09/11/2022
"Migrants : tout le monde a débarqué." et "La ligne dure du gouvernement fait un flop, mais l’exécutif crie victoire."
Italie. Revue de presse.
La presse italienne consacre très largement ses unes et pages intérieures au débarquement des migrants sur les bateaux d’ONG en Sicile : « L’UE fait plier le gouvernement – La Commission rappelle que les pays membres doivent garantir le droit d’asile. Tous les 286 naufragés de la Geo Barents et de Humanity One ont débarqué. L’Ocean Viking ira en France. Pour Paris : le comportement de l’Italie est inacceptable. La ligne dure du gouvernement fait un flop, mais l’exécutif crie victoire » (Repubblica) ; « Migrants : tout le monde a débarqué » - Paris accueille le navire Ocean Viking et Meloni déclare : nous veillerons à nos frontières et à la légalité » (Corriere della Sera). « Sur les migrants, Meloni se rend : tout le monde débarquera à Marseille ou à Catane après l’entretien avec Macron. La première ministre cède à l’UE, la colère de Salvini » (Stampa). « Des migrants accueillis aussi en France, les ONG émettent des critiques. Des tensions avec Paris et à Catane, tout le monde débarque. Le dossier Frontex sur les « migrants poussés à partir grâce à la présence des ONG » (Messaggero). « Tout le monde débarque en Italie grâce au certificat médical : pour les médecins, les migrants sont « fragiles » et le gouvernement doit céder. Mais la ligne dure fonctionne : Macron nous aide et accueille un bateau » (Il Giornale) – « Port franc : Paris rompt le front européen et désigne Marseille pour accueillir un bateau. C’est la victoire de la ligne dure de Meloni et Piantedosi, qui font débarquer tout le monde dans la soirée à Catane. Pour les ONG, « c’est une décision contre le droit international » (Manifesto). Les élections de mi-mandat aux Etats Unis sont aussi largement en Une, la plupart des journaux anticipant une victoire des Républicains à la Chambre.
ARTICLE, Corriere della Sera, « L'accord avec Paris sur le débarquement [en France]. Meloni : nous ne changerons pas notre ligne de conduite » par Francesca Basso : "Les citoyens nous ont demandé de défendre les frontières de l'Italie et ce gouvernement ne trahira pas sa parole". La Première ministre Giorgia Meloni a écrit ceci sur Facebook pour réitérer la ligne dure du gouvernement. Dans les mêmes heures, le navire "Ocean Viking", « face au silence de l'Italie et en raison du caractère exceptionnel de la situation, est contraint de demander un port sûr à la France", déclare l'ONG Sos Méditerranée. La décision française d'ouvrir le port de Marseille à l'Ocean Viking a été prise après une conversation entre Meloni et le Président français Macron à Sharm el Sheikh, où ils se trouvaient pour la Cop27. L'Italie, a indiqué à Ansa une source du ministère français de l'Intérieur, est restée ferme sur ses positions, et même hier après-midi, lors d'un dernier contact téléphonique entre les ministres Matteo Piantedosi et Gérald Darmanin. Dans un communiqué, le palais Chigi a exprimé sa "satisfaction quant à la décision de la France de partager la responsabilité de l'urgence migratoire, qui jusqu'à présent reposait sur les épaules de l'Italie et de quelques autres États méditerranéens". Mais dans la nuit, une source gouvernementale française a critiqué l'Italie : "Un comportement inacceptable. Nous attendons davantage d'un pays qui est aujourd'hui le premier bénéficiaire du "mécanisme de solidarité européen". Des critiques avaient également été formulées dans l'après-midi par les évêques. "La situation est dramatique, anticonstitutionnelle, elle ne respecte pas les familles qui sont sur ces navires, elle ne respecte pas le droit fondamental au secours de la Convention de Genève", a déclaré Monseigneur Giancarlo Perego, président de la Fondation Migrantes, un organisme de la Cei. Hier, la Commission européenne a également réaffirmé les règles : "Les ressortissants de pays tiers présents sur le territoire de nos États membres, y compris dans les eaux territoriales, peuvent demander l'asile et, dans ce cas, les États membres sont tenus d'assurer un accès effectif aux procédures »
