29/09/2022
"Les alliés cherchent la revanche en misant sur les ministères."
Italie. Revue de presse.
Les tractations au sein de la coalition de droite pour former le nouveau gouvernement font toujours la Une de la presse italienne, ce matin. Les articles reviennent notamment sur la rencontre d’hier entre G. Meloni et M. Salvini et relèvent dans l’ensemble les difficultés à s’accorder sur un ministère pour le dirigeant de la Ligue, en recul aux dernières élections mais déterminé à obtenir un poste important au sein de l’exécutif : « Gouvernement, tensions sur le ministère de l’Intérieur » - Rencontre entre Meloni et Salvini, la Ligue veut l’Intérieur quitte à envisager un soutien externe à l’exécutif. La Cour Suprême rectifie la liste des élus, Bossi est finalement bien présent au Parlement (Corriere della Sera), « Le chantage de Salvini » - Fumée noire pour la première rencontre entre les dirigeants : la Ligue exige l’Intérieur. Les prévisions de croissance ont été revues à la baisse, le PIB estimé à 0,6% pour 2023 (La Repubblica), « Allocations et bonus, les coupes de Meloni » - Trêve entre Fdi et la Ligue, Salvini demande la vice-présidence du Conseil et les ministères de l’Agriculture et de la Justice (La Stampa), « Meloni-Salvini : l’épreuve du gouvernement » - Lors de la réunion tenue à la Chambre, Salvini aurait demandé le ministère du Travail. Siniscalco pourrait être nommé au ministère de l’Economie (Il Messaggero), « Premiers pas du gouvernement : déclaration de guerre contre les pauvres et le Sud » - L’exécutif veut démanteler le revenu de citoyenneté (Fatto Quotidiano), « Les requêtes de Salvini à Meloni » - Le léghiste voudrait la vice-présidence du Conseil. Tensions aussi au sujet des présidences des Chambres (Il Giornale). Les prévisions de croissance pour 2023 publiées par le gouvernement sortant sont aussi évoquées « Voici la note d'actualisation du document d’économie et de finances » - le gouvernement alloue 10 milliards contre la flambée des prix de l’énergie. Le déficit est revu à la baisse grâce aux recettes publiques gonflées par l’inflation (Sole 24 Ore), « Les prévisions de croissance ont été revues à la baisse, le PIB estimé à 0,6% pour 2023 » (La Repubblica).
COMMENTAIRE, Corriere della Sera, M. Franco « Les alliés cherchent la revanche en misant sur les ministères » : « Les tensions commencent à faire surface, derrière l’harmonie affichée par la coalition de droite. G. Meloni a gagné de manière trop évidente, aux dépens de ses alliés qui demandent la reconnaissance de leur poids résiduel mais décisif. La Ligue et Forza Italia chercheront une sorte de compensation pour les voix perdues et insisteront pour obtenir des ministères. La ligne de Fratelli d’Italia est de garder un sens de responsabilité et d’éviter toute polémique pouvant ternir cette victoire historique. C’est ainsi que le communiqué conjoint après la rencontre avec Salvini soulignait ‘’une unité d’intentions’’ et qu’aucun ‘’véto ou nom’’ n’avait été évoqué. Ce qui apparait comme une réponse aux rumeurs selon lesquels Meloni serait réticente à (re)donner à Salvini le ministère de l’Intérieur, une réserve qui est partagée avec le Quirinal. Toutefois, la collocation du chef léguiste est un problème destiné à se présenter à nouveau. Toutefois, un rôle dans les ministères les plus importants, voire internationaux, semble difficilement envisageable. On craint que les positions considérées comme prorusses de Salvini puissent augmenter la méfiance internationale alors que Poutine menace l’Occident et ensanglante l’Ukraine. Il faudra en tout cas trouver un accord. Même si à ce stade il n’est pas clair qui l’emportera. Quant aux négociations avec Forza Italia, depuis quelque temps, Berlusconi se porte garant de l’atlantisme de la coalition de droite et assure qu’il sera même le metteur en scène de la majorité. Ce qui veut dire que ses voix ne devront pas uniquement être comptées mais pesées selon leur juste valeur. »
