16/03/2021
Giorgia Meloni : "Le gouvernement est encore immobile."
Italie. Revue de presse.
ARTICLE Corriere della Sera, M. Guerzoni « Le feu vert du Président du Conseil ‘’nous devons agir en harmonie avec l’Europe’’ » : « Le raisonnement au terme duquel Mario Draghi a donné son accord à la suspension ‘’par précaution’’ au vaccin AstraZeneca a été le suivant : ‘’nous devons agir en harmonie avec les autres pays européens’’. Une décision difficile, certes, et qui prend de court les citoyens et les opérateurs sanitaires. Elle était toutefois inévitable après la décision rapide par laquelle l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et l’Espagne ont arrêté les vaccinations dans l’attente de l’avis de l’EMA. L’inquiétude est élevée, au Palais Chigi et au ministère de la Santé. Il y a une crainte que la campagne vaccinale puisse subir un coup d’arrêt et que les Italiens perdent confiance dans le vaccin. ‘’Le vaccin est la seule clé à disposition pour sortir de la pandémie’’ : une réflexion qui tourmente le ministre Speranza. Il y a seulement deux jours, l’Aifa, l’agence pour le médicament italien, assurait dans le quotidien La Repubblica : ‘’les vaccins en Italie et en Europe sont tous efficaces et sûrs’’. Or, hier après-midi, pendant que Salvini dénonçait ‘’l’énième échec de l’Europe’’, le ministre Speranza appelait Draghi pour l’informer que la vague européenne de mesures de précaution sur le brevet d’Oxford allait toucher également l’Italie. Selon Draghi, trois ou quatre jours d’arrêt ne sont pas un problème. Ce qui compte, c’est que les l’agences ‘’fassent toute la lumière au plus vite’’ pour que l’on puisse redémarrer en toute sécurité. Le Palais Chigi veut surtout ‘’faire attention à ne pas générer l’idée que l’Italie veuille revoir son attitude envers AstraZeneca’’. La Présidence du Conseil et le ministère de la Santé sont en train d’élaborer une campagne de communication d’envergure pour réconcilier les citoyens avec les vaccins ».
COMMENTAIRE, Corriere della Sera, de Massimo Franco « Le nouveau chef du Parti démocrate se targue d’une parfaite harmonie avec Draghi » : « Bien qu’il ait peu été relevé, le passage le plus novateur du discours de Letta ce dimanche portait sur le gouvernement Draghi. Enrico Letta voit dans ce nouvel exécutif le laboratoire qui permettra à son parti de réaffirmer sa propre identité et ses alliances. Pour lui, ce serait plutôt à Matteo Salvini d’expliquer sa soudaine adhésion à une majorité européiste. Contrairement à Zingaretti, il souligne ouvertement la rupture entre cette nouvelle majorité et la précédente. Elle est claire, effectivement, non seulement dans sa composition mais aussi en raison des changements accomplis par Draghi dès son arrivée concernant « l’Etat profond » : services secrets, direction des forces de police, commissaire pour l’urgence sanitaire, Protection civile. Dans cette phase-là, Zingaretti a laissé le PD s’effacer au profit du centre-droit qui s’est félicité et a largement applaudi Draghi pour ses choix. Comme si le PD, en approuvant ouvertement ces changements, risquait de froisser un Mouvement 5 Etoiles alors « orphelin » de sa figure de proue. Une improbable alliance stratégique entre les deux partis était alors en discussion. Letta a, avec délicatesse mais sans équivoque, brisé le tabou du rapport avec le M5S. Ce lien reste bien sûr important pour la conquête électorale de certaines grandes villes, pour jouir d’un semblant de majorité lors de l’élection du chef de l’Etat en 2022. Mais Letta veut avant tout reconstruire le centre-gauche, d’où l’évocation d’emblée de thèmes impopulaires tels que le droit du sol. Il s’agit de marquer le territoire de la gauche. Il considère le gouvernement Draghi comme celui qui permettra au Parti démocrate d’avancer sur ses priorités. »
