08/11/2022
"Comment cela va se passer, on le sait déjà au ministère de l'Intérieur. C'est une question de jours, mais ils finiront tous par débarquer."
Italie. Revue de presse.
Le blocage de certains bateaux d’ONG transportant des migrants dans des ports de Sicile continue de faire la une de la presse italienne. Pour le Corriere della Sera, « c’est la tension sur les bateaux, après des protestations à bord, et trois migrants qui se sont jetés à l’eau après s’être vus refuser de débarquer. Rome et l’UE se divisent sur l’asile et l’accueil ». La Stampa parle de « l’enfer des migrants » après les « tensions à bord qui ont conduit à ce que trois personnes se jettent à la mer. Pour le ministre de l’intérieur Piantedosi, il n’y aura pas de retour en arrière ». Dans le commentaire en Une du Messaggero, « C’est l’illusion que les ONG entretiennent auprès des désespérés » (Paolo Ponbeni). Plusieurs quotidiens mettent aussi en une la rencontre bilatérale entre Giorgia Meloni et Al-Sissi en marge de la COP 27, soulignant « l’entente sur l’énergie » (Messaggero), « plus de collaboration, mais une attention sur les cas de Regeni et Zaki » (Sole 24 Ore, Corriere della Sera). Pour la Repubblica, « Meloni renvoie l’affaire Regeni aux oubliettes », car « le Caire empêchera le procès des meurtriers du chercheur italien. En rencontrant le chef de l’Etat égyptien, Meloni ouvre la voie du dégel avec l’Egypte et cherche à trouver une entente sur les flux migratoires et le gaz. »
PREMIER PLAN, Corriere della Sera, de F. Caccia, « Navires à Catane, [les migrants] protestent et refusent la nourriture ; mais en Calabre le débarquement est autorisé » : « ‘’Nous suivons la situation au port de Catane. Nous faisons preuve d’humanité mais aussi de fermeté sur nos principes’’ a déclaré le ministre de l’Intérieur Matteo Piantedosi pour décrire la ligne du gouvernement avec les ONG. Le bras-de-fer avec quatre d’entre elles dure depuis plusieurs jours mais hier il y a eu un tournant : le navire allemand Rise Above avec 89 migrants à bord a été envoyé vers le port de Reggio Calabria en Calabre où tous seront débarqués. Il n’y aura aucune sélection à bord, comme cela a été fait à Catane, en Sicile. Une ouverture ou peut-être un fléchissement pour ne pas exaspérer la situation déjà incandescente dans le port sicilien, où trois migrants se sont jetés d’un navire hier, désespérés de ne pas être jugés assez ‘’fragiles’’ pour pouvoir débarquer. Suite à la ‘’sélection’’ voulue par le gouvernement, il reste ainsi 214 personnes sur les 571 qui se trouvaient à bord du navire norvégien Geo Barents. Sur le navire allemand Humanity 1 ils sont encore 35 sur 179. Ils ont commencé à refuser de se nourrir en protestation alors que d’autres se regroupent à l’avant du navire, brandissant des pancartes et appelant à l’aide. L’Ocean Viking, battant pavillon norvégien, attend les instructions au large avec 234 migrants à bord. La confrontation est très dure, les avocats de Humanity 1 présenteront des recours au tribunal administratif du Latium et au tribunal de Catane pour manquement au droit international. Un député des Verts dit que les ONG auraient été menacées par les autorités italiennes de sanctions de 50 000 euros si elles ne quittaient pas le port. Le leader 5 Etoiles et ancien Président du Conseil Giuseppe Conte réprouve les ‘’slogans faciles au détriment de personnes et familles désespérées’’ et ‘’le nationalisme arrogant qui ne mène à rien’’. Selon lui ‘’les initiatives concernant les flux migratoires doivent avoir un cadre général et s’inscrire dans une dimension de solidarité européenne’’. Le Parti démocrate lui alors rappelé qu’il manquait de cohérence puisque c’est sous le premier gouvernement Conte, et la coalition entre le M5S et la Ligue, que les premiers ‘’décrets-sécurité’’ avaient été instaurés par Matteo Salvini. A nouveau vice-Président du Conseil aujourd’hui, n’a pas changé de ligne ‘’les flux de l’immigration illégale sont organisés et servent à financer les armes et la drogue, il faut les endiguer.’’. Le ministre de la justice Carlo Nordio répond aux critiques sur ‘’l’intolérable sélection des migrants’’ : ‘’ce sont les passeurs qui opèrent une sélection, ceux qui viennent en Italie peuvent se permettre de les payer entre 2 000 et 5 000 €’’. »
