27/09/2022
"Le cyclone Fratelli d’Italia change la Péninsule de couleur."
Italie. Revue de presse.
La presse italienne titre largement sur les élections législatives, notamment sur les leçons de l’échec pour les partis perdants et les prévisions pour la formation du gouvernement, l’hypothèse des demandes de la Ligue pour des portefeuilles étant très présente dans les Unes. Les réactions internationales sur la victoire de Fdi sont également relevées. Les observateurs mettent aussi en avant la nouvelle géographie politique en Italie, avec des rapports de force inédits : « Letta quitte la direction du PD » - Je resterai jusqu’au congrès. Meloni prépare son équipe gouvernementale : du sérieux et aucun compromis (Corriere della Sera), « L’affaire Salvini » - Le dirigeant de la Ligue représente le premier obstacle pour Meloni qui ne le veut pas à l’Intérieur. Zaia ouvre un procès interne au parti. La Première ministre Borne : nous veillerons sur les droits et sur l’avortement en Italie. Le Spread s’envole à 242 points (La Repubblica), « « La Constitution est vieille et il faut revoir le Plan de relance » » - Fdi insiste sur la réforme et prépare son gouvernement. La coalition de droite obtient 235 députés et 112 sénateurs (La Stampa), « Au PD, la course à la succession de Letta a déjà commencé. Salvini : je reste » (Sole 24 Ore), « Ce sera le gouvernement des meilleurs » - Le conseiller de G. Meloni, G. Crosetto, explique quels seront les critères pour choisir les ministres. Crise au PD, Letta annonce son départ (Il Messaggero), « PD-M5S : Letta se retire et Conte se renforce » (Fatto Quotidiano), « Belli Ciao » - La gauche essuie son revers, Letta annonce sa démission, Di Maio échoue et n’arrive pas à se faire élire. Les stars se désespèrent et dénoncent une dictature inexistante (Il Giornale).
PREMIER PLAN, La Repubblica, d’I. Diamanti, « La droite en tête dans 98 provinces sur 105 ; le cyclone Fratelli d’Italia change la Péninsule de couleur » : « Ces élections marquent une véritable fracture dans l’histoire politique italienne. Elles ont redessiné de manière significative la géographie politique de la Péninsule. Les cartes de l’Observatoire électoral de LaPolis (université d’Urbino) mettent en avant un nouveau rapport entre territoire et politique. Il suffit de faire la comparaison entre la cartographie des résultats en 2018 et en 2022. Aujourd’hui, le bleu de la coalition de droite domine largement, notamment grâce au bleu foncé de Fratelli d’Italia. Seules exceptions : 4 provinces au centre-nord restent teinté du rouge pâle du centre-gauche et 3 provinces éparses dans le sud teintées du jaune des 5 Etoiles. Toutefois, si l’on ne s’intéresse plus aux coalitions mais aux partis, le jaune s’étend sur la carte, dans le Mezzogiorno, là où l’on compte davantage de bénéficiaires du revenu de citoyenneté, cheval de bataille du Mouvement 5 Etoiles. Le rouge reste circonscrit au centre, une région historiquement portée à gauche. L’Italie a toujours été marquée, depuis l’après-guerre, par une forte continuité politique entre les territoires et les partis avec des schémas récurrents confirmés élections après élections depuis 1954 dans les trois quarts des provinces, caractérisé par la ‘’fracture anti-communiste’’ entre PCI et DC. Mais le Mezzogiorno n’avait pas de couleur précise car conditionné politiquement par le parti au gouvernement et qui garantissait les ressources. Cela a continué à se vérifier lorsque la Ligue a commencé à s’imposer au nord avant de s’orienter vers une perspective nationale, sous impulsion de Matteo Salvini et sur le modèle du Rassemblement national de Marine Le Pen. Enfin, au cours de la dernière décennie, le M5S a accentué la fracture anti-politique diffusée dans le pays et orienté la distribution des ressources vers les catégories les plus fragiles, notamment à travers le revenu de citoyenneté. D’où l’ample consensus dans le sud du pays. Le M5S, sans réitére le résultat exceptionnel de 2018, confirme son ancrage dans le Mezzogiorno alors que le PD résiste dans l’historique ‘’zone rouge’’ mais ne parvient pas à s’étendre. Partout ailleurs, le bleu foncé et la flamme de Fratelli d’Italia s’impose, captant notamment au Nord le mécontentement de ceux qui votaient pour la Ligue auparavant. A l’avenir, on peut s’attendre à d’autres changements encore car aujourd’hui ce sont les leaders qui comptent plus que les partis, s’appuyant notamment sur les médias et les réseaux sociaux. Il leur est désormais difficile de s’enraciner, de tracer des frontières et de colorer des territoires durablement. »
