24/02/2021
"Rencontre entre le Premier ministre et le Capitaine [Matteo Salvini]."
Italie. Revue de presse.
Les nouvelles mesures de restriction adoptées afin d’éviter une troisième vague et le retard sur les vaccinations font les gros titres des médias italiens. La presse rapporte notamment la réunion d’hier entre le Président du Conseil et ses ministres ainsi que la proposition de Matteo Salvini (Ligue) pour assouplir les mesures de fermeture des commerces : « Nouvelles fermetures à cause des variants » - La crainte d’une 3e vague, Draghi réunit ses ministres (Corriere della Sera), « Vaccins, Draghi fait pression sur l’UE » - Parmi les propositions : interdiction aux entreprises productrices d’exporter le vaccin, production sur place et passeport vaccinal (La Repubblica), « Alerte sur une troisième vague, pas de réouvertures » - Draghi choisit la ligne de la rigueur. Bientôt des micro-zones rouges (La Stampa), « L’échec du plan de vaccination »- Les régions avancent en ordre dispersé, seule une dose sur dix utilisée (Sole 24 Ore), « Des dédommagements immédiats pour ceux qui devront fermer » - Voici le plan du gouvernement. AstraZeneca revoit à la baisse ses fournitures pour l’Europe (Il Messaggero).
COMMENTAIRE, Corriere della Sera, M. Franco « Un gouvernement qui se fraie un chemin entre les manœuvres des partis » : « La stratégie de Draghi est de se tenir à l’écart des polémiques quotidiennes qui résonnent au sein du gouvernement. Il veut s’en tenir à la « règle du silence » pouvant lui éviter des surinterprétations ou des manœuvres politiciennes, du moins tant que les choix en matière de vaccins ne seront pas opérationnels. La réunion d’hier au Palais Chigi avec les ministres économiques et les chefs des instituts sanitaires a permis de donner des premières pistes. La question maintenant est de savoir jusqu’à quel point le chemin que font en parallèle les partis et le gouvernement finira par aboutir sans heurt. Le mauvais présage d’une continuité avec le gouvernement Conte II est déjà évoqué malicieusement par les adversaires de Draghi, qui soulignent que la confusion actuelle semble très proche de à celle qui régnait sous l’exécutif précédent. La volonté des régions du Nord d’avoir un rôle de premier plan, en s’opposant à la réglementation nationale, ressurgit malgré le fait que la Ligue soit désormais au gouvernement. Bientôt, la Cour Constitutionnelle se prononcera de manière définitive. Toutefois, politiquement, ce sera plus compliqué de retrouver un climat serein s’il n’y a pas de réelles nouveauté en matière de vaccinations ».
ARTICLE, Il Sole 24 Ore, de L. Palmerini « Dans les coulisses de la rencontre entre le Premier ministre et le Capitaine [Matteo Salvini] » : « Depuis que le gouvernement a vu le jour, on se demande comment le Premier ministre entend structurer le dialogue avec les partis. Son tête-à-tête d’hier avec le chef de la Ligue nous indique qu’il entend notamment s’entretenir directement avec les dirigeants des partis. Mario Draghi l’a en effet invité à discuter pour revenir sur les points les plus épineux de ces derniers jours, comme les nouvelles mesures sanitaires. Matteo Salvini ne sera pas le seul à être reçu, et cela fait partie des rapports normaux entre un Président du Conseil et sa majorité. Mais c’est de lui que Mario Draghi doit craindre le plus de remous, car c’est aussi lui qui a le plus à perdre, en particulier dans la compétition avec Giorgia Meloni. Ainsi Mario Draghi a écouté ses revendications une demi-heure durant, de la « souveraineté » vaccinale aux réouvertures. Certaines seront prises en compte, mais c’était avant tout symbolique : lui permettre de faire entendre sa voix. Draghi cherche ainsi à normaliser ses relations avec le dirigeant le plus coriace de sa majorité : il est important, dans le contexte actuel, que Salvini soit du côté de l’exécutif. Plus que quiconque, le chef du premier parti d’Italie a le pouvoir de préserver le calme parmi ses partisans ou alors de les déchaîner. Il fallait donc institutionnaliser ses requêtes à travers cet entretien formel au Palais Chigi plutôt que de les laisser en seulement aux catégories exténuées par la crise. »
ARTICLE, La Repubblica, de E. Lauria « Le bras-de-fer se poursuit sur les secrétaires d’Etat, Draghi attendra jusqu’à jeudi » : « La date butoir serait fixée à jeudi, mais les noms des nouveaux secrétaires d’Etat pour compléter l’équipe gouvernementale ne filtrent toujours pas. Draghi fera certains choix techniques, notamment pour le ministère du Sport, mais il ne veut pas avoir à porter la responsabilité de dénouer tous les nœuds politiques de sa majorité. Il attend un sursaut d’orgueil de la part des partis qui le soutiennent. Du coup, tout est suspendu et le coup d’envoi de la composition définitive du nouveau gouvernement n’arrive toujours pas. Salvini a voulu jouer les premiers de la classe en disant : ‘’nous avons déjà présenté notre liste mais certains n’ont pas fait leurs devoirs’’. L’allusion de Salvini aux camarades moins préparés du M5S est évidente. Les 5 Etoiles sont en train de vivre un psychodrame car l’élargissement de la majorité les pousse à une réduction des postes et l’éviction des 40 rebelles réduit de surcroît le vivier de secrétaires d’Etat. Le PD non plus n’a pas fourni sa liste. La nécessité de rééquilibrer la parité dans les portefeuilles pousse à des sacrifices parmi les ministres sortants. La consigne du Palais Chigi de fournir au moins 50% de femmes a rebattu toutes les cartes sur les noms proposés. Les partis n’arrivent pas à trouver un accord, sous le regard inquiet, voire bientôt agacé, de Draghi».
