12/08/2019
Italie : "Voter ou ne pas voter ?"
Italie. Revue de presse.
La crise du gouvernement italien fait la Une de l’ensemble de la presse italienne : « La crise de gouvernement divise le PD [centre-gauche] » (Corriere della Sera), « La véritable crise est au sein du PD » (La Repubblica), « Salvini répond à l’entente Renzi-M5S : Berlusconi et Meloni dans le front du ‘’oui ‘’ » (La Stampa), « Le premier danger est Salvini, mais on dirait que le PD se bat pour l’aider ‘’ » (Il Fatto Quotidiano), « Le PD se divise, pacte Salvini-FI » (Il Messaggero – Il Mattino), « Familles et entreprises : toutes les inconnues de la crise de gouvernement » (Sole 24 Ore).
Journaux télévisés : La crise du gouvernement avec les déclarations de Luigi Di Maio, Matteo Salvini et Nicola Zingaretti [PD] font l’ouverture des JT.
Réseaux sociaux : Forte activité relative à la crise du gouvernement sur les réseaux sociaux tout le week-end et ce lundi. Aujourd’hui les hashtags contre M. Salvini – ‘’Salviniscappa’’ (‘’Salvini fuit’’) –, reprenant sa déclaration demandant les « pleins pouvoirs » et ceux évoquant l’éventualité d’un gouvernement institutionnel (hashtag Governoistituzionale) dominent.
ARTICLE, Corriere della Sera, M. Guerzoni : « Motion de défiance contre Conte. Le centre-droit tente le raid » : « Salvini pousse pour le vote de la motion de censure le 13 août. Le choix de Casellati [Forza Italia], présidente du Sénat, sera décisif. Le parti du vote immédiat contre ceux qui s’y opposent : ce sera la bataille d’aujourd’hui au Sénat. Le rendez-vous est prévu à 16h au Palais Madame. Ce défi ne représente que le premier morceau de cette crise. Au bout du tunnel, il y a la date des urnes, avec Salvini et Meloni qui souhaitent voter d’ici octobre et tous les autres le plus tard possible. En outre, le Mouvement 5 Etoiles présentera à la Chambre la réforme constitutionnelle visant à réduire le nombre des parlementaires. Toutefois, la réforme rendrait de nouvelles élections impossibles avant l’été prochain, entre fin juin et début juillet ».
LE POINT, S. Folli, Repubblica, « Elections ou pas : l’enjeu » : « Les Cinq étoiles sont prêts à tout pour ne pas aller aux urnes, tandis que le PD est incertain, divisé, entre le ‘’non’’ réitéré de Zingaretti et l’éventualité exprimée par les centristes, de Franceschini à Gentiloni. Renzi est lui en fracture totale. Le centre gauche reste donc prudent et en attente des indications de Mattarella. Reprendre le gouvernement pour quelques mois, aurait pour unique effet celui de revigorer Salvini, laissé en dehors à se dépeindre comme une victime du système. Un homme qui dit ‘’avoir pleine confiance dans le Quirinal’’ avec le ton de qui entend : ‘’pourvu qu’il fasse ce que je dis’’. Pour revenir au thème du gouvernement institutionnel, déjà bloquer l’augmentation de la TVA demande une entente politique forte : il s’agit de couper les dépenses ou d’augmenter taxes et impôts. A moins que le sous-entendu soit : demander à la Commission de reporter la date limite en échange du fait que Salvini serait hors du nouveau gouvernement. L’horizon ne devrait pas être dans ce cas de quelques mois mais de deux ans et demi. Qui a les épaules assez larges pour un défi de ce genre ? ».