Premier parti à la Chambre des députés dans chaque commune du pays
COULISSES, IL Messaggero, « Meloni au travail sur les dossiers prioritaires : factures trop chères et pauvreté. "Ce sera la preuve par les actes" par M. Ajello : « “S’exprimer avec des faits". C’est le message de Giorgia Meloni au lendemain de sa victoire, car "les Italiens ont voté pour nous précisément parce qu'ils en ont assez des politiques verbeuses". Mais beaucoup d'Italiens n'ont pas voté du tout, et c'est l'inquiétude. Ella a passé sa première journée sur les dossiers, notamment le budget qui doit être adopté. Et elle s'interroge sur la signification vote 5 étoiles dans le Sud, la réforme du revenu de citoyenneté et les nouvelles stratégies de lutte contre la pauvreté ("On ne peut pas laisser les faibles sans soutien", confirme Lollobrigida). On n'a jamais vu un dirigeant qui gagne une élection et qui, au lieu de fêter cela, se met au travail le lendemain, annulant sa conférence de presse. Elle n’a même pas de temps pour une lune de miel avec les Italiens parce que la situation du pays et des factures l’empêche : "Et si l'Europe ne bouge pas, nous bougerons seuls" ? Autre sujet, quand elle a déclaré le soir de sa victoire qu'il fallait "rapprocher les citoyens des institutions et renforcer le rapport entre les Italiens et l'État, en suscitant une nouvelle confiance", dont le déficit est l'une des raisons de l'abstention, elle faisait référence à la réforme du présidentialisme. Et Lollobrigida, hier : "Notre Constitution est belle, mais elle a 70 ans". En d'autres termes, il faut se mettre au travail : l'élection directe du chef de l'État aux yeux de Giorgia est le bon moyen de forger un nouveau pacte de confiance entre le pays dit réel et le pays dit légal. Une initiative, d'ailleurs, qui pourrait trouver le soutien d'une partie de l'opposition : celle de Calenda et Renzi. Le passage de témoin, entre Draghi et Meloni, s’il ne sera pas le signe d’une continuité, ne représentera toutefois pas un saut dans le vide. “Nous allons simplement ouvrir une nouvelle page", tel est l'état d'esprit de la prochaine locataire du Palazzo Chigi, si Mattarella lui confie cette tâche. »
EDITORIAL, Il Messaggero, « La constance de Giorgia et les obstacles à surmonter » par Massimo Martinelli : « Meloni a pour elle le mérite de la constance, en refusant de rejoindre le gouvernement Draghi, et préféré poursuivre son rêve, et elle a eu raison. Elle a étudié de nombreux dossiers, officiellement en tant que (seul) leader de l'opposition, mais en sachant qu'un jour il lui serait utile de tout savoir sur les pandémies, l'Ukraine, la dette publique, le Pnrr etc. Elle a ensuite clarifié sa position sur le passé de la droite italienne, également pour interrompre l'attaque monotone de ses adversaires politiques qui ont diabolisé le danger noir pendant la campagne électorale. Puis Giorgia Meloni a précisé que l'antifascisme est une valeur fondatrice de la République. Mais - en cohérence avec son histoire - elle affirme ici que la flamme ne peut être retirée du symbole "parce que nous aimons nous imaginer comme cette phrase de Tolstoï sur la torche qui en allume une autre et un millier de torches sont allumées, ainsi un cœur en allume un autre et des millions de cœurs sont allumés". Giorgia Meloni n'a pas un parti tentaculaire comme le PD, elle n'a pas de maires locaux qui lui apportent des paquets de cartes électorales, elle n'achète pas les votes en