COMMENTAIRE, La Repubblica, par Stefano Folli, “Le parti démocrate et la nostalgie du Mattarellum ». « L'Italie qui souffre du covid et de la crise économique, a besoin de tout, sauf d'une autre discussion stérile sur la loi électorale. Le problème est qu'Enrico Letta n'a pas encore expliqué où il veut aller et avec quels compagnons de route. Dans le discours de dimanche, il en a dit un peu, mais pas assez. Parler un peu "par surprise" de droit du sol ou du vote pour les jeunes de 16 ans, c'est se tourner à gauche, avec le désir de récupérer soutien et sympathie, mais alors la question de fond reste la relation avec les Cinq étoiles. Et là, tout reste encore à éclaircir. L'unité d'action de l'ère Zingaretti semble s'effacer au profit d'une relation plus pragmatique, mais le dilemme est évident : Letta souhaite-t-il une confrontation compétitive sur le modèle du "que le meilleur gagne" - ou préfère-t-il finalement conclure une série d'accords préélectoraux, afin de se présenter devant les électeurs sous la forme d'une coalition ? Le nouveau secrétaire a confié au journal Le Monde sa priorité : sauver le PD du sort funeste des socialistes français, où "l'aile droite est partie avec Macron et l'aile gauche avec Mélenchon". Cette dissolution n'a pas eu lieu en Italie, avant tout parce que nous n'avons pas de Macron domestique - c'était le rêve de Renzi, mais trop d'eau a coulé sous les ponts - et, concernant Mélenchon, les formations d'extrême gauche sont faibles et dispersées. Cependant, les risques que le Pd ne survive pas aux temps nouveaux sont loin d'être écartés. Les Cinq Étoiles, avec leurs limites et la modestie de leurs dirigeants, sont un concurrent redoutable, peut-être aujourd'hui plus qu'hier. Et les derniers sondages n'indiquent pas par hasard que, bien que tous deux en crise, le M5S a plus de voix que le Pd (ensemble, ils rassemblent à peine plus que les voix que le mouvement seul avait en 2018). Il s'ensuit que Letta ne peut pas proposer une forme de subordination de la Pd à l'égard de n'importe quel partenaire. Ce n'est pas une coïncidence si le nouveau secrétaire a insisté sur le fait que le leadership de l'alliance ne peut être cédé. Excellente intention, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant de définir une réforme électorale. Pour le moment, le PD ne semble pas en mesure d'exercer la primauté : ni au sein du centre-gauche ni dans le pays, où la droite reste en tête. Et quelle réforme, alors ? Romano Prodi, le mentor de Letta, a écrit dans Il Messaggero que l'idée d'une "médiation à tout prix" doit être mise de côté. Selon lui, les objectifs de la phase actuelle "ne peuvent être atteints que par un système majoritaire". Et en fait, le secrétaire, comme il l'a dit lui-même, pense au « Mattarellum ». C'était certainement un excellent modèle électoral, mais dans une Italie différente de celle d'aujourd'hui. Actuellement, le système majoritaire livrerait l'Italie au bloc Lega-FdI-FI et, surtout dans le Nord, ne laisserait aucune issue au PD et à ses alliés. Il s'agit donc de récupérer d'abord le terrain perdu, de sortir sans dommage des élections municipales de l'automne et de réduire la taille du parti Cinq étoiles. Si cette tâche devait s'avérer trop ardue, le Mattarellum ne serait pas le choix le plus approprié. »
