"L’inconnue Meloni dans le centre-droit."
23/03/2021
Italie. Revue de presse.
L’accélération du plan de vaccination par le gouvernement Draghi, avec l'annonce de l’arrivée d’environ un million de doses du vaccin Pfizer et la mise en place d’une plateforme nationale pour les réservations, fait la Une des quotidiens italiens. « Vaccins : le rappel fait aux régions » - Draghi invite les présidents de région à respecter les consignes nationales (Corriere della Sera), « Vaccins, les régions en retard, une plateforme unique pour les réservations » - Merkel soutient Draghi pour renforcer les achats de la part de l’UE (La Repubblica), « Vaccins, naissance de la plateforme unique » - Draghi décide de confier à la Poste la gestion des réservations après les loupés des régions (La Stampa), « Covid, le gouvernement accélère sur les vaccins » - 4,5 millions de doses d’ici la fin du mois (Sole 24 Ore), « Un million de vaccins aux régions » - Le gouvernement accélère la campagne d’immunisation (Il Messaggero), « Salvini sauve l’homme du désastre lombard » - Fontana se sépare de la direction de la société Aria mais sauve l’Administrateur léguiste (Il Fatto Quotidiano), « Chaos sur le vaccin » - Révolution en Lombardie, les dirigeants d’Aria licenciés (Il Giornale).
ARTICLE, Sole 24 Ore, « Draghi-Letta, convergences de vues sur l’agenda économique » : « L'Europe, les vaccins, les politiques économiques de relance, la méthode de dialogue entre le gouvernement et les partis qui le soutiennent. Un peu plus d'une semaine après sa désignation comme secrétaire du Parti démocrate, Enrico Letta a franchi le seuil du Palais Chigi sept ans après son départ de celui-ci pour rencontrer son dernier "successeur", Mario Draghi. Il ne pouvait en être autrement, après que, dans son discours d'investiture, il ait soutenu l'agenda de Draghi en le présentant comme proche de celui du PD ("c'est quelqu'un d'autre - avait-il dit en se référant au leader de la Ligue, Matteo Salvini - qui a peut-être des problèmes avec un agenda pro-européen"). Bien sûr, le Premier ministre n'a probablement pas apprécié les piques entre Letta et Salvini ces derniers jours, sur le droit du sol ou l'amnistie fiscale, mais pour le premier ministre, l’effritement de l’alliance entre M5S et PD serait plus dangereux encore que ces passes d’armes. Le fait que Letta ait repris en main le parti le plus pro-européen de la majorité en prenant un tournant clairement réformiste ne peut que rassurer Draghi. Parce qu'un PD bien en vie ramène le point d’équilibre du gouvernement au centre, en atténuant le poids de la Ligue qui avait profité de l’affaiblissement ces dernières semaines du M5S, du PD et des divisions au sein de Forza Italia. L'insistance de Letta sur certaines questions identitaires telles que le droit du sol sert davantage à marquer son territoire en vue des élections municipales. Mais sur l'agenda économique, il y a un accord total entre Draghi et le parti démocrate, et cela ne peut être que positif pour l'action gouvernementale. Investissement, jeunesse, innovation. Et aussi la consultation des partenaires sociaux. Ce n'est pas un hasard si hier Letta a rencontré, juste après le leader de la CGIL Maurizio Landini, le nouveau chef du CISL Luigi Sbarra. Une première rencontre entre Letta et Conte devrait aussi avoir lieu demain, et il est clair que le premier se présentera avec une maison plus solide (que ne l’est celle des M5S). Et avec l'ambition claire de dicter l'agenda, et donc aussi de pouvoir prétendre plus naturellement au poste de premier ministre de la future coalition. Au-delà des 5 étoiles, il tentera d'inclure tout le spectre qui va des libéraux-démocrates (Action de Carlo Calenda, les radicaux de Più Europa et aussi Italia Viva) à la gauche de Leu. Un travail difficile, mais qui semble déjà récompensé par les électeurs selon les premiers sondages sur le PD de l’ère post-Zingaretti. »
COMMENTAIRE, La Repubblica, par S. Folli « L’inconnue Meloni dans le centre-droit » : « Les sondages continuent de récompenser l’opposition de droite de Giorgia Meloni, créditée de 17,6 % des intentions de vote. Soit juste derrière le Parti démocrate d’Enrico Letta. En comptant les trois partis du centre droit (Ligue, Fratelli d’Italia, Forza Italia), les scores dépassent les 50% des intentions de vote, ce qui confirme la tendance de ces dernières années. Toutefois, la décision de Meloni de dire ‘’non’’ à Draghi n’a pas seulement divisé le centre droit, mais a également mis en lumière les tensions qui couvent sous les relations politiques et personnelles. La rivalité entre Salvini et la jeune dirigeante de Fratelli d’Italia est désormais évidente et elle est destinée à se renforcer, surtout si l’on observe l’écart de 6 points entre les deux partis. La question est donc la suivante : que fera Meloni de ce crédit qui lui est porté et qui frôle les 20% des électeurs ? Cette question représente une inconnue aussi pour Meloni, sans doute. Si elle met l’accent sur ‘’sa’’ cohérence, il est paradoxal qu’un parti qui se veut souverainiste soit en train de perdre le contact avec ce qui est en train de changer en Europe. L’Italie de Draghi risque de jouer un rôle de premier plan dans une phase où l’ancienne UE pourrait en sortir transformée. La Ligue de Salvini mise sur le succès de Draghi alors que Meloni ne peut que souhaiter son échec. Mais cet échec représenterait aussi un désastre économique et social sans précédent. Voici pourquoi plusieurs personnalités, dont l’économiste Giulio Sapelli, sont en train de considérer l’opposition de Fratelli d’Italia comme une erreur. Ce n’est pas un hasard si les trois partis de centre droit n’ont pas encore trouvé une entente sur les candidats en vue des élections dans les grandes villes ».