promettant des avantages qu'elle ne pourra pas distribuer. Au contraire, à Bagnoli, dans l'un des territoires où le revenu de citoyenneté est le plus répandu, lors du dernier rassemblement, elle a regardé les jeunes et a dit : "Les pauvres ne doivent pas rester pauvres pour toujours. Ils doivent le faire en travaillant. Si je donne un revenu pendant dix ans à une personne pauvre, dans dix ans elle sera toujours pauvre. Si je donne un travail à un pauvre, dans dix ans il aura construit quelque chose". Il n'y aura aucune restriction des droits, aucune interdiction de l'avortement. Nous resterons fermement en Europe et dans l'OTAN, nous continuerons à soutenir l'aide à l'Ukraine, convaincus que la Russie a commis une violation très grave des traités, et nous continuerons à entretenir d'excellentes relations avec la France et l'Allemagne, qui apprendront bientôt que les Italiens sont grands, qu'ils peuvent exprimer une préférence électorale de manière responsable et qu'il n'est pas nécessaire que quelqu'un de l'étranger tire la sonnette d'alarme. À moins que derrière ces alarmes, on ne s'inquiète de la fin du traitement favorable à la spéculation sur le sol italien. Dès la semaine prochaine, une fois la gueule de bois électorale dissipée, les Italiens comprendront que la véritable mission que Giorgia Meloni veut accomplir concerne la stabilité du pays, qui se trouve également dans le gué de la crise énergétique et alourdi par les problèmes structurels de l'économie, de l'évasion fiscale à la dette publique, avec les fonds européens du PNRR qui arrivent et ne sont pas encore totalement engagés dans les chapitres de dépenses. C'est un chemin escarpé, un chemin qu'elle a poursuivi avec obstination. Les Italiens lui ont donné un chèque en blanc de confiance, maintenant c'est à Giorgia Meloni de montrer la différence entre un météore politique et une femme d'État qui laisse sa marque dans l'histoire de l'Italie ».
EDITORIAL, IL Foglio, « Le défi de Meloni : passer de Lady Orbán à Lady No-Spread » par Claudio Cerasa : « Le problème de Giorgia Meloni est au fond celui-ci : que faire maintenant de ses supporteurs ? Lors de son premier jour en tant que future Premier ministre, elle a reçu des centaines de messages de félicitations. C'est ainsi qu'apparaissent les compliments de Marine Le Pen, leader de l'extrême droite française, qui, en utilisant des mots similaires à ceux choisis par Éric Zemmour, loue Meloni et Salvini "pour avoir résisté aux menaces d'une Union européenne arrogante et antidémocratique en remportant cette grande victoire". C'est ainsi que Viktor Orbán, Premier ministre hongrois et symbole de la conspiration internationale de droite, remercie sa chère "Giorgia", soulignant que "en ces temps difficiles, nous avons plus que jamais besoin de vrais amis qui partagent une vision et une approche communes des défis de l'Europe". C'est ainsi qu'apparaissent les compliments de Vox, parti symbole de l'extrême droite espagnole, de l'extrême droite allemande, l'AfD. Les plus authentiques symboles de l'extrémisme nationaliste entrevoient ainsi dans la victoire de Giorgia Meloni la possibilité concrète de transformer l'Italie en un nouveau camp de hobbits du populisme mondial, en un nouveau centre de l'euroscepticisme, en l'avant-poste d'une nouvelle internationale souverainiste prête à devenir une force motrice pour le reste de l'Europe. Le fait que les marchés ne s’affolent pas pour le moment tient au fait que la leader de Fratelli d'Italia cherche à montrer qu'elle avait coupé les ponts avec son passé populiste. La Bourse de Milan a bien clôturé (même la meilleure en Europe), le spread reste aligné avec le reste de l'Europe (spread à 240), les investisseurs montrent leur confiance dans la capacité de Meloni à être en rupture avec son passé (aucun fonds important au cours des deux derniers mois n'a invité à détourner ses investissements de l'Italie). L'administration américaine qui, malgré la distance politique avec Meloni, a étonnamment encouragé la leader