ANALYSE, I. Diamanti, Repubblica, « Le vainqueur annoncé » : « L’alliance M5S-Ligue est finie. Le gouvernement Conte s’était traduit par un tandem Salvini-Di Maio, mais cette formule a fait long feu. Trop de déséquilibre entre les deux présidents du Conseil. Le rapport de force au Parlement s’est renversé dans la lignée des Européennes. Reste un seul capitaine : Salvini. Même si le gouvernement Conte selon Demos recueille 60% d’opinions favorables. Tandis qu’il descend les côtes de l’Italie, Salvini appelle le pays à voter, demande les ‘’pleins pouvoirs’’, abandonnant ses alliés à leur destin. Il est facile ainsi de penser que de nouvelles élections auront bientôt lieu, où la Ligue de Salvini se présentera pour gagner et gouverner. Seule. Selon les sondages les plus récents, la Ligue avec Fratelli d’Italia, dépasserait les 45%. Le reality ‘’Salvini seul contre tous’’ pourrait être lancé, contre l’invasion, les étrangers, l’Europe, médiateur et garant, à moitié entre la Russie et les Etats-Unis. On l’a dit, les sondages lui sont favorables, mais le climat d’opinion peut se renverser, très vite. Les exemples sont nombreux. Transformer les élections en un référendum personnel pourrait produire des effets imprévus – comme ça a été le cas pour Renzi sur le référendum institutionnel. L’électorat est mobile. Et la popularité de Salvini s’est épanouie dans un climat de coalition. Sa cohabitation avec le M5S lui a permis de décharger les fautes sur l’allié. Conte a offert par ailleurs une image rassurante de la coalition. Et a favorisé l’action de Salvini qui veut commander seul, sans ‘’amortisseurs’’ autour. Mais jouer le rôle du ‘’vainqueur annoncé’’ n’est pas toujours l’attitude gagnante… ».
EDITORIAL, C. Verdelli, directeur de Repubblica, « L’étrange alliance et l’homme seul à la barre » : « Voter ou ne pas voter ? C’est apparemment le problème. Unir des forces qui s’étaient totalement méprisées jusqu’à hier ou liquider à jamais une législature qui était née boiteuse ? Ceux qui résistent au vote raisonnent ainsi : ne cédons pas d’un iota à Salvini, ou il gagnera encore une fois. Les raisonnables eux pensent : si une alliance improbable voyait le jour uniquement pour contrer ses plans, nous nous retrouverions sans une situation pire que celle de l’expérience Monti, qui a fini par être le socle de nombreux virus anti-système. A ce stade, la scène du crime est la seule chose sûre. Il manque le motif cependant et l’appel tonitruant de l’aspirant chef de la nation au peuple italien n’est pas suffisant pour en fournir un : ‘’je demande aux Italiens de me donner les pleins pouvoirs pour faire ce que nous avons promis de faire jusqu’au bout, sans ralentissements ou entraves’’. En 73 ans de vie républicaine, un autre avait-il osé ? Il faut toujours une première fois, et voilà. Un ‘’folklore’’ politique, selon certains qui tentent de jouer aux pompiers, que nous subissons depuis un an et demi, avec une campagne électorale permanente qui sera pire dans les mois à venir. Pour la minorité de Salvini, il ne sera pas facile d’expliquer pourquoi il veut abattre le gouvernement. Après les Européennes, il a collectionné des actes de soumission : un compagne de voyage aussi endormi était même impossible à imaginer. Pourquoi cette décision maintenant ? La bestiale machine de propagande léghiste est à plein régime. Elle glissera sur le changement improvisé de son leader, tirera contre les anciens alliés du M5S, fustigera le Pape qui a évoqué le fantôme d’Hitler à propos des souverainismes, aboiera contre l’Europe faisant semblant de croire que l’Italie peut s’en tirer seule. Des hypothèses, faussement nobles, de gouvernements techniques circulent, mais si ce projet voyait le jour Salvini s’acharnerait contre la ‘’caste’’. Le président du Conseil Conte a promis une gestion transparente de la crise. Le pas successif sera donc de passer le témoin au Président de la République, qui décidera quel sera le parcours meilleur pour un pays en difficulté. Au-delà des mensonges et de la désinformation, les citoyens devront prendre une décision très simple : choisir entre un pays solidement lié à l’Europe, et un autre type de pays, isolé, en colère, dont la proue ira dans une direction qui est contraire à celle de l’Occident, devenant candidat à être un satellite de Poutine. Le grand piège sous la déclaration ‘’les Italiens d’abord’’ est le passage d’un système démocratique à une nébuleuse. Notre journal ne veut pas indiquer qui voter, mais sa mission est dans cette phrase de Camus : ‘’Dans les moments sombres, résister c’est d’abord ne pas consentir aux mensonges’’ ».