ARTICLE, Corriere della Sera, « A Catane, tout le monde descend des bateaux. L'Ocean Viking se rend à Marseille » par notre correspondante à Catane Marta Serafini : « "Sauvetage terminé, ils sont tous à terre". Après une journée d'attente, la nuit tombe quand un cri de joie s'élève du port de Catane après que tous les migrants du Geo Barents soient descendus. Les bus qui emmèneront les migrants vers les centres de premier accueil s'approchent également de Humanity 1. Le feu vert arrive aussi pour les 35 qui étaient restés. "Ça y est, ça y est", lance Petra Krischok, la porte-parole de l'ONG Sos Humanity, d'une voix fendue par l'émotion. La journée a commencé tôt, avec la nouvelle que le Rise Above de l'ONG allemande Mission Lifeline avait accosté à Reggio Calabria, dont les 89 passagers descendent en même temps. Pas de décret avec ordre de ne débarquer que les plus fragiles pour le navire battant pavillon allemand. Le gouvernement italien affirme que nous avons demandé l'instauration de l'état d'urgence et que c'est la raison pour laquelle il nous a laissés accoster, mais nous n'avons jamais fait une telle demande", explique Hermine Poschmann, porte-parole de l'ONG. L'explication est donc que le Rise Above a été "pardonné" parce que l'événement Sar - c'est-à-dire le sauvetage - a eu lieu sous la coordination des autorités italiennes. Et le bateau est parti vide. Pas de crise et pas d'amende. Sur le Geo Barents, concerné par le décret imposant le débarquement uniquement pour les mineurs et les sujets fragiles, les inspecteurs sanitaires de l'Usmaf (Offices de la santé maritime, aérienne et frontalière) reviennent. Une nouvelle inspection a été ordonnée après que plusieurs sources les aient accusés d’une sélection hâtive des cas les plus vulnérables. Ils prendront au moins huit heures avant d'embarquer et de donner le feu vert également à l'Humanity 1. En fin d'après-midi, un autre rebondissement est venu de Paris : l'Ocean Viking, le dernier navire laissé au large à la limite des eaux territoriales italiennes avec 234 personnes à bord, sera autorisé à débarquer à Marseille. En France, il n'y aura pas de débarquements sélectifs. Nous les laisserons tous débarquer". C'est au tour d'Alessandro Porro, président de Sos Mediterranee, alors que le navire de l'ONG se dirige d'abord vers la Corse, puis vers Marseille où il arrivera probablement après deux jours supplémentaires en mer, d'expliquer la raison de ce choix : "Nous avons décidé de demander un port à la France parce que l'Italie n'est plus un lieu sûr, le débarquement sélectif est contraire à toutes les règles du droit international. L'Italie se comporte comme un État voyou".
PREMIER PLAN, Il Messaggero, C. Mangani, F. Pierantozzi : « Ocean Viking à Marseille, la France accuse l’Italie. A Catane, tous les migrants débarquent » : « Le premier round affiche un résultat très positif pour l’Italie, même s’il crée quelques tensions avec la France. Paris a en effet décidé d’accueillir le navire Ong Ocean Viking et de faire débarquer à Marseille tous les migrants. Emmanuel Macron et Giorgia Meloni ont eu un entretien pendant la Cop 27 à Sharm El Sheik et hier un nouvel entretien entre les ministres de l’Intérieur, Gérard Darmanin et Matteo Piantedosi, a eu lieu. Le résultat est que la France accueillera le navire qui attendait, à la limite des eaux territoriales italiennes, de pouvoir trouver un port d’accueil. Mais au cours de la soirée, Paris ouvre une polémique et dénonce ‘’ un comportement inacceptable’’ sur l’affaire Ocean Viking. Une source gouvernementale française affirme que l’attitude de l’Italie ‘’est contraire au droit de la mer et à l’esprit de solidarité européenne ‘’. Entre-temps, Meloni revendique la ligne du gouvernement : ‘’ Sur la sécurité et la lutte à l’immigration illégale, les Italiens se sont exprimés dans les urnes, et ils ont choisi notre programme et notre vision. Ils nous ont demandé de défendre nos frontières, nous ne les trahirons pas. ‘’ Ensuite, une