carlo Calenda ont rejoint). Les élections européennes de 2024 approchent, et les grandes manœuvres sont en cours depuis un certain temps : pour prévenir une éventuelle alliance entre les droites et le Parti populaire, les macronistes de Renew multiplient les attaques contre les souverainistes, se positionnant comme le ciment d'une grande coalition renouvelée entre les Populaires et les socialistes à Strasbourg. Il y a dans ce qui se passe une dimension européenne, qui recoupe un autre niveau lié à la politique intérieure et de la réponse de Darmanin, piqué au vif, aux critiques de Bardella et à "ses amis d'extrême droite, comme Giorgia Meloni en Italie", alors que le véritable allié de Marine Le Pen est la Ligue de Matteo Salvini, tandis que c'est Éric Zemmour qui se sent, le cas échéant, plus proche de Meloni. La relance des relations entre la France et l'Italie pourrait se faire, comme cela s'est déjà produit dans le passé, par le biais du président Sergio Mattarella, invité au Louvre avec Emmanuel Macron pour l'exposition "Naples à Paris" au début du mois de juin. L'espace politique européen est désormais hybride, les coutumes diplomatiques traditionnelles entre États-nations coexistent avec une lutte politique qui ne s'arrête plus aux frontières des pays. Et dire qu'il y a quelques années, en 2019, quand Di Maio soutenait les gilets jaunes, c'est la France qui s'en indignait. »
PREMIER PLAN, Repubblica, « Elections européennes et alliances : la Première ministre dans le collimateur des pays de l'UE » par Emanuele Lauria : « "Ils nous attaquent parce que nous travaillons bien". La voiture est déjà prête à partir, devant le bâtiment du gouvernement qui vient de servir de cadre aux déclarations finales de la rencontre bilatérale avec le premier ministre tchèque Petr Fiala. Giorgia Meloni, assise sur le siège arrière, ferme la portière, puis la rouvre. Cette fois, elle ne veut pas que les critiques venant de France tombent dans l'oreille d'un sourd. Et pour la première fois, sous la pression des journalistes de la Repubblica, de la Stampa et du Corriere, elle s'adresse à la presse. Le coup de force de Gérald Darmanin et Stéphane Séjourné, des hommes très proches du président Emmanuel Macron, est trop fort et trop proche. « Utiliser d'autres gouvernements pour gérer des questions internes, cela ne me semble pas idéal du point de vue de la politique et de l’élégance », attaque Meloni. Elle parle d’élégance tandis que son bras droit, Raffaele Fitto, ministre des affaires européennes, souligne le manque de « bon ton » [en français]. La réponse est piquante si elle se limite à une question d'élégance, et suit le cliché selon lequel c’est un sujet auquel on serait sensible à Paris. La présidente du Conseil n'entre même pas dans le détail des accusations. Pour elle, Macron "a un problème d’opinion interne à régler". Sur les critiques venant d’Espagne, la Première ministre ne change pas sa ligne de défense : "Il me semble qu'en Espagne, il y a la même dynamique : on cite le gouvernement italien et on se réfère aux partis d'opposition interne. Mais cela ne me préoccupe pas particulièrement : s'il y a beaucoup de gens en Europe qui parlent de nous, c'est parce que nous faisons très bien notre travail". En fait, Meloni est convaincu d'une chose : le crescendo des accusations montre que la campagne électorale pour les élections européennes a déjà commencé. Et l’assimilation du gouvernement italien avec les forces de la droite radicale, tant en France qu'en Espagne, n'est pas une coïncidence. Et si Marine Le Pen n'est pas un parti allié en Europe, le mouvement espagnol Vox - auquel Diaz fait expressément référence - fait au contraire partie de la même famille que FdI, celle des conservateurs. "Les représentants du gouvernement socialiste sont terrifiés à l'idée que, dans un an, l'Ecr et les Populaires puissent changer de majorité en Europe", a déclaré l'eurodéputé FdI Carlo Fidanza, reflétant ainsi la pensée du Premier ministre. Mais d'ici à 2024, Mme Meloni a le problème de gouverner sans risquer l'isolement dans l'Union. Elle ne peut se permettre de rompre avec ses principaux partenaires européens. C'est pourquoi, malgré les gifles venues de Paris, la première ministre est déterminée à ne pas fermer la porte au dialogue : "Pour moi, il ne semble pas, dit-elle, qu'il y ait des problèmes bilatéraux entre l'Italie et la France : avec Macron, les occasions de se rencontrer ne manqueront pas lors de la réunion du Conseil de l'Europe en Islande et du G7 au Japon. Et peu importe que l'Elysée n'ait pas présenté les excuses demandées après les attaques de Darmanin, qui avait conduit le ministre des Affaires étrangères Antonio Tajani à annuler une mission à Paris. Pour l'heure, il importe de garder un ton mesuré, de réduire les critiques à des règlements de comptes internes, de ne pas fermer toutes les portes. »