PREMIER PLAN, La Repubblica, A. Ziniti : « L’Europe et les Nations Unies lancent un appel à l’Italie : ‘’ Faites débarquer les migrants ‘’ » : « Les enfants de la Rise Above sont finalement au chaud, après avoir passé quatre nuits sur le pont du navire de l’Ong allemande Mission lifeline, à laquelle le Viminale a finalement donné l’autorisation de débarquer dans le port de Reggio de Calabre. Il n’y a pas eu de ‘débarquement sélectif’ dans ce cas, les 89 migrants ont pu tous débarquer, car le Viminale considère que le navire avait fait un seul secours en mer et non pas plusieurs comme les navires des autres Ong. Pour tous les autres migrants, 480, qui sont encore bloqués sur les autres trois navires, l’attente pour débarquer se prolonge. L’Europe et les Nations Unies mettent la pression sur l’Italie pour qu’elle autorise le débarquement de tous les migrants, pour s’occuper dans une deuxième phase des accords de redistribution. Mais le gouvernement ne semble pas vouloir céder. ‘’ Nous suivons l’évolution de la situation dans le port de Catane, heure par heure. Nous avons une attitude ferme sur les principes, mais humaine – affirme Matteo Piantedosi. Nous travaillons au niveau national et européen. Personne n’a été privé d’assistance.’’ Une des possibilités pour débloquer le bras de fer entre les Ong et le ministère de l’Intérieur est le verdict attendu du Tribunal administratif du Latium qui doit se prononcer sur l’annulation du décret Piantedosi, et celui du Tribunal de Catane où ont été déposées les demandes d’asiles également pour les migrants qui n’ont pu débarquer. Ces deux verdicts pourraient tomber déjà aujourd’hui ou demain. Entre temps, Ocean Viking reste encore au large des eaux italiennes avec 230 personnes à bord et une situation que les volontaires de Sos Méditerranée considèrent ‘explosive’ et le Viminale menace de faire des amendes jusqu’à 50 mille euros aux navires ‘Humanity 1’ et ‘Geo Barents’ qui accueille à bord encore 250 migrants (après les débarquements sélectifs) et qui refusent de quitter les ports italiens. »
COULISSES, La Stampa, « Piantedosi divise le front des ONG et fait débarquer tous les passagers du "Rise Above" » par Francesco Grignetti : « Les appels et les avertissements internationaux ont jusqu'à présent été inutiles. Le gouvernement va de l'avant, bien que de manière très prudente. Le ministre de l'Intérieur, Matteo Piantedosi, a réaffirmé hier que la ligne de conduite n'avait pas changé : "Nous agissons avec humanité mais fermement selon nos principes. Nous orienterons nos prochaines actions dans ce sens". L'humanité consiste à faire débarquer les personnes dites fragiles, les mineurs, les familles. Tous les autres, non. Avec une certaine habileté, on ne peut cependant pas accuser Piantedosi de laisser des femmes et des enfants sur le pont d'un navire. Et il se montre conciliant, dans cette partie d'échecs avec l'Europe et l'Allemagne, en permettant au petit "Rise Above", un autre navire humanitaire avec 89 naufragés à bord, de se diriger vers le port de Reggio Calabria avec toutes les autorisations. Traitement différent, car ce navire, battant également pavillon allemand, n'aurait pas enfreint la règle de base, c'est-à-dire qu'il aurait immédiatement contacté le centre de sauvetage italien. Pour les deux navires " Humanity 1 " et " Geo Barents ", en revanche, c'est un coup dur : l'Autorité portuaire, qui dépend du ministère des Infrastructures, c'est-à-dire de Matteo Salvini, a déjà menacé les capitaines d'une amende de 50 000 euros s'ils ne se plient pas aux ordres et ne quittent pas immédiatement le port avec les migrants rejetés, c'est-à-dire la " cargaison résiduelle " selon la terminologie de Viminale. La différence de traitement est en fait une carte de plus dans le jeu diplomatique qui s'est ouvert. Elle permet de montrer à l'Europe que le gouvernement Meloni ne rejette pas les obligations de la Convention de la mer dans leur ensemble, mais seulement dans le cas d'ONG trop autonomes. En effet, parallèlement au bras de fer qui se déroule dans le port de Catane, environ 500 migrants partis de Libye - selon le site web Alarm Phone, après trois jours de navigation - ont été secourus au large des côtes siciliennes : 250 ont été conduits à Augusta, 220 autres, principalement des femmes et des mineurs, seront transférés à Pozzallo. "Nous accueillons également - explique le ministre - d'autres navires qui arrivent avec des événements Sar (search and rescue, ndlr). Nous ne privons personne de l'aide humanitaire car nous sommes reconnus internationalement". Comment cela va se passer, on le sait déjà au ministère de l'Intérieur. C'est une question de jours, mais ils finiront tous par débarquer. Pas avant, cependant, d'avoir ramené quelques signes de négociation avec les partenaires sur les délocalisations et la question juridique du drapeau. Le véritable enjeu est le suivant, et Piantedosi le laisse également comprendre. "Nous travaillons à la fois sur le front européen et national". »
