L’Autriche après les élections.
01/10/2008
Voici la traduction que j'ai réalisée d'un article (un interview) paru sur le site Internet du journal allemand sueddeutsche Zeitung.
La victoire pour le mythe Haider.
Comment est-ce que ça se passe en Autriche après la poussée nationaliste?
Le politologue et expert d’Haider, Anton Pelinka à propos de l’avenir de l’Autriche, du succès des droites et du paradoxe des élections.
Interview: W. Jaschensky
Anton Pelinka est professeur de science politique et d’étude du nationalisme à la Central European University à Budapest. De 2004 à 2006 il était le doyen de la faculté des sciences politiques et de sociologie de l’université d’Innsbruck. Pelinka réalise des recherches, entre autre, sur le thème du nationalisme et est auteur d’un livre sur Joerg Haider.
sueddeutsche.de: L’Autriche a lors des élections législatives glissé à droite. Presque 30% des électeurs ont choisi un parti nationaliste. Comment expliquer vous cela ?
Anton Pelinka: En Autriche règne un sentiment de peur de l’avenir que beaucoup perçoivent. …
sueddeutsche.de: La protestation contre la grande coalition a finalement profité aux nationalistes.
Pelinka: Juste. Il y avait d’autres possibilités pour les électeurs, mais elles n’ont pas fonctionné. Les écologistes stagnent et les libéraux ne seront pas représentés au parlement. Les nationalistes ont ramassé le vote de rejet. Cela en dit long sur la perception de la société autrichienne.
sueddeutsche.de: Est-ce que les Autrichiens sont plus nationalistes ou rejetent plus les étrangers, que les citoyens d’autres Etats européens.
Pelinka: Je suis prudent avec les généralisations. Mais il n’y a pas d’autres cas comparables en Europe.
sueddeutsche.de: Le parti de Jörg Haider, le Bündnis Zukunft Österreich atteint en tant que parti sans structure et presque sans programme 11% des voix. Est-ce que Haider est le seul responsable de ce succès ?
Pelinka: Je dirais fondamentalement: le mythe Haider. Le BZÖ est avant tout un phénomène de Carinthie. En dehors de la Carinthie et d’une partie du Steiermark, le BZÖ est un Petit parti. En Carinthie, Haider a sa forteresse et depuis la Carinthie, il peut influencer fortement la politique fédérale.
sueddeutsche.de: Est-ce que le parti va exister pour longtemps ou va-t-on vers une réunification du FPÖ et du BZÖ?
Pelinka: C’est une question fortement débattue. … Cela peut se faire sur le modèle de la CDU/CSU. Le FPÖ laisse au BZÖ la Carinthie. Et le FPÖ s’occupe des autres Länder.
sueddeutsche.de: Est-ce que c’est envisageable sous Strache et Haider ?
Pelinka: C’est aujourd’hui difficile à dire. La brouille entre les deux est un fait. Leurs volontés de pouvoir aussi.
sueddeutsche.de: …Qui vote pour le FPÖ?
Pelinka: Avant tout des hommes. Le FPÖ est le seul parti en Autriche qui obtient plus de votes des hommes que des femmes. Sinon, les électeurs du FPÖ sont en moyenne des gens qui ont fait peu d’étude. Le FPÖ est certainement un parti plus prolétaire que le parti social-démocrate. Ce n’est pas un phénomène qui existe seulement en Autriche. En France, le Front national est devenu très fortement un parti d’ouvrier, avant tout au détriment du Parti communiste. En Autriche, on observe la même évolution au détriment du parti social-démocrate. De plus, les électeurs du FPÖ sont en moyenne relativement jeunes. Les gens qui terminent leurs études et on peur de l’avenir. Ceux pour qui l’immigration est aussi un thème avec lequel on peut les mobiliser. Ils cristallisent leurs peurs.
sueddeutsche.de: … Comment peut-on affaiblir les nationalistes. Comme l’a fait l’ancien Chancelier Schlüssel , en les amenant au pouvoir ?...
Pelinka: Il n’y a certainement pas de recettes, mais on peut lancer une offensive politique qui va confronter les nationalistes directement avec des thèmes. Par exemple : l’Europe. Ici, l’ ÖVP et le SPÖ ne doivent pas éviter ces thèmes. En faisant cela ils laissent le champ libre aux nationalistes. Un autre thème est l’immigration. Ils doivent mener une politique d’immigration raisonnable à la place d’une immigration chaotique et anarchique
sueddeutsche.de: Le SPÖ perd massivement des voix, mais est en meilleure position que l’ÖVP. Les sociaux-démocrates ne vont-ils pas se sentir vainqueur ?
Pelinka: J’espère vraiment qu’ils ne vont pas faire cela. C’était déjà en 2006 le début des disputes. Les sociaux-démocrates sont dépendants de l’ ÖVP. C’est le paradoxe du vote. Le parti qui a perdu les élections, c’est le parti social-chrétien (conservateur) qui est au centre. Sans l’ÖVP, il n’y a pas de coalitions possibles. Ou ils décident d’aller dans la grande coalition, ou ils font comme Schüssel après les élections de 1999 et s’allient aux nationalistes. Le chef de l’ÖVP-Chef Wilhelm Molterer à fermement dit qu’il n’y aurait pas de coalition avec le FPÖ. L’ÖVP pourrait aller dans une coalition avec le FPÖ si Molterer part. (Ndlr : Molterer est parti).
sueddeutsche.de: Molterer devrait aussi s’en aller en cas de grande coalition.
Pelinka: Sans doutes. Mais pas à cause du SPÖ, mais parce qu’il est un président endommagé de parti, qu’il n’est plus possible de sauver.
sueddeutsche.de: Sinon, les électeurs vont se demander, avant tout, pourquoi l’ÖVP a appelé à de nouvelles élections.
Pelinka: Exactement.
sueddeutsche.de: Que doit faire la grande coalition pour ne pas rester en plan comme l’autre fois?
Pelinka: Elle a besoin de nouveaux visages aussi avec de nouvelles fonctions. Les ministères ne doivent pas toujours rester la propriété d’un même parti… Ce serait un signal montrant qu’on veut changer les choses. La deuxième serait un programme de gouvernement dont l’objectif ne serait pas seulement d’éviter le succès des autres partis.
sueddeutsche.de: Qui sera le nouveau chancelier fédéral d’Autriche?
Pelinka: Faymann – ou quelqu’un d’autre. Pas Molterer.
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