PREMIER PLAN, Domani, « La France et l'Espagne contre Meloni. L'Italie de plus en plus isolée dans l'UE » de Francesca De Benedetti : « Il s'agit de "règlements de comptes internes", comme Meloni tente d’interpréter les choses. Il se peut que tous les hommes du président Macron, d'abord le ministre Darmanin, puis le chef du groupe européen de Renew et chef de Renaissance, Séjourné, frappent Meloni parce qu'ils veulent frapper Le Pen. Et il se peut que le vice-premier ministre espagnol Díaz, candidat à la tête d'un futur gouvernement en Espagne, attaque Meloni pour attaquer Vox. Ce qui est certain, c'est que notre première ministre est devenu un aiguillon en Europe, et avec elle l'Italie. Dès qu'elle a été investie de ses fonctions, elle a mis les pieds à Bruxelles pour dire : "Vous voyez, je ne suis pas un martien". Mais en quelques mois, elle a dilapidé son capital politique déjà maigre, en dilapidant aussi le nôtre : deux des gouvernements qui ont potentiellement plus d'affinités stratégiques avec l'Italie, à savoir la France et l'Espagne, diabolisent Meloni sans craindre les conséquences, au point d'isoler l'Italie. La première grande occasion manquée, c’est la France. Lorsque Meloni prend la tête du gouvernement, à l'automne, Macron est déjà dans un avion pour Rome ; c'est l'époque des malentendus avec Berlin, du sommet franco-allemand de Fontainebleau qui est annulé. Une rupture qui pourrait se transformer en une formidable opportunité pour Meloni, offerte en dot par son prédécesseur Draghi, qui ouvre le canal entre elle et l'Elysée. Macron s'empresse en effet de la rencontrer - certes subrepticement, avec des photos dans la pénombre pour ne pas réveiller l'opposition en France - mais voilà qu'en quelques jours c'est déjà la crise diplomatique : Chigi ne sait pas gérer le jeu des navires et le canevas de collaboration se détériore. Le dernier épisode en date, après que Darmanin a qualifié Meloni d'"incompétente" sur les migrants, est celui qui se joue entre Paris et Bruxelles : Séjourné dirige le parti macronien ainsi que le groupe Renew. Il souffle sur l'extrême droite, y compris en Italie. Sur les aides d'Etat, la France s'est rapidement réconciliée avec l'Allemagne, laissant notre gouvernement dans l'expectative. Paris nous aurait-il au moins aidés sur la dette commune ? Le fonds souverain fantôme a rapidement sombré, la seule compensation que nous obtiendrons - peut-être - sera une réduction des fonds déjà versés. Et la réforme du pacte de stabilité ? On ignore, pour l'instant, la demande de Chigi de découpler l'investissement de la dette. »
ARTICLE, Il Foglio, de Oscar Giannino, « Qui ne veut pas de Meloni ? Les attaques de la France et de l'Espagne sont un coup de pouce à Ursula. Meloni se prépare » : « Il y a deux façons de voir la controverse qui monte depuis la France et l'Espagne à l'égard de la politique du gouvernement Meloni. La première, ce sont les vieux réflexes. On se gonfle de fierté patriotique, on s'indigne de l'insulte faite à la glorieuse "nation". C'est ce que font non seulement les représentants de la majorité, mais aussi les médias et pas seulement ceux qui rivalisent pour donner la parole à la droite. Tournoi auquel je ne participe pas. Et puis il y a un deuxième mode : celui de l'observateur qui cherche à comprendre. J'anticipe la conclusion : dans les mois à venir, les polémiques seront de plus en plus vives. Les groupes européens des différentes gauches, et le groupe libéral de Renew Europe, ont très bien compris que Giorgia Meloni est l'occasion en or pour un revirement de Ppe par rapport à la "majorité Ursula" dont est issue l'actuelle Commission européenne. Au Parlement européen, la somme du PPE, du parti de gauche S&D et des libéraux de Renew Europe n'a élu von der Leyen que par 9 voix, perdant ainsi 75 % de ce qu'elle représentait théoriquement. Mais comme le parti de Meloni est deuxième en termes d'élus dans le groupe des Conservateurs et Réformistes dominé jusqu'à présent par les 27 élus polonais, alors qu’il devrait enregistrer un bond aux prochaines élections européennes, et que tout le monde s'attend à ce que plusieurs forces conservatrices mineures fassent également beaucoup mieux qu'en 2019, sans compter les défections possibles dans le groupe souverainiste Identité et Démocratie