11/04/2022
"La Ligue félicite Marine Le Pen mais avait misé sur un score plus impressionnant."
Italie. Revue de presse.
Les résultats du premier tour des élections présidentielles en France font les gros titres des quotidiens italiens, qui relèvent en général un « nouveau duel Macron-Le Pen » comme en 2017, ainsi que les voix des électeurs de Mélenchon, jugées déterminantes lors du second tour. La plupart des observateurs met en exergue le « défi sur l’avenir de l’Europe » et la « survie du populisme malgré la pandémie et la guerre » (Corriere), en réfléchissant à l’impact des résultats en Europe et sur la politique intérieure italienne. « Macron devant, Le Pen est plus éloignée » - le Président sortant peut compter sur le soutien des Verts et des Républicains ; mais les voix « antisystème » ont atteint la barre des 50% (Corriere della Sera), « La France [divisée] entre Macron et Le Pen » - Les électeurs de Mélenchon (21%) seront déterminants. Zemmour échoue mais la vague populiste frôle les 50% des voix (La Repubblica), « Le défi pour l’Europe » - Au premier tour, Macron devance Le Pen mais la bataille est encore ouverte (La Stampa), « Elysée, le coup de pouce pour Macron » - L’effet-Poutine sur les élections, tous les candidats sont contre Marine Le Pen, sauf Zemmour (Il Messaggero). Le conflit russo-ukrainien est également cité avec large couverture photographique en Une : « Horreurs et victimes, Poutine est prêt pour l’assaut final sur le Donbass (Corriere della Sera), « Les fosses communes » (La Repubblica), « Donbass, c’est l’assaut final » (Il Messaggero), « Guerre et flambée des prix » - Les secteurs de l’alimentaire, de la chimie et de l’acier sont les plus impactés (Sole 24 Ore).
COMMENTAIRE, Corriere della Sera, A. Cazzullo « C’est l’Europe qui est en jeu » : « Emmanuel Macron est devant et sera très probablement réélu. Toutefois, ceux qui pensaient qu’avec le rappel à l’ordre marqué par la pandémie puis par la guerre, la bête souverainiste aurait baissé la tête, doivent changer d’avis. Ces 24% remportés par Marine Le Pen valent plus que les 60% de voix d’Orban : en France, il n’y a pas un média qui soit de son côté. Or, plusieurs Français ne veulent plus entendre parler de l’élite et de son candidat, E. Macron. A l’évidence, la guerre en Ukraine n’a pas affaibli les populistes pro-Poutine. Si Le Pen devait l’emporter, dans deux semaines, ce serait alors une victoire pour V. Poutine : le front occidental serait divisé. Marine veut faire disparaitre l’UE et elle veut que Paris sorte du commandement intégré de l’Otan. C’est aussi ce que Mélenchon disait au sujet de la responsabilité de l’Otan sur l’agression russe. Ce qui ne veut pas dire que la majorité des Français soit prorusse. Le problème, c’est qu’il y a d’autres priorités : les prix, les salaires, le pouvoir d’achat. Ce sont là des sujets sur lesquels Le Pen et Mélenchon se battent depuis des semaines. Macron a été un bon Président, il a su faire baisser le chômage et a contrôlé la pandémie en inventant le pass sanitaire. Toutefois, il a donné l’impression de ne pas savoir parler à cette France profonde, celles des banlieues et des campagnes, qui craint et qui subit la globalisation et l’immigration. Si vraiment Marine Le Pen devait l’emporter, l’Europe ne serait plus la même. Le monde non plus. Ce résultat peut déjà galvaniser les souverainistes italiens. A commencer par Meloni qui est dans l’opposition, mais surtout Salvini : ce populiste – converti à l’européisme, qui soutient Draghi et qui fait réélire Mattarella – pourrait entendre à nouveau l’appel de la forêt. Les 5 Etoiles aussi – passés des gilets jaunes à Macron et Enrico Letta – sentent que le vent pourrait à nouveau tourner. Encore une fois, la cloche de Notre Dame sonne aussi pour nous. »
ARTICLE, La Repubblica, R. Castelletti « Poutine mise sur Marine pour obtenir un soutien contre les sanctions » : « A Moscou personne ne s’exprime et c’est surtout la retenue qui l’emporte. Les JT du soir ont à peine cité le résultat du premier tour en France. Toutefois, plusieurs souhaitent que Marine Le Pen l’emporte. Tout propos lancé pendant la campagne électorale de la dirigeante du Rassemblement National, pouvant faire le jeu du Kremlin, a été repris avec une certaine bienveillance. Comme lorsqu’elle a dit que les sanctions contre le pétrole russe étaient un vrai « harakiri » ou qu’elle transformera l’UE en une « alliance de nations européennes basée sur la souveraineté » ou encore que la France sortira de l’Otan. Certains, comme K Gasanov, chercheur auprès de l’Université russe de l’Amitié entre les peuples et membre du Conseil russe des Affaires internationales RIAC, affirme ‘’avec Le Pen à l’Elysée, ce serait le début de la fin des sanctions et les entreprises françaises ne seraient pas contraintes de quitter le marché russe’’. Il est vrai que ses députés européens ont toujours voté unis pour défendre les intérêts de Moscou. Certes, l’agression russe en Ukraine a poussé Marine Le Pen à faire un virage retentissant, mais elle a gardé une certaine ambiguïté. Comme lorsqu’elle a déserté la visioconférence de Zelensky avec l’Assemblée Nationale ou quand elle revendique une « équidistance » entre les Etats-Unis et la Russie, sans nommer Poutine. »
