"Déclarations de Meloni sur la nécessité de refonder le centre-droit."
31/01/2022
Italie. Revue de presse.
La presse italienne titre largement sur la politique intérieure, notamment sur les divisions au sein des partis au lendemain de la réélection de Sergio Mattarella à la Présidence de la République, après une semaine de vétos croisés et d’enlisement politique : « Haute tension au sein des partis après le vote » - Meloni lance toujours des piques au centre droit ; une dure polémique sépare Conte et Di Maio au sein du M5S. Salvini décide de réunir l’Etat-major de son parti pour une réflexion « en profondeur » (Corriere della Sera), « M5S : Di Maio accuse Conte » - Une forte dispute agite le Mouvement sur les négociations autour du Quirinal, le ministre évoque un échec de la part du leader. Le centre droit est en miettes, climat tendu également au sein de la Ligue (La Repubblica), « Maintenant un parti républicain » - Le leader de la Ligue évoque une fédération des partis du centre droit (Il Giornale). Le conseil des ministres d’aujourd’hui, devant décider de nouvelles mesures anti-pandémiques et économiques, est également cité « Draghi : un premier « non » à Salvini » - Le premier conseil des ministres se tiendra aujourd’hui. Draghi évoque des aides pour contrer la hausse des prix de l’énergie mais sans les 30 milliards demandés par la Ligue (La Stampa), « Le gouvernement fait pression sur les réformes » - Une accélération sur le Plan de relance est prévue après le vote du Quirinal de samedi (Il Messaggero).
Les JT couvrent essentiellement la réélection de Mattarella, les tensions entre Giuseppe Conte et Luigi Di Maio au sein du M5S, les déclarations de Meloni sur la nécessité de refonder le centre-droit, le conseil des ministres d’aujourd’hui au sujet de nouvelles mesures anti-covid, les élections au Portugal, et le festival de la musique italienne de Sanremo qui se tiendra du 1er au 5 février.
Sur Twitter, la réélection du Président S. Mattarella domine. Ce sont ainsi les hashtags comme #Salvini et #Renzi qui font tendance, concernant leur stratégie pendant les négociations de ces derniers jours.
COMMENTAIRE, La Repubblica, S. Folli « A la croisée des chemins, entre réformes et urgence » : « Plus qu’une paralysie, il est possible de parler de décombres, désormais. Raison pour laquelle le rôle du Président de la République est toujours celui de garant, mais cette fois-ci dans des termes presque dramatiques. Garantir l’équilibre démocratique demeure crucial et cela impose un engagement de plus en plus important. On demande indirectement à Mattarella de combler les limites des partis politiques, voire leur inconsistance, et de protéger également le gouvernement de large coalition, en en favorisant le succès. Le fait que les partis soient affaiblis et enlisés peut en quelque sorte aider le Président dans son action. Toutefois, un excès de faiblesse des partis pourrait produire un court-circuit pouvant même rendre inutile cette « garantie ». Par rapport à la réélection de G. Napolitano, cette fois-ci c’est un Parlement autogéré qui a pratiquement imposé la solution Mattarella. Les partis n’ont fait que saisir cette bouée de sauvetage. Cette situation offre au Quirinal, si ce dernier voudra bien s’en servir, un pouvoir inédit de pression sur le système politique à demi-asphyxié. Il faut maintenant vérifier si ce duo Mattarella-Draghi parviendra ou pas à tenir debout et surtout à travailler. L’aspect « technique », dont le Président du Conseil est le représentant le plus prestigieux, peut aussi revêtir un profil davantage politique et agir en harmonie avec le Chef de l’Etat. Il s’agit donc de voir comment Draghi pourra imposer ses règles sur la fragilité des partis (il suffit de voir le règlement de comptes en cours au sein du M5S et de la Ligue). Or, l’absence d’une vision politique censée tenir uni le gouvernement pourrait favoriser le maintien d’une logique de l’urgence. A suivre. »