dans lequel se trouvent Salvini, Le Pen et l'extrême droite allemande AfD, voilà que l'opportunité pour le PPE d'opérer un revirement à droite devient plus que possible. C'est ce à quoi Meloni s'emploie inlassablement, avec ses visites en Europe de l'Est, qui ne croit plus à la dynamique franco-allemande au vu des réticences au soutien total à l'Ukraine venus de Berlin et de Paris en 15 mois. Le choix décisif pour le PPE est bien sûr la Cdu-Csu allemande. La semaine dernière, lors du congrès du PPE à Berlin, il est apparu clairement que le leader du PPE, Manfred Weber, travaillait à un revirement. Le secrétaire de la Cdu, Friedrich Merz, a reconnu que "le gouvernement Meloni se comporte de manière plus raisonnable que nous ne le craignions". Le chef de file de la Csu, Markus Söder, qui s'est toujours montré hostile à M. Merz, a répliqué à Mme Meloni : "Je ne peux certainement pas l'imaginer au sein du PPE". M. Söder pense que la voie pourrait être différente : ne pas viser une alliance avec les conservateurs, mais faire éclater le groupe. Mais les objectifs de Söder se heurtent au fait que Macron ne pourra jamais dire oui à une première ministre italienne qui a été l'amie de Le Pen pendant de trop nombreuses années. D'autre part, même pour Weber, le jeu d'un renversement autour de Meloni n'est pas gagné d'avance : au PPE, les Grecs Mitsotakis, les Bulgares et les Croates ne seraient pas contre, mais le Polonais Donald Tusk est à des années-lumière des valeurs et de la politique de Meloni, et il en va de même pour les Portugais. Voilà donc de quoi alimenter les attaques contre Meloni : le grand jeu de la nouvelle Commission. Et Meloni remplit les trois conditions fixées par le PPE : être pro-européenne, pro-Ukraine, respecter l'État de droit. Salvini et ses alliés ne le font pas. «
ENCADRE, Il Foglio, « La troisième voie de Macron sur les migrants » : « Attaquer Giorgia Meloni pour frapper Marine Le Pen, principal adversaire en vue des délicates élections européennes de l'an prochain et dans l'orbite présidentielle de 2027. Le message sévère de l'eurodéputé français, rapporté par le Figaro, sera également répété les 24 et 25 mai à Rome, lors d'un séminaire de travail du groupe Renew. Et il doit être lu comme une stratégie revendiquée par Paris, et non plus comme un fait impromptu : celle de montrer qu'il existe une troisième voie dans la gestion de l'immigration, qui peut concilier fermeté et humanité sans tomber dans les excès démagogiques des nationalismes, mais pas non plus dans le laxisme de l'extrême gauche. C'est aussi pourquoi, il y a deux jours, le gouvernement français a décidé d'avancer à cet été la présentation de la nouvelle loi sur l'immigration : un ensemble de mesures efficaces qui peuvent rassembler la majorité présidentielle, Renaissance, le MoDem et Horizons, mais pas seulement. En effet, la décision de placer l'immigration en tête des priorités est aussi un clin d'œil aux Républicains, le parti gaulliste, qui réclame depuis longtemps une répression notamment à la frontière italienne, où la pression migratoire est devenue insoutenable pour beaucoup. »
ARTICLE, IL Giornale, « Meloni fait le choix de la modération. “On se sert de nous pour des questions de politique intérieure ». La crainte du rapprochement ECR-PPE » par Adalberto Signore : « Meloni avait eu Macron au téléphone la semaine dernière, un échange tout à fait cordial, qui ne laissait pas imaginer ce qui allait se passer ensuite. Il se reverront bientôt, d’abord à Rejkjavik mardi et mercredi pour le Conseil de l’Europe, puis au G20 d’Hiroshima les 19 et 20, et pourront peut-être en « terrain neutre » se voir en bilatéral. Il sera inévitable qu’ils abordent la question des tensions croissantes entre Paris et Rome, bien que la première ministre cherche à garder un ton mesuré, car elle sait qu’alimenter la polémique pourrait faire le jeu de Macron. Que Séjourné attaque Meloni alors que Paris et Rome cherchaient précisément la réconciliation ne peut pas être une coïncidence. Cela devait forcément être une attaque dont le chef [de Séjourné] devait être informé. Ce que Meloni pourrait soupçonner aussi. Carlo Fidanza, chef de Fdi au Parlement européen, résume : « il y a un problème au sein de Renaissance sur la ligne à tenir mais aussi une baisse de popularité de Macron, qui précisément craint la montée de Le Pen sur le dossier migratoire. Et puis, la politique migratoire italienne est vue comme le maillon faible du rapprochement potentiel PPE-ECR, d’où la raison pour laquelle les attaques du côté de Macron sur ce sujet sont plus fortes ».
