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06/06/2019

"L’Europe divise Conte et Salvini."

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Italie. Revue de presse.

L’annonce du lancement, par la Commission européenne, d’une procédure pour déficit excessif contre l’Italie fait les gros titres des médias transalpins. Tous les observateurs soulignent les conséquences négatives pour l’économie italienne d’une crise ouverte avec Bruxelles : « Les ouvriers paieront la crise » (La Repubblica), « L’Europe divise Conte et Salvini » - ‘’Conte : ‘’Je n’irai pas contre Bruxelles’’ ; Salvini : des conditions inacceptables’’ (La Stampa), « Coup de matraque de l’UE sur la réforme des retraites » - ‘’Mais l’Italie a encore des marges pour éviter l’infraction’’ (Il Messaggero, Il Mattino), « Moscovici : à ce stade, aucune procédure mais il faut des faits » - ‘’L’Italie est allée bien au-delà des limites. C’est au gouvernement italien de montrer que la procédure peut être évitée’’ » (Sole 24 Ore), « Pénalty » (Avvenire), « Conte, écrasé entre ses deux adjoints, craint l’incident parlementaire » (Il Giornale).

ARTICLE Corriere della Sera, F. Fubini « Les courts délais du Trésor, on négocie sur les épargnes de 2019. Le vrai problème est le budget » : « De prime abord, les délais pour le Trésor semblent bien courts, si l’Italie veut éviter une procédure d’infraction sur ses comptes. Après cette décision ‘’justifiée’’ de la part de la Commission, l’agenda des gouvernements européens pour décider si Bruxelles est dans le vrai devient bien serré. Le 9 juillet, les ministres de l’Union européenne devraient décider si l’Italie doit être placée ou non sous surveillance étroite, avec la menace de sanctions si elle ne devait pas se plier aux demandes de correction des comptes. Pour le gouvernement Ligue-M5S, les délais sont étroits, surtout maintenant que les relations entre les partis et leurs leaders sont plus effilochés qu’il y a six mois. Nous sommes entrés dans une phase où les parties commencent à négocier sérieusement. Ils sont déjà en train de le faire, en réalité. C’est un match à deux directions : la première entre le gouvernement italien et le reste de l’UE, le second entre le Président du Conseil Conte et du ministre de l’Economie Tria avec le reste du gouvernement. Conte et Tria insisteront sur le fait que le déficit en 2019 sera à hauteur de 2,2% par rapport au PIB, donc en dessous des 2,5% prévus par Bruxelles et avec même une légère amélioration ‘’structurelle’’. Ils devront le faire avec leurs interlocuteurs de Bruxelles mais aussi avec ceux de Rome. Car ni Di Maio ni Salvini n’ont encore accepté que l’épargne aille combler la réduction du déficit. Selon une source à Bruxelles, c’est surtout la trajectoire de la dette et du déficit de l’année prochaine qui inquiètent le plus. Le cœur de la confrontation des prochaines semaines sera : sur quoi le gouvernement s’engagera pour corriger la trajectoire avec le budget qui sera présenté en octobre ? A ce stade, il n’y a pas de réponse. La procédure n’est pas inévitable, si les gouvernements d’Espagne, de France et d’Allemagne devaient hésiter dans les prochains jours : ils ont tous peur que Salvini transforme ce tournant comme un instrument de propagande interne contre l’UE, avec des conséquences imprévisibles. Personne ne veut non plus offrir un traitement de faveur, contre les règles communautaires, à l’allié des souverainistes qui sont en train de faire une opposition dure à Paris, Berlin et Madrid. Le match reste ainsi ouvert. Il n’y a pas beaucoup de jeu à faire. L’Italie n’est pas en train de gagner mais la prochaine passe, si elle veut vraiment la faire, relève de l’Italie ».

COMMENTAIRE, La Repubblica, S. Folli : « Même sur l’Europe, un gouvernement à deux faces » : « L’ouverture de la procédure d’infraction par la Commission est certainement grave mais pas encore dramatique. On l’ouvre, on peut aussi la fermer. Le problème est que la philosophie politique du gouvernement Ligue-M5S ne prévoit pas de répondre à l’Europe avec un comportement vertueux mais plutôt de la défier par le non-respect des paramètres du déficit et de la dette. Ainsi, on crée un court-circuit dont la première victime est le bon sens institutionnel de Conte et de Tria. La question européenne illustre la contradiction au sein du gouvernement, où le président du Conseil parle une langue – et Di Maio avec lui - et Salvini une autre, parce qu’il poursuit un projet divergent du cadre actuel. Il est évident que ce contraste ne peut pas durer longtemps parce qu’il n’y a pas les conditions pour réaliser un programme ambitieux en dehors des règles de l’Union ».