note de Palais Chigi salue la ‘’ décision de la France de vouloir partager la responsabilité sur l’urgence migratoire. Il s’agit d’un thème européen et c’est ainsi qu’il doit être affronté, dans le respect des droits humains et du principe de légalité. ‘’ Pendant que l’Ocean Viking se dirige vers Marseille, tous les migrants ont pu débarquer de la Rise Above et une solution a été trouvée également pour les migrants à bord des deux autres navires dans le port de Catane, à qui, dans un premier temps, le gouvernement avait interdit de débarquer. Et pendant que la Commission européenne rappelle à l’Italie qu’elle a le devoir de garantir aux migrants l’accès aux procédures de demandes d’asile, le ministre Piantedosi repousse les attaques : ‘’ Non n’acceptons aucune leçon, de personne, sur les droits de l’homme. ‘’ Sur la décision de Paris d’accueillir l’Ocean Viking, selon une source du ministère de l’Intérieur français, ‘’l’Italie est restée ferme sur ses positions.’’ »
EDITORIAL, Il Messaggero, A. Ciampi : « La morale que l’on fait à notre pays et les intérêts particuliers » : « Une bataille politico-propagandiste qui est à la limite de la moralité, qui déborde dans l’illégalité d’Etat et qui risque de violer les normes constitutionnelles italiennes ainsi que les lois internationales et les conventions européennes, est en train de se consommer aux dépends des migrants. Avant de faire ce genre d’affirmations, il conviendrait de bien éclaircir ce qui s’est passé sur le port de Catane. Est-ce la faute d’un gouvernement de droite qui a décidé de s’en prendre aux migrants pour satisfaire son électorat et pour distraire l’opinion publique des urgences économique du pays qu’il ne sait comment résoudre ? Ou bien ont-ils raison, ceux qui intiment à l’Italie de faire face à ses obligations de secours et d’assistance, ou encore ceux qui pensent pouvoir résoudre le problème de l’immigration par une approche fondée uniquement sur le droit et une morale humanitaire ? Les accusations faites à l’Italie - de violer le droit international et les accords avec l’Union européenne, de vouloir pratiquer des débarquements sélectifs, de considérer de la piraterie l’action de sauvetage des Ong – sont suffisantes pour s’attires les critiques des bien-pensants de la gauche progressiste ainsi que celle des chancelleries européennes hostiles au nouveau gouvernement. Mais si d’un côté le Viminale ouvrait un contentieux sur le nombre de migrants qui pouvaient débarquer à Catane, de l’autre les mêmes autorités autorisaient le débarquement de tous les migrants en Calabre et accompagnaient dans les ports de Augusta, Pozzallo et Rocella Jonica, 569 personnes après les avoir sauvées en mer. Il y a donc quelque chose qui n’est pas clair entre ce qui se passe réellement et la façon dont les faits sont racontés. Les autorités italiennes manquent de sens moral et se comportent de façon schizophrène, ou bien sont-elles en train d’essayer d’attirer (peut-être par des moyens contestables) l’attention de l’Europe sur un thème qui demanderait une réponse politique unie et solidaire ? L’Italie ne mérite pas d’être mise sur le banc des accusés, car depuis des années ce sont ses forces maritimes qui sont en première ligne dans les activités de sauvetage en mer. Pointer le doigt contre l’Italie, en l’accusant de ne pas accomplir ses devoirs moraux, est la meilleure façon de distraire l’opinion publique des politiques d’accès fortement répressives qu’ont mis en place, depuis des années, des pays comme l’Espagne, la France ou le Danemark. A cette attitude européenne inquisitoire, s’ajoute une opposition gouvernementale interne qui souffle sur le feu. Si les ports fermés de la droite sont immoraux, illégaux, anachroniques et même inutiles, répéter le refrain de l’accueil pour tous est une solution qui console les consciences mais qui provoque un chaos social et une conflictualité culturelle grandissante. Et si d’un côté les Ong effectuent un travail honorable sur le plan de l’assistance humanitaire, il ne s’agit pas de sujets politiques neutres : leur activisme dans les eaux territoriales italiennes juste après l’investiture du nouveau gouvernement n’est-il pas un peu étrange ? La vérité est qu’en cette matière il faudrait essayer de concilier le sentiment d’humanité avec la sécurité, le droit d’asile et la protection des frontières, l’accueil et le respect des règles, le respect des droits humains individuels et des intérêts collectifs consolidés. La droite semble vouloir essayer de suivre cette feuille de route, sans céder à la propagande et sans aller à la guerre avec ses alliés européens. La décision du gouvernement français d’accueillir Ocean Viking pourrait sembler une nouvelle leçon de morale et de civisme impartie gratuitement à l’Italie. En réalité il pourrait s’agir d’un lent et nécessaire changement de la façon dont l’Europe devra gérer les débarquements. »
RAPPORT, Il Messaggero, V. Di Corrado : « La présence des Ong pousse les réfugiés au départ » : « ‘’La présence des navires des Ong, surtout dans la zone entre Zuara e Zawija, continue d’être un facteur d’attraction supplémentaire pour les migrants qui partent de Libye vers l’Italie ‘’, indique un document réservé de Frontex, l’agence européenne pour la vigilance des frontières. ‘’ Les migrants qui arrivent de Libye affirment constamment qu’en l’absence des navires des Ong en Méditerranée, ils refusent de partir ’’, indique le document. Donc le vrai ‘port sûr’ est celui des navires des Ong. Selon l’Agence européenne, la Libye et Zuara en particulier, sont devenus le principal point d’embarquement vers l’Europe et l’Italie avec ‘’ environ 40 % des migrants signalés en Méditerranée centrale’’ qui sont partis de là. Le rapport indique aussi que ‘’les milices des autorités locales sont de plus en plus impliquées dans le trafic d’êtres humains’’. ‘’L’activité des Ong doit s’arrêter une fois pour toutes, elles sont responsables de ce qui se passe en Méditerranée et sont un instrument utilisé par les trafiquants de gens désespérés ‘’, affirme le sénateur de Forza Italia, Maurizio Gasparri. Le thème du ‘pool factor’ a été démenti par tous les instituts de recherche, en premier par l’ISPI. ‘’ Il a été amplement prouvé qu’il n’y a aucune corrélation entre les départs et la présence des navires humanitaires en mer ‘’ s’est défendu Oscar Camps, fondateur d’Open Arms. ‘’ Il faudrait plutôt se concentrer sur les conditions d’extrême instabilité politique en Libye, sur la guerre entres les groupes armés et le chantage qui consiste à ouvrir ou à fermer les cordons des départs selon l’avantage qui s’ensuit.’’ »
COMMENTAIRE, Corriere della Sera, « Migrants, bataille (politique) sur le rôle des navires des ONG » par Goffredo Buccini : « Pas étonnant que Giorgia Meloni revendique sa ligne de "défense des frontières et de la légalité". Mais pour comprendre de quoi il s'agit réellement, dans un dossier qui oppose la gauche et la droite en Italie depuis trente ans, il faut se pencher sur quelques chiffres. Des chiffres complets et fiables se trouvent dans le dossier du Viminale publié chaque année à la mi-août à l'occasion de la réunion du Comité national pour l'ordre et la sécurité publics. Les débarquements autonomes représentent 53,2%. Les migrants recueillis à la suite d'"événements Sar" (c'est-à-dire des naufrages réels ou présumés sauvés entre nos côtes et celles de l'Afrique) représentent 46,7%. Parmi eux, seulement 16% sont ceux embarqués par les navires des ONG, un pourcentage assez constant ces dernières années : en 2020, ils étaient un peu moins de 20% ; et, selon l'institut Ispi qui fait autorité, au cours des huit premiers mois de 2019, avec Salvini à l'Intérieur, sur 3 073 migrants, seuls 248 sont arrivés avec les navires des ONG, tandis que 2 825 ont débarqué indépendamment sur les plages italiennes, sous le nez du ministre, juste au moment où le décret Sécurité 2 faisait rage. Le point de discorde est-il vraiment le débarquement par les ONG de quelques milliers de personnes par an pour un pays de 60 millions d'habitants ? Il est clair que nous parlons d'autre chose : c'est-à-dire du vecteur de sauvetage, les bateaux des organisations humanitaires qui battent pavillon étranger, un morceau d'Europe qui nous fait la leçon et nous déverse les problèmes. C'est donc le sens même de la solidarité qui est remis en question : à qui le tour ? Même le pape a déclaré que les Européens ne devaient pas nous laisser seuls. Le nouveau gouvernement Meloni tente, par l'intermédiaire du ministre Piantedosi, d'établir avec la démonstration de force de ces jours-ci un principe avec lequel il est difficile de ne pas être d'accord dans l'abstrait : les frontières de l'Union européenne doivent être fixées à Lampedusa, et non aux passages alpins où les policiers français repoussent les migrants qui ont traversé l'Italie. Le ministre, qui en tant que chef de cabinet de Salvini a appris des erreurs et des excès du leader de la Ligue, semble plus prudent dans sa tactique. Les femmes, les enfants, les mineurs, les malades et les personnes fragiles débarquent immédiatement, sur une base "humanitaire", en évitant les grandes complications juridiques. Mais qui établit en quatre minutes le degré de "vulnérabilité" d'un garçon échappé des camps libyens et qui n'est même pas capable de s'expliquer sans interprète ? Ce qui est en jeu, ce sont les lois de la mer, les traités internationaux, la Constitution : ceux qui fuient la mort et les persécutions doivent être accueillis, les naufragés doivent être secourus et conduits au premier port sûr, qui, bien sûr, dans le sud de la Méditerranée, n'est ni la Norvège ni l'Allemagne, les pays de pavillon des navires des ONG. Peut-on empêcher ces personnes de demander l'asile en Italie ? Et si jamais ils demandaient l'asile à bord, pourraient-ils être transportés par avion vers les pays de pavillon des navires immédiatement après leur débarquement en Italie ? Les débarquements de la nuit dernière peuvent débloquer l'impasse, pas résoudre le problème. L'ouverture du port de Marseille à l'Ocean Viking, "sans sélection", d'un côté nous aide, de l'autre nous fouette un peu. Notre croix a toujours été Dublin : le traité qui charge le pays de première arrivée de la gestion du migrant. Giorgia Meloni, faisant fi de l'irréalisable "blocus naval" utilisé depuis des années comme slogan, pense à une mission européenne, avec l'accord d'autorités nord-africaines non précisées, pour mettre en place des "hot-spots" sur place, où ils pourront filtrer, aider, rejeter. Bonne idée, mais avec quelle Afrique, étant donné que la Libye est un non-État ? Et avec quelle Europe ? Le point, comme toujours, est que nous avons besoin d'une Europe politique, mais l'Union est encore et avant tout une entité économique, et sur les migrants (qui seraient d'une grande utilité pour notre économie) elle nous a toujours fait souffrir de notre faiblesse : Renzi a échangé la flexibilité des comptes avec l'UE contre des débarquements ; et aujourd'hui avec 209 milliards de PNRR nous ne pouvons certainement pas taper du poing sur la table. Nous pouvons essayer, en sachant toutefois que c'est une illusion. Un peu comme si on noyait une centaine de misérables pour sauver les frontières de l'Italie. »
EDITORIAL, Il Foglio, de Claudio Cerasa, « Un gouvernement Meloni dans l'UE, un gouvernement Salvini en Italie ? Les migrants et autres armes de distraction massive » : « Plus le Premier ministre change ses méthodes en Europe, plus elle fera tout en Italie pour agiter ses petits drapeaux. L'immigration, mais pas seulement. Pourquoi le programme nationaliste sur les réfugiés est contraire à l'intérêt national. L'image horrifiante offerte ces derniers jours par le gouvernement Meloni sur la gestion des flux migratoires est le parfait miroir d'une conduite politique visant à rassurer les esprits xénophobes dans notre pays, mais aussi une volonté explicite de la part de la majorité de déployer une stratégie politique sophistiquée que nous pourrions banalement résumer ainsi : des armes de distraction massive. Et l'enjeu est trop simple, pour un gouvernement contraint par trop de dossiers à s'inscrire dans