COULISSES, La Repubblica, T. Ciriaco « Ni vétos ni remaniement : Draghi veut désamorcer le piège de Salvini » : « Le premier pas a été celui de refaire le point sur les derniers trois mois, dépensés dans le projet (échoué) du Quirinal. Le deuxième sera celui de montrer concrètement ce qu’il veut dire quand il parle de relancer son gouvernement. Draghi n’acceptera pas d’échouer et encore moins de jouer les médiateurs. Il veut reprendre en main l’agenda avec ce raisonnement : dans tous les partis de majorité il existe un courant en faveur du maintien de l’exécutif. C’est sur cela qu’il se basera. Le bouclier que lui offre Mattarella semble lui assurer son maintien à la Présidence du Conseil jusqu’à la fin de la mandature. Draghi se concentrera sur les urgences économique, sociale et sanitaire. Mais sur la méthode, il faudra avancer avec précaution car certains leaderships pourraient tomber entretemps. Il y a aussi un autre aspect à voir : la dynamique entre les ministres qui défendent Draghi et ceux qui ont tenté de lui faire un croche-pied. La Ligue semble devoir se fissurer d’un moment à l’autre. Il y a une bataille entre le chef et ses ministres, avec des répercussions possibles sur le gouvernement. Draghi ne peut pas intervenir directement, même s’il bénéficie d’un rapport privilégié avec Giancarlo Giorgetti. Ce dernier n’a pas donné sa démission uniquement pour ne pas affaiblir le gouvernement mais il est las de se voir régulièrement démenti par son chef. Salvini jouera la surenchère, il tentera d’obtenir un maximum quitte à briser l’équilibre du gouvernement. Isolé au sein de son parti (les présidents des régions étant tous contre lui) Salvini prépare une campagne électorale avec un pied déjà en dehors de la majorité. Si la Ligue vacille, le PD et Forza Italia promettent leur soutien à Draghi. La bataille qui se joue à l’intérieur du M5S inquiète elle aussi. L’attention du gouvernement est concentrée sur le Plan de relance. Draghi en fait une question d’honneur. Il veut faire respecter les engagements pris et rassurer Bruxelles au moment où commence le défi de la réforme du Pacte de Stabilité. Le prochain Conseil européen est fixé pour mars et la présidence tournante française veut entamer les pourparlers. Puis il y a le dossier des retraites, quitte à devoir revoir les bonus écologiques, malgré l’opposition du M5S. Et la pandémie, bien sûr, et comprendre quel sera le destin du pass sanitaire et les règles concernant la quarantaine. »
ARTICLE, Corriere della Sera, d’Antonio Polito, « Le ‘Grand Centre’ travaille déjà à une nouvelle loi électorale » : « Le ‘Grand Centre’ n’est désormais plus un simple projet mais une obligation. Le bras de fer avec les populistes (Salvini, Meloni et Conte) sur la candidature de Belloni, remporté grâce à la convergence des forces centristes au sens large (Forza Italia, les modérés de centre-droit, Italia Viva et les modérés du Parti démocrate), a été décisif. Mais ce qui manque encore à ce nouveau rassemblement politique des forces du centre, c’est un leader. Renzi est clairement le meilleur mais il est encore trop impopulaire. Marta Carfagna et Pier Ferdinando Casini sont d’autres ‘champions’ potentiels mais ne semblent pas décidés pour le moment. Et pourtant, en attendant, certains se mettent au travail. A la cérémonie d’investiture de Sergio Mattarella, Renzi et Toti ont engagé les discussions sur la loi électorale, question qui du reste était en filigrane de toutes les négociations pour l’élection du nouveau Président de la République. A ce stade, les coalitions sont jugées dépassées car plus personne ne se fie aux alliés d’avant. Certainement pas Giorgia Meloni, qui commence à envisager elle aussi une réforme électorale. Suite à la réélection de Mattarella, la leader de Fratelli d’Italia s’est sentie profondément trahie par Salvini et la nomenklatura de Forza Italia et aurait déclaré ne plus vouloir s’allier avec