ENTRETIEN, La Stampa, de Giorgia Meloni, dirigeante de Fratelli d’Italia « Le gouvernement est entre les mains du PD » : « ‘’L’Europe n’a pas bien gérer la question des vaccins, cela est évident. Il y a quelque chose qui ne va pas dans cette Europe qui se veut pro-européenne et qui voit l’Allemagne acheter elle-même ses vaccins. Si j’avais fait cela au sein de mon gouvernement, on aurait considéré mon comportement comme celui d’un souverainiste imprésentable. Pour ce qui concerne le gouvernement Draghi, j’ai l’impression que dans ses intentions il n’y a aucune rupture avec l’exécutif précédent. Je constate également une présence démesurée du PD, qui a de plus en plus de poids alors que sa popularité chez les électeurs baisse. Confirmer Lamorgese à l’Intérieur signifie poursuivre la même politique migratoire. Confirmer Speranza signifie continuer la lutte contre la pandémie avec des fermetures sectorielles que nous avons contestées ces derniers mois’’. »
ENTRETIEN, Il Messaggero, de Silvio Berlusconi, fondateur et dirigeant de Forza Italia « ‘’il faut réformer la justice’’» : « ‘’Dans la campagne de vaccination quelque chose n’a pas marché et pas seulement en Italie. Nos principaux partenaires européens sont, eux aussi, en difficulté. Je crois que la bonne voie est d’acheter les licences et de faire produire les vaccins directement par les usines italiennes qui sont en mesure de le faire. Entretemps, le gouvernement devra exiger avec force le respect des accords pris avec les groupes pharmaceutiques sur les livraisons. Pour les restrictions sanitaires, il faut respecter deux règles : une information claire et rapide pour les citoyens et des dédommagements immédiats pour les activités qui ferment. Forza Italia a toujours plaidé en faveur d’une justice exemplaire, nous soutiendrons et assurerons la ministre Cartabia de notre collaboration sur cette réforme. C’est l’Europe qui nous le demande. Aujourd’hui, il faut mettre en œuvre ce que Draghi a indiqué dans son programme : un allégement progressif des taxes sur le travail, notamment pour la classe moyenne. Il faut une réforme organique du système fiscal. Ce gouvernement, que j’ai voulu avec détermination, représente sans doute une exception qui a été produite par des circonstances extraordinaires. Malheureusement, nous ne sortirons pas de cette crise en peu de mois’ ’».
OPINION, La Repubblica, « Draghi-Macron, c’est possible », « Un front à reconstruire pour le bien de l'Europe » par Bernard Guetta : « Ce sont eux deux, Mario Macron ou Emmanuel Draghi (selon votre préférence), qui doivent maintenant faire front commun et se doter d'un programme car la bataille a été gagnée mais, dans le même temps, commence. La bataille de l'unité européenne a été gagnée là où elle a commencé en 1957, à Rome, avec une Ligue de Matteo Salvini qui fait désormais partie d'un gouvernement dont le chef, Mario Draghi, souhaite une Union "toujours plus étroite" avec un "budget public commun". Dans l'Europe des vingt-sept, il ne reste donc aucune formation majeure pour empêcher la marche vers l'unité européenne. Les États-Unis, quant à eux, viennent d'accepter une invitation de l'Union à reprendre les négociations avec l'Iran sur la question nucléaire. Jeudi, l'Union, et c'est une première, est apparue comme un acteur majeur sur la scène internationale, peu après qu'Emmanuel Macron et Angela Merkel se soient engagés à poursuivre le projet d’avions de chasse et de chars européens. Avant que les conséquences de la renaissance commune ne se fassent sentir, une crise sociale et politique pourrait éclater, et bien que nous ayons fait des progrès rapides, nous avançons encore trop lentement. Nous devrions accélérer, encourager les plus timides et, surtout, ne pas attendre que l'Allemagne ait choisi une nouvelle majorité et un nouveau chancelier en septembre prochain. Pour tout cela, il est essentiel que les deux dirigeants de l'Union qui partagent la plus grande audace et ambition européennes appellent à une mobilisation générale sans plus attendre. Mario Draghi et Emmanuel Macron doivent travailler ensemble à une proposition concrète pour l'Europe qui, dans le sillage du New Deal, combine investissement collectif massif et nouvelles protection sociale. C'est précisément ce que Joe Biden s'apprête à expérimenter aux États-Unis. C'est ce que Macron et Draghi doivent faire ensemble, mais c'est à l'Italie de faire le premier pas, car il serait contre-productif que la France semble se distancer de l'Allemagne et monter un front italo-français contre elle. Il appartient à l'ancien banquier central de l'Union, l'homme qui a sauvé l'euro en 2008, de mettre sur la table les bases et les orientations d'un nouveau projet européen que la France pourrait ensuite contribuer à enrichir. Ce faisant, le plan serait déjà prêt pour la période post-électorale allemande. Quant à l'Allemagne, elle aura alors eu le temps de s'y habituer, et les autres États membres de l'UE d'y adhérer. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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