ENTRETIEN, Il Giornale, de Stefania Craxi, Présidente de la commission affaires internationales, « On craint une Italie pouvant jouer un rôle majeur » : « Il s’agit d’une impolitesse politique et institutionnelle qui n’a pas de précédent, notamment pour la dureté du ton employé et pour les fausses accusations. La France et l’Espagne sont les pays les moins qualifiés pour nous critiquer au sujet de la question migratoire. Il y a clairement un dessein politique derrière. Il faudra présenter des excuses. Les canaux de communication doivent rester ouverts. Nous avons toujours eu une posture constructive au niveau aussi de la diplomatie parlementaire. Il y a clairement une gêne à l’égard d’une Italie qui veut jouer un rôle majeur et qui veut être déterminante dans les équilibres européens qui se préciseront après les élections de 2024. Macron a peur de rester isolé et les réactions de personnalités politiques proches de lui représentent bien ces peurs ressenties par certaines familles européennes, y compris les Socialistes, de rester hors du périmètre de la majorité. Les questions internes ne sont pas une justification d’ingérences dans la vie démocratique d’un pays fondateur de l’UE avec lequel il serait utile d’entretenir de bons rapports. L’Italie veut jouer un rôle majeur dans les relations atlantiques, avec une forte projection méditerranéenne.’’ »
ENTRETIEN, Il Messaggero, de Fernando Nelli Feroci, ancien ambassadeur et Président de l’IAI (Institut pour les affaires internationales) « De la Libye aux accords avec l’Algérie, Paris est pris de court par notre activisme » : « C’est un problème sérieux, il est évident que les critiques de Darmanin sur les migrants n’étaient pas une voix isolée ou un incident. Malgré les désaveux timides venant de l’Elysée, il est désormais clair que Macron exploite les tensions avec l’Italie pour des raisons de politique intérieure. Le Président craint une offensive lepéniste lors des élections européennes et c’est pourquoi il met sur le même plan Giorgia Meloni et Marine Le Pen, en les décrivant comme des dirigeantes qui font des promesses sans les maintenir. La récente rencontre de Meloni avec le général Haftar pourrait représenter une des raisons derrière ces tensions. Nous savons que le dossier libyen est depuis toujours clivant entre l’Italie et la France, les deux pays ayant misé sur des cartes différentes. Il y a aussi la compétition croissante de nos deux pays dans d’autres zones africaines, je pense notamment à l’engagement Italie dans la crise tunisienne mais aussi aux pays qui sont cruciaux dans la stratégie énergétique italienne, comme l’Algérie, Alger ayant regardé vers Rome après le vide et la prise de distances avec Paris. Le retour de notre pays comme acteur majeur de l’industrie des hydrocarbures algérienne est un facteur qu’il faut considérer dans cette nouvelle confrontation avec la France. Rétablir de bonnes relations est dans l’intérêt de l’Italie et de la France. Mais je crains que derrière les mots de Séjourné se cache aussi une méfiance persistante de l’establishment français à l’égard du gouvernement Meloni. La même méfiance que l’on constate dans certaines capitales européennes vers un exécutif qui, que l’on veuille ou non, est l’expression d’une victoire électorale claire et nette.’’ »
PREMIER PLAN, La Repubblica, de D. Longhin, « ‘’La ligne Lyon-Turin coûte trop cher’’, Paris freine l’Italie et reporte l’ouverture de la ligne côté français à après 2043 » : « Dix ans, ça peut sembler court mais lorsqu’il s’agit d’un chantier aussi vaste et symbolique que la ligne Lyon-Turin, la décision de la France de reporter les travaux risque de rendre l’infrastructure inefficace et de relancer la contestation. Un nouveau sujet de discorde pourrait émerger entre la France et l’Italie, concernant la fameuse ligne à grande vitesse. La France tente de repousser une partie des travaux après l’inauguration du nouveau tunnel du Montcenis sous les Alpes prévue pour 2032. En attendant, la France se limiterait à une rénovation de la voie ferrée déjà existante. La prochaine Conférence intergouvernementale franco-italienne est prévue pour le 22 juin