eux. Or elle peut se permettre de miser sur la proportionnelle puisqu’elle représente la seule force d’opposition et peut donc atteindre les 20%. La nouvelle loi électorale semble donc être devenue une nécessité pour tous, y compris Letta qui n’a pas grand-chose à tirer de la coalition avec Conte, mais galvanise surtout les centristes. Leurs experts pensent notamment au système ‘à l’allemande’, avec un seuil de représentativité à 5%. Le seuil ne doit pas être trop bas, le but étant d’encourager les alliances. La proportionnelle favorise également les partis sans véritables leaders et donc sans candidat pour la présidence du Conseil. Renzi a été habile dans ces élections, donnant tort à ceux qui pensaient qu’il se vendrait au plus offrant. Mais sur le système électoral, il n’est pas totalement convaincu par la proportionnelle, cela risquerait de polariser fortement les alliances aux extrêmes et il resterait très peu de sièges au centre. S’il voit réellement le jour, ce ‘Grand centre’ ne pourra pas être une simple somme par intérêt, il lui faudra une vraie identité. Finalement, même dans le système majoritaire français les partis se présentent seuls au premier tour. Ce besoin d’identité de toutes les forces politiques est donc peut-être la clef pour redonner de la dignité à un pan de l’échiquier politique qui a prouvé qu’il existait et qui pense pouvoir hériter d’une partie de l’électorat de Berlusconi. »
Giorgia Meloni : « L’élection immédiate et l’élection directe du chef de l’État sont l’unique solution responsable. »
PREMIER PLAN, Repubblica, de M. Favale, « La guerre éclate au sein du M5S. Conte attaque Di Maio : ‘’il répondra aux inscrits.’’ » : « Le parti le plus frappé par les tensions de la semaine dernière est bien le M5S. Entre négociations exténuantes, suspicions de trahisons et demandes d’une plus grande clarté politique, les divisions entre Conte et Di Maio se sont définitivement affirmées. C’est notamment au sujet d’Elisabetta Belloni que l'affrontement est arrivé à son comble. Alors que les fidèles du ministre des Affaires étrangères le défendent des accusations d’avoir brûlé le nom de Bellini, la presse proche du M5S accuse Di Maio en le qualifiant de ‘’Renzi des 5 étoiles.’’. Di Battista aussi se range du côté de Conte qui le remercie du soutien apporté : ‘’Di Battista est une figure historique du M5S, pouvoir entamer un dialogue avec lui serait un plaisir’’. Pour l’instant, la ligne politique du M5S reste inchangée. ‘’L’axe avec le PD’’ reste bien stable et ‘’mes rapports avec Letta sont toujours excellents’’ s'empresse d'assurer Conte. »
ENTRETIEN, La Verità, de Giorgia Meloni, leader de Fratelli d’Italia, « Le Parlement est l’esclave de la Présidence de la République » : « [La réélection de Sergio Mattarella et la confirmation de Mario Draghi à la Présidence du Conseil] ne sont pas un bon résultat pour l’Italie. Les forces de la majorité ont passé une semaine à perdre leur temps avant de se replier par défaut sur Mattarella. Tout le monde en sort affaibli, sauf Fratelli d’Italia qui apparait une nouvelle fois comme le seul parti resté cohérent tout du long, pour donner à l’Italie un Président patriote et impartial, qui ne soit pas marqué à gauche. Il me semble que cette défaite a de nombreux responsables, y compris le centre-droit, qui n’a pas souhaité présenter un candidat à soi dans cette élection. Le peuple de centre-droit continue d’exister, il grandit même, mais certains des partis qui devraient le représenter ont renoncé à le faire. Forza Italia doit choisir entre apporter quelque chose au centre-droit ou avoir un rapport privilégié avec le centre-gauche, mais les deux sont incompatibles. Forza Italia a peu cru en soi durant ces élections, affaiblissant la coalition de centre-droit. Draghi et le gouvernement sortent renforcés de cette énième démonstration de faiblesse, au détriment des forces de la majorité. Les partis de la majorité ont