EDITORIAL, Il Messaggero, de Paolo Pombeni, « L'illusion que les ONG entretiennent chez les personnes désespérées » : « La question de l’accueil des migrants venus par la mer est une question que le droit maritime international ne couvre pas en réalité, car il n’a pas été rédigé dans cette optique. Le débarquement dans le premier port sûr selon les textes est une procédure simple, car en théorie il concerne des naufragés qui veulent rentrer chez eux, dans des circonstances qui devraient être rares. Or, ici on l’applique à un flux continu de migrants qui font naufrage, qui n'ont pas l'intention de retourner dans leur pays et qui, par conséquent, tentent d'entrer dans le pays de débarquement, que ce soit directement ou par l'intermédiaire de leurs sauveteurs, en grande partie sans aucun titre légal. Tous les Etats appliquent la distinction : non seulement les pays autoritaires d'Europe de l'Est, mais aussi par la France à Vintimille ou par l'Espagne dans son enclave marocaine. Dans ce cas, aucune loi internationale n'est invoquée qui imposerait d’accueillir les personnes pour vérifier après coup si elles y ont droit ou non. Ajoutons que les ONG ne sont pas des navires de passage, mais des bateaux qui partent à la recherche de ces naufragés. Tout cela devrait conduire à l’écriture de normes spécifiques appliquées à la réalité d’aujourd’hui, sans ‘fausse conscience’. On revendique le devoir de secourir les migrants même opérant en dehors du cadre légal ordinaire. Ceux qui y entrent sont, du moins dans les pays démocratiques, protégés par les réglementations existantes : souvent, elles ne sont pas appliquées, mais il faut y remédier énergiquement. Les navires des ONG sauvent et débarquent, mais se lavent ensuite les mains de l'avenir de ces pauvres gens. Ce n'est pas à eux de s'en occuper, objecte-t-on, mais entretenir le rêve d'un avenir attrayant en sachant que ce ne sera pas le cas ne nous semble pas être une grande entreprise. »
PREMIER PLAN, Corriere della Sera, de M. Galluzzo, « Meloni va chez Al Sissi, ils s’entretiennent sur le gaz ; ils échangent également sur les affaires Regeni et Patrick Zaki » : « Le premier entretien officiel, bilatéral, structuré, depuis deux ans entre l’Italie et l’Egypte s’est tenu hier en marge du sommet de la COP27. Les contacts entre les plus hautes institutions de deux pays reprennent, après la crise diplomatique qui avait suivi l’affaire Regeni. La rencontre marque le début d’une nouvelle phase dans les relations diplomatiques et commerciales entre l’Italie et l’Egypte. Un communiqué de la Présidence du Conseil indique que les deux dirigeants ont évoqué les questions d’approvisionnement énergétique, de coopération pour le développement des énergies renouvelables, de crise climatique et de lutte contre l’immigration clandestine. Mais le communiqué final de la Présidence du Conseil souligne également que Giorgia Meloni ‘’soulevé la question du respect des droits de l’homme et souligné la forte attention de l’Italie sur les affaires Giulio Regeni et Patrick Zaki’’. Il semble donc que la Présidente du Conseil ait fait preuve d’ouverture vis-à-vis du gouvernement égyptien mais qui devra maintenant être confirmée par un pas en avant dans la coopération judiciaire entre les deux gouvernements. L’impression est que les deux pays cherchent à dégeler leurs relations, avec une motivation particulière de l’Egypte qui a beaucoup plus communiqué sur la rencontre d’hier que l’Italie. Des sources égyptiennes précisent la teneur des échanges sur l’énergie : la livraison de gaz à l’Italie, celui de ce morceau de Méditerranée entre les côtes égyptiennes, libanaises et israéliennes, du gazoduc de la paix entre l’Egypte et Israël, des méga-gisements découverts par ENI sur le sol égyptien. Le projet de câble électrique sous-marin reliant les deux pays a également été évoqué. Du point de vue migratoire, un rétablissement des relations avec l’Egypte signifierait pour l’Italie retrouver un rôle de poids dans le processus de pacification et stabilisation de la Libye, un pays qui reste stratégique pour Rome. Les deux dirigeants ont convenu de la nécessité d’œuvrer pour préserver l’unité et la souveraineté de la Libye, soutenir l’organisation d’élections présidentielles et parlementaires ou encore de renforcer le rôle des autorités de lutte contre le terrorisme. A gauche, plusieurs députés (Sinistra Italiana, Verdi, PD) n’ont pas manqué de réagir avec indignation et de condamner cette rencontre. »