EDITORIAL La Stampa M. Sorgi « La tactique du double jeu » : « Tout finira comme en octobre : Tria et Conte négocieront avec la Commission européenne pour éviter la procédure d’infraction pour excès de dette qui a été ‘’justifiée’’ hier à Bruxelles mais qui a besoin d’un mois de réunions entre sherpas et Conseils Ecofin pour être entérinée. Et sans doute réussiront-ils, en expliquant mieux les termes de l’intervention de Tria, pour éviter une vraie loi de finances d’été et mettre à mal le fragile équilibre à l’intérieur de la majorité M5S-Ligue. Ces derniers continueront de dire qu’ils ne toucheront pas à la flat tax, au revenu de citoyenneté, au quota 100. Ils ont déjà commencé à le faire hier, même s’ils savent que ce ne sera pas le cas et les économies réalisées sur ces mesures contribueront à contenter Bruxelles. Il s’agit de trouver entre 5 et 10 milliards - 3,5 étant potentiellement trouvables. Les deux vice-présidents du Conseil, Salvini et Di Maio, sont conscients au vu des sondages que la plupart des Italiens sont en faveur d’un compromis avec l’Europe. La raison de ce double jeu, C. Borghi (Ligue et en faveur d’une sortie de l’euro jusqu’à peu de temps) l’a clarifié sur La7 en disant que ce n’était « pas la peine de se battre avec ces commissaires sortants. La vraie partie se jouera avec les prochains ». En fait, il se passera plus ou moins la même chose qu’à fin 2018 quand l’hypothèse de porter le rapport déficit-PIB à 2,4 (il monterait vers 3,5 aujourd’hui sans les remèdes nécessaires) avait été durement rejetée par la Commission. Et Di Maio et Salvini laissèrent faire Conte pour éviter une guerre perdue d’avance. Reste à voir si la Commission qui, à travers Moscovici et Dombrovskis, s’est exprimée sans donner d’ultimatums, continuera sur cette ligne, attendant de reporter la vraie négociation à l’automne ».

ANALYSE La Stampa M. Zatterin  « L’avantage de négocier avec l’UE » : « Trois choses très simples ressortent du rapport de la Commission européenne sur l’Italie : la première est l’affirmation que le gouvernement n’a rien fait pour réduire le monstrueux déficit, la seconde a trait à un scénario fiscal qui se dessine ne laissant prévoir aucune amélioration et justifie donc une procédure, la troisième est l’invitation faite à Rome de corriger cette dérive, dans l’intérêt des citoyens italiens et de l’Union, mais avec une disponibilité au dialogue pour éviter les sanctions. ‘’La porte est ouverte’’ a dit Moscovici. Mais dans la péninsule, il existe plus d’un problème structurel, avec entre autres, trop de travail au noir, de bureaucratie et de corruption. Puis arrive la dette, passée de 131 à 132% en 2018 alors qu’elle aurait dû baisser. Les banques italiennes sont pleines de bons du trésor italien et s’il y avait une crise monétaire, l’effet boule de neige serait terrifiant. C’est pour cette raison que la Commission invoque la réduction de la dette. De nombreux membres de l’équipe Juncker sont réticents à utiliser un langage trop dur contre l’Italie dans la mesure où nul ne représente plus un cas unique en Europe : frapper dur sur l’Italie peut porter à l’instabilité sur les marchés et la politique ; la sauver signifie accepter les violations et affaiblir les règles dans lesquelles la majeure partie des capitales croient encore. Le gouvernement Conte peut jouer au dur ou discuter. A la Commission, la plupart attendent d’être convaincus avec de bons arguments pour nous donner un délai supplémentaire. Ils traitent l’Italie comme un morceau d’Europe, convaincus que le bien de l’un contribue au bien-être de tous. Il faudrait se confronter avec fermeté et pragmatisme, concéder un minimum pour obtenir d’autre marges de dépenses. Celui qui ne le comprend pas vit dans un autre monde ou est de mauvaise foi, voire pire encore ».

ENTRETIEN de Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission UE : « ‘’ Vous avez besoin immédiatement d’une loi de finances bis et il faut oublier la flat tax ’’ » (La Repubblica) : « ‘ L’approche en politique économique du gouvernement italien n’a pas fonctionné, au contraire elle est en train de nuire au pays. Le gouvernement a voulu utiliser des dépenses en déficit pour relancer l’économie, mais on assiste à la hausse de la dette et au ralentissement de l’économie. Il faut changer l’attitude et les politiques non seulement pour respecter les règles mais aussi pour le bien de l’économie. Pour éviter la procédure d’infraction, l’Italie doit absolument changer son budget, dont la stratégie pour l’année prochaine est liée à l’augmentation de 23 milliards de TVA, que le gouvernement la reporte tous les ans. La procédure pourrait durer plusieurs années pour pouvoir redresser le déficit nominal et structurel. Le pays doit clarifier les choses à son intérieur, la Commission a toujours préféré la voie du dialogue. L’Italie doit faciliter les investissements, faire les réformes et respecter son budget, parce que l’on ne peut pas examiner une mesure financière, comme la flat tax, en dehors du contexte, sans trouver un autre équilibre fiscal qui évite des conséquences négatives sur les comptes ‘’ ».

ENTRETIEN avec Pierre Moscovici, commissaire Européen pour les affaires économiques Il Sole 24 Ore : « Maintenant nous attendons de Rome des mesures concrètes. » : « Nous avons mené une enquête précise et rigoureuse sur l’Italie, et nous en avons conclu que la procédure pour déficit excessif est justifiée. Il incombe maintenant à l’Italie de produire des analyses, des chiffres ou des mesures capables de démontrer qu’une telle procédure peut être évitée. Les règles budgétaires ont été adoptées et doivent être respectées, et la procédure doit être appliquée lorsqu’elles ne sont pas suivies. C’est la crédibilité de la zone euro qui est en jeu. En effet, les derniers résultats italiens ne sont pas bons et ne sont pas compatibles avec nos exigences : aucune croissance économique, une détérioration des finances publiques, et une méfiance des marchés. Je suis désolé de m’apercevoir qu’aujourd’hui le « spread » grec est inférieur au « spread » italien. Quant à la procédure, ce fut une décision sereine, rapide et unanime. L’Italie a franchi un certain seuil, et à un certain moment il faut constater les faits. Il était impossible de prévoir l’écroulement de la croissance italienne. L’Italie doit respecter les règles adoptées par tous. »

(Traduction : ambassade de France à Rome)

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