PREMIER PLAN, Il Corriere della Sera, F. Basso : « Bruxelles : attention au second tour : ‘’un référendum sur l’UE et sur Poutine’’ » : « Guy Verhofstad, ancien Premier ministre belge, figure de proue de Renew Europe, groupe du mouvement d’Emmanuel Macron au Parlement européen, a twitté dès les premiers résultats : « Macron remporte le premier tour… mais la vraie bataille vient de commencer. Deux semaines pour tenir loin de l’Elysée les alliés de Poutine ! Deux semaines pour renforcer la liberté, l’égalité et la fraternité face à l’autoritarisme et à la haine ! » Par ailleurs, on s’attend, dans les prochaines semaines, à une bataille des forces européistes en faveur du Président sortant, Emmanuel Macron. Le second tour risque de se transformer en vote pour ou contre l’Union Européenne, comme l’a twitté la cheffe de groupe des socialistes au Parlement européen, invitant « tous les progressistes à voter pour bloquer Le Pen qui met en péril la démocratie et la paix sociale ». Le Parti Populaire Européen qui soutenait Pécresse devrait, à la lumière des déclarations de cette dernière, soutenir Macron pour faire barrage à l’anti-européisme. La quatrième victoire d’Orban à la tête de la Hongrie a été un coup dur pour Bruxelles qui espérait un changement. La victoire de Le Pen à Paris, surtout dans le contexte actuel de grande tension avec la Russie, mettrait en grande difficulté le projet européen. »
ENTRETIEN, La Repubblica, d’Enrico Letta, secrétaire du Parti démocrate, « La droite se bat en donnant des réponses au malaise [des citoyens] ; si les populistes arrivaient à l’Elysée, l’Europe se briserait » : « ‘’Le premier tour de la présidentielle française est encourageant, il montre que, face aux souverainistes, ceux qui veulent une Europe plus unie et plus forte l’emportent. Contrairement à Salvini ou Le Pen qui voudraient détruire l’Europe et renvoyer ceux qui nous donnent 200 milliards de fonds et nous protègent. Il est également positif que cette fois Mélenchon ait immédiatement appelé à voter contre Le Pen, alors que la dernière fois une partie de ses électeurs s’étaient reportés à droite. L’inquiétante analogie entre la France et l’Italie me frappe : que ce soit Salvini, Meloni et Berlusconi ou Le Pen, Mélenchon et Zemmour, les partis qui avaient montré une grande proximité avec Poutine par le passé représentent la moitié de l’électorat. Les forces libérales et progressistes ont sous-estimé le risque populiste. Il nous faut répondre au malaise social, facteur de radicalisation. L’Europe doit passer à la vitesse supérieure pour offrir des réponses fortes et unies aux inquiétudes des citoyens. En n’étant pas capables de construire une Union forte parce qu’entravée par les vétos nous favorisons ceux qui cherchent à l’affaiblir. Je pense notamment aux politiques migratoires ou à la Défense commune. Il faut donc mener au plus vite une réforme des Traités afin que les décisions puissent être prises non plus à l’unanimité mais à la majorité. Par ailleurs, nous devons à tout prix éviter la troisième récession en dix ans pour l’Italie, notamment avec une intervention de Bruxelles contre l’augmentation des prix de l’énergie. Concernant les relations internationales, les pays membres et Bruxelles devraient réajuster leur boussole stratégique de façon à ouvrir le dialogue avec la Chine, l’Inde et la Turquie. Le repli dans une optique exclusivement occidentale de ces dernières années a été une énorme erreur. Nous avons participé à l’opposition de l’Occident contre le reste du monde. Je pense que les intérêts de l’Italie et de l’Europe et ceux des Etats-Unis convergent mais qu’il n’y a pas d’identité de position, d’où l’importance de la Défense commune européenne. Sur le plan énergétique, c’est difficile mais je ne vois pas d’alternative possible : nous devons nous affranchir de notre dépendance à Moscou.’’ »