RENCONTRE avec Matteo Salvini, vice-président du Conseil et ministre de l’Intérieur, La Stampa, A. La Mattina : « Salvini tente les alliés : ‘’ Je veux le front du ‘’ oui ‘’ avec Berlusconi et Meloni » : « Après une conférence de presse à Catane pour souligner que grâce à la Ligue 400 millions d’euros avaient été alloués dans le décret croissance pour sauver la ville sicilienne de la faillite, Matteo Salvini, dans le bureau du maire de Catane, a parlé avec les assesseurs et a affirmé qu’il faut une coalition nouvelle avec des listes civiques et beaucoup de maires et de présidents de régions. Il a ajouté que la vie réelle est toute à fait différente de la vie virtuelle sur les réseaux sociaux et qu’il ne faut pas tenir compte des contestations de quelques communistes qui parlent fort. Il n’est pas sûr de pouvoir remporter les élections tous seul, il veut construire un front du ‘’ oui ‘’, une alliance avec Berlusconi et Giorgia Meloni pour gouverner, parce qu’ils sont d’accord sur un programme où il y a une diminution d’impôts, l’autonomie régionale, la ligne ferroviaire Lyon-Turin (TAV) et la réforme de la justice. Il considère Nicola Zingaretti cohérent, parce qu’il veut le défier ouvertement, tandis que selon lui Matteo Renzi est un hypocrite ».
ENTRETIEN de Matteo Renzi, ancien président du Conseil : « ‘’ Il serait fou d’aller voter tout de suite. Gouvernement institutionnel, coupe des parlementaires et après référendum ’’ » (Corriere della Sera, dimanche 11 août) : « ‘’ Il faut aider le pays et non le PD. Il serait fou d’aller voter tout de suite, la priorité est d’éviter la TVA. Je ne suis pas en train d’ouvrir aux Cinq Etoiles, mais j’ai lancé un appel à tous les partis, de la Ligue à Forza Italia, de la gauche radicale aux Autonomies, aux souverainistes et jusqu’aux groupes parlementaires du PD pour former un gouvernement institutionnel, compléter la réforme constitutionnelle pour couper les parlementaires et pour organiser ensuite le référendum populaire dans le but de donner aux Italiens la possibilité de décider. J’ai été attaqué plusieurs fois par les membres du Secrétariat du PD, le groupe dirigeant voudrait voter immédiatement pour se débarrasser des parlementaires de mon groupe, ils sont prêt à donner cinq ans de gouvernement à Salvini pour avoir les groupe parlementaires d’opposition. Matteo Salvini doit quitter le Viminal et Giuseppe Conte doit quitter Palais Chigi, ils ne peuvent pas être les garants électoraux ‘’ ».
ENTRETIEN de Maria Elena Boschi, ancienne ministre pour les Rapports avec le Parlement : « ‘’ Il faut surmonter les querelles avec les Cinq Etoiles, le pays nous préoccupe plus que le PD ’’ » (Il Messaggero) : « ‘’ Renzi a lancé une invitation transparente à toutes les forces politiques, il faut sécuriser le pays avant d’aller voter. Notre projet est de donner un coup de main au pays et ne pas penser aux intérêts du parti. Salvini a provoqué une crise de gouvernement qui risque de mettre en danger l’Italie, il faut former un gouvernement institutionnel, adopter la réforme des parlementaires et après organiser le référendum constitutionnel. Le Président de la République devra identifier la personne la plus appropriée pour le diriger ‘’ ».
ARTICLE, La Stampa, F. Paci : « Renzi : gouvernement de tous, même avec les Cinq Etoiles. PD divisé, Zingaretti cherche l’unité » : « Matteo Renzi ouvre au M5S, il a lancé une invitation au Mouvement pour un gouvernement institutionnel et pour éviter une victoire de Matteo Salvini, qui pourrait faire sortir l’Italie de l’Europe. L’ancien président du Conseil s’est adressé à tous ‘’ les amis ‘’, même si ces amis ont l’intention d’aller voter immédiatement. Malgré l’appel de Paolo Gentiloni à l’unité du PD, la division entre les partisans de Renzi et les autres membres du parti semble irrémédiable. Le secrétaire du PD, Nicola Zingaretti, dit non à tout accord avec le M5S, en rappelant les accusations du Mouvement et en soulignant que cette entente donnerait à Salvini un pouvoir énorme d’initiative politique parmi les citoyens. Zingaretti a aussi déclaré que ce sera au Président de la République de décider les temps pour la solution de la crise ».