remis notre démocratie entre les mains de Draghi et Mattarella. Pour notre part, nous continuerons à jouer notre rôle d’opposition patriotique et libre face à un gouvernement qui n’agit pas bien selon nous. La principale motivation des partis à réélire Mattarella était de préserver la législature en cours, mais nous continuerons à nous battre pour y mettre fin avant 2023 car elle ne représente plus les citoyens. Nous serons en première ligne pour défendre une élection du Président de la République au suffrage direct, par les Italiens. Le centre-droit est majoritaire en Italie et, malgré tout, le centre-gauche parvient à maintenir le pouvoir grâce à des subterfuges et des intrigues des hautes sphères dont les Italiens se retrouvent prisonniers. Nous sommes la seule force politique véritablement libre. »
ENTRETIEN, Corriere della sera, d’Antonio Tajani, « Salvini comme leader du centre-doit ? Non, c’est toujours Berlusconi.» : « Laissons tomber les résultats. Le plus important est que le gouvernement continue de travailler pour mener à bien les réformes nécessaires pour accéder aux fonds du PNRR. Nous aurions souhaité que le prochain Président de la République provienne du centre-droit, mais lorsque Silvio Berlusconi a retiré sa candidature, notre principale demande a été d’élire un président politique. Draghi, Belloni ou Cartabia sont des personnes tout à fait capables et respectables, mais on ne peut pas déléguer la politique à des personnalités techniques. Comme nous n’avons pas trouvé d’entente sur une figure intermédiaire telle que Casini, il a été raisonnable de s’adresser à nouveau à Mattarella. Nous avons été très clairs avec nos alliés Salvini et Meloni en définissant notre position. Cela dit, chacun fait ses propres choix en autonomie. Concernant le centre-droit, il y a un seul fondateur et il s’appelle Silvio Berlusconi. Cependant, si le système électoral ne change pas, les coalitions aussi resteront les mêmes. Dans le cadre d’une majorité Ursula, nous n’excluons pas de regarder du côté de démocrates modérés, notamment du côté d’Italia Viva avec qui nous partageons la même vision sur certains thèmes. Mais nous sommes le centre-droit. Nous le sommes en tant que Forza Italia, un parti autonome destiné à être de plus un peu meneur et sur le devant de la scène. »
ENTRETIEN, Corriere della sera, de Matteo Renzi, « Le Président du Conseil doit repartir plus fort qu’avant. Avec Enrico Letta, nous avons partagé la même ligne. » : « Mattarella n’était pas mon premier choix. Cependant, je me suis inquiété lorsque j’ai vu les leaders politiques, comme Salvini, proposer des candidats au hasard, allant de diplomates à des professeurs sans aucune logique institutionnelle. C’est alors que j’ai pensé qu’il était mieux de forcer un deuxième mandat de Mattarella plutôt que regretter pendant sept ans un choix inconscient. Une autre grande nouveauté de cette dernière semaine a été le retour du couple Salvini-Conte qui a proposé deux noms autour desquels nous ne pouvions pas nous rassembler : à l’heure des tensions entre la Russie et l’Occident, Frattini ne pouvait certainement pas être élu en raison de ses rapports avec Moscou. Quant à Belloni, son élection aurait représenté un sacré coup pour les institutions de ce pays. Je me suis rapproché d'Enrico Letta lorsqu’il a compris que je n’aurais jamais accepté que Casellati soit élue. Avec FI qui s’est dissocié du centre-droit, on peut dire que ce dernier n’existe plus. De même, des mois compliqués s'annoncent pour le M5S. La confirmation de Draghi et Mattarella apportera de la stabilité pour le pays. Enfin, je continue de défendre une élection directe du Président de la République et le pitoyable spectacle de ces derniers jours ne fait que confirmer cette urgence. Mais nous en reparlerons au cours de la législature 2023-2028 ».
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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