PREMIER PLAN, La Stampa, de M. Sorgi, « Le grand jeu des alliances en Europe » : « Le démenti du Palais Chigi sur un atterrissage en Europe de Giorgia Meloni sous contrôle de Mario Draghi nous rappelle un des problèmes de la leader : son arrivée à la tête du gouvernement devrait ajouter un allié au front contraire au processus d’intégration européenne mené par la Hongrie et la Pologne. Ou alors la première femme à la tête de l’exécutif cherchera le moyen de poursuivre les alliances traditionnelles avec la France et l’Allemagne. Ses interventions sur les réseaux sociaux, entre soutien à Zelensky et remerciements à Truss, reflète bien l’ambiguïté dont elle pourrait faire preuve en la matière. Elle tentera sûrement de voir quel type d’accueil lui sera réservé lors des sommets européens. Mais ceux qui attendent un revirement complet et immédiat pour venir en aide à Macron et sa tentative d’accélérer le processus d’intégration en Europe risque d’être déçu. Ses proches le disent, Meloni n’a pas du tout l’intention de démentir sa campagne électorale basée sur l’idée que le droit – et l’intérêt italien- doit prévaloir sur celui de l’UE. Elle a aussi marqué son appartenance au front des leaders de partis nationalistes, comme celui de Marine Le Pen ou des démocrates suédois, qui s’élargit en Europe. Mais suite à la victoire électorale, les choses pourraient changer par pragmatisme. Une ouverture vers Paris serait possible, malgré la dure attaque formulée contre la leader italienne par la Première ministre Borne, à condition que Macron insiste sur la révision du Plan de Relance, cheval de bataille melonien. L’hypothèse d’un plan de relance spécifique pour faire face à la crise énergétique serait encore plus favorable [à ce rapprochement], pour faire face aux coûts du gaz et du carburant, qui frappent l’Italie tout comme la France. »
COULISSES, Corriere della Sera, de M. Guerzoni, « Draghi évoque une pleine collaboration en vue de la transition, mais ‘’ne se porte garant pour personne’’ » : « Jusqu’au passage de relais entre les deux gouvernements, Mario Draghi œuvrera pour l’avenir du pays et non pour ‘’son destin personnel’’. Lorsque ces partenaires institutionnels lui demandent ce qu’il fera plus tard, évoquant des postes haut placé auprès de l’UE ou de l’OTAN, l’actuel Président du Conseil botte en touche et préfère démentir sèchement les ambitions et les candidatures tant qu’il est en poste. Les rencontres techniques s’enchainent pour déterminer l’état d’avancement des dossiers qu’il devra probablement céder à Giogia Meloni et à ses futurs ministres. Il n’y a pas à proprement parlé d’équipe s’occupant de cette transition mais des réunions présidées par le sous-secrétaire Roberto Garofoli et le chef de Cabinet, Antonio Funiciello. Mario Draghi tient beaucoup à ce que la transition se passe correctement, en accord avec les vœux de la Présidence de la République, dans l’intérêt de tous et pour ne pas saper le travail mené sous gouvernement : tenue des comptes publics, application du Plan de Relance, soutien à l’Ukraine, mesures contre la crise énergétique. Concernant la bataille pour le plafonnement du prix du gaz, il tentera d’en revendiquer le mérite lors des prochains sommets européens à Prague et à Bruxelles. Mais gare à penser que le Président du Conseil sortant aurait passé des accords avec la coalition de droite. Suite à des affirmations parues hier dans la presse, le Palais Chigi a répondu très clairement : ‘’aucun pacte n’a été passé, ni aucun engagement n’a été prix pour garantir quoi que ce soit’’. Une mise au point pour dire qu’il n’y a aucun lien dépassant les bonnes relations institutionnelles. Les efforts de Mario Draghi auprès de leaders européens tels que Macron ou Scholz pour accréditer le nouveau gouvernement en échange de promesses de Giorgia Meloni ont également été démentis. Ses