ENTRETIEN, La Repubblica, d’Enrico Letta, nouveau dirigeant du Parti démocrate « ‘’C’est inouï d’avoir une direction composée uniquement d’hommes. Il faut faire équipe » : « ‘’Pour la nomination des chefs de groupe du PD à la Chambre et au Sénat, j’ai voulu soulever un problème qui existe en Italie. Quand j’ai soulevé la question de la présence féminine au sein du PD, il y a toute une série de critiques qui ont été opposées, certains m’accusant même de le faire pour mes propres intérêts ou par ruse. Or, en Europe, l’équilibre des genres est une condition préalable. Un modèle face auquel un parti comme le nôtre, qui n’est composé que d’hommes aux postes de direction, de la direction elle-même aux chefs de groupe ou aux présidents des régions, n’est pas en ligne avec le reste du monde. La solution des quotas n’est pas suffisante. Le problème est que, dans le PD, le processus de sélection est fondé sur la force. Si je regarde la gauche en Europe, les personnalités les plus intéressantes sont des femmes, telles que la maire de Paris Anne Hidalgo en France et les ministres Arancha Gonzalez et Teresa Ribera en Espagne. Nous devons jouer notre rôle en ayant à disposition à la fois des hommes et des femmes. Je suis sûr que les groupes choisiront sur la base d’une sélection et en votant pour des femmes de qualité. J’en connais plusieurs mais qui se trouvent en arrière-plan car le système est organisé autour de dynamiques qui les pénalisent. Je crois aussi qu’un parti qui se veut progressiste, mais qui a principalement pour électeurs des personnes âgées, ne fera pas long feu. D’où la nécessité d’intéresser les jeunes à la politique et de répondre à leurs problèmes. J’ai vécu ces dernières années en France, un pays qui a inversé la tendance de l’hiver démographique, car il a investi pour cela. La France a compris que les hommes et les femmes sont différents et ces dernières doivent être accompagnées dans leur parcours professionnel’’. »
ENTRETIEN, Corriere della Sera, de Giorgia Meloni, dirigeante de Fratelli d’Italia « ‘’Je ne vois pas de progrès’’» : « ‘’A part quelques noms qui ont changé, il n’y a pas de rupture entre ce gouvernement et le précédent. Ce n’est pas moi qui critique les choix de cet exécutif mais les Italiens. Mon approche n’est pas dure. Quand j’ai été d’accord, je n’ai pas eu de problème à le dire. Et puis je ne veux pas faire de polémiques avec mes alliés. Car je suis sûre qu’après cette parenthèse, nous nous retrouverons ensemble pour gouverner ce pays. Tant mieux si nous parvenons à faire un axe, la Ligue et Fratelli d’Italia. Eux avec les difficultés inévitables à soutenir un gouvernement et nous à l’opposition avec la liberté de pouvoir faire pression. Fratelli d’Italia a obtenu plusieurs choses, comme la possibilité que les pharmaciens puissent administrer les vaccins ou la priorité donnée aux personnes handicapées. Mais sur d’autres points il n’y a pas eu de progrès, comme le refus de notre idée de faire basculer les 5 milliards du Cashback, initiative de propagande de gauche, vers les entreprises. Pourtant c’était une requête de tout le centre droit. Il y a encore de l’argent pour le revenu de citoyenneté, ce qui représente une continuité absolue avec le gouvernement précédent. On continue de procéder par des classements de régions entières en zones rouges et à fermer de manière injustifiée les salles de gym et les restaurants ou à ne pas augmenter la capacité de jauge des transports publics, et on constate encore l’impossibilité de vacciner à domicile. Fratelli d’Italia revendique la présidence du Copasir (Commission pour la sécurité de la République) : c’est une question de démocratie et de loi, c’est l’institution qui contrôle la façon dont le gouvernement agit sur les services de renseignement et ce n’est pas normal qu’un représentant de la majorité en soit à la tête. Je trouve très grave que les institutions se taisent : les présidents des Chambres mais aussi le Chef de l’Etat qui en est le garant. Ce que je pense de Letta ? Je l’ai appelé pour me féliciter de sa nomination à la tête du PD. Il y a un respect réciproque entre nous deux. Mais je ne cache pas que pour moi il représente le garant de l’establishment européen et qu’il n’est pas en rupture par rapport à la précédente direction du PD’’».
(Traduction : ambassade de France à Rome)
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