de Fratelli d'Italia dans sa future action à travers les d’Antony Blinken ("Après les élections italiennes d'hier, nous avons hâte de travailler avec le gouvernement italien sur nos objectifs communs : Soutenir une Ukraine libre et indépendante, respecter les droits de l'homme et construire un avenir économique durable."). Il y a certes des questions en suspens, notamment en raison de la présence de la ligue. Mais l’atlantisme, contrairement à 2018, n'est pas remis en question. L'euro non plus. La défense de l'Ukraine non plus. Le modèle Italexit reste en dehors du Parlement. Les anti-vax ont disparu. Et face à l'euroscepticisme de droite, certaines digues sont destinées à peser : une dette publique qui, aussi importante soit-elle, pour reprendre une célèbre boutade de Ronald Reagan, ne peut toujours pas s'occuper d'elle-même ; un chef d'État qui, aussi patient soit-il, posera des jalons insurmontables sur la voie du pro-europésme ; un plan de réforme très ambitieux lié au Pnrr ? Faire confiance à Meloni est difficile. Il faudra qu’elle propose un gouvernement qui soit plus No Vox que No Vax, en passant rapidement du statut de "lady Orbán" à celui de "lady Spread" et en se rappelant que la défense de la souveraineté d'un pays comme l'Italie est inversement proportionnelle à la prolifération des souverainismes dans le reste de l'Europe. Le problème pour Giorgia Meloni est donc celui-ci : que faire de ses adeptes ? »
PREMIER PLAN, Corriere della Sera, de T. Labbate, « Crosetto en première file, le poste de Donzelli, et pour le ministère de l’Intérieur l’idée du préfet de Salvini émerge » : « A l’issue du scrutin de dimanche, Giorgia Meloni a tout de suite insisté sur la ‘’responsabilité’’. Cela vaut également pour la composition du futur gouvernement : responsabilité vis-à-vis de la Présidence de la République, mais aussi dans les relations avec l’exécutif sortant et de Mario Draghi, dans le dialogue avec l’Union européenne mais aussi dans les relations avec Forza Italia et la Ligue. Des relations que l’écart des voix entre les alliés a rendues à la fois plus simple et plus compliqué. Ainsi, toutes les ‘’responsabilités’’ évoquées précédemment semblent exclure le retour du chef de la Ligue à la tête du ministère de l’Intérieur. C’est le préfet de Rome, Matteo Piantedosi, également chef de cabinet de Salvini justement lorsqu’il était ministre de l’Intérieur en 2018, qui pourrait donc se voir confier le portefeuille et il serait difficile pour le chef de la Ligue de rejeter cette option. L’intérieur fait partie des ministères dont la direction doit être décidée en accord avec la Présidence de la République, de même que l’Economie, pour lequel l’ancien membre de la BCE Fabio Panetta a déjà décliné, et la Justice où l’on évitera sûrement les tensions de 2014 autour de Nicola Gratteri. Fratelli d’Italia y voudrait le magistrat Carlo Nordio ou alors la léghiste Giulia Bongiorno, avocate pénaliste renommée, qui pourrait également retourner au ministère de la fonction publique comme en 2018 sous le premier gouvernement Conte. Guido Crosetto, après s’être tenu en retrait des listes de candidats pour ces élections, semble se préparer à un retour en politique avec deux options possibles : la Défense ou le Palais Chigi, comme sous-secrétaire à la Présidence du Conseil. Forte de ses résultats aux urnes, la leader de FDI pourra se montrer plus sûre d’elle lors des prochaines rencontres avec ses alliés et n’a que l’embarras du choix. Ignazio La Russa devra décider s’il veut rentrer au gouvernement ou briguer la présidence du Sénat. Francesco Lollobrigida pourrait prendre la tête du ministère des Infrastructures, cédant la place de chef de groupe à la Chambre à Giovanni Donzelli. Le vieux ministère des temps de Berlusconi pour l’application du programme de gouvernement pourrait être rétabli sous la direction de Giovanbattista Fazzolari et le ministère des affaires européennes pourrait être confié à Raffaele Fitto. Enfin, il est presque certain qu’Antonio Tajani et Giancarlo Giorgetti se verront confier chacun un portefeuille ministériel. »
