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31/01/2009

Ça plane pour Berlusconi.

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Le Point publie un article intéressant sur le gouvernement italien, composé de formations nationalistes :

Lune de miel. Le Cavaliere peut tout se permettre. Les Italiens l'adorent...

Dominique Dunglas

« Les sondages me donnent 70,2 % d'opinions favorables. Franchement... c'est presque embarrassant. » Même s'il a tendance à arrondir à la louche et à la hausse les chiffres qu'il distille avec une joie gourmande, ça plane pour Silvio Berlusconi. L'immunité judiciaire qu'il s'est accordée à peine élu, une campagne xénophobe contre les Roms, le soutien à la Russie lors de la guerre de Géorgie, une plaisanterie douteuse sur le « bronzage » d'Obama et même la crise économique : rien n'entame la lune de miel entre le Cavaliere et les Italiens. « La politique s'est écroulée dans la péninsule, estime le politologue Nicola Piepoli. Il n'y a plus de droite ni de gauche. Les gens se déterminent en fonction de la capacité d'agir qu'ils attribuent à un leader. »

Et force est de constater que le Cavaliere a démontré un activisme que l'Italie n'avait pas connu depuis Bettino Craxi.

Pendant la campagne électorale, Silvio Berlusconi avait ainsi fait de la résolution de la crise des ordures napolitaines son cheval de bataille. Un pari risqué, tant les ingrédients du chaudron parthénopéen étaient explosifs : anarchie, corruption, Camorra. Mais, en tenant son premier conseil des ministres à Naples, le président du Conseil a montré toute sa détermination. Réquisition de nouveaux lieux de stockage, militarisation des décharges contestées par la population, reprise des convois quotidiens à destination d'incinérateurs en Allemagne : en moins de trois mois, les rues de Naples sont devenues plus propres qu'elles ne l'avaient jamais été depuis quinze ans. Certes, le problème est loin d'être réglé. Les nouvelles décharges ouvertes sont en voie de saturation et les incinérateurs promis, encore dans les cartons. La rechute est peut-être pour demain. Mais, au regard de la pitoyable impuissance du gouvernement Prodi, Berlusconi a démontré qu'il existait une autre politique que la résignation.

Autre promesse électorale tenue : le sauvetage d'Alitalia. Même si c'est au prix de douloureuses contorsions. En visite à Paris, Berlusconi privilégie Air France comme partenaire étranger d'Alitalia. A Moscou, son choix se porte sur Aeroflot. Devant Angela Merkel, il déclare sa flamme à Lufthansa... La compagnie a cessé de desservir de nombreuses destinations internationales, mais elle vivra. L'opération a consisté à privatiser les secteurs bénéficiaires et à laisser sur les bras du Trésor, donc des contribuables, les activités déficitaires. Pour le plus grand bénéfice d'Air France, qui a payé 320 millions d'euros 25 % de la compagnie, alors qu'elle offrait plus de 3 milliards pour l'acquérir en totalité il y a moins d'un an. C'est Silvio Berlusconi qui a personnellement convaincu chacun des vingt repreneurs italiens de mettre la main au portefeuille alors que l'establishment économique ne croyait pas à l'opération. Air France est en embuscade pour en prendre à terme le contrôle total, mais l'« italianité » d'Alitalia est maintenue. L'honneur du pays est, en apparence, sauf.

La guerre aux « fonctionnaires tire-au-flanc »

Certains ministres ont eux aussi atteint des résultats inespérés. Ainsi le bouillant responsable de la fonction publique, Renato Brunetta, est devenu une idole nationale pour avoir déclaré la guerre aux « fonctionnaires tire-au-flanc ». Une provocation dans un pays qui en compte 3,6 millions, pour la plupart électeurs de gauche. Mais en faisant chuter de 40 % en deux mois l'absentéisme dans l'administration, Brunetta a coupé l'herbe sous le pied des ayatollahs de la fonction publique.

La réforme de l'enseignement a fait descendre les étudiants dans la rue. En Italie comme ailleurs, on ne dégraisse pas le mammouth sans faire grincer des dents. Surtout en réduisant le nombre d'enseignants, en fermant des écoles et en mortifiant une recherche universitaire déjà exsangue. Mais en rétablissant le principe de l'autorité des instituteurs, en ouvrant les universités aux fondations privées et en introduisant un système de méritocratie dans le corps enseignant universitaire, la ministre Mariastella Gelmini a effacé des années d'immobilisme. Lors des élections des syndicats d'étudiants de l'université de la Sapienza de Rome, la plus grande d'Europe avec 140 000 étudiants, les listes de droite l'ont emporté sur celles de gauche. Du jamais-vu.

Jamais vu, non plus, le grand écart permanent du président du Conseil en matière de politique étrangère. Dévot de George W. Bush, il s'est découvert « une grande affinité » avec son successeur. Atlantiste convaincu, il a soutenu Poutine lors de la crise en Géorgie. Volte-face aussi à propos du bouclier antimissile déployé par les Américains en Pologne et en République tchèque. « Une provocation à l'égard de la Russie », juge Berlusconi, avant d'atténuer son propos.