la continuité de l'exécutif précédent : plus il devra cacher son incohérence avec le passé sur les grands dossiers, plus sur les questions identitaires, en quelque sorte, il tentera de hausser le ton en montrant la rupture avec le passé. Mieux vaut parler des migrants que de l'énergie. Il vaut mieux parler de rave-party que de croissance. Il vaut mieux faire du tapage autour des petits drapeaux que de montrer le nombre de grands drapeaux obligés de changer de direction, soufflés par un vent appelé réalité. Le problème, toutefois, lorsqu'on parle de migrants, lorsqu'on parle de routes en Méditerranée, lorsqu'on parle de la gestion d'un phénomène structurel, c'est que l'Italie a déjà expérimenté les effets de l'approche dite musclée, avec un résultat inhumain et autodestructeur. Parce qu'elle ne s'attaque pas à la racine des problèmes. Et parce qu'il contribue à affaiblir le message même que Giorgia Meloni a tenté d'offrir lors de sa première tournée à Bruxelles en tant que premier ministre, et voulant convaincre que les populistes ont changé, ils ne sont plus anti-européens et ont même, nous avons, compris que pour résoudre les grands problèmes de notre pays le raccourci nationaliste est souvent contre-productif. Elle avait donc deux choix : la voie européenne, travailler à une redistribution obligatoire au sein des Etats, une route difficile vu l’opposition des pays dirigés par leurs leaders alliés (Pologne et Hongrie). Admettre que s’en prendre à chaque ONG arrivant en Italie signifie offrir non pas des preuves de force mais des preuves d'impuissance (les preuves de force se construisent à Bruxelles, dans l'interlocution avec les états membres de l'UE, et non pas sur la peau des migrants fuyant les horreurs de leurs propres pays). La deuxième voie est la plus complexe, qui vise la stabilisation politique des pays d'où partent les migrants par bateau, et là aussi la clé de l'intervention ne passe pas par une démagogie facile sur les ports mais passe par une activité difficile et nécessaire de la diplomatie européenne et une triangulation tout aussi difficile mais nécessaire entre l'Union européenne, l'Union africaine et les pays du nord de l'Europe (…) »
PREMIER PLAN, Il Messaggero, de F. Bechis et A. Gentili, « Meloni accélère sur le PNRR : ‘’il ne faut plus de retard sur les dépenses’’ ; 21 milliards arrivent » : « Alors que Bruxelles fait un chèque de 21 milliards d’euros à l’Italie, Giorgia Meloni accélère et convoque son premier comité de ministres et d’experts sur le Plan de Relance. Elle affirme de manière critique vouloir le réunir bien plus fréquemment que son prédécesseur Mario Draghi, à raison d’une fois tous les dix jours. C’est Raffaele Fitto, ministre des Affaires européennes, qui coordonnera toutes les rencontres et suivra la bonne mise en œuvre du Plan. Autre critique à l’intention de Mario Draghi, la nouvelle Présidente du Conseil dénonce des ‘’retards dans les dépenses’’ à hauteur de 12 milliards d’euros en 2022. Elle souligne également la nécessité de revoir à la hausse le PNRR en raison de l’inflation et notamment de la hausse de 30 à 35% des coûts des matières premières. Une analyse que partagent les régions, les communes et les provinces. Une source proche du gouvernement affirme que ‘’la négociation avec l’UE se fera sans tensions, le climat est favorable, certains fonds pourraient être réorientés afin de faire face à la hausse de prix de l’énergie’’. Pour Giorgia Meloni, le ‘’PNRR est le défi le plus important de ces prochaines années pour le gouvernement italien. Le moindre euro doit être dépensé correctement et doit être utile pour soutenir la croissance économique, le développement et la modernisation de la Nation’’. Elle souhaite qu’un effort supplémentaire soit fait dorénavant. Elle rappelle les 55 objectifs à réaliser d’ici le 31 décembre pour pouvoir demander la troisième tranche à la Commission européenne. Elle ‘’demande à chacun [des ministres] d’être toujours présents aux réunions’’ et prône ‘’une approche pragmatique et non idéologique’’ sur ces questions. Le