"Berlusconi tourne la page - déçu, le Cavaliere fait un virage vers le centre, et abandonne la droite."
01/02/2022
Italie. Revue de presse.
La presse italienne titre largement sur le premier Conseil des ministres depuis la réélection de S. Mattarella à la Présidence de la République, qui s’est réuni hier. A cette occasion, Mario Draghi a lancé un appel à ses ministres pour respecter les engagements liés au plan de relance national : « Fonds européens, Draghi fait pression sur les ministres » - Le Président du Conseil demande une feuille de route, remercie Mattarella pour sa disponibilité et se félicite des prévisions de croissance estimées à +6,5% du PIB (Corriere della Sera), « Draghi est de retour » - Le Président du Conseil rappelle les échéances du plan national de relance et invite ses ministres à présenter un programme mis à jour (La Repubblica), « Plan de Relance, le virage de Draghi » - Le Président du Conseil présente la feuille de route. L’entente avec Macron pour un nouveau Pacte de Stabilité (La Stampa), « Le bond du PIB en 2021 : + 6,5% » (Sole 24 Ore). La prolongation des mesures exceptionnelles antiCovid jusqu’au 10 février est également citée en Une : « Urgence Covid, on va vers la fin des mesures exceptionnelles » - Le Secrétaire d’Etat à la Santé Sileri annonce la fin de l’état d’urgence sanitaire à partir du 31 mars. L’obligation du port du masque à l’extérieur sera prolongée de 10 jours (Il Messaggero), « Covid, encore 10 jours de restrictions, l’état d’urgence pourrait se terminer en mars » (La Repubblica). Enfin, le « règlement de comptes » au sein des coalitions au lendemain de l’élection du Chef de l’Etat est aussi cité : « Berlusconi tourne la page » - déçu, le Cavaliere fait un virage vers le centre, et abandonne la droite (Il Giornale), « Conte : voici ma vérité sur les négociations pour le Quirinal » (Fatto Quotidiano).
ENTRETIEN, Corriere della sera, de Roberto Speranza, ministre de la Santé, « Le gouvernement renforcé par la confirmation de Mattarella au Quirinal. Combattre le Covid, une nouvelle phase. » : « Hier soir, le ministre Speranza est sorti souriant du Conseil des ministres, le premier après les jours frénétiques des élections du Quirinal. Le gouvernement a déjà décidé de mettre fin à l’état d’urgence à partir du 31 mars. S’il est vrai que l’Italie s’en est assez bien sortie face aux autres pays obligés à des fermetures plus strictes pour contenir les contaminations, le ministre invite à rester vigilants. Désormais, le principal défi de Speranza est de pouvoir faire face au futur proche : ‘’ à la vue du comportement général des Italiens et de la spécificité du variant Omicron, nous pourrions repenser notre modèle. Mais nous devons toutefois prendre en compte le taux d’incidence qui reste très élevé. Je salue le succès de la campagne vaccinale qui nous laisse espérer qu'il est possible d'inverser la tendance grâce aux vaccins et au port du masque sans avoir recours à des mesures restrictives qui impactent plus directement la vie des citoyens. Il est vrai que le vaccin n'arrête pas définitivement les contaminations, mais il limite les hospitalisations et les soins intensifs. La durée de validité du pass des personnes ayant reçu la troisième dose sera très prochainement prolongée. Concernant la 4e dose, nous en avons discuté avec les autres ministres du G7, mais d’autres approfondissements sont nécessaires. Sur un autre sujet, les élections du Quirinal ont révélé des partis faibles et divisés. La démocratie représentative nécessite d’être refondée et c’est pour ça que nous avons besoin d’une loi électorale proportionnelle. La continuité des mandats de Mattarella et Draghi est une excellente nouvelle pour la stabilité aussi bien sur le plan national qu'international. Je ne sais pas ce que compte faire Salvini, mais les Italiens demandent des gages de responsabilité et des solutions, certainement pas une campagne électorale perpétuelle. Nous travaillons en synergie avec le M5S, nous avons fait du bon travail, je crois qu'il est très important d'assurer et préserver l'unité de l’aile progressiste. »
COULISSES, Corriere della sera, de M. Gu, « Tour de table et poignées de mains. 48h pour que les ministres présentent leurs plans. Ainsi, Draghi vise la stabilité. » : « Le long applaudissement demandé par Draghi en ouverture du Conseil des ministres peut être interprété comme l'expression de sa gratitude envers son équipe, capable d'avoir su éviter la catastrophe. La majorité a risqué le délitement, mais aujourd’hui, grâce à la confirmation de Mattarella, Draghi assure être plus fort qu’avant. Le Président du Conseil n'entend plus tolérer les soubresauts politiques et il a laissé 48 h aux ministères pour qu'ils lui fassent parvenir leurs feuilles de route des projets du PNRR. Le message est clair, et même si Draghi parle d’un Conseil des ministres apaisé et discipliné, les séquelles de la semaine dernière sont encore bien visibles. Certains parmi les présents rapportent des tensions entre les ministres. La tension était notamment palpable lorsque Giorgetti a indiqué à Speranza qu’il attendait toujours la liste des sujets fragiles qui pourront travailler à distance. Si les ministres Brunetta et Speranza ont expliqué que l’on attendait l’avis des experts, leur irritation était bien palpable. Les craintes du Palais Chigi semblent se confirmer : ce sont des mois tendus par la compétition entre les partis qui s'annoncent pour le gouvernement. Salvini pourrait décider de quitter la majorité et la permanence au sein du gouvernement de Conte est loin d’être acquise. »
PREMIER PLAN, La Repubblica, de Rosaria Amato, « De la 5G à la réduction des délais de la justice, c’est la course aux cent nouveaux objectifs pour obtenir les 46 milliards [de fonds européens].