à Lyon mais de premières discussions informelles entre les chefs de délégation ainsi que les représentants européens devraient se tenir dès demain. Un premier match pour comprendre quelles sont réellement les intentions de la France et du ministre des Transports Clément Beaune. Lors de la dernière Conférence, la France avait demandé le report des décisions sur les tronçons nationaux tout en soulignant que la TAV, la ligne à haute vitesse, était stratégique. Les rappels du vice-président du Conseil et ministre des Transports, Matteo Salvini, ne manquent pas : ‘’Je conseillerais à Macron de surveiller la situation de près. Il me semble qu’en France ils accumulent un peu trop de retard’’. Son homologue transalpin Beaune s’est toujours voulu rassurant. Mais les nouvelles dates et étapes désormais indiquées par le Conseil français d’orientation des Infrastructures sont un problème pour l’Italie. Du côté français on réplique qu’il y aura bien un accès, bien que tortueux et plus limité. La France doit s’occuper d’un tronçon long de 110km pour un coût de 6,7 milliards d’euros et qui serait ainsi étalé sur une plus longue période. La rénovation de la vieille ligne coûterait quant à elle 600 millions. En Italie, le tronçon est plus court et le coût total est de 2 milliards, et les délais sont respectés. Le respect des engagements est crucial dans ce chantier, il s’agit d’une ligne au cœur du Couloir méditerranéen, une œuvre d’échelle européenne cofinancée à 50% par l’UE. L’opposition a été dure et parfois violente, l’impasse causée par l’indécision de la France risque de donner un nouveau souffle au mouvement dit ‘’no tav’’. La réduction du temps de trajet entre la France et l’Italie n’est pas le seul enjeu, il sera déjà réduit à l’ouverture du tunnel long de 57 km sous les Alpes, il s’agit surtout du fret ferroviaire. La ligne une fois achevée devrait permettre la circulation de 190 trains de marchandises par jour pour un total de 25 millions de tonnes par an. Avec la simple rénovation des voies, l’estimation chute à 16,8 millions de tonnes par an selon les Français pour 162 trains par jour. Pour l’Italie, on atteindrait seulement les 80 à 90 convois par jour. L’objectif de l’Italie sera de convaincre la France de réduire les délais, mais la négociation sera longue. »
Matteo Salvini
ENTRETIEN, Corriere della Sera, de Giovanbattista Fazzolari (Frères d'Italie), secrétaire d’Etat à la Présidence du Conseil des ministres chargé de l’actuation du programme du gouvernement : « " Nous ne voulons pas affaiblir le rôle super partes du chef de l'Etat " » : « " La France ? Ils ne font pas bonne impression". Q : Pour le parti de Macron, la Présidente Meloni est "inhumaine et inefficace sur les migrants". Pourquoi Paris s'en prend-il au gouvernement italien ? R : "Ces attaques incessantes témoignent du mauvais état de santé du gouvernement d'une grande nation. Ils ont d'abord dit que nous devions accueillir tous les migrants, maintenant, ils nous demandent de lutter contre l'immigration clandestine de masse. Nous considérons un succès le fait que le gouvernement français ait changé de position. Nous attendons maintenant de la France qu'elle soit cohérente et qu'elle soutienne, en Europe, les propositions italiennes de lutte contre l'immigration clandestine. Q : Au sujet de l’emploi, voulez-vous revenir à des contrats très peu garantis, comme vous en accuse la vice-présidente socialiste espagnole Dìaz ? R : "Avec le gouvernement Meloni, nous avons atteint le record historique de contrats stables à durée indéterminée. Ce sont les données, tout le reste est de la propagande". Q : Meloni vise-t-elle les pleins pouvoirs ? Ou bien, pour citer Schlein, à une monarchie éclairée ? R : Cette réforme ne peut entrer en vigueur avant la fin de la législature. Nous ne pouvons pas imaginer de mettre en place un projet qui serait à notre avantage mais qui se réalisera seulement en 2027 ; nous ne pouvons pas prédire qui sera le parti politiquement le plus fort dans quatre ans. Toutes les forces politiques partagent l'idée que le système institutionnel italien actuel ne fonctionne pas. Le deuxième grand problème est que