UNE-ARTICLE, M. Palombi, Fatto quotidiano, « De la scission dans l’air : Renzi sort, Zingaretti passe des élections rapides à un ‘’c’est le Quirinal qui doit décider’’ – Le danger n°1 n’est pas Salvini mais le Parti démocrate » : « Après l’entretien de Renzi au Corriere (rappelons qu’en 2011 c’est Franceschini qui avait ouvert les danses du gouvernement Monti de la même façon en accordant un entretien au même quotidien). Le problème est que Renzi ne se contente pas d’ouvrir un débat interne sur le ‘’gouvernement institutionnel’’ mais – tout en cherchant à gagner du temps sur la législature –, son objectif est de soustraire le PD à Zingaretti, ou au pire, en faire un nouveau au Parlement mettant les groupes démocrates (nommés par lui) contre le parti. C’est pour cette raison que le secrétaire du PD, N. Zingaretti, a répondu de manière très dure hier. Les Démocrates ont maintenant le choix entre une énième scission ou le suicide politique. Côté Franceschini et Gentiloni, on penche pour la solution Quirinal en tentant de faire un gouvernement, en convainquant aussi Zingaretti. Un premier accord PD-5étoiles pourrait se manifester dès aujourd’hui, par ailleurs, lors de la réunion des chefs de groupe au Sénat : ensemble, les deux partis devraient obtenir que la convocation de Conte dans l’hémicycle au 20 août et non à demain, comme prétendent Salvini et le centre droit ».
ARTICLE, La Stampa, F. Capurso : « La stratégie de Di Maio pour impliquer le PD » : « Luigi Di Maio, leader du M5S, a inséré deux nouveaux passages dans sa stratégie politique de la crise, après avoir éliminé le mot ‘’élections ‘’, en plus de la coupe des parlementaires : la première étape sera la motion de défiance au président du Conseil Giuseppe Conte, pour voir ceux qui la voteront et après le vote au Sénat le Mouvement attend les décisions du Président de la République. Ces positions visent à un seul objectif : la possible formation d’un gouvernement du Président avec le soutien du PD. Le PD n’est pas nommé, pour une question de sensibilité interne, mais Roberto Fico, Vincenzo Spadafora et Roberta Lombardi sont déjà en train de travailler pour tisser un précieux réseau de relations avec les collaborateurs de Zingaretti ».
ARTICLE, Corriere della Sera, C. Bozza : « Mouvement 5 Etoiles et l’inconnue de Forza Italia. Le nombre des partis contre les urnes tout de suite » : « Matteo Renzi et Luca Lotti contrôlent environ 35-40 sénateurs sur 51 au total du Parti démocrate [centre-gauche]. A la Chambre les parlementaires atteignent 60-65 sur 111 députés du Parti démocrate. Ainsi, le pouvoir de négociation de Matteo Renzi est tout inclus dans ces chiffres. Dans ce cadre, l’actuel secrétaire Nicola Zingaretti se retrouve comme un général sans troupes. Concernant le Mouvement 5 Etoiles, Beppe Grillo et Luigi Di Maio s’opposent à un vote imminent aux urnes, en faveur de la réduction du nombre des parlementaires. Cela dit, la grande inconnue est Forza Italia. Officiellement le parti est pour le vote tout de suite, même si à son intérieur il y en a qui sont contraires. Tout va dépendre du sommet entre Salvini et Berlusconi ».
ANALYSE, Corriere della Sera, M. Breda : « Le Quirinal ne travaillera pas pour construire des majorités » : « Le chef d’Etat Sergio Mattarella n’intervient pas. Il reste silencieux, en vacances pour quelques jours à la Maddalena. La raison est compréhensible : les négociations entre partis sont en cours et il va s’occuper de tout cela après le déroulement du débat parlementaire sur la motion de censure à Giuseppe Conte. Une éventuelle coalition devrait avoir identité de gouvernement. En effet, le père fondateur du Mouvement 5 Etoiles, Beppe Grillo, et l’ancien chef du Parti Démocrate, Matteo Renzi, semblent aboutir à de possibles signaux d’entente. Cela dit, selon Sergio Mattarella, l’éventuelle coalition ne pourrait exprimer un exécutif crédible si elle naissait exclusivement « contre » quelque chose et non « pour » quelque chose. Ainsi, il faut donc que le gouvernement possède une identité de gouvernement et notamment avec un programme politique et un horizon temporel cohérent ».
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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