ENTRETIEN, Il Messaggero, De Guido Crosetto, co-fondateur de Fratelli d’Italia, « Nous respectons les engagements de l'UE mais nous avons besoin d'un autre PNRR" par Alberto, Gentili : « Si quelqu'un pense qu'il va faire le nouvel exécutif en plantant des drapeaux du parti sur les sièges, il se trompe lourdement. Le gouvernement Meloni sera construit en choisissant les meilleures énergies italiennes". Guido Crosetto, conseiller de Giorgia Meloni et cofondateur de Fratelli d'Italial, lance cet avertissement. « Elle a gagné et, comme je la connais, elle est déjà au travail. Il y a une loi de finances à boucler, qui doit être soumise à l'UE avant le 16 octobre. Si le gouvernement actuel ne le fait pas, ce sera au nouvel exécutif, qui arrivera probablement dans plus d'un mois. Il faut donc penser à une sorte de chemin parallèle pour se préparer. Mais mon avis sur ce point est technique, et non politique. Nous travaillerons avec le ministre sortant pour ce texte, il faut trouver un moyen d'interagir pour le bien de l'Italie. Pour l'instant, personne ne connaît l'état réel des comptes. Tout ce qui peut être fait doit être fait, et Giorgia Meloni a également été claire à ce sujet : découpler le prix de l'électricité et du gaz, plafonner le coût des factures, essayer de fixer un prix européen, encourager les reconversions, etc. Le système économique et les familles doivent être sauvés de ce "tsunami". Sur le creusement du déficit pour financer les mesures, nous devons garder les pieds sur terre. Il y a donc deux solutions. La première : l'UE intervient comme elle l’a fait pour le plan de relance, en faisant une dette commune. Ou bien Bruxelles nous permet d'utiliser les milliards de fonds européens non dépensés de la programmation septennale ou les fonds nationaux supplémentaires prévus pour le Pnrr, pour des interventions économiques de soutien. Nous n’avons pas besoin de rassurer qui que ce soit (en Europe), FdI est un parti conservateur et Giorgia dirige une force politique sérieuse, rationnelle et responsable qui a déjà dit qu'elle respecterait les engagements internationaux, à commencer par l'Ukraine, et les contraintes budgétaires". (Sur les propos d’Elisabeth Borne) Je ne crois pas qu'une grande nation démocratique comme l'Italie ait besoin d'un premier ministre étranger pour la surveiller. Ces sorties sont offensantes pour notre pays : Borne peut être rassurée, les droits de l'homme et l'avortement seront garantis avant tout par Meloni. Elle a déjà souligné les différences qui la séparent de la Hongrie et elle défend l'intérêt de l'Italie, pas celui de la Hongrie. De plus, son défi sera de faire tomber les égoïsmes qui paralysent l'UE en essayant d'expliquer que l'Europe a un sens lorsqu'elle est unie et solidaire dans les moments difficiles et qu'elle meurt lorsqu'elle se divise dans les "phases difficiles". Sur le présidentialisme, une réforme votée par une large majorité parlementaire fera également l'affaire. Peut-être dans une mesure qui évite les référendums. Mais la réforme doit être faite et rapidement. L'Italie a besoin de gouvernabilité et de stabilité. Il faudra aussi que les oppositions soient constructives, sans préjugés ni incitations à la révolte. Tout le monde considère comme acquis que le nom qui sera donné à Mattarella est celui de Giorgia Meloni, message qui a été transmis par les électeurs. Et en ce qui concerne la Ligue, ce n'est certainement pas FdI qui l'a fait s'effondrer : ils paient le prix pour avoir soutenu Conte et Draghi avec le Pd et les M5S et le fait qu'une partie du monde productif du Nord a décidé de faire confiance à la "proposition politique" de FdI. »