les gouvernements sont de plus en plus déconnectés du résultat du vote populaire, cela mène à une désaffection totale de l'électorat et donc à un manque de légitimation des institutions. Sur la façon d'aborder ces problèmes, les divergences sont importantes, mais tous s'accordent sur le fait que notre système institutionnel est un élément de fragilité pour le pays". Q : Le rôle du président Mattarella sera-t-il garanti, comme le demandent les oppositions ? R : " Au cours des réunions sur le sujet, une grande attention a été portée au fait de ne pas affaiblir le rôle super partes du président de la République. Une telle réforme doit être envisagée pour l'avenir, il est évident qu'elle n'entrerait en vigueur qu'avec la nouvelle législature. Personne n'imagine interrompre le mandat de Mattarella avant son "échéance naturelle". Nous ne considérons pas nécessaire la création d’une commission bicamérale ; le dialogue sur les réformes peut aussi se poursuivre par des rencontres avec les oppositions". Q : Ne craignez-vous pas le résultat du référendum, après le rejet des réformes de Berlusconi et Renzi ? R : Il serait peut-être opportun de laisser les Italiens juger, même si nous obtenions une majorité des deux tiers au Parlement". Q : La Ligue est impatiente, elle veut que l'autonomie soit approuvée avant les élections européennes. Pourrez-vous convaincre Salvini ? R : Il y a un climat de collaboration ; il n'y a pas de positions dans le gouvernement qui doivent être négociées. L’idée que le présidentialisme est un argument porté par Fratelli d’Italia et que l’autonomie est un argument de la Ligue est fausse. Le présidentialisme est une bataille de tous les partis de centre-droit et il en va de même pour l'autonomie ". »
Giovanbattista Fazzolari
ARTICLE, La Repubblica, de G. Vitale, « L’appel à candidatures pour les directeurs de musées ouvert seulement à ceux qui parlent italien » : « Parlez-vous italien ? C’est la question-clef à laquelle devront répondre les candidats à la direction des musées nationaux d’après l’appel à candidatures que prépare le ministère de la Culture. Mais ce n’est pas tout, la droite italienne qui se dit décidée à ‘’préserver la langue mère contre la xénophilie endémique’’ soumettra les candidats à des tests de langue particulièrement exigeants. Une manière d’écarter les directeurs et gérants étrangers très présents dans la Péninsule. Cela a été l’une des premières taches à laquelle s’est attelé le ministère dirigé par Gennaro Sangiuliano : recenser les principales institutions culturelles du pays dirigées par des étrangers. Plus d’une dizaine des musées et des théâtres lyriques les plus prestigieux ont ainsi été identifiés et le ministère est très déterminé à changer les choses. On compte plusieurs Français, quelques Allemands, un Anglo-canadien dans ce cas, au détriment des nombreux experts au riche curriculum et à la renommée bien installée dont l’Italie peut se vanter. Des cerveaux en fuite que Sangiuliano rêve de rapatrier. Depuis plusieurs semaines le gouvernement travaille donc à la révision des appels à candidatures pour les prochains directeurs de 13 musées dont la direction doit être renouvelée. Parmi ceux-ci, trois sont de premier ordre et dirigés par des étrangers : Schmidt aux Offices, Bellenger à Capodimonte et Bradburne à la Pinacothèque de Brera. Les candidats de l’UE ne peuvent être explicitement exclus, sous peine de recours, d’où l’introduction du critère linguistique. L’énième élément de la stratégie souverainiste pour ‘’combattre l’idéologie woke et le politiquement correct’’ chers aux progressistes et leur soustraire l’hégémonie culturelle. Une thèse clairement énoncée par les proches de Meloni aux ‘’Etats généraux de la culture’’ nationaliste. Il y avait d’abord eu l’introduction d’une norme sur l’âge limite des surintendendants qui visait à déloger les Français : Lissner du San Carlo, puis Meyer à la Scala. Voici maintenant le certificat de langue pour les directeurs de musée. Le virage autarcique est là, les étrangers ne passeront pas. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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