PREMIER PLAN, La Repubblica, T. Ciriaco : « Le pacte Meloni Al-Sissi sur l’énergie et les migrants méprise le cas Regeni » : « Tête-à-tête d’une heure entre la présidente du Conseil et le président égyptien en marge de la Cop27 de Sharm El Sheikh. Des avancées sur les fournitures de gaz ; l’assassinat du jeune chercheur italien reste en arrière-plan. Une ligne et demie à peine, tout à la fin du communiqué qui résume la bilatérale avec Al-Sissi : Giorgia Meloni annonce ‘ avoir souligné la forte attention de l’Italie sur les cas de Giulio Regeni et Patrick Zaki.’ C’est le prix de la normalisation des relations avec l’Egypte. La présidente du Conseil met ainsi de côté cinq ans de tensions diplomatiques entre les deux pays. Depuis 2017, il n’y avait eu aucune rencontre officielle, mis à part une mission voulue par Giuseppe Conte en janvier 2020, limitée au dossier libyen. Guérir la blessure de l’affaire Regeni ne semble plus être une condition nécessaire pour renouer les fils de la relation. Après son intervention à la Cop 27, Meloni choisit le silence et ne parle pas aux journalistes. Une note du Palais Chigi justifie le tout en nom d’un pragmatisme d’état sur les dossiers les plus urgents : ‘’ approvisionnement énergétique, énergies renouvelables, crise climatique et immigration ‘’. Les Egyptiens considèrent possible d’étudier la possibilité d’installer un câble électrique souterrain pour rejoindre l’Italie et promettent de nouvelles synergies pour augmenter la production de solaire et d’éolien. Il semble aussi disposer à fournir plus de gaz. Il s’agit d’idées sur lesquelles Rome travaille depuis longtemps, mais toujours avec la discrétion et la prudence liée à la blessure de l’affaire Regeni. Draghi, par exemple, avait préféré se rendre en Algérie et en Turquie, plutôt que d’aller au Caire. La commande italienne à Leonardo pour 24 Eurofighter pourrait aussi se débloquer. Al-Sissi rassure Meloni aussi sur l’immigration en affirmant que le Caire a l’intention de se coordonner pour arrêter les flux. Et enfin, il y a le théâtre libyen, avec l’objectif commun – que laisse entendre l’Egypte – de travailler pour les élections présidentielles. »
Giorgia Meloni et le président égyptien Al-Sissi
Article, La Repubblica, A. Lombardi : « ‘’ C’est un modèle ‘’ : les disciples de Trump ensorcelés par Giorgia » : « Make America Giorgia Again. La présidente du Conseil italien a conquis aussi la droite américaine de Trump : à la veille des élections de Midterm, elle est considérée un modèle de succès politique. Pour les républicains, disciples de Trump et de son ‘MAGA’ le succès de l’italienne Meloni constitue ‘l’affirmation de leurs mêmes valeurs, et de leurs mêmes objectifs ‘’ selon le Washington Post. ‘’Dans leur narration, Giorgia Meloni est devenue la voix de la vérité. Capable d’exprimer ses convictions, sans faire de compromis, et en battant les médias qui la traitaient de fasciste, raciste etc..’’. »
Article, La Repubblica, G. Colombo : « La Ligue : flat tax à 85 milliards d’euros. Le gouvernement demande l’accord de l’Europe » : « La demande a déjà été envoyée à Bruxelles par le ministère de l’Economie. Pour étendre la portée de la flat tax, tout de suite, déjà dans la nouvelle loi de Finances. Au ministère, il y a aussi un certain optimisme, car quand l’Union européenne avait autorisé une première fois la flat tax jusqu’à un seuil de 65 mille euros, elle avait aussi indiqué la possibilité d’une nouvelle extension en 2025. Dans l’attente d’une réponse, les orientations dans le gouvernement sur l’augmentation du seuil, sont partagées. La Ligue mise sur l’extension, Salvini parle même d’un seuil à 100 mille euros, tandis que Fratelli d’Italia reste plus prudent, car le parti avait sa propre proposition de flat tax progressive. Le projet final devra, dans tous les cas de figure, tenir compte d’un risque, que souligne aussi la Note de mise à jour du document d’économie et de finances : l’évasion fiscale. Il s’agit de travailleurs autonomes qui pour ne pas dépasser le seuil, et payer donc plus d’impôts, ne déclarent pas l’intégralité de leurs revenus. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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