proches soulignent que Draghi se garde bien d’exprimer sa bénédiction vis-à-vis d’autres partis ou leaders, surtout pas de ceux qui ont un programme si éloignés du sien, notamment pour ce qui est des relations avec la Russie, du déficit, ou de la politique sanitaire. S’il respecte le vote des Italiens, il n’est pas disposé à remettre en cause sa réputation pour servir de bouclier à une coalition souverainiste. Concernant la Loi de Finances, Mario Draghi garde ses distances : l’exécutif sortant n’ira pas au-delà de la note de mise à jour du document d’économie et de finances, la loi en elle-même devrait être mise au point par le prochain gouvernement. »
COMMENTAIRE, Sole 24 Ore, L. Palmerini « Les voix avec lesquelles Salvini mise pour entrer dans le gouvernement » : « Meloni savait bien qu’une fois fermées les bureaux de vote, elle aurait eu à affronter une série de problèmes, et c’est sans doute pour cette raison qu’elle a évité de célébrer la victoire. Hier, par exemple, la diffusion des chiffres de la note de mise à jour des données économiques explique que la croissance devrait ralentir jusqu'au scénario le plus défavorable à la crise du gaz (+0,1%) et le commissaire européen Gentiloni, pour la première fois, n'a pas exclu la récession. En fait, c’est une sorte de cage qui se crée pour la prochaine loi budgétaire, conditionnée également par l'augmentation des taux et le jugement des marchés. L’autre problème est la collocation de Salvini au sein du gouvernement. Il est clair que son rôle dans l’exécutif devient désormais un poste stratégique d’où il pourra se défendre des attaques internes et externes, en faisant appel à ses groupes parlementaires. La majorité, au Sénat, n’a qu’un écart d’une dizaine de voix et le groupe léguiste peut compter sur 29 sénateurs - fidèles au secrétaire - contre les 66 de FdI, malgré le fait qu'il ait obtenu 8,9% des voix et le FdI 26 %. Cela signifie que celui qui a le plus profité de cette loi électorale est le chef de la Ligue, qui encaisse le plus de sièges par rapport aux voix effectivement recueillies. La première tuile qui tombe sur la tête de Meloni est donc comment distribuer les poids de la Ligue dans l’exécutif sans provoquer des mécontentements. »
COMMENTAIRE, La Verità, M. Belpietro « Ceux qui rêvent d’une Meloni comme copie conforme de Draghi » : « A en croire à tout l’encre coulé par la plume des éditorialistes ces jours-ci, Giorgia Meloni au gouvernement devrait éviter d’agir comme la Giorgia Meloni de la campagne électorale. Afin d’être acceptée par l’establishment national et international, la dirigeante de Fratelli d’Italia devrait se transformer en une sorte de Mario Draghi voire en un Enrico Letta. C’est pourtant ce qu’il a été possible de lire dans des articles apparus dans la presse italienne et étrangère. Ainsi, après avoir été dans l’opposition du gouvernement pendant un an et demi (sans compter les années des gouvernements Conte) Mme Meloni devrait reprendre l’agenda politique de l’ancien directeur de la BCE, sponsorisée par Calenda et Letta, et en faire son programme. Certains, comme Repubblica, on même imaginé un pacte entre Meloni et Draghi pour une loi de finances écrites à quatre mains. On remarquera l’incohérence de ceux qui se disent préoccupés pour le sort de la démocratie mais qui n’hésitent pas à l’exploiter politiquement pour plaider leurs raisonnements. Laissons les lecteurs en juger. »