PREMIER PLAN, La Repubblica, de T. Ciriaco, « L’ombre souverainiste française inquiète également Draghi qui craint désormais Salvini et Conte » : « L’inquiétude d’une vague souverainiste qui irait de Paris à Rome pèse sur le chef du gouvernement. Draghi reste inquiet face aux pressions de la Ligue, craignant que la guérilla politique n’augmente au cours des deux prochaines semaines, lorsque l’Europe se concentrera sur la campagne présidentielle française. Emmanuel Macron a l’avantage mais la victoire reste à conquérir. En attendant, cela fait trois semaines que l’opposition de la Ligue et du Mouvement 5 Etoiles est devenue systématique. Il ne suffit plus d’appeler au ‘’bon sens’’ des leaders de la majorité pour surmonter les entraves et l’agenda du gouvernement risque réellement d’être paralysé. Au fur et à mesure que la guerre en Ukraine se complique, les pièges se multiplient. Mario Draghi peine à trouver des compromis. Demain et après-demain, il rencontrera les leaders du centre-droit, prêt à céder quelque chose s’il voit que de leur côté ils cherchent également une entente. A l’inverse, il poursuivra sur sa lancée s’il s’aperçoit que leur objectif est de mettre l’exécutif en difficulté. Le Président du Conseil est convaincu que les stratégies de la Ligue et du M5S pourraient s’associer pour faire sombrer le gouvernement. Le silence de Salvini à l’égard de la Russie de Poutine inquiète et le leader de la Ligue continue à œuvrer pour entraîner Forza Italia dans sa critique de l’exécutif. L’issue des élections françaises sera décisive pour la stabilité du gouvernement. Draghi a beaucoup investi sur Macron dans la première partie de son mandat. Salvini et Conte semblent se tenir prêt à profiter de la déstabilisation de l’Union pour contraindre le gouvernement à capituler avant la fin de la législature. Le premier point faible du gouvernement est le gaz et Draghi doit se rendre ce matin à Alger pour signer les nouveaux accords qui permettront de couvrir un tiers du vide que le gaz russe laissera tôt ou tard, que ce soit sur décision européenne ou de Poutine. »
PREMIER PLAN, La Repubblica, de M. Favale, « ‘’Bravo Le Pen’’, la Ligue félicite [la candidate] mais avait misé sur un score plus impressionnant » : « Le rêve d’un passage devant le Président sortant se brise dès les sondages à la sortie des urnes. La droite italienne comptait sur Marine Le Pen pour se relancer en vue des prochaines élections politiques en Italie. Elle est finalement témoin du barrage qui se prépare pour empêcher une arrivée du Rassemblement national à l’Elysée. Le centre-gauche, à commencer par le Parti démocrate, salue l’avantage pris par Macron mais doit également prendre acte des propos du leader 5 Etoiles, Giuseppe Conte, qui se dit ‘’sensible à certains des thèmes abordés par Le Pen mais éloigné de sa vision politique’’. Au fur et à mesure que les résultats se précisent, les chances de la candidate de droite de battre Macron se réduisent. Le parti Fratelli d’Italia reste silencieux. Quant à Forza Italia, le parti a assurément une vision plus proche de celle du leader d’En Marche que du Rassemblement national. L’ancienne Présidente de la Chambre, Laura Boldrini, invite Macron à prêter attention au malaise social exprimé par le large consensus autour de Mélenchon. Elle souligne le risque de victoire ‘’des amis de Poutine et des ennemis de l’Europe’’ à travers Marine Le Pen. Les partisans de Renzi d’Italia Viva soutiennent avec conviction Macron, qui représenterait les réformistes libéraux face aux populistes de droite (Le Pen) et de gauche (Mélenchon) et le reste ayant totalement disparu. Les 5 Etoiles ont quant à eux changé d’approche vis-à-vis de Macron par rapport à l’époque des gilets jaunes : ‘’je voterais pour lui’’ déclare Luigi Di Maio. Giuseppe Conte se veut plus prudent. »
ENTRETIEN, il Secolo XIX, de Matteo Salvini, « A Gênes, l’urgence est finie, Bucci gagnera au premier tour » : ‘Je crois que les votes pour Mélenchon n’iront pas vers Macron : ce candidat aussi s’oppose aux réductions des dépenses sociales, tandis que Macron est l’hériter de l’étatisme et de l’austérité. Ce sont des données très intéressantes, le schéma droite-gauche a été dépassé. Cela me fait sourire quand j’entends parler de risques pour l’Europe, c’est ça la démocratie, c’est magnifique. Tout le monde a eu des relations d’amitié avec Poutine par le passé, de la gauche à la droite, en Italie comme en Europe. La guerre change les attitudes et le jugement que l’on porte su lui, nous sommes pourla liberté, la démocratie et l’Occident, et la paix est pour moi une valeur suprême. Défendre l’Ukraine est uen valeur sacro-sainte, mais chaque parole ou geste qui éloigne de la paix est inutile. Il faut arrêter les bombes et ne pas risquer de conduire l’Europe et le monde dans une guerre totale. ».
(Traduction : ambassade de France à Rome)
13:16 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.