ENTRETIEN, Il Messaggero, d’Enzo Amendola, Secrétaire d’Etat délégué aux Affaires Européennes et membre du Parti démocrate « Le Pd est le moteur du gouvernement. En Europe nous avons désormais plus d’influence » : « ‘’Le défi du PD est de s’ouvrir aux nouvelles générations. L’appel de Letta ne doit pas être lu comme un signe de paix au sein du parti mais une invitation à sortir de nos habitudes. Letta a tracé un parcours ambitieux car nous devons être le moteur du gouvernement Draghi et de son engagement à maintenir l’unité du pays. D’autre part, il faut reconstruire le terrain progressiste et démocratique du parti. Au sujet de l’immigration, nous sommes en train de négocier en Europe un nouvel accord pouvant permettre d’obtenir de la solidarité. Le droit du sol nous parle du profil et des valeurs d’une force progressiste. Nous sommes tous engagés à soutenir le gouvernement Draghi mais que personne ne demande aux partis de renoncer à leur propre identité et à leurs programmes. Cela vaut pour le PD tout comme pour Salvini. Avec le M5S nous avons fait un bout de chemin ensemble. Nous attendons maintenant de savoir quel sera leur profil politique et leur place en Europe. Sur la base de cela, nous évaluerons le chemin à faire ensemble. Le parcours indiqué par Letta est clair et est ouvert à toutes les forces progressistes et démocratiques. Le plan de relance italien est en lecture auprès des Chambres, car pour nous les réformes, la justice et l’administration représentent un passage important et doivent passer par le Parlement. Avec la Ligue et tous les partis de la majorité, nous devons œuvrer pour renforcer l’influence de l’Italie en Europe. Il y a des négociations importantes qui sont en cours, telles que la réforme du Pacte de Stabilité, comme proposé par le Commissaire Gentiloni, et le nouveau pacte pour les migrations. Plusieurs questions qui aideront à changer en mieux à la fois l’Italie et l’Europe ‘’ »
ENTRETIEN, La Stampa, de Giorgia Meloni, dirigeante de Fratelli d’Italia « Le gouvernement est encore immobile et avec Letta c’est le statu quo qui empêche un tournant [pour le PD]’’» : « ‘’Il est difficile de dire si avec Draghi il y a eu une vraie rupture avec le passé, voire une accélération. Les vrais défis arrivent maintenant. Il est vrai aussi que le remplacement d’Arcuri par le général Figliuolo comme Commissaire spécial contre la pandémie a été un signal important. Mais il s’agit du seul signal de changement à ce stade. C’était d’ailleurs l’une de nos demandes faites lors de notre entrevue avec Draghi. Fratelli d’Italia s’oppose sans préjugés et sans cadeaux au gouvernement Draghi. Je remarque une grande continuité avec le gouvernement précédent. Quant au décret sur les aides aux secteurs les plus touchés, il n’y a pas de trace écrite. On évoque 10 milliards, qui sont sans doute mieux que 5, mais il faut comprendre si ces sommes que l’on dépense serviront pour assurer la survie des entreprises. Mais si on veut s’obstiner à garder le ‘’cashback’’ [système de remboursement des achats par carte bancaire plutôt qu’en liquide, ndt], alors cela ne va pas du tout. Nous ne sommes pas dans une situation où il est possible de dépenser de l’argent qui ne produit pas de valeur. Nous attendons de voir si Draghi accueillera ou pas notre demande de verser les 5 milliards prévus pour le ‘’Cashback’’ aux entreprises en crise. La proposition d’Enrico Letta d’introduire en Italie le droit du sol pour lancer un appel à son électorat me parait une erreur. Le PD et la gauche ont des électeurs qui n’ont plus aucune certitude sur l’emploi et l’avenir de leurs enfants. Cela me parait une arme de distraction massive pour cacher l’incapacité de ce gouvernement à donner des réponses sensées sur les fermetures, sur l’échec de la lutte contre la Covid. Letta, je le connais depuis longtemps, il est très apprécié par les Français, lesquels, en cette phase historique - ce n’est pas moi qui le dit mais les services de renseignements – ont une attitude fortement prédatrice sur nos infrastructures et nos entreprises’’ ».
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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