Face à la crise économique, la meilleure arme du Cavaliere est l'optimisme : « Une chute de 2 % du PIB en 2008 ne fait que nous ramener au niveau de 2006. Ce n'est pas la catastrophe. Mais si les familles se font prendre par l'atmosphère dramatique entretenue par la gauche, alors on aura vraiment la crise. » Optimisme toujours : à 72 ans, et malgré plusieurs malaises, il se sent « dans la peau d'un homme de 35 ans » et prévoit de vivre jusqu'à... 120 ans. Pour preuve, il écume les boîtes de nuit milanaises jusqu'à 6 heures du matin. Une cure contre « la sinistrose que distille la télévision ». Après avoir critiqué le look « dark » des présentatrices des journaux de RAI 3, le président du Conseil s'en prend aux trop nombreuses émissions satiriques qui le parodient. Il oublie au passage que 50 % du paysage audiovisuel italien lui appartient et a pour le gouvernement les yeux de Chimène. « Ce n'est pas un hasard s'il attaque la RAI, explique l'ancienne porte-parole de Romano Prodi, aujourd'hui députée du PD, Sandra Zampa. Sa bataille est plus culturelle que politique. Berlusconi ne parle pas comme un homme politique, avec qui on peut être d'accord ou non, mais comme on s'exprimerait au bistrot du coin. Son langage est celui des tripes. C'est la culture de ses télévisions où un message doit être compris en 3 secondes sinon il n'a pas lieu d'être énoncé. Une culture qui s'est imposée en Italie. »

La débâcle de la gauche

Amertume d'une opposition encore sonnée par la défaite du mois d'avril 2008. L'extrême gauche n'est plus représentée au Parlement. Le Parti démocrate est paralysé par les luttes intestines opposant les courants de Walter Veltroni, Massimo D'Alema ou Francesco Rutelli. Un combat des chefs digne de la Rue de Solferino. Et une demi-douzaine de maires de grandes villes détenues par la gauche viennent d'être impliqués dans des affaires de corruption. Longtemps brandie pour dénoncer l'affairisme douteux de Berlusconi, la « question morale » revient à la face du PD tel un boomerang. Résultat : nouvelle chute de 5 points dans des sondages déjà catastrophiques.

Débâcle de l'opposition, mais aussi premiers grincements de dents dans la majorité. La Ligue du Nord était favorable à une alliance d'Alitalia avec Lufthansa et non Air France, car la compagnie allemande aurait fait de l'aéroport milanais son second hub, alors que les Français favoriseront l'aéroport de Rome Fiumicino. Umberto Bossi s'est fait flouer par Berlusconi, qui avait rejeté Air France avant les élections pour l'accepter huit mois plus tard. Jusque-là alliée modèle, la Ligue promet d'engager la bataille pour sauver Malpensa, l'aéroport de Milan, et imposer un fédéralisme dont le reste de la droite ne veut pas vraiment. Président de l'Assemblée et leader d'Alliance nationale (AN), Gianfranco Fini s'est opposé à l'utilisation excessive de l'équivalent italien de l'article 49-3 par le gouvernement, allant jusqu'à dénoncer le « césarisme » du président du Conseil. Mais, plus que le respect de la Constitution, c'est son avenir politique que Fini tente de sauvegarder. En mars prochain, Forza Italia et AN doivent en effet fusionner pour donner naissance au Peuple de la liberté (PDL). Plus qu'une fusion, c'est d'une annexion qu'il s'agira. Les secrétaires régionaux seront désignés par Berlusconi et les cadres de Forza Italia monopoliseront 75 % des candidatures. Seul concurrent potentiel de Berlusconi à droite, Fini cherche donc à conserver une parcelle d'autonomie. Mais sa marge de manoeuvre est restreinte. Il a vu l'UDC, le troisième parti de droite de la précédente législature, se faire exclure de la coalition l'hiver dernier sur un coup de téléphone, pour insubordination aux diktats du Cavaliere.

Président d'un PDL hégémonique, Berlusconi pourra alors songer à s'installer en 2013 au Quirinal, le palais de la présidence de la République. Ce serait l'aboutissement de sa carrière d'outsider longtemps marginalisé par l'establishment en raison de ses manières de nouveau riche. Le Cavaliere père noble de la nation italienne et garant de la Constitution : même si l'idée donne des cauchemars à l'intelligentsia de gauche, c'est désormais plus qu'une hypothèse.

Rien ne peut donc arrêter le patron du Milan AC ? « Berlusconi n'a qu'un seul ennemi... c'est Berlusconi lui-même », explique Marc Lazar, auteur de plusieurs ouvrages sur la vie politique transalpine.

Pugnace et provocateur

Car ceux qui avaient parié sur un Berlusconi enfin serein et capable de collaborer avec l'opposition pour rassembler au-delà de la droite ont dû se raviser. Il est plus pugnace que jamais. Le président du Conseil ne cesse de provoquer ses adversaires et a transformé la scène politique en un ring de boxe. A la tête du parti d'opposition Italie des valeurs (IDV), l'ancien magistrat Antonio Di Pietro est un « délateur » qui lui « fait horreur ». Les responsables du PD sont « des couillons avec qui il est inutile d'ouvrir un dialogue ». Le Cavaliere reçoit certains syndicats et ignore les autres dans le seul but de provoquer la zizanie. Il menace d'envoyer la police pour déloger des facultés les étudiants en grève. Il n'hésite pas à fournir des munitions à ses adversaires sur le délicat sujet du conflit d'intérêts. Il a aussi profité des mesures contre la crise économique pour doubler la TVA sur Sky, la télévision par abonnement concurrente de Mediaset. Le moindre écart de la presse indépendante provoque ses foudres, et il n'a pas hésité à demander publiquement la tête des directeurs du Corriere della Sera et de La Stampa.

Mais rien n'y fait. Le Cavaliere peut en effet tout se permettre, du moins en paroles. Et rêver, en toute quiétude, à son avenir présidentiel

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