COULISSES, Corriere della Sera, de M. Cremonesi, « Le leader de la Ligue creuse sa tranchée et Giorgetti le prévient : ‘’je peux m’effacer si nécessaire’’ » : « Les léghistes sont inquiets alors que leur chef semble plus serein. La première rencontre entre Matteo Salvini et Giorgia Meloni depuis le résultat des élections ne semblent pas avoir permis d’avancer sur la formation du futur gouvernement, pas même sur le ministère de l’Intérieur, au centre de l’attention de la Ligue. Salvini estime qu’il est pleinement légitime à y accéder ou plutôt à y retourner et il a pour cela l’appui de son parti. Ou tout du moins un ‘’ministère de poids’’. Ses soutiens mettent en avant les messages que ne cessent de lui adresser de préfets attendant son retour. Les léghistes sont inquiets car selon eux ‘’Fratelli d’Italia fait la moue à chaque proposition’’. En vue de l’élection des présidents des deux Chambres, ils prêtent à Giorgia Meloni l’intention de laisser la présidence du Parlement à l’opposition, ce que la Ligue exclue totalement, jugeant cet usage désuet. Pour prendre la tête du Sénat, FDI pense à Ignazio La Russa alors que la Ligue a pour candidat naturel l’actuel vice-président, Roberto Calderoli. Silvio Berlusconi quant à lui y voit Maria Elisabetta Casellati. Si la coalition de droite devait prendre la présidence également de la Chambre des députés, Giancarlo Giorgetti est perçu comme légitime, même si, toujours d’après la Ligue, FDI pourrait lui préférer Giancarlo Donzelli. Les léghistes auraient été particulièrement irrités par le fait que Giorgia Meloni exclurait de maintenir certains ministres du gouvernement Draghi, ce qui concerne directement Giorgetti. Ce dernier a fait savoir à Matteo Salvini que ce n’était pas son genre de faire des pieds et des mains pour obtenir un poste et qu’il s’effacerait s’il le fallait. La Ligue promeut également l’un des siens, Edoardo Rixi, au ministère des Infrastructures qui comprend également la question des gardes côtes. A la Justice enfin, Meloni proposera très certainement l’ancien procureur Carlo Nordio alors que les léguistes y voient plutôt Giulia Bongiorno. »
ARTICLE, Repubblica, V. Conte : « Une réserve de 20 milliards anti-crise pour Meloni » : « L’héritage de Draghi est un double trésor de 20 milliards laissé au gouvernement de droite. Dix milliards à utiliser dans l’immédiat, avant la fin de l’année, pour financer un décret d’aides pour les factures énergétiques. Et dix milliards pour la loi de finances 2023. Sans faire de déficit, comme le montre la Nadef (Note de mise à jour du Document d’économie et de finances) qui a été approuvée hier par le Conseil des ministres. Les analystes s’attendaient un déficit plus important. ‘’C’est le résultat d’une relance vigoureuse et d’un nouveau dynamisme de l’économie italienne soutenu non seulement par la consommation, mais aussi par les investissements et les exportations ’’ explique le ministre Franco. Mais des nuages apparaissent à l’horizon. La confiance des entreprises est en baisse, ainsi que la production industrielle, l’économie globale et européenne subissent ‘’un fort ralentissement’’, les prix de l’énergie et l’inflation augmentent ; ainsi que les taux et les spreads. 2023 sera une année encore positive grâce aussi aux estimations 2022 qui ont été revues à la hausse par le gouvernement Draghi : cette année le PIB clôturera à +3,3% au lieu de +3,1%, le déficit à 5,1% au lieu de 5,6% et la dette à 145% au lieu de 147%. Les prévisions pour 2023 sont, par ailleurs, d’un PIB à +0,6% (au lieu +2,40), déficit à 3,4% (au lieu de 3,9%) et d’une dette à 143% au lieu de 145%). Ces chiffres peuvent mener à différentes prospectives politiques. Si, par exemple, le gouvernement décide de faire plus de déficit sans dépasser le niveau de 2022, en une fourchette comprise entre 3,4% et 5,1% : un seul point en plus apporterait encore 20 milliards, pour un total de 30 milliards pour la loi de finance. La prudence est nécessaire, comme l’écrit le ministre Franco : si la Russie bloque totalement les fournitures de gaz, le PIB de l’Italie en 2023 sera presque annulé, à +0,1%. Selon les indications de la Nadef, ‘l’inflation devrait commencer à baisser avant la fin de l’année’, en passant de 6,6% en 2022 à 4.5% en 2023, puis 2,3% en 2024 et 1.9% en 2025. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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