COMMENTAIRE, Corriere della Sera, de M. Franco, « La déflagration des urnes qui déstabilise les partis » : « Les premiers glissements de terrains sont en cours. L’annonce de la démission d’Enrico Letta et d’un nouveau congrès auquel il ne se représentera pas, sont un geste responsable après la défaite. Mais c’est un cas isolé. Matteo Salvini a refusé de faire un pas en arrière après avoir remporté la moitié des voix par rapport à 2018 et seulement le quart par rapport aux européennes de 2019. La différence est que Salvini, cannibalisé par Giorgia Meloni, sera tout de même récompensé avec un poste au gouvernement ou parmi les institutions. ‘’Mieux veut faire 9% au gouvernement que 18% à l’opposition’’ comme il le dit. Il justifie la défaite comme le prix à payer pour avoir soutenu le gouvernement Draghi. Il tente de désamorcer le mécontentement des chefs de régions léghistes dans le nord du pays, comme Luca Zaia, et fait comprendre que si on lui demandait des comptes, il se défendrait jusqu’au bout. Son exemple comme celui de Letta confirment que ces élections du 25 septembre vont engendrer de longues répercussions entre et au sein des partis. Certains, dont la Ligue, sont sur la sellette. Certaines forces devront se demander si elles sont encore adaptées aux nouveaux défis et devront se réinventer. Cela vaut aussi pour l’alliance électorale entre Carlo Calenda et Matteo Renzi. La victoire de FDI s’impose dans un paysage très fragmenté. Tout cela pourrait accentuer la solitude de Meloni qui ne devrait faire face qu’à un Mouvement 5 Etoiles réduit de moitié mais encore fort dans le Sud. Le Président du Sénat, Roberto Fico (M5S), refuse l’expression de ‘’Ligue du Sud’’ ou d’une sorte de syndicat des militants pour le revenu de citoyenneté. Et les relations avec Meloni risque bien de s’envenimer, surtout si elle confirme son intention de le supprimer. Giuseppe Conte lance déjà des avertissements et se prépare à la confrontation évoquant presque la guerre civile. Une approche extrême mais qui répond à l’objectif de récupérer le rôle de seule ‘’vraie opposition’’. »
COMMENTAIRE, La Repubblica, S. Folli « Ligue : les deux scénarii après la défaite » : « Le résultat électoral aux alentours de 8-9% de voix va bien en dessous des prévisions et il serait ingénu de penser que cela ne produira pas de conséquences et de faire semblant de rien, comme si de rien n’était. Pourtant, les déclarations de M. Salvini laissent croire effectivement cela. Il a dit, hier « j’ai hâte de pouvoir travailler avec Giorgia, nous avons 5 années devant nous’’. Aucune autocritique, donc, alors que les listes de Fdi ont devancé largement celles de la Ligue dans les territoires du Nord, anciens fiefs de celle-ci. Le président de la Région de Vénétie, Luca Zaia, s’est fait porte-parole des préoccupations de tous les responsables de la Ligue, des mairies comme des régions : ‘’c’est un résultat décevant, il faut maintenant faire une analyse sérieuse des causes’’. Il est possible de voir deux scénarii possibles. Le premier prévoyant que Zaia, Fedriga, Giorgetti et compagnie trouvent le courage de mettre en minorité leur chef. Il s’agit là d’une opportunité qui pourrait ne pas se proposer à nouveau. Le second prévoit la contrattaque agressive des proches de Salvini, qui pourraient reprocher aux premiers leur stratégie de soutenir Draghi, qui a selon eux provoqué cette hémorragie d’électeurs. Il faut ainsi s’attendre à des oppositions au sein de la Ligue, conformes à l’identité profonde même du parti. Les « administrateurs » veulent d’une Ligue qui soit attentive aux intérêts des entrepreneurs des PME et prônent pour une stabilité politique : hier avec Draghi, aujourd’hui avec Meloni. Salvini pourrait s’aligner sur l’aile dure et entrer en conflit direct avec les « administrateurs ». Chose qui pourra difficilement se concilier avec une présence paisible au sein du gouvernement Meloni. Tous savent que Salvini veut mettre fin aux critiques en obtenant le ministère de l’Intérieur. Mais cela n’arrivera jamais pour des raisons de vétos au niveau national et international. Or, l’affaire Salvini doit être désamorcée avant qu’il ne soit trop tard, quitte à lui offrir une charge institutionnelle alternative à son retour dans un gouvernement. »