ENTRETIEN, Fatto Quotidiano, de Giuseppe Conte, Président du Mouvement 5 Etoiles « Sur la candidature de Belloni il y a eu une opposition transversale » : « ‘’Le retrait de la candidature de Berlusconi et son invitation pour que Draghi reste à la tête du gouvernement a marqué un premier point de clarté dans les négociations. Une fois retirée la candidature la plus représentative du centre droit, n’importe quel nom venant de leurs rangs aurait été plus faible. Le nom d’Andrea Riccardi a été évoqué ensemble avec Letta et Speranza pour proposer au centre droit un profil prestigieux et qui ne soit pas de notre camp. Parmi les hypothèses « super partes » figuraient aussi celle du Président du Conseil. Sur cela, le M5S a immédiatement pris une position claire : nous devions éviter que Draghi puisse entrer dans le jeu des différentes candidatures. Nous avons immédiatement tenté d’éviter le plan transversal qui prévoyait son passage au Quirinal. Si ce plan était passé, nous serions aujourd’hui en train de parler de nouveaux gouvernements et des postes aux différents ministères. Casini ? Son nom a été évoqué dès le début mais le M5S a dit clairement qu’il n’était pas son candidat idéal. Ce n’est pas vrai que j’ai négocié avec la Ligue le nom de Frattini : j’ai toujours transmis au PD et à Leu le contenu de mes rencontres bilatérales. Frattini n’a jamais été un candidat. Le nom de Belloni et celui de Severino avaient été évoqués par le centre gauche et par le centre droit : des profils solides et qui offraient une occasion historique de voir une femme au Quirinal. Chacun avait ses préférences mais le nom de Belloni a toujours été dans la liste [des possibles candidats]. Juste après le scrutin qui a vu l’échec de la candidature de Casellati, Letta et moi avons rencontré Salvini pour lui proposer Belloni, Severino, Casini et indiqué une option pour une réélection de Mattarella. Salvini a voulu prendre une pause pour réfléchir, tout en annonçant l’aval de Fratelli d’Italia sur Belloni. Le soir, Salvini nous a dit que le centre droit étaient d’accord pour Belloni. Mais aucun de nous (ni moi, ni Salvini ni Letta) n’a évoqué son nom à la presse, malgré le fait que son nom avait largement circulé dans les médias. Avec Grillo nous étions d’accord sur le fait que Belloni avait le bon profil. Ceci dit, arrêtons les hypocrisies : ce nom évoqué n’a eu aucune influence sur le match joué par les personnalités politiques. Je pense à M. Renzi mais pas seulement à lui. Di Maio ? Il devra répondre de ses actions, dont certaines très graves, auprès du Mouvement et de nos inscrits. Il est clair qu’un moment de clarification est nécessaire pour le M5S. Notre communauté doit suivre une action politique de manière cohérente et unie. Nous établirons les modalités et les délais pour le faire.’’ »
EDITORIAL, Il Giornale, d’A. Minzolini « Le virage de Berlusconi » : « Le raisonnement de Silvio Berlusconi est simple et est le fruit d’une intuition basée sur une lecture des faits sans préjugés. Pour ceux qui ont pu parler avec lui, c’est une politique qui peut se résumer en quelques points : ‘’pour moi, maintenant, il existe un « centre » : libéral, catholique, pro-européen, il n’y a plus ce trait d’union qui le lie à la droite. Forza Italia représente le Centre, non pas ces mouvements sans leader qui rêvent d’occuper cet espace. Et pour jouer un rôle central, il ne faut pas nécessairement un système électoral proportionnel : à la veille des élections, FI décidera avec qui s’allier’’. Voici donc les prémisses. Il faudra voir après comment le « Cavaliere » souhaite aller de l’avant. S’il est difficile, voire impossible qu’il s’arrange avec Meloni, il peut y avoir une réflexion et peut-être un chemin commun avec Salvini qui promeut un parti républicain (une idée déjà portée par Berlusconi). Ce « tournant » est une réaction face à la triste image offerte par la politique de ces deniers jours. Il y a une politique enlisée, faite de vétos croisés. Berlusconi est très déçu, inutile de le cacher. Il est irrité par l’attitude de G. Meloni, conditionnée par les intérêts de son propre parti et sans aucun sens de responsabilité à l’égard de l’Italie. De cette manière, elle risque de lui nuire et de condamner la droite à l’opposition pendant des années. Pour sa part, Salvini n’a pas fait les choix que Berlusconi aurait souhaités de la part d’un vrai leader. Il n’a pas eu suffisamment de courage, il n’y a pas eu de mobilisation ferme autour de sa candidature. On a assisté à la proposition de noms extravagants. Face à cette désolation, le leader de Forza Italia est tenté par le désir d’imprimer un virage, pouvant donner de l’oxygène à un système politique impuissant et enlisé. Il est tenté par le chemin de la « centralité » que tous lui reconnaissent. Une politique ambitieuse qui veut donner au « centre » un rôle principal. Car si la droite veut aller au gouvernement, elle a besoin du centre, de Forza Italia ou d’une autre version de ce parti. Cela vaut aussi pour le PD, s’il veut se détacher des querelles internes et de l’incompétence des 5 Etoiles, il ne peut que regarder vers ce « centre », avec Forza Italia. En détachant le « Centre » de la « droite », en effaçant ce trait d’union, le Cavaliere s’est enfin libéré. »
PREMIER PLAN, La Repubblica, de M. Pucciarelli, « Le règlement de comptes entre Di Maio et Conte, à l’assemblée en présence de tous les militants » : « La date n’a pas encore été choisie mais les dirigeants du Mouvement 5 Etoiles souhaitent convoquer une assemblée de tous les militants du Mouvement, pas seulement des parlementaires. Ce sera l’occasion d’un face à face entre Giuseppe Conte et Luigi Di Maio suite à de fortes tensions entre les deux têtes du Mouvement. Le nouveau statut des 5 Etoiles prévoit d’ailleurs que l’assemblée rassemble tous les inscrits depuis au moins six mois, en ligne ou physiquement, et ce au moins une fois par an. Dans ce cas, il s’agit d’organiser un éventuel vote de défiance vis-à-vis du comité de Garantie et de chacun de ses membres, ce qui concerne directement Luigi Di Maio. Les dirigeants du Mouvement tiennent à suivre les procédures formelles avant d’entrer dans toute considération politique. Ce serait une première dans l’histoire du parti, les ‘procès’ ayant été jusqu’ici plutôt informels. Le Comité de Garantie, constitué de Di Maio, Roberto Fico et Virginia Raggi pourrait lui aussi proposer un vote de défiance vis-à-vis de Conte, mais cela est peu probable car tout trois seraient immédiatement déchus si le vote des inscrits n’allait pas dans le sens de leur proposition. Il est plus probable donc qu’ils tentent de remédier à la fracture, probablement sous l’arbitrage du Président de la Chambre, et d’éviter les divisions. En attendant, l’atmosphère est très tendue et Luigi Di Maio est particulièrement critiqué, accusé de trahison et d’opportunisme, donnant lieu à un véritable phénomène sur les réseaux sociaux. Nombreux sont ceux qui se sont montrés solidaires et ont pris sa défense, au sein du M5S mais aussi d’Italia Viva (Maria Elena Boschi), de Forza Italia (Renato Brunetta) ou encore du PD (Andrea Marcucci). Le Président du Mouvement, lui, a choisi de ne pas se prononcer. Le chef de groupe Crippa tente de calmer le jeu et appelle au dialogue mais cela semble difficile en ce que les divergences politiques entre les deux hommes se retrouvent aussi sur le plan personnel. Il n’y a plus de confiance entre eux, Conte étant accusé de vouloir faire tomber le gouvernement, et Di Maio de vouloir se déporter vers le centre. »
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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