ministre de la défense Guido Crosetto a quant à lui commenté ‘’enfin nous prenons le chemin de vérité dont nous avions besoin, on affronte la question de la hausse des prix et de la capacité de dépense’’. Raffaele Fitto lancera à partir de mardi prochain une série de ‘’rencontres bilatérales’’ avec chacun des ministres concernés afin de suivre l’avancée de chaque dossier d’ici le 31 décembre. Une nouvelle direction sera créée aux Affaires européennes pour faire face à cette considérable charge de travail et se dédié à la coordination des fonds du PNRR. La même direction sera chargée du nouveau Pacte de stabilité, pour la partie concernant le PNRR. Giancarlo Giorgetti s’est dit ‘’satisfait’’ de l’avancée des travaux et de l’arrivée des nouveaux fonds, ‘’nous continuerons à veiller sur la mise en œuvre du Plan et à faire preuve de la même détermination et sérieux jusqu’au bout’’. »
PREMIER PLAN, La Repubblica, d’E. Lauria, “Et la Présidente du Conseil critique le PNRR de Draghi, elle évoque des ‘’retards sur 30 projets’’ » : « La (courte) lune de miel est terminée : Giorgia Meloni pointe immédiatement la responsabilité du gouvernement Draghi et le condamne sur la question la plus délicate et difficile, celle du Plan de Relance. Une façon également de se dédouaner en cas d’éventuels échecs. Mais les chiffres sont les chiffres et Giorgia Meloni en souligne un en particulier : l’objectif de dépenses pour 2022 est passé de 33 milliards en avril dernier à 21 milliards désormais. Face à ses ministres elle souligne les difficultés et tente d’imposer une accélération. La mise en œuvre du plan tournera désormais autour d’une figure centrale, celle du ministre pour les Affaires européennes, Raffaele Fitto. Il sera une sorte de plénipotentiaire du Plan de Relance. Un rôle central et qui a été taillé sur mesure mais aussi d’une grande responsabilité : pour ne pas perdre la troisième tranche des financements – 19 milliards – il manque encore 55 objectifs à atteindre d’ici la fin de l’année, dont trente sur lesquels on enregistre déjà des retards. Face à une machine administrative complexe il n’est pas certain que Fitto et ce gouvernement réussissent à faire mieux que Draghi. Il y a de nouvelles contraintes, avec la hausse des coûts de l’énergie et des matières premières qui compliquent les appels d’offre. Le gouvernement Meloni compte notamment demander à Bruxelles de revoir le plan et l’issue de cette requête est encore incertaine. Raffaele Fitto rencontrera aujourd’hui à Bruxelles la commissaire pour la Cohésion Elisa Ferreira. Mais le gouvernement a déjà le soutien des régions à travers la voix de leur représentant. Massimiliano Fedriga, pro-Draghi convaincu, estime en effet que la Commission européenne doit mener une réflexion sur les nouvelles conditions qui pèsent sur la réalisation des objectifs. »
ARTICLE, Il Messaggero, U. Mancini : « Ita Airways, le conseil d’administration démissionne » : « Le Trésor accueille la démission du conseil d’administration de Ita Airways, refuse d’accorder une indemnisation à l’ex président Altavilla et accélère sur la privatisation, avec un nouveau conseil réduit en nombre. C’est Giancarlo Giorgetti (Ligue) qui a imposé cette solution afin de simplifier la gouvernance en vue de la cession. Le ministère de l’Economie ne veut pas renoncer à des actions de responsabilité vis-à-vis de l’ancien président, qui aurait délibérément retardé le processus de privatisation, en pénalisant le groupe Certares pour favoriser les concurrents Msc-Lufthansa. L’Assemblée a approuvé la réduction du nombre des conseillers qui ne seront probablement plus que trois, y compris le nouveau président et l’administrateur délégué, Fabio Lazzarini, qui garantira la continuité des activités pendant qu’il pilotera le vecteur italien vers une cession partielle. Feu vert aussi au déboursement de 400 millions, sur un total de 1,35 milliard d’euros publics qui ont obtenu l’accord de la Commission. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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