PREMIER PLAN, Corriere della Sera, de F. Verderami, « Le triangle entre la leader, Draghi et la Présidence de la République pour faire passer la loi de Finances » : « La transition sera une équation à trois variables : la Présidence de la République aura un rôle a joué dans le passage de relais entre Mario Draghi et Giorgia Meloni. Pour la première fois de l’histoire de la République italienne, la transition à la Présidence du Conseil se fera en pleine période de définition du budget, sans compter un contexte économico-financier très négatif. Si la Présidence de la République souhaite aller le plus vite possible, il ne sera tout de même pas possible de faire passer la prochaine loi de Stabilité avant l’échéance habituelle du 20 octobre, la première séance du nouveau Parlement ne se tenant qu’une semaine avant. La mise en place du gouvernement va demander du temps. Au lendemain du scrutin, Draghi et Meloni ne se sont pas parlé. Une ‘’équipe de transition’’ va être mise en place pour s’occuper du passage des dossiers. Les situations interne et internationale imposent une certaine rapidité. Avant validation, Giorgia Meloni sera consultée sur le cinquième décret pour l’envoi d’armes à l’Ukraine prédisposé par l’exécutif sortant. Mais sur le soutien à Kiev il n’y a pas de désaccords. Le premier test pour l’aspirante Présidente du Conseil sera plutôt la loi de Finances, sur laquelle Lollobrigida compte avoir ‘’des échanges et un suivi attentif’’ avec le cabinet Draghi. Pour le nouvel exécutif, ce sera comme escalader l’Everest sans bombonne d’oxygène. La Présidence du Conseil doit présenter cette semaine la note de mise à jour du document d’économie et de finances, sur laquelle Giorgia Meloni se serait déjà penchée. Si la Nadef fait un bilan de la situation actuelle, la programmation des dépenses revient toute entière au prochain gouvernement. Fratelli d’Italia dit espérer qu’il existe déjà une base sur laquelle travailler mais l’actuel cabinet annonce qu’il n’y a ‘’aucune ébauche à ce jour’’. Ce sera donc à Giorgia Meloni d’écrire la loi de finances sur laquelle Mattarella n’aura pas manqué d’intervenir et de conseiller Draghi. La leader sait ce qui l’attend : avec la faible croissance annoncée, il y aura peu de fonds disponibles et un échéancier serré à respecter. Sur le front énergétique, il faudra trouver le moyen de garantir la prolongation pour l’année prochaine des différents bonus mis en place par Draghi. Il y aura également la question des retraites, véritable casse-tête. Si Meloni était contre un nouveau creusement du déficit avant les élections, elle n’y est désormais plus opposée même s’il s’agit du ‘’dernier recours’’. Au Palais Chigi l’impression est que pour ‘’gagner un peu en marge de manœuvre’’ le prochain exécutif interviendra sur le Superbonus et sur le revenu de citoyenneté. Un terrain miné si l’on en croit les avertissements hier du Chef du Mouvement 5 Etoiles Giuseppe Conte, prêt à faire de l’obstructionnisme au Parlement sur la loi de Finances. Tout cela laisse présager un automne compliqué, aussi bien dans les palais que dans la rue pour le nouvel exécutif. »
EDITORIAL du directeur, La Repubblica, M. Molinari, « Le souverainisme italien » : « Notre pays s’apprête à avoir vraisemblablement, pour la première fois dans son histoire républicaine, un parti souverainiste à la tête de la majorité de gouvernement. Fdi appartient au groupe des Conservateurs et réformistes européens, qui se qualifient de défenseurs de la souveraineté des Etats contre le fédéralisme européen. A partir du moment où Fratelli d’Italia appartient à cette famille, il est légitime de se demander si, une fois installé au gouvernement, il déplacera l’Italie vers Varsovie et Budapest plutôt que vers Paris et Berlin. Il s’agit là d’une question qui n’est pas anodine puisque pendant les 18 mois du gouvernement Draghi, Rome a pu constater une forte entente avec Paris et Berlin sur la nécessité d’accélérer vers une « souveraineté européenne » et qui sera le sujet d’un bras-de-fer dès 2023 entre ceux qui veulent renforcer les institutions européennes et ceux qui veulent les affaiblir. C’est la raison pour laquelle il est clairement nécessaire de faire lumière sur la volonté de transformer l’Italie en une ‘’nation souveraine en Europe’’. Car l’identité européenne fait désormais partie de l’identité italienne et parce que plusieurs intérêts et projets italiens dépendent aujourd’hui de ce lien intime que les Pères fondateurs de l’UE ont voulu tisser afin de nous épargner les spectres de l’Histoire du XXe siècle »
ARTICLE, Sole 24 Ore « Le soutien des Etats-Unis et Moscou qui invite à surmonter « la haine » » - L’embarras de l’UE, les critiques de la Première ministre française, corrigées par Macron. Tous espèrent de la collaboration et des positions pro-européennes : « Les Etats-Unis sont peut-être les partenaires les moins inquiets après la victoire dans les urnes de la coalition de droite dirigée par Meloni, cette dernière ayant souvent souligné, et cela avec peu d’ambiguïté, la pleine adhésion à l’Alliance Atlantique. Toutefois, Meloni est proche des républicains trumpiens, d’où les mots de Blinken sur le souhait que les relations avec Washington puissent se maintenir sans perturbations. Les réactions en Europe sont plus prudentes : la dimension eurosceptique de la coalition de droite italienne est forte et la sympathie pour le « souverainisme à la hongroise » n’a jamais été cachée. Les mots prononcés par la Première ministre française Elisabeth Borne ‘’ On sera attentif, avec la présidente de la Commission européenne, à ce que ces valeurs sur les droits de l’Homme, sur le respect des uns et des autres, notamment le respect du droit à l'avortement, soient respectées par tous’’. Le président Emmanuel Macron a ensuite corrigé quelque peu cette position ‘’ Le peuple italien a fait un choix démocratique et souverain. Nous le respectons. En tant que pays voisins et amis, nous devons continuer à œuvrer ensemble’’. Le porte-parole du Chancelier Scholz a expliqué pour sa part ‘’L’Italie est un pays très ami de l’Europe, peuplé de citoyens très amis de l’Europe et nous nous attendons à ce qu’elle ne change pas et reste très pro-européenne’’. Les plus enthousiastes étaient les euro-critiques comme Orban ‘’ le peuple en colère est en train de changer les gouvernements qui ont soutenu les sanctions ‘’ contre la Russie. Et Marine Le Pen a souligné ‘’Le peuple italien a décidé de reprendre son destin en main en élisant un gouvernement patriotique et souverainiste. Bravo à Giorgia Meloni et Matteo Salvini pour avoir résisté aux menaces d'une Union européenne antidémocratique et arrogante’’. »
ARTICLE, Sole 24 Ore. A. Cerretelli « Bruxelles s’attend à un tournant européiste » : « Après l'Italie de Mario Draghi, le Président du Conseil le plus connu, le plus respecté, le mieux intégré politiquement et économiquement à Bruxelles, en Europe et outre-Atlantique, Rome s'apprête à faire ses débuts avec son contraire, du moins dans l'opinion qui prévaut dans le pays et à l'étranger. Pour la dirigeante de la coalition de droite qui a remporté les élections, la longue marche commence à émousser les contours de sa souveraineté nationaliste. Elle devra confirmer dans les faits le tournant pro-européen et pro-atlantique proclamé, c'est-à-dire la continuité des choix et des alignements politiques et géostratégiques de l'Italie. L'Europe l'attend entre un climat de méfiance généralisée et d'ouverture, en partie forcée mais en partie facilitée ces derniers mois par un intense travail diplomatique fait en coulisses. Toutefois, une entente trop cordiale du futur gouvernement avec l'Amérique de Biden pourrait créer des dissensions et une certaine jalousie dans l'Allemagne d'Olaf Scholz et la France d'Emmanuel Macron, toutes deux soucieuses de leurs leadership au centre de l’Europe, désireuses d'un partenariat constructif avec l'Italie tant qu'elle ne devient pas un protagoniste trop encombrant. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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